"Caute"

Questions et débats d'ordre théorique sur les principes de l'éthique et de la politique spinozistes. On pourra aborder ici aussi les questions possibles sur une esthétique spinozienne.
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Boblivres
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"Caute"

Messagepar Boblivres » 12 janv. 2005, 12:27

Bonjour,

Je me demande ce que signifie exactement la devise de Spinoza "caute". Certains traduisent par "dérobe toi", d'autres par "méfiance" ou "méfie toi". Peut-on m'aider svp!

Merci :lol:

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Faun
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Messagepar Faun » 12 janv. 2005, 18:51

Je crois que "Prudence" convient mieux comme traduction, la méfiance semblant impliquer la crainte, or la crainte selon Spinoza est non seulement une passion, mais une passion triste, donc à éviter autant que faire se peut.

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Calvin
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Messagepar Calvin » 12 janv. 2005, 19:06

Si c'est une passion triste, pourquoi il en aurait fait sa devise ?

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FabriceZ
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Caute

Messagepar FabriceZ » 13 janv. 2005, 00:51

Bonjour,

Sur le sens de la devise de Spinoza "Caute" je vous conseille la lecture du petit ouvrage de Chantal Jaquet Spinoza ou la prudence chez Quintette, collection Philosopher.

Fabrice
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Henrique
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Messagepar Henrique » 16 janv. 2005, 13:07

Pour répondre à Calvin : évidemment que si la méfiance est une passion triste, Spinoza n'en a pas fait sa devise. C'est pourquoi Faun disait avec raison que la traduction de caute devait être "prudence" plutôt que méfiance.

Pour répondre plus complètement à Boblivres et en partie peut-être d'après mes souvenirs du bon petit livre de Chantal Jaquet la devise de Spinoza peut permettre d'éclairer tout son système qui avant tout se fonde sur une attitude éthique de vigilance vis-à-vis de ce qui est mauvais, de l'erreur et de ce qui la fonde : l'incomplétude des idées et leur mélange avec des imaginations. D'ailleurs, je préférerais à la limite "vigilance !" à prudence pour traduire "caute".

En français, on retrouve l'idée de "précaution", d'où la notion de prudence ou de vigilance. S'agit-il de vivre dans la crainte d'un danger menaçant ? Non, pas nécessairement, on peut très bien trouver une joie active dans l'exercice de la vigilance comme présence à soi de l'esprit. Quand je fais attention à la rigueur de mes propos, ce n'est pas nécessairement par crainte d'être pris au dépourvu par mes lecteurs, cela peut être aussi parce qu'il y a un plaisir à être pleinement présent dans ce qu'on dit.

De même en jouant aux échecs, la vigilance à ses propres combinaisons de jeu peut être acquise au début par crainte de perdre, mais on ne devient bon à ce jeu que lorsqu'au delà de la peur on s'est rendu capable de trouver du plaisir à jouer le plus intelligemment possible, lorsqu'on s'est "pris au jeu" comme on dit, lorsqu'on s'est rendu capable d'être entièrement présent à la complexité de la partie, sans se laisser distraire par l'aspect émotionnel de l'échec ou de la victoire à venir. Autrement, si c'est toujours la peur qui commande, le mental reste rigidement accroché à l'objectif de ne pas perdre et demeure donc incapable d'être suffisamment attentif à la situation présente. D'autre part, si la peur, qui est un sentiment désagréable, domine le joueur, celui-ci aura naturellement tendance à fuir autant qu'il est en lui ce qui lui disconvient et donc il ne développera pas ses éventuelles qualités en ce domaine.

Ainsi, le traité de l'amendement de l'intellect peut se comprendre comme une pratique de la vigilance vis-à-vis de nos propres idées, apprenant à faire le tri entre celles qui viennent de l'intellect seul et celles qui viennent de l'imagination ou de la mémoire.

L'Ethique apprend à être présent à sa propre puissance de penser et d'agir, à trouver dans le désir insatiable l'expression positive de la puissance infinie d'exister de la nature, non comme manque mais comme puissance d'être affecté. Cette présence d'esprit, qui est au delà de la mémoire et de l'imagination, capable de comprendre le passé comme encore présent et l'avenir comme déjà présent, c'est justement l'éternité même.

Dans la philosophie politique, il s'agit enfin d'apprendre à être attentif à ses contemporains et aux problèmes de la vie collective, sachant que ces problèmes ne sont pas, comme Spinoza le dit au début du TP, une occasion de se moquer ou de s'affliger des autres, mais une occasion de comprendre, autrement dit d'augmenter sa puissance de penser, c'est-à-dire de se réjouir.

Henrique

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Boblivres
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Merci!

Messagepar Boblivres » 17 janv. 2005, 10:18

Merci pour toutes ces réflexions toutes trés enrichissantes!

Armés de vos remarques, je vais aller voir le livre sur "la prudence de Spinoza"...

A bientôt! :D


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