Ethique et morale

Questions et débats d'ordre théorique sur les principes de l'éthique et de la politique spinozistes. On pourra aborder ici aussi les questions possibles sur une esthétique spinozienne.
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Yolaf
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Ethique et morale

Messagepar Yolaf » 19 sept. 2006, 17:24

Bonjour,

Désolé de vous déranger avec la question qui va suivre mais vous me semblez drôlement doué sur ce forum pour me filer un petit coup de main... ou de cerveau plutôt !

Voilà :

Après un débat mouvementé sur les tragédies grecques (surtout Les Suppliantes d'Eschyle*) et les tragédies de Racine, nous en sommes venus à nous demander quelle était la différence entre la morale et l'éthique. Et, avec mes collègues théatreux, nous n'avons pas trouvé de réponse ou de définition qui me satisfasse. Donc je vous le demande : que sont la morale et l'éthique ? Quelles sont les différences principales entre ces deux notions (ou sciences peut-être) ?

Merci d'avance pour vos réflexions et connaissances.


*petit rappel : dans "Les Suppliantes", les 50 filles de Danaos demandent asiles aux grecques pour éviter d'être mariées de force aux 50 fils d'Egyptos. Le roi se retrouve face à un choix délicat : accorder l'hospitalité aux 50 femmes et entrer en guerre avec les fils d'Egyptos ou rejeter leur demande et risquer la colère de Zeus.

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Ulis
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Messagepar Ulis » 19 sept. 2006, 19:44

Pour faire court, la source de la morale est l'écriture et la source de l'éthique est la raison.
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Pej
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Messagepar Pej » 20 sept. 2006, 11:44

Tout d'abord, on peut décider de ne pas faire de différence entre les deux. Après tout, "morale" c'est la traduction latine du grec "éthique".
Sinon, on peut considérer que la morale renvoie à l'ensemble des moeurs d'une société (on parlera alors de morale française, chinoise, du XXe siècle, du XVe, etc.) et que l'éthique, c'est la science qui réfléchit sur les valeurs et tente de déterminer les notions de bien et de mal.

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Henrique
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Messagepar Henrique » 01 mars 2007, 11:59

Deleuze distingue la morale de l'éthique en considérant que la première chercherait à énoncer de façon absolue ce qu'est le bien, comme valeur transcendante, tandis que la seconde chercherait seulement à énoncer le bon, autrement dit l'utile, c'est-à-dire une valeur immanente et relative à l'homme seul. Il considère ainsi que Spinoza énonce une éthique et non une morale, à l'opposé de Kant. Cela me semble un peu simpliste.

Je distingue pour ma part entre morale et moeurs : les moeurs sont les impératifs effectivement particuliers à chaque peuple et à chaque époque, la morale énonce ou tente d'énoncer les impératifs universels et éternels. Il s'agit de sortir par ce biais de la relativité des impératifs pour donner à l'être raisonnable d'autres raisons que des raisons purement extérieures au respect de certains impératifs. Si je considère notamment que le respect de la dignité humaine interdit qu'on traite une personne comme un esclave, cela fonde en raison les lois, les coutumes et les moeurs qui l'interdisent effectivement et permet de contester la légitimité de celles qui le tolèrent ou l'encouragent. Cela permet notamment de sortir de la seule logique de la force selon laquelle il ne faudrait respecter telle règle ou tel impératif que parce que c'est l'opinion du plus grand nombre ou des plus influents dans la société.

Spinoza se situe dans cette logique à mon sens, en n'énonçant pas simplement ce qui est utile aux individus mais ce qui nous savons avec certitude leur être utile, ce qui introduit une forme d'universalité, certes immanente à la nature seule, mais universelle et nécessaire (c'est-à-dire éternelle) tout de même, dans le sens de ce qui est valable pour tous les hommes et toujours. En expliquant comment ce qui est le plus utile aux autres hommes, c'est d'autres hommes en tant qu'ils nous permettent de développer notre raison, et en montrant que pour cela, il faut savoir faire preuve de générosité sans attendre nécessairement un bénéfice individuel qui primerait sur le bénéfice collectif, il fait d'autrui non un moyen pour me développer mais une fin en soi : "Rien dans la nature n'est plus utile à l'homme que l'homme lui-même" (E4P35C1) dans le sens où la raison leur est commune, de sorte que l'intérêt individuel est englobé et dépassé. On trouve aussi, bien avant Kant, de façon saisissante l'essentiel de la rigueur kantienne dans le scolie de la proposition 72.

Le terme d'éthique a de par son usage un sens plus scientifique. Tout un chacun peut comprendre de façon plus ou moins confuse qu'il est préférable d'aimer que de haïr, de s'efforcer de vivre en accord avec ses contemporains plutôt que de cultiver les discordes, qu'un homme a d'autant plus de dignité qu'il se conforme aux règles pratiques de la raison en s'y tenant (fermeté) plutôt qu'en se soumettant aux aléas de sa sensibilité et des passions qui s'ensuivent. L'énonciation des impératifs universels constitue la morale. L'énonciation des raisons fondamentales de ces impératifs constitue l'éthique. L'éthique, c'est ce qui fonde la morale, en explique l'universalité et la nécessité. L'homme qui a une éthique et pas seulement une morale est celui qui sait par exemple pourquoi il fait passer l'intérêt de tous avant l'intérêt égoïste. C'est celui qui se conforme à des règles morales, non parce qu'elles lui ont été imposées de l'extérieur (ce qui se réduirait à de simples moeurs) ou parce qu'il en sent intuitivement la valeur sans pouvoir l'expliquer (une simple morale) mais parce qu'il en comprend la nécessité en droit.

En ce sens, il y a aussi une éthique chez Kant, qui écrit une Fondation de la métaphysique des moeurs et une Critique de la raison pratique qui ne sont pas plus à la portée de l'ignorant que l'Ethique démontrée suivant l'ordre géométrique. Cette éthique est différente pour une morale de même ordre. La réponse à la question "que faut-il faire ?" est à peu de choses près la même, c'est la réponse à la question "pourquoi le faire ?" qui diffère. Kant, dans un cadre chrétien, fait intervenir la transcendance d'une bonne volonté comme fondement et fin dernière de l'acte bon. Spinoza s'appuie sur la raison considérée comme accord entre les hommes et avec la nature, ce qui l'amène à intégrer une satisfaction complète du désir bien compris comme fin de l'action vertueuse.

J'ajoute que l'éthique enveloppe dans ce cadre la question "comment s'y prendre". Kant n'a guère besoin de répondre autre chose que "en faisant preuve de bonne volonté" car puisque ce qui fonde la morale est selon lui la seule volonté de bien faire, il n'a pas besoin d'expliquer comment être ferme et généreux, ni à expliquer comment éprouver cette béatitude qui n'est pas la récompense de la vertu mais ce qui la fonde. Spinoza, lui, doit expliquer comment tirer de la joie de l'activité de la raison et accéder l'intuition de l'unité de l'infini et du fini qui constitue la béatitude.

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Messagepar Miam » 01 mars 2007, 12:24

Puisque tous le monde y va de ses définitions, je distinguerai éthique et morale comme suit.

Je définis l'éthique selon son acception grecque à partir du "connais-toi toi même" et de l'"usage des plaisirs" chez les anciens Grecs. Il s'agit alors d'une règle de vie analogue à une diététique selon la mesure propre à chacun. Elle n'est pas pour autant individualiste. Au contraire puisque c'est cette mesure individuelle qui permet le concours des forces individuelles dans la cité. Mais elle ne part pas de prescriptions générales pour l'appliquer aux individus. Elle part des actes individuels et de leur concours dans la cité (des "moeurs comme dit Henrique") pour éventuellement dégager des prescriptions générales qui demeurent dès lors toutes provisoires.

Par morale, j'entends le contraire. A savoir des prescriptions dogmatiques qui se veulent immédiatement collectives et sont en vérité issues de l'hégémonie idéologique d'une couche sociale sur une autre.

A +

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Messagepar Henrique » 01 mars 2007, 15:46

Oui mais ma distinction est mieux :-D

Plus sérieusement, je ne vois pas ce qui te permet de réduire au nom des grecs l'éthique à la connaissance de soi, de ce qui me fait du bien. Ethos en grec signifie comportement bon ou mauvais, de même que mores en latin. Mais comme le grec a été la langue scientifique primitive avant le latin, le terme d'éthique a plus eu un rapport avec la question des principes et des causes que le terme de morale, d'où ma distinction, plus conforme à l'usage européen.

Chez les stoïciens comme chez les épicuriens, c'est la connaissance des principes du bien qui permet de déduire quels sont les meilleures actions possibles : c'est en vertu de la distinction entre désirs nécessaires et non-nécessaires ou en vertu de la distinction entre ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas qu'ils disent "il faut cultiver la tempérance, l'amitié etc." En philosophes, ils construisent donc des éthiques au sens où je le disais, même si les principes sont assez peu interrogés et si on passe très vite aux conséquences pratiques.

Wolff écrira ainsi que "la philosophie des moeurs ou Ethique est la science pratique enseignant de quelle façon un homme libre peut comprendre ses actions à partir des lois de la nature" (Ethica I,1). Kant distinguera encore Ethik ou Sittenlehre (doctrine des principes formels des normes et actions morales) de la morale pure comme contenant "seulement les lois morales d'une volonté pure en général".

Il est amusant de voir cependant que ta distinction, faisant implicitement référence à la critique marxienne de la philosophie pratique de Kant, tout en se réclamant explicitement des grecs, est en fait celle qui émerge en allemagne au 19ème : Schelling dit la même chose que toi, mais à l'inverse : "la morale en général pose un commandement qui ne s'adresse qu'à l'individu, et n'exige que l'absolue personnalité de l'individu, l'Ethique pose un commandement qui suppose une société d'êtres moraux et qui assure la personnalité de tous les individus par ce qu'elle exige de chacun d'eux" sans parler de Hegel qui oppose dans sa Philosophie du droit la morale comme domaine de l'intention subjective et l'éthique comme règne de la sittlichkeit (moralité et non morale).

La critique marxienne de la morale kantienne - que Marx ne distingue guère de son éthique, tout en héritant de Schelling et Hegel - selon laquelle cette morale serait l'expression intéressée d'impératifs bourgeois à l'avantage de la classe dominante a conduit à privilégier l'intérêt particulier de classe sur toute idée d'intérêt général antérieure aux intérêts particuliers, et ainsi aux errances des régimes léniniste et stalinien. Puisqu'il n'existe pas de normes communes à toute l'humanité mais seulement des normes relatives aux intérêts particuliers d'individus rassemblés en classe bourgeoise ou laborieuse, tout était permis du moment que les intérêts de cette classe ainsi imaginée étaient préservés. Ainsi il a pu être bon d'assassiner, d'enfermer, de faire du mensonge d'Etat un moyen de communication privilégié puisqu'alors la dictature du prolétariat pouvait être assurée.

Reste que le ferment de toutes les révoltes ou révolutions porteuses d'une volonté collective de régénération politique, de 1789 à la fronde anti-CPE, en passant par 1917, 1968 ou 1989, cela reste le refus des opprimés d'être pris pour de simples moyens, que toute dignité humaine soit niée en eux. Marx avait tout à fait raison dans sa critique de la révolution française en montrant que le simple établissement de droits formels revenait à se passer de mettre en oeuvre de véritables droits concrets. Mais l'exigence kantienne de respect de la dignité de la personne humaine, c'est-à-dire de la liberté pour chacun de cultiver ses facultés, était déjà une critique de la domination bourgeoise aussi bien que de la Terreur.

Quant à Spinoza, sa méthode pour établir avec certitude ce qui est bon n'est certainement pas inductive, partant des moeurs particulières pour en tirer bon an mal an quelques généralités, mais bien déductive en partant de la conscience de persévérer dans son être commune à tous les hommes (elle-même déduite de la substance unique et universelle) pour en tirer, dans Ethique IV, les normes qui sont définitivement les plus utiles à tous les hommes. Si Marx avait lu de plus près le TTP, il aurait peut-être mieux compris que l'Etat n'a de raison d'être qu'en tant que moyen de la liberté - liberté extérieure d'abord, comme absence d'empêchement à l'épanouissement du désir humain bien compris, puis liberté intérieure comme développement de la raison et de l'amour intellectuel. Que cette liberté devait être celle de toute la société civile et non d'une classe au détriment d'une autre. Que cela impliquait non que la morale, c'est-à-dire les normes de l'action individuelle, soient subordonnées à la politique, mais que la politique, comme moyen d'établir le bien vivre ensemble en vue de la liberté de tous, soit subordonnée à l'exigence morale de cette liberté. Sans pour autant que cela empêche une critique sévère des utopies philosophiques, mais justement parce que la recherche d'une stabilité politique viable passe par le respect de la liberté de chacun, Machiavel ayant bien vu que ce simple mot de liberté était propre à faire tomber n'importe quel régime pensant qu'il pouvait l'ignorer.

Une éthique, ou connaissance des principes de ce qui est le plus utile à chacun comme à tous, permet justement de comprendre la nécessité de tout cela, et notamment cette conspiration de la morale et de la politique bien comprises.

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Messagepar Miam » 01 mars 2007, 17:58

Cher Henrique, ô social traître, tout cela est fort instructif. Mais on peut opposer Spinoza d'une part et Rousseau et Hobbes de l'autre pour cette raison. C'est que les seconds allèguent un impératif moral, alors que le premier n'allègue qu'un conflit ou un concours de forces conatives. Le Traité théologico politique n'est il pas dépassé par le Traité politique ?

Miam

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Messagepar Miam » 01 mars 2007, 18:24

Et puis tes stoïciens et épicuriens me paraissent plus Romains que Grecs. Je parle des Anciens Grecs et même des très anciens. De l'éthique encore présocratique de l'"agon" sublimé dans le "gnauti seauton". On trouve encore dans l'Ethique à Nicomaque la notion de mesure (mésotès). Mais Aristote est le premier philosophe bourgeois :D lorsque cette "mesure" devient le "juste milieu", tel le courage entre la lâcheté et la témérité. "Caute", cela veut dire mesure.

En outre je ne vois pas de "modèle" chez Spinoza à l'exception de l'"exemplar" de l'homme qui y demeure subjectif et d'ailleurs n'a pas de rôle prépondérant.

Je n'ai jamais parlé d'induction mais de concours, de convenances, d'oppositions et de différences comme le fait Spinoza.

Enfin je suis fort aise d'avoir posé le contraire que Schelling et Hegel.


Bien à toi
Miam

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Messagepar Miam » 02 mars 2007, 10:13

Que ferais-tu si tu étais le roi dans l'exemple de Yolaf ?

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Messagepar Henrique » 14 mars 2007, 17:25

Miam a écrit :Cher Henrique, ô social traître, tout cela est fort instructif. Mais on peut opposer Spinoza d'une part et Rousseau et Hobbes de l'autre pour cette raison. C'est que les seconds allèguent un impératif moral, alors que le premier n'allègue qu'un conflit ou un concours de forces conatives. Le Traité théologico politique n'est il pas dépassé par le Traité politique ?
Miam

Si vous m'accusez d'avoir trahi, Monsieur le procureur, il faut nous dire qui ou quoi exactement et en quoi, afin que je puisse me défendre !
Cela dit, je ne suis pas sûr de voir à quelle "raison" tu fais allusion. Quant au conatus de l'homme libre, c'est-à-dire de l'homme qui se comprend adéquatement, il le conduit à affirmer impérativement les commandements de la raison, cf. notamment E4P72. Et ce qui le conduit à agir, ce n'est donc en aucun cas la conscience de son intérêt de classe, mais la recherche de l'intérêt général (E4P37). Certes, les lois ne sont pas faites pour des hommes libres mais soumis aux passions, mais elles doivent être faites sagement (cf. le passage sur la sagesse des lois, c'est-à-dire en vue d'établir l'avantage maximal de tous. En ce sens, les lois politiques ne peuvent faire abstraction des lois morales : elles ne sont pas à leur service, Machiavel oblige, mais elles ne peuvent les contredire sans contredire la raison même, c'est-à-dire l'intérêt général. A cet égard le TP complète et précise mais ne dépasse pas le TTP à mon sens.

Miam a écrit :Et puis tes stoïciens et épicuriens me paraissent plus Romains que Grecs. Je parle des Anciens Grecs et même des très anciens. De l'éthique encore présocratique de l'"agon" sublimé dans le "gnauti seauton". On trouve encore dans l'Ethique à Nicomaque la notion de mesure (mésotès). Mais Aristote est le premier philosophe bourgeois lorsque cette "mesure" devient le "juste milieu", tel le courage entre la lâcheté et la témérité. "Caute", cela veut dire mesure.

En tant que maxime de vie pratique, caute, "fais attention à toi et autour de toi", est bien une règle morale, c'est-à-dire un impératif justifiable par la raison (ce qui en ferait une éthique) et tout à fait universalisable, non ?

En outre je ne vois pas de "modèle" chez Spinoza à l'exception de l'"exemplar" de l'homme qui y demeure subjectif et d'ailleurs n'a pas de rôle prépondérant.

Où ai-je parlé de modèle pour ma part ?

Je n'ai jamais parlé d'induction mais de concours, de convenances, d'oppositions et de différences comme le fait Spinoza.

L'induction consiste à partir du particulier pour en inférer le général, par opposition à la déduction qui va du général au particulier. Dans le domaine pratique, l'attitude inductive consisterait donc à partir des expériences individuelles pour en tirer quelques règles générales de vie, toujours récusables par de nouvelles expériences. L'attitude déductive consisterait au contraire à partir de principes pratiques communs à l'humanité pour en tirer les règles valables pour telle situation particulière. Or tu as bien écrit si mes yeux ne m'abusent que l'éthique "part des actes individuels et de leur concours dans la cité pour éventuellement dégager des prescriptions générales qui demeurent dès lors toutes provisoires. " par opposition à la morale qui prescrirait de façon immédiatement collective. A cela je répond que Spinoza part de l'idée générale de conatus individuel pour en tirer définitivement qu'il faut cultiver les affects actifs plutôt que les passions tristes, désirer pour les autres ce que nous désirons au plus haut point pour nous-mêmes, etc. Certes, il faut par ailleurs savoir fuir quand on n'est pas en mesure de l'emporter et combattre quand on l'est (E4P69), c'est-à-dire savoir tenir compte des circonstances, mais quel philosophe a jamais dit le contraire ? Même Aristote justement fait la disctinction entre le courage qui suppose la prudence ou précaution (caute) et la témérité qui fonce sans tenir compte des circonstances.

Que ferais-tu si tu étais le roi dans l'exemple de Yolaf ?


Si j'étais en mesure de vaincre les fils d'Egyptos sans difficulté, je donnerai immédiatement asile aux filles de Danaos et j'enverrais un ambassadeur auprès d'Egyptos pour faire entendre raison à son roi, en faisant valoir tant les arguments de la raison que la possibilité de l'usage des arguments frappants (principe politique fondamental de Teddy Roosevelt : parler très doucement en tenant un gros bâton à la main).

Si les chances de victoire étaient nulles ou très faibles, je dirais aux filles de Danaos que je leur donne de quoi fuir plus loin sans leur demander leur destination, ne craignant point la colère de Zeus mais cherchant à éviter un péril perdu d'avance pour mon peuple.

Et si les chances de victoire étaient moyennes, je cacherais les filles en un lieu suffisamment secret pour décourager Egyptos de m'attaquer car même en cas de victoire contre moi, il aurait perdu des forces importantes sans être sûr de trouver les filles au bout du compte, ce qui augmenterait suffisamment les chances qu'il accepte de parlementer. Et s'il n'accepte pas de parlementer malgré ces arguments, je saurais qu'Egyptos est tellement bête qu'il serait finalement assez facile à vaincre.

Et puis après je dirais à mon peuple et à celui d'Egyptos vaincu : "allez les gars et si on faisait la démocratie maintenant ? Ben oui j'ai lu le TTP et j'ai compris qu'on y aurait tous intérêt, mais bon ça vous empêche pas de me donner des responsabilités électives, mais ça ne sera plus à moi de décider de tout et bon ça ne se fera pas tout d'un coup, il faut d'abord commencer à cultiver un minimum notre raison pour s'assurer d'une stabilité durable dans un tel régime."


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