Et pendant ce temps-là, à la même heure, tout là-bas...

Questions et débats d'ordre théorique sur les principes de l'éthique et de la politique spinozistes. On pourra aborder ici aussi les questions possibles sur une esthétique spinozienne.
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Messagepar captain-troy » 12 nov. 2009, 08:35

Louisa a écrit :
Bonjour Captain-Troy,

voici quelques réflexions par rapport à ce que tu écris (ou plutôt quelques résultats d'une première réflexion).



Chère Louisa,
merci pour ton attentive et encourageante lecture, qui me permet de bien affiner ma réflexion.

Voici quelques réponses à tes questions :

-------------------------------

"je pense pouvoir comprendre ce que tu veux dire ici par "sur-valoriser", et si j'ai bien compris: tout à fait d'accord. Mais ... euh .. dirais-tu que ce que tu dis ici est compatible avec le christianisme? " Louisa

Je crois que oui. Le christianisme, je pense, nous indique que l'humain est porteur de divin, de Dieu, de souffle, d'esprit, de sainteté, d'une part de Dieu, et d'un Dieu Personnel ! , à porter, à faire avancer, à promouvoir. Dans cette mesure, comment ne pas être fier de soi, comment ne pas s'obliger soi-même à se valoriser, se sur-valoriser, à avoir une très haute idée de soi, une très haute ambition pour soi-même, quitte à se prendre pour un virtuel sur-homme nietschéen d'une prochaine sur-humanité. Se laisser dévaloriser c'est laisser dévaloriser Dieu.
Troy

-------------------------------

"L'Humilité est une Tristesse qui naît de ce qu'un homme contemple son impuissance ou faiblesse."
Spinoza

Tout à fait d'accord avec toi, mon pote ! Qui sait ? Je suis peut-être ta réincarnation, mais en beaucoup mieux. (à tout prendre, je préfère "angoisse" à ta "tristesse".
Troy

-------------------------------

tu ne penses pas que chez certains la faiblesse de l'autre (ou disons une faiblesse clairement "affichée") provoque plutôt de la pitié? Louisa

Je ne parle pas des faiblesses d'un handicapé physique ou mental, ou de celles d'un petit enfant ou d'un malade grave etc... qui ne sont d'ailleurs pas à mon avis des faiblesses. Il peut y avoir et il y a souvent chez eux puissance, puissance à la mesure de leurs forces.

Je parle de la faiblesse assumée, revendiquée, choisie, brandie de ces gens incrustés complaisamment dans les difficultés économiques, de ces descendants de colonisés ou issus de la traite qui se vautrent avec délectation dans une auto-victimisation bien confortable 100 ou 200 ans plus tard, de ces artistes spécialisés dans le créneau de la geignardise, de ces politiques ou syndicalistes professionnels du martyre, de tous ces pleurnicheurs ayant fait le choix de l'impuissance, couchés sur le dos devant la Vie comme des chiens couards, dont la liste serait bien longue à dresser.

Cette faiblesse-là donne certes envie de donner des coups de crocs dans ces chiens couards, mais... on n'est pas des chiens ! et mieux vaut en rire !
Troy

PS : D'autre part la pitié à l'égard des "faibles" qui n'en sont pas, dont je parlais en premier, peut être aussi une rude agression, un féroce mépris. Ah les dames patronnesse d'hier et d'aujourd'hui... Pas de pitié !

-------------------------------

8) La clairvoyance, la lucidité et la perception nette de la « marionnette » mécanique et dérisoire affleurant sous la peau de l’autre, du robot sous-jacent agitant sa personne, sont également des indices d'un bon équilibre personnel et d'un bonne gestion de sa vie et de son énergie. (Troy)


pourquoi "dérisoire"
Louisa

La marionnette ou le robot sous-jacents, ça ne concerne que les "morts-vivants", les "mécaniques", les slérosés, les pantins de la puissance, les bouffis de vide, les haineux de la peur, les radoteurs de l'art ou de la pensée, les maniaques de diverses addictions etc...
Pas tout le monde heureusement, mais pas mal de clowns quand même...
Troy

-------------------------------
13) Les ruptures, le choix des ruptures, le choix de soi-même-en-rupture semble bénéfiques à la valorisation, à une refonte de qualité et à la solidité de soi.


je ne suis pas tout à fait certaine de bien comprendre à quoi tu réfères.
Louisa

La rupture ? Ça, c'est très personnel pour une fois. Mais ça s'élargit à tous. L'idée qu'à un certain moment de sa vie, très variable chez les gens, vers 18 - 20 ans c'est pas plus mal... et bien à un certain moment, il faut tout envoyer chier, tout ! soi-même y compris. Rompre ! Surtout avec soi ! "Se partir" comme on disait en ancien français. Le banal "tout remettre en question" mais avec une radicalité d'extrémiste.
Et puis, doucement, tout reconstruire, tout seul, "à la main", sans outils. On se refait, on se choisit cette fois, alors que jusqu'ici on s'est simplement "reçu", on a hérité de soi-même. On peut faire ça sur place, "au pays", où s'exiler, on peut reprendre les vieux matériaux et se reconstruire avec, on peut en prendre de tout nouveaux.
Le tout s'est de se casser ! Un choix absolu assez kierkegaardien qui te fait "chevalier d'éternité"
Troy

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Messagepar captain-troy » 12 nov. 2009, 09:09

Pourquoipas a écrit :Et merci pour le Charcot, vil flatteur... (à moins qu'il ne s'agisse d'ironie, ce qui me serait parfaitement égal).


Ni flatterie, ni ironie, envie d'rire un coup, de faire le malin, de mettre de l'ambiance !

Pourquoipas a écrit :
N'empêche que le problème m'intéresse. Tu nous évoques deux causes de l'agressivité : la peur en "moi" dont cette agressivité serait le signe ; et la perception des signes de la peur, soumission, faiblesse chez l'autre qui provoqueraient "mon" agressivité. S'agit-il pour toi (le vrai toi, Troy), de la même agressivité ou d'une haine-mépris d'un autre type ?
Ne peut-il y avoir une sorte de troisième agressivité et même haine, qu'on pourrait dire "bonne" ? Celle par exemple de ceux qui ont tenté de tuer Hitler ? plus simplement, celle qui consiste à lever son cul de son banc du RER pour au moins aller voir ce qui se passe et intervenir si on voit un début d'agression quelques mètres plus loin, si faible soit-on physiquement par rapport à l'agresseur ?



La haine-mépris-agressivité à l'égard des impuissances des pro de la victimisation et de la martyrologie qui veulent nous envahir et répandre universellement la mauvaise conscience et la culpabilisation est la même que la haine-mépris-agressivité à l'égard des puissances qui veulent nous concurrencer explicitement, qui nous menacent franchement, qui nous agressent directement.
Dans les deux cas, il y a menace d'envahissement et d'occupation physique et/ou mentale.
Les premiers procèdent lâchement en tentant de ruiner notre bonne conscience et notre confiance en nous, donc notre force de résistance et de réaction.
Contre ces deux formes, mieux vaut les forces supérieures de l'intelligence-lucidité-rire souverain-dérision que la haine.

D'autre part, pas de "troisième haine" contre un Hitler, pas de haine du tout d'ailleurs, ni contre un Staline, ni contre ses héritiers communistes actuels, ni contre les islamistes, troisième choléra mondial.
Qui dira le rôle planétaire d'un Chaplin dans la lutte sereine contre le nazisme avec son "dictateur" ?

Une lutte bien sûr, quand il le faut, mais sereine, souveraine, jubilatoire, lucide, clairvoyante donc logiquement courageuse, forte et efficace.

Pourquoipas a écrit :
Ne peut-il y avoir une sorte de troisième agressivité et même haine, qu'on pourrait dire "bonne" ? Celle par exemple de ceux qui ont tenté de tuer Hitler ? plus simplement, celle qui consiste à lever son cul de son banc du RER pour au moins aller voir ce qui se passe et intervenir si on voit un début d'agression quelques mètres plus loin, si faible soit-on physiquement par rapport à l'agresseur ?



Une expérience. J'ai été personnellement témoin et acteur d'un truc comme ça dans une gare en métropole, il y 3 ou 4 ans. J'ai envoyé valdinguer un type agresseur de jeunes touristes américaines, pendant que toute la gare s'en foutait, y compris les employés et le chef de gare. Dans le calme, sans haine (pas la peine en fait), et, j'en suis surpris, avec beaucoup de jubilation et d'amusement.

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Messagepar Louisa » 14 nov. 2009, 02:51

Captain-Troy a écrit :
louisa a écrit :je pense pouvoir comprendre ce que tu veux dire ici par "sur-valoriser", et si j'ai bien compris: tout à fait d'accord. Mais ... euh .. dirais-tu que ce que tu dis ici est compatible avec le christianisme?


Je crois que oui. Le christianisme, je pense, nous indique que l'humain est porteur de divin, de Dieu, de souffle, d'esprit, de sainteté, d'une part de Dieu, et d'un Dieu Personnel ! , à porter, à faire avancer, à promouvoir. Dans cette mesure, comment ne pas être fier de soi, comment ne pas s'obliger soi-même à se valoriser, se sur-valoriser, à avoir une très haute idée de soi, une très haute ambition pour soi-même, quitte à se prendre pour un virtuel sur-homme nietschéen d'une prochaine sur-humanité. Se laisser dévaloriser c'est laisser dévaloriser Dieu.


Bonjour Captain-Troy,

intéressant ce que tu dis ici ... donc l'idée serait que l'avantage de travailler avec un Dieu personnel, c'est que cela le rend beaucoup plus facile de comprendre qu'on est soi-même quelque part divin? Et dans ce cas le fait d'être en tant qu'homme "à l'image de Dieu" ne devrait plus être conçu comme indiquant essentiellement un manque (on n'est "que" une image, c'est-à-dire une copie, un faible reflet de l'original), au contraire même, lorsqu'on s'en tient à l'idée d'être à l'image de Dieu, on voit que Dieu le père barbu ressemble beaucoup aux pères humains qui peuplent cette terre. Pas mal.

Assez plausible même, sinon comment comprendre qu'autant de gens ont pu puisé et puisent toujours un grand espoir et une grande inspiration/motivation dans le christianisme (on peut par exemple penser au rôle que joue aujourd'hui le christianisme en Amérique du Sud (même si leur engagement est plutôt de gauche, ce qui peut-être ne va pas trop te plaire .. ? :D )?

Mais j'avoue que dans ce cas tu parles d'un christianisme que personnellement je ne connais pas. Je connais plutôt la version augustinienne, avec ce cher Augustin qui ne fait que se plaindre et pratiquer "l'Humilité". Je peux quelque part trouver la version que tu proposes ici, ou c'est surtout toi qui perçois les choses ainsi?

Captain-Troy a écrit :
Spinoza a écrit :"L'Humilité est une Tristesse qui naît de ce qu'un homme contemple son impuissance ou faiblesse."


Tout à fait d'accord avec toi, mon pote ! Qui sait ? Je suis peut-être ta réincarnation, mais en beaucoup mieux. (à tout prendre, je préfère "angoisse" à ta "tristesse".


lol...

ceci étant dit, je crois vraiment que l'idée spinoziste de la Tristesse est potentiellement fort utile. Je vais essayer de montrer un de ces jours en quoi (puisque Sinusix semble lui aussi être fort sceptique à cet égard).

Captain-Troy a écrit :
louisa a écrit :tu ne penses pas que chez certains la faiblesse de l'autre (ou disons une faiblesse clairement "affichée") provoque plutôt de la pitié?


Je ne parle pas des faiblesses d'un handicapé physique ou mental, ou de celles d'un petit enfant ou d'un malade grave etc... qui ne sont d'ailleurs pas à mon avis des faiblesses. Il peut y avoir et il y a souvent chez eux puissance, puissance à la mesure de leurs forces.


ah ok. Dans ce cas: tout à fait d'accord.

Captain-Troy a écrit :Je parle de la faiblesse assumée, revendiquée, choisie, brandie de ces gens incrustés complaisamment dans les difficultés économiques, de ces descendants de colonisés ou issus de la traite qui se vautrent avec délectation dans une auto-victimisation bien confortable 100 ou 200 ans plus tard, de ces artistes spécialisés dans le créneau de la geignardise, de ces politiques ou syndicalistes professionnels du martyre, de tous ces pleurnicheurs ayant fait le choix de l'impuissance, couchés sur le dos devant la Vie comme des chiens couards, dont la liste serait bien longue à dresser.

Cette faiblesse-là donne certes envie de donner des coups de crocs dans ces chiens couards, mais... on n'est pas des chiens ! et mieux vaut en rire !


je vois.

Néanmoins j'hésite. Pas parce que je suis de gauche (full disclosure... :D (si tu connais l'expression en anglais ...? Je ne connais pas l'équivalent en français...)) et que je n'aimerais pas qu'on dit du mal de descendants de colonisés ou de syndicalistes etc. Car il ne faut pas réfléchir longtemps avant de voir à quoi tu réfères (je veux dire, il va de soi que moi aussi je connais ce genre de gens, et oui, cette espèce d'auto-victimisation est assez détestable). Puis il va de soi que le grand avantage d'en rire, c'est d'abord qu'on ne les agresse pas physiquement (ce qui, il faut bien le dire, est toujours déjà ça ... :D ), mais surtout que cela permet de se libérer soi-même de toute tendance à se sentir affligé du fait qu'un tel genre de personnes existent et qu'on est bien obligé de leur croiser de temps en temps le chemin.

Mais donc si j'hésite, c'est parce que je ne suis tout de même pas certaine que ce soit la solution "optimale". Ne faudrait-il pas dire que ce sont avant tout ce type de personnes qui ont besoin d'enfin être pris au sérieux? Ne risque-t-on pas, en en riant, de renforcer leur sentiment d'être toujours victime de quelque chose (ici: de nos rires, qu'ils ne peuvent qu'interpréter comme des "ridiculisations") ... ?

En cela Spinoza me semble éventuellement être intéressant, car justement, selon lui (par hypothèse, bien sûr), tout ce qu'on subit dans la vie, cela vient du dehors. En disant cela, il rend l'auto-victimisation inconcevable (cela ne veut pas dire qu'il nie que cela "existe", c'est juste qu'il propose de le penser autrement). Du coup, on est obligé de s'imaginer tous ces gens qui s'imaginent sans cesse être victime de quelque chose d'une telle façon qu'ils deviennent réellement des victimes, même s'ils ne sont pas forcément victime de ce dont ils pensent l'être.

Difficile de dire, par exemple, qu'un fils d'immigré de troisième génération est victime des Français colonisateurs, puisque bon, comme on le sait tous, la France n'a plus vraiment de colonies au sens "atroce" du terme. Mais faudrait-il pour autant dire qu'il est faux qu'il est "victime"? Je crois que Spinoza dirait que s'il se sent victime de quelque chose, il ne faut pas nécessairement le croire sur parole, mais si vraiment il cultive ce statut de victime, et donc s'il cultive certaines Passions Tristes, c'est que quelque part, il est réellement en train de subir certaines choses. Quelles choses? C'est à voir au cas par cas.

L'avantage de se dire cela, il me semble, est double. D'abord on a l'effet "libérateur" de la compréhension, qui est une jubilation aussi grande que si l'on arrive à rire de tous ces gens qui ne font que se plaindre (ou plaindre certaines autres) à l'infini (compréhension au sens spinoziste, bien sûr, pas au sens où l'on peut comprendre qu'on est dans la merde, par exemple). Mais puis surtout, ce qui s'ajoute à l'avantage (déjà pas à sous-estimer) du rire, c'est qu'on risque moins de renforcer encore l'autre dans son sentiment de victime. Quelque part, en essayant de comprendre de quoi il pourrait réellement être la victime (= ce qu'il pourrait réellement subir, donc ce sur quoi pour l'instant il n'a réellement pas de prise, dans sa vie), on lui fait déjà comprendre qu'il est plus que simple victime, que qui il est ne se réduit pas à ce qu'il subit, qu'il est quelque part aussi résistance à ce qu'il subit, et que s'afficher clairement comme "victime" peut être une manière (certes maladroite, donc "inadéquate") de revendiquer quelque part cette autonomie, de revendiquer l'idée qu'on n'est pas juste victime.

Enfin ... je ne sais pas si c'est clair ce que je veux dire ... ?

Captain-Troy a écrit :PS : D'autre part la pitié à l'égard des "faibles" qui n'en sont pas, dont je parlais en premier, peut être aussi une rude agression, un féroce mépris. Ah les dames patronnesse d'hier et d'aujourd'hui... Pas de pitié !


ah, là il faut dire que tu réincarnes effectivement Spinoza ... :D

Ethique partie 4, proposition 50 et corollaire:

"La Pitié, dans l'homme qui vit sous la conduite de la raison, est par soi mauvaise et inutile.
Corollaire.
De là il suit que l'homme qui vit sous la dictée de la raison s'efforce, autant qu'il peut, de faire que la pitié ne le touche pas.
"

D'ailleurs, au cas où DGsu lit ce message: on avait parlé de la "bienveillance", et si je ne m'abuse j'avais dit que je pense que chez Spinoza il faut la remplacer par la "Charité". Or voici que je viens de tomber par hasard sur le passage où Spinoza parle de la "Bienveillance" (E3P27 scolie):

"Cette volonté ou appétit de faire du bien, qui naît de ce que nous fait pitié la chose à laquelle nous voulons faire du bien, s'appelle Bienveillance, laquelle, partant, n'est rien d'autre qu'un Désir né de la pitié."

Qu'est-ce qui pourrait constituer un argument plus convaincant pour enlever la "bienveillance" de la charte de ce forum, pour la remplacer par la Générosité ou Charité ... (question non rhétorique)? :D


Captain-Troy a écrit :
Captain-Troy a écrit :8) La clairvoyance, la lucidité et la perception nette de la « marionnette » mécanique et dérisoire affleurant sous la peau de l’autre, du robot sous-jacent agitant sa personne, sont également des indices d'un bon équilibre personnel et d'un bonne gestion de sa vie et de son énergie.


louisa a écrit :pourquoi "dérisoire" ?


La marionnette ou le robot sous-jacents, ça ne concerne que les "morts-vivants", les "mécaniques", les slérosés, les pantins de la puissance, les bouffis de vide, les haineux de la peur, les radoteurs de l'art ou de la pensée, les maniaques de diverses addictions etc...
Pas tout le monde heureusement, mais pas mal de clowns quand même...


cela me fait penser à la définition bergsonienne du rire ou plutôt de ce qui cause le rire: "du mécanique plaqué sur du vivant" ... .

Mais donc petite objection: ne faudrait-il pas dire que la dérision est une forme de Haine?

Si oui, je dirais que la Haine de ce genre de chose est mieux que rien (au moins elle célèbre la vie, ce qui est déjà mieux que ce que font ce qui est haï ici), mais comme toute Haine a comme désavantage de souvent ne provoquer que plus de Haine encore, surtout si l'on a à faire avec ce genre de "morts-vivants", ce n'est peut-être pas le rémède idéal, non ... ?

Captain-Troy a écrit :
Captain-Troy a écrit :
13) Les ruptures, le choix des ruptures, le choix de soi-même-en-rupture semble bénéfiques à la valorisation, à une refonte de qualité et à la solidité de soi.


louisa a écrit :je ne suis pas tout à fait certaine de bien comprendre à quoi tu réfères.


La rupture ? Ça, c'est très personnel pour une fois. Mais ça s'élargit à tous. L'idée qu'à un certain moment de sa vie, très variable chez les gens, vers 18 - 20 ans c'est pas plus mal... et bien à un certain moment, il faut tout envoyer chier, tout ! soi-même y compris. Rompre ! Surtout avec soi ! "Se partir" comme on disait en ancien français. Le banal "tout remettre en question" mais avec une radicalité d'extrémiste.
Et puis, doucement, tout reconstruire, tout seul, "à la main", sans outils. On se refait, on se choisit cette fois, alors que jusqu'ici on s'est simplement "reçu", on a hérité de soi-même. On peut faire ça sur place, "au pays", où s'exiler, on peut reprendre les vieux matériaux et se reconstruire avec, on peut en prendre de tout nouveaux.
Le tout s'est de se casser ! Un choix absolu assez kierkegaardien qui te fait "chevalier d'éternité"


moi c'est clair, j'ai opté pour l'exil.

Sinon tu utilises ici un vocabulaire qui est fort "anti-spinoziste" ("se choisir soi-même", "tout reconstruire sans outils", ...). Pourtant je ne suis pas certaine que l'idée est si différente d'une manière spinoziste de penser ... j'y réfléchis.

En attendant, que veux tu dire ici par la référence à Kierkegaard?
L.

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Messagepar captain-troy » 15 nov. 2009, 06:40

Tristesse : (chagrin, peine)

La tristesse c’est quand on a perdu son enfant, sa mère, son vieux chien, la maison de son enfance, la fille qu’on espérait tant.
C’est quand on a l’eau dans les yeux, les mots dans la gorge, les tonnes sur la poitrine.
C’est voir pleurer un ami, un petit, qu’on voudrait tant consoler.
La tristesse c’est quand c’est fini, plus jamais, pour toujours, sans demain, sans matin.
C’est quand c’est la faute à personne, sans peur, sans colère, sans regret, ni projet.
C’est là, c’est comme ça, c’est rien d’autre, c’est comme ça, la tristesse.

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Messagepar Louisa » 15 nov. 2009, 07:01

Captain-Troy a écrit :Tristesse : (chagrin, peine)

La tristesse c’est quand on a perdu son enfant, sa mère, son vieux chien, la maison de son enfance, la fille qu’on espérait tant.
C’est quand on a l’eau dans les yeux, les mots dans la gorge, les tonnes sur la poitrine.
C’est voir pleurer un ami, un petit, qu’on voudrait tant consoler.
La tristesse c’est quand c’est fini, plus jamais, pour toujours, sans demain, sans matin.
C’est quand c’est la faute à personne, sans peur, sans colère, sans regret, ni projet.
C’est là, c’est comme ça, c’est rien d’autre, c’est comme ça, la tristesse.


oui d'accord. Mais ne faudrait-il pas dire que dans un certain sens on peut aussi devenir triste lorsqu'on pense à de tels événements?

Supposons que ton enfant est très malade, et que tu ne sais pas s'il va survivre ou non. Est-ce que tu ne vas pas penser de temps en temps à l'idée qu'il ne va pas survivre, et alors devenir triste juste en y pensant, donc juste en pensant au jour qu'il serait mort, en t'imaginant l'enterrement et tout ?

C'est-à-dire est-ce qu'on ne peut pas aussi devenir triste juste en pensant à la possibilité qu'un des événements que tu mentionnes se produise (à condition que ce soit une véritable possibilité, bien sûr, c'est-à-dire qu'on a des raisons pour craindre que ce soit bientôt le cas)?

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Messagepar captain-troy » 15 nov. 2009, 07:17

J’en étonnerai sans doute plus d’un mais, à la relecture de la troisième partie de L’Éthique, je pense que Spinoza fut un gars très culotté en son temps.

A-t-il été surpris par un rabbin sévère en train de se masturber vers ses dix ans pour remettre ainsi en question l’idée que « l’homme dans la nature est un empire dans un empire » et pour contester l’affirmation « qu’il a sur ses propres actions une puissance absolue » et que « l’impuissance et l’inconstance humaines » ne sont dues qu’à « je ne sais quel vice de la nature humaine », mais en tout cas je pense sincèrement que Spinoza est un excellent camp de base pour partir gravir les sommets de la connaissance qu’il n’a pu lui-même conquérir en raison de l'insuffisance des outils alpins de son temps.

Permettez-moi de me glisser sur les vestiges de ce camp de base entre son cadavre congelé et celui de Descartes et de reprendre l’ascension en récupérant quelques piolets dans la neige eu en y laissant quelques pitons inutilisables.

Repartons d’en bas, humbles mais confiants, quitte à réinventer quelques fils à couper le beurre pour mieux s’appuyer sur des cogito solides intimement vérifiés par l’expérience et les aventures de la vie.
C’est là tout l’honneur des Hillary de la pensée à défaut d’être celui des fonctionnaires de la philosophie subventionnée.

Le catalogue des sentiments de Spinoza (Éthique III), pour intéressant qu’il soit, me laisse cependant, pour une assez grande part, l’impression d’une nomenclature artificielle du vivant, de planches grises et figées de naturalistes tropicaux du XVIIIème siècle, d’une schématisation forcenée des passions, un peu à la manière de Freud, plus tard, où la multiplication infinie des modules de leurs usines à gaz répond à l’impuissance à réduire l’irréductible, à domestiquer et à mettre en grilles et en système l’indomptable.

Alors quoi ? Renoncer ? Se taire ? Se condamner au silence ?

Les approche d’un Kierkegaard sur l’angoisse, d’un Bergson sur le rire, d’un Bataille sur le désir, d’un Rougemont sur l’amour, d’un Mircea Eliade sur la peur et le sacré ne nous offrent-elles pas des pistes pour poursuivre l’escalade himalayenne de l’humain, en évitant les échouages technicistes, les naufrages sur les hauts fonds géométriques, sans stériliser le vivant, sans déshumaniser l’humain, sans spatialiser la durée et l’émotion, en travaillant sur du vif et non sur des cendres et des cadavres de laboratoire ?

Troy

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Messagepar captain-troy » 15 nov. 2009, 07:25

Louisa a écrit :
Captain-Troy a écrit :Tristesse : (chagrin, peine)

La tristesse c’est quand on a perdu son enfant, sa mère, son vieux chien, la maison de son enfance, la fille qu’on espérait tant.
C’est quand on a l’eau dans les yeux, les mots dans la gorge, les tonnes sur la poitrine.
C’est voir pleurer un ami, un petit, qu’on voudrait tant consoler.
La tristesse c’est quand c’est fini, plus jamais, pour toujours, sans demain, sans matin.
C’est quand c’est la faute à personne, sans peur, sans colère, sans regret, ni projet.
C’est là, c’est comme ça, c’est rien d’autre, c’est comme ça, la tristesse.


oui d'accord. Mais ne faudrait-il pas dire que dans un certain sens on peut aussi devenir triste lorsqu'on pense à de tels événements?

Supposons que ton enfant est très malade, et que tu ne sais pas s'il va survivre ou non. Est-ce que tu ne vas pas penser de temps en temps à l'idée qu'il ne va pas survivre, et alors devenir triste juste en y pensant, donc juste en pensant au jour qu'il serait mort, en t'imaginant l'enterrement et tout ?

C'est-à-dire est-ce qu'on ne peut pas aussi devenir triste juste en pensant à la possibilité qu'un des événements que tu mentionnes se produise (à condition que ce soit une véritable possibilité, bien sûr, c'est-à-dire qu'on a des raisons pour craindre que ce soit bientôt le cas)?


Ah tu es là !
Bonjour !
Je vais t'envoyer quelque chose dans environ une heure. J'aimerais que tu me dises ce que tu en penses. Merci pour tes dernières réflexions, je m'en occupe.

La tristesse c'est la tristesse. Ceux qui larmoient sur des maladies gérables ou sur des perspectives grises sont des geignards et ont mieux à faire au niveau énergie et action. Qui sait, Spino était peut-être un geignard...

Ceux qui galvaudent et ne respectent pas la vraie, la seule tristesse, celle de la mort et du plus-jamais, sont des niais ou des cœurs secs, qui n'ont sans doute jamais connu ni la tristesse ni la joie.

À tout de suite

:-) Troy

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Messagepar Louisa » 15 nov. 2009, 08:05

Captain-Troy a écrit :Le catalogue des sentiments de Spinoza (Éthique III), pour intéressant qu’il soit, me laisse cependant, pour une assez grande part, l’impression d’une nomenclature artificielle du vivant, de planches grises et figées de naturalistes tropicaux du XVIIIème siècle, d’une schématisation forcenée des passions, un peu à la manière de Freud, plus tard, où la multiplication infinie des modules de leurs usines à gaz répond à l’impuissance à réduire l’irréductible, à domestiquer et à mettre en grilles et en système l’indomptable.


ah je crois que rien n'est plus contraire à Freud que Spinoza!

Juste en guise d'exemple: chez Spinoza l'essence de l'homme est divine, donc une idée vraie, pleinement affirmative. Alors que chez Freud l'essence de l'homme contiendrait une "pulsion de mort". Voir la discussion dans le fil "Spinoza et le karate". Pour Spinoza, toute cause de la mort vient du dehors, alors que selon Freud, elle se trouve à l'intérieur même de l'homme, comme un rat qui ronge l'âme humaine jusqu'à ce qu'elle s'anéantise enfin.

Ou encore: chez Spinoza le manque n'existe pas, n'a pas de "consistance ontologique". Alors que chez Freud et plus encore chez Lacan, ce manque, ce vide, serait ce qui se trouve au coeur même de qui nous sommes, et tout "remède aux Affects" consisterait à avoir le "courage" (affect peu valorisé chez Spinoza) de regarder ce vide au fond de nous-même droit dans les yeux pour apprendre à "l'assumer". Spinoza ne se contente pas de cela, un manque n'est pas là pour être assumé, il s'agit plutôt de comprendre que le manque n'est rien, et n'a aucune puissance causale.

Captain-Troy a écrit :Alors quoi ? Renoncer ? Se taire ? Se condamner au silence ?


non, surtout pas (ce n'est pas pour rien qu'on me reproche d'écrire des messages trop longs ... :D)!

Captain-Troy a écrit :Les approche d’un Kierkegaard sur l’angoisse, d’un Bergson sur le rire, d’un Bataille sur le désir, d’un Rougemont sur l’amour, d’un Mircea Eliade sur la peur et le sacré ne nous offrent-elles pas des pistes pour poursuivre l’escalade himalayenne de l’humain, en évitant les échouages technicistes, les naufrages sur les hauts fonds géométriques, sans stériliser le vivant, sans déshumaniser l’humain, sans spatialiser la durée et l’émotion, en travaillant sur du vif et non sur des cendres et des cadavres de laboratoire ?


il se peut que je me trompe, mais pour l'instant je crois que le plus "vivant" dans la série de philosophes que tu énumères, c'est bel et bien Spinoza. Bataille s'inspire trop des Passions Tristes de la psychanalyse pour moi pour être convaincant. Mais Bergson sur le rire dit des choses absolument géniales, et il est clair qu'il a lu Spinoza de façon très attentive. D'ailleurs c'est bien lui qui a dit que chacun a toujours deux philosophies: la sienne et celle de Spinoza ... :D. Les autres (Kierkegaard, Mircea Iliade, Rougemont) je connais moins bien.
L.

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Messagepar captain-troy » 15 nov. 2009, 08:44

D'accord, d'accord. Pour Freud, c'est bien sûr une tout autre psychologie. Mais c'était juste un exemple d'un autre Meccano des sentiments, complexe, artificiel et décalé du réel. Un jeu...

Troy

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PS : J'arrive dans 10 minutes avec mon process de la nouvelle haine !

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Louisa
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Messagepar Louisa » 15 nov. 2009, 09:19

Captain-Troy a écrit :D'accord, d'accord. Pour Freud, c'est bien sûr une tout autre psychologie. Mais c'était juste un exemple d'un autre Meccano des sentiments, complexe, artificiel et décalé du réel. Un jeu...


ah d'accord. Dans ce cas, disons qu'à mon sens la philosophie "par essence" est "complexe, artificielle et décalée du réel". C'est précisément son atout d'être ainsi. Ce qui signifie que c'est tout sauf un jeu gratuit. Jeu oui, mais avec une implication "existentielle" forte (d'ailleurs quel jeu n'implique pas cela ... ? Si on a 10 ans et on joue le rôle d'un pirate dans un jeu avec ses copains/copines, cela a tout de même un sens existentiel, non? On ne fait pas du tout n'importe quoi, les jeux qu'on joue à ses 10 ans sont très sérieux (même si c'est en même temps aussi très rigolo)!).

C'est-à-dire, je crois que je comprends bien ton reproche par rapport à une certaine manière de faire de la philosophie qui est complètement détachée du réel ... je l'ai vue moi-même, et oui, c'est terrible. Mais je crois qu'on risque de jeter le bébé avec l'eau du bain si l'on se dit que la philosophie de Spinoza par exemple, ce n'est "qu"'un jeu.
Bien à toi,
L.

PS: puisque tes "dix minutes" entre-temps sont déjà plus qu'une demie heure ... je vais tout de même me coucher ... :D ... bonne nuit et à bientôt!


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