Biotechnologie - transformation de la nature

Questions et débats d'ordre théorique sur les principes de l'éthique et de la politique spinozistes. On pourra aborder ici aussi les questions possibles sur une esthétique spinozienne.
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baluz
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Messagepar baluz » 06 nov. 2002, 17:23

D'une part, comprenant que, selon Spinoza, la rationalité est l'expression de la nature humaine, et, qu'il convient d'agir selon la nature, la science moderne qui intervient au coeur même de la nature serait justifiable? Par exemple, la transgenèse. D'autre part, selon Spinoza, il est dand la nature humaine de vouloir transcender sa propre réalité. Pouvons-nous en déduire que Spinoza reconnaîtrait aux scientifiques la légitimité de transformer la nature en soi, tout autant que la nature humaine?

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infernus
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Messagepar infernus » 07 nov. 2002, 09:53

Je ne pense pas qu'il faille dissocier une nature humaine d'une nature 'grand tout'. Aussi je pense que pour Spinoza, les scientifiques d'aujourd'hui, neurobiologistes, biochimistes et autres, sont une partie du tout et font donc partie de la nature. Il est dans la nature des choses que l'homme developpe un savoir scientifique lui permettant d'explorer la vie biologique et psychique. Spinoza ne pense pas l'opposition nature/ hominisation. L'homme ne serait pas cette forme de vie capable de devier du chemin de la nature pour s'engouffrer dans un chaos destructeur. Meme si dans l'affrontement de toutes les forces issues de l'etre humain, certaines peuvent etre concues 'contre nature', la vie dans son unité continue d'etre maîtresse de la necessité des choses. [size=50][ Edité par infernus Le 07 November 2002 ][/size]

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bardamu
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Messagepar bardamu » 11 nov. 2002, 22:51

Pour aller dans le sens d'Infernus, un extrait de l'Ethique, préface Livre III :

''Quand on lit la plupart des philosophes qui ont traité des passions et de la conduite des hommes, on dirait qu'il n'a pas été question pour eux de choses naturelles, réglées par les lois générales de l'univers, mais de choses placées hors du domaine de la nature. Ils ont l'air de considérer l'homme dans la nature comme un empire dans un autre empire. A les en croire, l'homme trouble l'ordre de l'univers bien plus qu'il n'en fait partie ; il a sur ses actions un pouvoir absolu et ses déterminations ne relèvent que de lui-même. S'il s'agit d'expliquer l'impuissance et l'inconstance de l'homme, ils n'en trouvent point la cause dans la puissance de la nature universelle, mais dans je ne sais quel vice de la nature humaine ; de là ces plaintes sur notre condition, ces moqueries, ces mépris, et plus souvent encore cette haine contre les hommes ; de là vient aussi que le plus habile ou le plus éloquent à confondre l'impuissance de l'âme humaine passe pour un homme divin. ''

On peut trouver un aperçu de ce qu'est une nature d'espèce (humaine, animale) dans E 3, 57 :

''Il suit de là que les passions des animaux que nous appelons privés de raison (car nous ne pouvons, connaissant l'origine de l'âme, refuser aux bêtes le sentiment) doivent différer des passions des hommes autant que leur nature diffère de la nature humaine. Le cheval et l'homme obéissent tous deux à l'appétit de la génération, mais chez celui-là, l'appétit est tout animal ; chez celui-ci, il a le caractère d'un penchant humain. De même, il doit y avoir de la différence entre les penchants et les appétits des insectes, et ceux des poissons, des oiseaux. ''

Plus qu'une distinction d'essence fixe dans un style platonicien, déterminé par la ressemblance formelle des corps, l'espèce se définirait par une communauté d'affect, un comportement.
En cela, comme dit Deleuze dans un de ses cours, le cheval de trait est plus proche du boeuf que du cheval de course.
Dans ce cadre, ma réflexion m'a amené à penser que pour Spinoza on est humain par cooptation de proche en proche, d'humain à humain sans qu'il y ai de critère fixe à la distinction. Lorsqu'on dit qu'un homme est un monstre, ce n'est pas tout à fait de la métaphore et cela se vérifie par le comportement qu'ont la plupart des hommes face à celui qu'ils considèrent comme monstrueux : les principes sont vites oubliés, le lynchage n'est pas loin...

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Alex
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Messagepar Alex » 31 janv. 2003, 17:49

Je suis nouveau sur le site et je ne suis pas philosophe de formation, mais d'après ce que j'ai lu de Spinoza, je dirais qu'il faut se garder de légitimer quoi que ce soit en son nom. Peut-être que les recherches des savants ont une légitimité puisqu'ils font partie de la nature, mais c'est aussi le cas de ceux qui sont contre la recherche scientifique... Il n'est pas dans la nature de l'homme de faire quelque chose plutôt qu'un autre. Chaque homme agit en fonction de ce qu'il imagine être dans son intérêt. Certains pensent que l'intérêt de l'humanité réside dans les biotechnologies, d'autres pensent le contraire. Ce n'est pas parce qu'il évacue les concepts de Bien et de Mal qu'il prône une morale de l'acquiescement. Si l'on se penche sur le titre de son principal ouvrage (l'Ethique) ou même sur son mode de vie (plutôt austère, mais sans ascèse), on peut supposer qu'il préfèrerait ceux qui cherchent à améliorer la vie des hommes dans leur vie sociale et mentale, plutôt que ceux qui construisent une vie de plus en plus sophistiquée, en pensant que le bonheur réside dans le niveau de progrès scientifique. La recherche biologique a sa légitimité naturelle, mais cela ne nous dit rien sur sa légitimité sociale, sur la société que les citoyens veulent se donner.
En revanche, j'aurais une question à propos du lien entre les théories de Spinoza sur la nécessité (conatus = nécessité interne + passions extérieures) et ce que l'on sait de nos jours sur la génétique (caractère = déterminisme génétique + influence du milieu, de l'éducation, etc...). Je me demande si les théories de Spinoza ne seraient pas les seules qui ne seraient pas invalidées par les découvertes scientifiques modernes, à l'inverse du dualisme platonicien ou cartésien). Merci aux plus informés de me répondre.

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bardamu
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Messagepar bardamu » 03 févr. 2003, 15:41

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La recherche biologique a sa légitimité naturelle, mais cela ne nous dit rien sur sa légitimité sociale, sur la société que les citoyens veulent se donner.
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Une société a son éthique par le mépris de l'individuel, sa morale est l'éthique dominante qui empêche certaines éthiques minoritaires et contraires de s'exprimer.
Je crois que pour Spinoza, une bonne morale publique, une bonne politique est celle qui laisse s'exprimer au mieux les éthiques minoritaires. Tolérance à la subversion, la ''perversion'' ?
Et puis l'opinion, comme il dit, c'est le plus bas niveau de connaissance. ''Je veux ceci !'' et l'autre qui répond ''Non, moi je veux cela !'', ce n'est pas de l'ordre de la raison.
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En revanche, j'aurais une question à propos du lien entre les théories de Spinoza sur la nécessité (conatus = nécessité interne + passions extérieures) et ce que l'on sait de nos jours sur la génétique (caractère = déterminisme génétique + influence du milieu, de l'éducation, etc...). Je me demande si les théories de Spinoza ne seraient pas les seules qui ne seraient pas invalidées par les découvertes scientifiques modernes, à l'inverse du dualisme platonicien ou cartésien).
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Pour Spinoza on peut tout considérer du point de vue du corps (attribut Etendue) et du mental (attribut Pensée). Les biologistes ne considèrent que le corps, les psycho-sociologues que le mental et les psychiatres jonglent avec les deux.

Je dirais que Descartes ou Platon, loin d'être dualistes sont des monistes frustrés. Ils tentent de réduire la diversité à l'Un.
Spinoza garde la diversité, le multiple, il y a toujours une infinité irréductible de choses pour l'homme.
Spinoza dit quelque part qu'il s'occupe dans l'éthique de la santé de la mentalité (traduction de ''mens'') et que la médecine a à s'occuper de celle du corps. C'est ce que font les sciences actuelles.
Dès que l'une tente de réduire l'autre à ce qu'elle est, on tombe vers le platonisme et les idées de principe unique, total, totalitaire. C'est par exemple le biologiste qui dit que la psychanalyse c'est du pipeau, et les psychologues qui soutient que l'autisme est avant tout d'origine psychologique (j'espère qu'ils ne le disent plus trop...) ou la psychanalyse classique et son oedipe qui se veut universel.
Le domaine scientifique est mutliple, pluraliste, mais les scientifiques ont souvent la tendance moniste, chacun pour sa spécialité.
Le pire est peut-être ceux qui tentent la synthèse en prenant le vocabulaire de l'un dans le domaine de l'autre comme la ''chimie de l'amour'' de certains neurobiologistes médiatiques qui nous traduisent les émotions en neurotransmetteurs. Dans ce cas, on fait une réduction par le moyen terme, une bouillie qui se veut souvent humaniste et qui perd la force des sciences du corps et celles des sciences du mental.
En ce moment, notre ministre de la santé invente le ''crime contre l'espèce'' ce qui signifierait que le point de vue corporel l'emporte. L'humain serait défini par les catégories des biologistes : famille, genre, espèce et autrefois, race. Pour ma part, je considère qu'on est là dans la vision ''biologisante'' utilisée à son maximum d'intensité par le nazisme.

Ceci dit, je considère qu'une philosophie conséquente ne peut être invalidée par les sciences expérimentales. Descartes, Platon ou Spinoza, restent valides, c'est-à-dire utiles, quelles que soient les découvertes scientifiques. Quand Descartes dit que la glande pinéale transmet les ordres de l'âme au corps, les biologistes vont dire que c'est faux mais ensuite certains vont chercher le gène de l'homosexualité, ou tout expliquer à coup de neurotransmetteurs. L'idée est celle de Descartes, corporaliser le mental, même si chacun se moque de sa glande pinéale comme le fait Spinoza (Préface livre 5, Ethique)

Je crois que tout ça est un peu brouillon, mais bon... c'est de l'impro.
[size=50][ Edité par bardamu Le 03 February 2003 ][/size]


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