Béatitude de Séraphine

Questions et débats d'ordre théorique sur les principes de l'éthique et de la politique spinozistes. On pourra aborder ici aussi les questions possibles sur une esthétique spinozienne.
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Béatitude de Séraphine

Messagepar Pourquoipas » 02 oct. 2009, 13:06

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Séraphine Louis (1864-1942), L'Arbre du Paradis (vers 1930).


J'ai connu l'existence de Séraphine Louis, femme de ménage à Senlis, grâce à un film récent. Elle savait brosser un parquet, laver le linge sale, faire la cuisine, travailler aux champs, etc., du matin au soir (à une époque où n'existaient ni lave-linge, ni lave-vaisselle, ni aspirateur, ni cireuse à parquet, ni tracteur) pour des nantis qui la méprisaient et la payaient fort probablement des clopinettes... Elle avait ce qu'on appelle la « foi du charbonnier », simple et superstitieuse catholique.

Elle savait aussi peindre (j'ai pu voir une exposition de certaines de ses œuvres – du coup, j'estime que l'expression « art naïf » n'a aucun sens.) Quand elle avait terminé un tableau, elle chantait...

Pour moi, elle répond donc exactement à la proposition : « Qui corpus ad plurima aptum habet, is mentem habet, cujus maxima pars est aeterna – Qui a un corps capable de beaucoup de choses a une âme dont la plus grande part est éternelle » (Éthique V, 39).

Même si cette femme fut enfermée pour folie en 1932, ne peignit plus jamais, et mourut de faim dans son asile en 1942, une très grande partie de son âme est éternelle et elle était de toute évidence plus beata, libre et sage que nous tous, si j'en crois Spinoza.

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Re: Béatitude de Séraphine

Messagepar Pourquoipas » 16 oct. 2009, 16:07

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(Merci à MD)

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Messagepar Louisa » 16 oct. 2009, 16:54

Difficile de ne pas penser à Artaud ... :

"On peut parler de la bonne santé mentale de Van Gogh qui, dans toute sa vie, ne s'est fait cuire qu'une main et n'a pas fait plus, pour le reste, que de se trancher une fois l'oreille gauche,
dans un monde où on mange chaque jour du vagin cuit à la sauce verte ou du sexe de nouveau-né flagellé et mis en rage,
tel que cueilli à sa sortie du sexe maternel.
Et ceci n'est pas une image, mais un fait abondamment et quotidiennement répété et cultivé à travers toute la terre.
Et c'est ainsi, si délirante que puisse paraître cette affirmation, que la vie présente se maintient dans sa vieille athmosphère de stupre, d'anarchie, de désordre, de délire, de dérèglement, de folie chronique, d'inertie bourgeoise, d'anomalie psychique (car ce n'est pas l'homme mais le monde qui est devenu un anormal), de malhonnêteté voulue et d'insigne tartufferie, de mépris crasseur de tout ce qui montre race,
de revendication d'un ordre tout entier basé sur l'accomplissement d'une primitive injustice,
de crime organisé enfin.
Ca va mal parce que la conscience malade a un intérêt capital à cette heure à ne pas sortir de sa maladie.
C'est ainsi qu'une société tarée a inventé la psychiatrie pour se défendre des investigations de certaines lucidités supérieures dont les facultés de divination la gênaient. (...)
Non, Van Gogh n'était pas fou, mais ses peintures étaient des feux grégeois, des bombes atomiques, dont l'angle de vision, à côté de toutes les autres peintures qui sévissaient à cette époque, eût été capable de déranger gravement le conformisme larvaire de la bourgeoisie second Empire et des sbires de Thiers, de Gambeta, de Félix Faure, comme ceux de Napoléon III. (...)
En face de la lucidité de Van Gogh qui travaille, la psychiatrie n'est plus qu'un réduit de gorilles eux-mêmes obsédés et persécutés et qui n'ont, pour pallier les plus épouvantables états de l'angoisse et de la suffocation humaine, qu'une ridicule terminologie,
digne produit de leurs cerveaux tarés.
"

Antonin Artaud, Van Gogh le suicidé de la société.

Sachant que pour Spinoza tout suicidé est un "suicidé de la société", je crois qu'il faut effectivement dire de ceux qui comme Van Gogh ou Séraphine Louis ou Artaud (et combien d'autres encore ... ?) ont eu la puissance de se maintenir en vie même dans de telles conditions complètement folles, qu'ils doivent avoir eu une part éternelle de leur Esprit bien solide ... .

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Messagepar Pourquoipas » 18 oct. 2009, 11:31

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Séraphine Louis, L'Arbre de vie (vers 1930?).


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