Et pendant ce temps-là, à la même heure, tout là-bas...

Questions et débats d'ordre théorique sur les principes de l'éthique et de la politique spinozistes. On pourra aborder ici aussi les questions possibles sur une esthétique spinozienne.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 06 nov. 2009, 15:51

DGsu a écrit :Il faut peut-être remarquer que (et je ne suis pas allé vérifier donc je cite de mémoire) certaines des premières réactions aux messages de Korto allaient dans le sens d'une tentative de discussion. Et il me semble aussi que cela n'a pas donné grand résultat. Il ne s'agit pas ici de distribuer les fautes, mais de rétablir des faits. Et comme je connais suffisamment bien un des membres du forum pour affirmer qu'il n'est pas du genre à se laisser aller à la colère ou à la réponse haineuse, je ne serais pas aussi sévère que vous dans la constatation d'échec. Mais il est évident que nous (collectivement) n'avons pas réussi. Cela n'entraîne pas notre culpabilité, (...).


Bonjour DGsu,

juste ceci, en attendant une réponse plus complète, et pour éviter tout malentendu. La constatation d'échec dont je parlais ne concerne effectivement que les faits. Comme j'ai essayé de le dire dans mon tout premier message dans ce fil, je crois que c'est une erreur de penser qu'il n'y avait que moi qui ai essayé ou qui ai continué à essayer de discuter. Qu'on y ait réussi ou non à mon sens n'a rien à voir avec la mesure dans laquelle on aurait éventuellement essayé. Qu'à l'époque plus d'un intervenant dont je pensais qu'il était assez dépourvu de Haine commençait du coup à écrire les choses les plus haineuses ne peut à mon sens pas du tout être compris comme "signe" de ne plus avoir essayé de briser le cercle vicieux de la Haine (d'ailleurs, je me souviens d'avoir discuté avec la plupart d'entre eux par MP pour pouvoir trouver une solution, preuve, si preuve il fallait encore, qu'on tentait tous la même chose).

Autrement dit, je ne pense pas qu'on puisse comprendre l'échec en passant à un procès d'intention, du moins si l'on veut essayer de le comprendre d'un point de vue spinoziste (ni, bien sûr, en se basant sur l'idée d'une quelconque culpabilité, comme vous le dites très justement). Or cela signifie aussi ne pas essayer de comprendre les interventions de Korto sur base de la notion de l'intention. Ou si l'on veut absolument le faire, je ne vois pas comment ne pas dire qu'il est certain que Korto aussi, comme nous tous, essayait réellement de discuter et de combattre la haine. Il le faisait à sa façon, en utilisant un discours violent comme arme (et tout de même de temps en temps, il faut le dire, un humour assez impressionant)... tout comme la plupart d'entre nous ont pensé qu'une réponse violente était sans doute la meilleure réponse, non pas en général mais précisément dans le but même de diminuer la violence. Je crois que le schéma de la peur que Captain-Troy vient d'expliciter dans son dernier message permet d'assez bien rendre compte de ce phénomène.

A très bientôt pour la deuxième partie de votre message,
Bien à vous,
L.

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Messagepar Sinusix » 06 nov. 2009, 18:37

Bonsoir à tous,

captain-troy a écrit :Je travaille actuellement sur les points de la chaîne de la peur et de la haine sur lesquels nous pouvons peser et agir pour y reprendre un peu de maîtrise, sinon pour prendre les commandes de cette terrible usine atomique, en tout cas pour faire en sorte d'y éviter les accidents nucléaires et les déchaînement d'énergie destructeurs où nos passions et notre passivité nous conduisent parfois.


Je fais un petit complément à mon précédent message, par lequel je soumets une piste de réflexion relativement à cet aspect de l'enchaînement cumulatif de la peur et de la haine.

Je rappelle en premier lieu une des raisons pour lesquelles je ne trouve pas qu'il soit opérationnel de transiter continuellement par la Tristesse. Pour moi, en effet, elle n'est, dans de multiples situations, que le corrélat permettant de visualiser l'incidence d'une situation réelle sur le Conatus ou puissance d'agir. Je m'explique :
Je me trouve devant un lion.
Deux visions possibles :
1/ J'ai peur (affect), et je fuis (attitude corporelle);
2/ Je fuis (attitude corporelle), et j'ai peur.

Certes nous ne savons pas ce que peut le Corps. Néanmoins, et c'est bien, me semble-t-il, la vision Spinoziste que semblent confirmer les expériences neurologiques, il semble bien, en l'occurrence, que le sentiment conscient de peur naisse d'une action de fuite déjà engagée. Autrement dit, confirmation du parallélisme, il y a bien simultanéité et concordance entre l'action de fuir et le sentiment de peur.

Tout cela pour dire qu'il ne faut pas oublier le lien viscéral entre l'attitude corporelle prise (manifestation dans l'étendue), que l'on peut étendre à l'attitude de tel corps social ou politique tout entier, et l'affect qui en est le corrélat.
Est-il besoin d'aller chercher en renfort quelques belles pages des Propos sur le Bonheur, invitant à analyser ce lien indissoluble, lequel bien analysé, permet effectivement de diminuer l'enchaînement.

Il est facile d'en faire l'application quotidienne.

Une des pistes de réflexion consiste donc, dans un premier temps, le temps premier où les natures ne convenant absolument pas ne pourront se rencontrer par le raisonnement et le dialogue, à agir de manière contraire à la ligne de correspondance physique de l'affect mauvais rencontré (dans la mesure bien entendu où l'on n'est pas devant un lion, ou assimilé, puisque dans ce cas il s'agit de sauvegarde de soi).
Briser l'enchaînement en prenant l'attitude contraire de celle "imaginée" par l'autre comme correspondant à l'affect considéré : ne pas serrer les points, baisser la tête, ne pas hausser le ton.
Il s'agit de trouver le correspondant concernant les grandes causes :
Désarmement nucléaire unilatéral, arrêt effectif de la colonisation, etc.

Mais les puissants ne savent fédérer que par la peur.

J'arrête là, car la cavillation m'atteint.

Amicalement

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Messagepar Louisa » 06 nov. 2009, 22:15

DGsu a écrit :Quant à

Spinoza a écrit :
Mais il faut remarquer qu'en ordonnant nos pensées et nos images nous devons toujours prêter attention (...) à ce qu'il y a de bon dans chaque chose, afin qu'ainsi ce soit toujours un affect de Joie qui nous détermine à agir.


que vous citez justement je suppose que ce que Spinoza entend par "bon dans chaque chose" est ce qui est bon pour moi ou pour quelque chose d'autre en particulier. Se pourrait-il qu'en toute chose il y ait du bon pour moi ? J'en doute. Qu'en toute chose il y ait du bon pour une autre chose, c'est possible. Que faire alors si je suis face à une chose que je juge totalement mauvaise pour moi, même si j'ai conscience que ce jugement est temporaire ou mû par des idées inadéquates ? Nous pourrions prendre un autre exemple que celui de ce fil, et plutôt qu'une personne, nous pouvons revenir sur le plan des idées. Que fais-je si je me trouve face à une idée qui (comme l'écrit à nouveau Spinoza dans ses lettres à Blyenbergh) répugne à ma nature (il s'agissait en l'occurence du crime, ce qui est facile) ?


Bonjour DGsu,

voici comme promis la suite de mon message précédent.

Je crois que comprendre qu'il y a quelque chose de bon pour moi dans absolument et sans exception toute chose est fondamental pour pouvoir comprendre 1) le troisième genre de connaissance, et 2) le mécanisme qui permet de créer toujours davantage de "concorde", comme Spinoza l'appelle, ou de cohésion sociale, si l'on veut.

Le jugement qu'une chose est totalement mauvaise pour moi est bien sûr un jugement qu'on a tous de temps en temps, mais dont le seul remède consiste à se rappeler ce que Spinoza dit dans l'E5 de l'axiome de l'E4:

Spinoza dans l'E5P37 scolie a écrit :L'Axiome de la Quatrième Partie regarde les choses singulières en tant qu'on les considère en relation en un temps et un lieu précis, ce dont, je crois, personne ne doute.


comme le disait déjà Deleuze, quand on lit cela, il faut rire, car Spinoza aurait pu dire ceci déjà plus tôt, cela nous aurait aidé à mieux comprendre l'axiome de la quatrième partie ... :D

L'axiome en question dit, pour rappel, que "il n'y a pas de chose singulière, dans la nature des choses, qu'il n'y en ait une autre plus puissante et plus forte. Mais, étant donnée une chose quelconque, il y en a une autre plus puissante, par qui la première peut être détruite."

Cela implique de ce n'est que du point de vue du temps qu'une autre chose peut nous détruire, et non pas du point de vue de l'éternité c'est-à-dire realiter. C'est pourquoi déjà dans la première partie de l'Ethique Spinoza a pu dire que toutes les essences conviennent entre elles: comme le dit Bernard Pautrat, le troisième genre de connaissance consiste à voir que telle ou telle chose singulière est elle aussi "du Dieu", autrement dit à une essence singulière éternelle qui affirme sans aucune négativité l'essence de Dieu.

A mon avis, le remède Spinoza à la haine consiste notamment à apprendre à voir n'importe quelle chose singulière, qu'elle nous affecte de Joie ou de Tristesse, en tant que pure force affirmative. C'est comprendre cela pour telle ou telle chose singulière qui est équivalent à avoir une idée adéquate du troisième genre, et donc c'est exactement cela qui permet de ressentir de la béatitude.

Or cela signifie faire toute autre chose lorsqu'on est confronté à la Haine que ce que prévoit le schéma proposé par Captain-Troy (et qui pourtant à mon sens est correcte, en tant que tel): cela signifie qu'il faut activement aller à la recherche de l'essence singulière éternelle de l'autre, et dès qu'on a trouvé quelque chose qui appartient à cette essence, on sentira toute haine (chez soi-même, bien sûr) disparaître, alors que le fait même de sentir la puissance singulière éternelle de quelqu'un implique qu'on l'Aime, ce que tôt ou tard il sentira, et qui augmentera sa puissance et donc diminuera la Haine.

Bref, à mon sens comprendre en quoi toute et n'importe quelle chose peut avoir quelque chose de bon est tout à fait crucial, d'un point de vue spinoziste, non seulement pour pouvoir avoir des idées adéquates du troisième genre mais surtout aussi pour pouvoir briser le cercle vicieux de la Haine.

Sinon en ce qui concerne les idées qu'on n'aime pas: ne faudrait-il pas dire que là c'est beaucoup plus facile, puisqu'il ne s'agit que de vraiment comprendre l'idée pour ne plus la haïr, et comprendre une idée demande beaucoup moins de puissance de penser que de comprendre l'inadéquation et donc l'aspect purement imaginaire de notre Haine pour une personne. Inversement, ne plus haïr une idée veut simplement dire ne plus sentir sa puissance diminuer en y pensant. Mais cela n'oblige en rien à croire en la vérité de cette idée, car il se peut que l'idée en question est tout à fait inadéquate.

DGsu a écrit :
Louisa a écrit :
Or les dangers pour Spinoza (comme il y explique), c'est précisément la Tristesse, la Haine etc. que l'on ressent soi-même. A mon sens cela signifie que lorsqu'on est importuné par quelqu'un, ou, dans le langage spinoziste, lorsqu'on haït quelqu'un (je crois qu'il est important de voir que chez lui les deux reviennent au même, même si spontanément, dans le langage courant, on n'appellerait pas forcément "haine" le sentiment d'être importuné, on va plutôt dire qu'on est importuné par ce qu'on suppose être la haine de l'autre à notre égard), on n'a que deux choix: ou bien on est suffisamment puissant pour détruire cette Haine ou Tristesse en nous, et alors on peut interagir plus ou moins calmement avec l'autre, ou bien non, mais alors ... il faut fuir, car sinon le désir de détruire la chose dont on imagine qu'elle nous haït sera trop grand pour ne pas commencer à répondre à la haine par la haine, et dans ce cas la boucle est bouclée (E3P20: "Qui imagine détruit ce qu'il a en haine sera joyeux").


Voire, qu'en est-il si la violence est réelle, psychologique ou physique ? Continuons-nous à chercher le bon qu'il y a en elle ?


c'est surtout dans ces circonstances qu'il faut chercher cela, car c'est précisément cela le remède à la violence. Ce qui n'empêche que si la violence est telle qu'on risque de ne plus pouvoir voir du bon chez l'autre parce qu'on est en train de risquer sa vie, alors il faut fuir (or il va de soi que cette situation ne peut jamais se produire sur un forum électronique). Le plus important, me semble-t-il, c'est que d'un point de vue spinoziste la seule chose à ne pas faire, c'est de répondre à la violence par la violence.

Intervenir dans une discussion pour dire qu'on trouve que l'autre n'a rien d'intéressant à dire, c'est tenir des propos violents. Intervenir pour dire que l'autre est ridicule, c'est tenir des propos violents. Car si l'on écrit sur ce forum, c'est par définition parce qu'on a quelque chose à dire. C'est pourquoi à mon sens aussi bien Korto que Captain-Troy avaient parfaitement raison chaque fois qu'ils reprochaient à leur interlocuteur de ne montrer que de la Haine. Ce qui bien sûr ne les a aucunément empêché d'écrire eux-mêmes des choses haineuses (à propos, je sais bien que certains préfèrent à tout prix identifier sans cesse Korto et Captain-Troy, mais je pense qu'il y a suffisamment de différences entre les deux pour ne pas le faire et pour se concentrer sur les idées que chacun d'entre eux propose, sans devoir absolument s'obstiner à aller chercher ce que Deleuze appelle le "sale petit secret" de l'autre, ou de ce qu'on imagine être l'autre).

DGsu a écrit :Ceci écrit, je suis entièrement d'accord avec vous que

louisa a écrit :d'habitude on va plutôt l'identifier à ses Passions, et alors essayer de se protéger contre lui, au lieu d'essayer de se lier d'amitié avec lui.


Nous restons avec le problème de l'extrémité, car même après avoir essayé, dans la limite de nos capacités, que fait-on ?


en fait, je pense que le seul cas extrême, c'est celui où l'on risque de mourir. C'est dire que sur un forum électronique on ne peut jamais rencontrer des cas extrêmes. On peut avoir des gens qui ne respectent pas la charte, et alors on peut les censurer (ce que hélas on ne fait pas de manière systématique sur ce forum). Mais sinon je crois qu'un forum électronique est vraiment l'endroit par excellence pour apprendre à remédier à ses propres affects de Tristesse et de Haine lorsqu'on lit certains messages. Le tout c'est de comprendre qu'il ne s'agit pas tant d'"essayer", il s'agit avant tout d'essayer la solution adéquate, ce qui est tout autre chose, car alors il faut commencer par s'interdire toute remarque qui pourrait être interprétée comme étant condescendante, méprisante, insultante etc. (ce qui signifie qu'il faudrait enlever pas mal de message de ce fil, par exemple ... :D ).

Enfin, ceci n'est que ma façon de lire Spinoza. Toute mise en question ou toute confrontation à des passages du texte dont on pense qu'ils contredisent ce que je viens de dire sont plus que bienvenues.
Bien à vous,
L.
Modifié en dernier par Louisa le 06 nov. 2009, 23:19, modifié 2 fois.

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Messagepar hokousai » 06 nov. 2009, 22:59

Korto écrit
1) "Chez lui la peur ou, comme il l'appelle la "Crainte", c'est une Tristesse (c'est-à-dire une diminution de notre puissance)."
Je pense que Spino se trompe. La peur n'est pas une diminution de notre puissance en valeur absolue.


Chez Spinozala tristesse est un acte en lequel se trouve diminuée ou contrariée notre puissance d'agir .
L'esprit imagine son impuissance quand l'esprit s' efforce d'imaginer quelque chose qui pose sa puissance d'agir et que son effort est contrarié , alors il est triste .

La peur est un affect qui dispose l'homme de telle sorte qu'il ne veuille pas ce qu'il veut ou bien qu'il veuille ce qu'il ne veut pas . La peur dispose l' homme à vouloir éviter le mal qu'il juge se produire , par un mal moindre .
.........................................................................................................
La peur est un désir contrarié .(un désir c'est à dire efforts, impulsions appétits ,volitions de l' homme )

Voyons comment ce qui semble bien géométrique chez Spinoza peut épouser la mouvance des affects .

Un homme face à un lion
L'homme qui a peur voudrait bien éloigner le mal (le lion ) mais il doit se rabattre sur un moindre mal , c'est à dire réorienter sa puissance d' agir au rabais .
Il ne peut vaincre le lion (il voudrait bien, dommage il ne le peut )
Il veut ce qu'il ne veut pas . il va tenter de fuir .

A une puissance d'agir comprise comme s 'augmentant ( attaquer le lion ) il doit substituer un passage à une puissance d'agir moindre ( la fuite ).

S'il s'imagine cette fuite comme une moindre puissance d'agir alors il y a tristesse .
Car la tristesse consiste dans le passage à une moindre perfection .
............................................................................

le rôle de l'imagination est capital dans la perception intime de la tristesse .

hypothèse probable : si l'esprit s' efforçant d'imaginer une fuite efficace son effort d 'imaginer à nouveau est contrarié , c'est à dire qu'il doute de l'efficacité de sa fuite , alors il est triste .Il est triste s'il comprend la fuite comme un moindre mal .

Mais si l'homme imaginait que la fuite produise une augmentation de sa puissance , on peut en conclure qu'il éprouverait de la joie avant de fuir et en fuyant . L homme assuré de sa vitesse de fuite face au lion n' a plus peur et n'est pas triste . Il est joyeux s'il comprend la fuite comme un bien , c'est à dire ce qui augmente sa puissance (relative ) par rapport à l'impuissance absolue de l'être dévoré .

On constate très bien se basculement rapide de la tristesse en joie consécutif à la fin de la peur .

hokousai

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Messagepar DGsu » 06 nov. 2009, 23:30

Louisa a écrit :Enfin, ceci n'est que ma façon de lire Spinoza. Toute mise en question ou toute confrontation à des passages du texte dont on pense qu'ils contredisent ce que je viens de dire sont plus que bienvenues.


Je n'en vois pas pour l'instant. Je vous remercie donc pour cet exposé aussi clair que complet et avec lequel je suis en accord. En particulier sur les raisons de chercher le bon pour moi en toute chose qui découlent aussi clairement de Spinoza.

Louisa a écrit :Sinon en ce qui concerne les idées qu'on n'aime pas: ne faudrait-il pas dire que là c'est beaucoup plus facile, puisqu'il ne s'agit que de vraiment comprendre l'idée pour ne plus la haïr, et comprendre une idée demande beaucoup moins de puissance de penser que de comprendre l'inadéquation et donc l'aspect purement imaginaire de notre Haine pour une personne. Inversement, ne plus haïr une idée veut simplement dire ne plus sentir sa puissance diminuer en y pensant. Mais cela n'oblige en rien à croire en la vérité de cette idée, car il se peut que l'idée en question est tout à fait inadéquate.


Absolument! Mais n'est-ce pas sans compter avec la possibilité que ces idées se répandent et en séduisent d'autres que moi, avec les conséquences que l'on peut imaginer ? Car une idée n'est pas seulement suspendue dans l'attente que je la comprenne pour faire en sorte qu'elle ne diminue pas ma puissance, elle voyage. Serais-je alors confronté à l'infini travail de devoir répandre la raison ? Après tout, si Spinoza s'est caché ou si d'autres se taisent, c'est pour éviter certains désagréments liés aux idées de leurs contemporains.

Louisa a écrit :en fait, je pense que le seul cas extrême, c'est celui où l'on risque de mourir.


Je ne suis malgré tout pas certain, sans pouvoir ici invoquer Spinoza, qu'il n'existe pas d'autres cas moins graves où, même sans être exposé à la mort, les conséquences s'avèrent aussi pénibles et durables. D'autant plus si la recherche du bon qu'il y a en l'autre nous expose régulièrement à le subir. Ce sont après tout des situations que nous vivons régulièrement. (Je ne parle évidemment pas de ce forum où, nous sommes d'accord là-dessus depuis le début, si la haine existe, ses conséquences sont minimes.)

Bonne nuit, et à défaut de rêves, bonnes cogitations.

DG
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Messagepar hokousai » 07 nov. 2009, 00:24

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Modifié en dernier par hokousai le 07 nov. 2009, 13:11, modifié 1 fois.

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Messagepar captain-troy » 07 nov. 2009, 00:43

Bonjour à tous ! Ou bonsoir...
Ça va ?

Une petite remarque,en passant, sur la peur et la tristesse :

L'annonce du décès d'un proche, l'annonce de la destruction de ma voiture par mon fils imprudent, l'annonce de ma fragilité cardiaque provoquent clairement en moi de la tristesse au sens spinozien, dans la mesure où ces événements impliquent une diminution de ma puissance d'agir. On me coupe mon parent, ma voiture, mon énergie cardiaque, un peu comme si l'on me coupait un bras. D'accord.

La prévision, l'imagination, l'anticipation mentale de ces mêmes événements provoquent également de la tristesse en moi puisque je me représente la diminution de ma puissance d'agir d'agir comme imminente, quasi présente déjà.

Mais la proximité inattendue d'une énorme forme de poisson, mal identifié et potentiellement dangereux, dans le tombant d'un récif corallien lors d'une plongée de loisir dans mon cher lagon tropical, provoquent une irrépressible réaction de peur mais ne provoque jamais la moindre tristesse en moi !
Un prudent écart, une prudente immobilisation, un prudente remontée au bateau, une prudente préparation du fusil sous-marin s'ensuivent, au choix, mais aucune lamentation ne s'échappe de mon tuba, aucune larme ne s'écoule de mes yeux dans mon masque et je ne me sens en rien triste ! Apeuré certes, mais pas triste.

Et après l'examen des choses et la peur passée, grâce aux précautions consécutives qu'elle m'a amené à effectuer, si c'est un requin, la peur persiste, doublée de haine pour l'animal qui me ridiculise, m'affaiblit et me gâche ma plongée ou bien elle s'évapore laissant place au calme et à la sérénité de prendre en photo, par exemple, le dugong ou le dauphin farceur qui étaient venus me saluer !

Mais... j'ai beau chercher dans tout l'immense Océan Pacifique, pas la moindre trace de tristesse, ou de joie d'ailleurs, ne s'est échappée de cette scène vers le vaste Monde du Silence qui constitue mon ni gai ni triste quotidien !

Faut un peu arrêter les orgies d'onomaturgie et de se ... avec les mots en l'absence de la charnelle réalité ! Plus rien n'a de sens à force.

Sinon, un merci général pour vos interventions très intéressantes dans cette discussion où ces études peur-haine pourront très utilement nourrir la réflexion sur les cyclones et les dépressions du monde que je mentionnais en tête du sujet et au sujets desquels je déplorais l'indifférence des débatteurs du forum.

Bien à vous tous,
Troy

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Modifié en dernier par captain-troy le 07 nov. 2009, 01:29, modifié 1 fois.

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Messagepar Louisa » 07 nov. 2009, 00:47

Hokousai a écrit :Le pire pour un élève voyez- vous c'est le silence du professeur . Ce qui est peut être confortable pour lui est des plus inconfortable pour l' élève .


Cher Hokousai,

d'accord. Mais à mon sens c'est une idée totalement inadéquate que de penser qu'ici vous vous trouveriez dans la position du professeur et Captain-Troy dans la position de l'élève ... !!

Sur un forum électronique où l'on discute en utilisant des pseudos (pseudos qu'à mon sens il faut respecter et ne pas confondre selon ce qu'on préfère/imagine, soit dit en passant), chacun est égal. Seule la vérité ou la fausseté des idées compte.

Hokousai a écrit :Vous avez eu de la haine, vous ? Apparemment pas .
Et les autres ? D 'où tenez vous qu’ils aient eu de la haine .


j'ai certainement une Haine pour certaines idées, et sinon oui, comme le dit déjà Spinoza, on ne peut que tous pâtir et donc avoir de la Haine de temps en temps.

D'ailleurs souvenez-vous que la Haine chez Spinoza ne se définit que par une Tristesse accompagnée de l'idée d'une cause extérieure. Sur base de cette définition, je crois qu'il est parfaitement légitime de dire que beaucoup de réponses faites ci-dessus à Captain-Troy témoignent de la Haine, et cela sans devoir alle scruter l'âme des auteurs derrière les pseudos, qui éventuellement ne sentaient rien de ce qu'on associe dans le langage ordinaire au mot "haine" en écrivant ces messages ... .

Sinon (et comme je vous l'ai déjà dit il y a quelque temps) j'avoue qu'exception faite de votre attitude par rapport à Korto, Phiphilo et Captain-Troy, à mes yeux si quelqu'un sur ce forum est un véritable champion en matière d'absence de Haine ou en matière de "ne pas écrire des messages susceptibles de susciter de la Haine chez certains lecteurs", c'est bien vous, et non pas moi ... .
L.

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Messagepar Louisa » 07 nov. 2009, 01:24

Captain-Troy a écrit :Faut un peu arrêter les orgies d'onomaturgie et de se ... avec les mots en l'absence de la charnelle réalité ! Plus rien n'a de sens à force.


Bonjour Captain-Troy,

je commence par la fin ... .

Toi qui vas plonger dans des lagons tropicaux pour y affronter de grands dangers, tu voudrais nous faire croire qu'en même temps tu te méfies d'orgies ... ? Non mais ... ?

En tout cas, comme déjà dit, je crois qu'un peu d'onomaturgie non seulement peut parfois avoir du sens mais est même tout à fait nécessaire. Mais je comprends que de prime abord cela a l'air d'être peu clair ... tentative d'expliquer davantage.

Captain-Troy a écrit :Mais la proximité inattendue d'une énorme forme de poisson, mal identifié et potentiellement dangereux, dans le tombant d'un récif corallien lors d'une plongée de loisir dans mon cher lagon tropical, provoquent une irrépressible réaction de peur mais ne provoque jamais la moindre tristesse en moi !
Un prudent écart, une prudente immobilisation, un prudente remontée au bateau, une prudente préparation du fusil sous-marin s'ensuivent, au choix, mais aucune lamentation ne s'échappe de mon tuba, aucune larme ne s'écoule de mes yeux dans mon masque et je ne me sens en rien triste ! Apeuré certes, mais pas triste.


ok, difficile de ne pas être d'accord avec toi. Mais c'est pour ça que Spinoza parle de "Tristesse" avec majuscule. La Tristesse spinoziste n'est donc pas exactement la même chose que la tristesse du dictionnaire et par conséquent de nos expériences "charnelles" c'est-à-dire quotidiennes.

C'est vrai qu'en général on identifie tristesse et lamentations, ou tristesse et mélancolie, absence de désir de faire quoi que ce soit, etc.

Mais Spinoza propose de penser ces moments de tristesse autrement: comme une diminution de notre pouvoir de penser et d'agir (bref, c'est aussi charnel que spirituel, puisque chez lui l'un ne va jamais sans l'autre).

Et alors il me semble (à vérifier) qu'il y a moyen de concevoir la peur comme une Tristesse: si tu vois le gros poisson pour la première fois, tu penses au danger c'est-à-dire à la possibilité d'être mangé par lui. Or cela (être mangé par lui; ou disons même juste être mutilé par lui), c'est bel et bien ce qui chez Spinoza correspond à une diminution de ta puissance voire de ton existence dans la durée tout court. Impossible donc de commencer à activer ton fusil sous-marin sans d'abord avoir pensé à la possibilité de ta propre mort ou d'une future attaque. Et c'est cette pensée-là que Spinoza appelle "Crainte", et cela uniquement au moment où elle se produit. Bien sûr, rien n'empêche qu'une seconde plus tard ta raison a déjà pris le dessus et t'a permis de développer une stratégie de protection efficace. Mais dès que tu l'as commencé, tu n'es déjà plus dans la peur, tu es déjà dans la gestion de la peur.

Captain-Troy a écrit :Et après l'examen des choses et la peur passée, grâce aux précautions consécutives qu'elle m'a amené à effectuer, si c'est un requin, la peur persiste, doublée de haine pour l'animal qui me ridiculise, m'affaiblit et me gâche ma plongée ou bien elle s'évapore laissant place au calme et à la sérénité de prendre en photo, par exemple, le dugong ou le dauphin farceur qui étaient venus me saluer !


8O

une telle photo doit sans doute être impressionnante ...

Captain-Troy a écrit :Mais... j'ai beau chercher dans tout l'immense Océan Pacifique, pas la moindre trace de tristesse, ou de joie d'ailleurs, ne s'est échappée de cette scène vers le vaste Monde du Silence qui constitue mon ni gai ni triste quotidien !


:D

oui, je comprends, au sens ordinaire du terme il va de soi que cela ne sert à rien de vouloir identifier peur et tristesse, on n'y arrivera pas.

Or:

1) dire d'une tristesse, au sens ordinaire, qu'elle est essentiellement diminution momentanée de notre puissance d'agir et de penser, cela ça correspond plutôt à ce qu'on a tous déjà expérimenté, non?

2) dire ensuite d'une Crainte qu'elle est une Tristesse en ce sens précis, cela a à mon sens tout de même quelques avantages. Car au moment où tu t'imagines, ne fût-ce qu'un instant, dévoré par le poisson, tu es tout de même un tout petit peu déstabilisé, non? Il y a l'effet de surprise, la vision, comme un éclair, de sa propre mort, l'idée de ne pas être suffisamment puissant pour pouvoir vaincre ce requin. Cela, ça t'enlève ne fût-ce qu'une milliseconde tes capacités normales de réagir. Ta puissance a donc diminué, la vision de ce requin t'a un instant paralysé, si bien que tu ne disposais pas de tous tes moyens pour réagir.

Bien sûr, en réalité cela se passe très vite, et une milliseconde après, vu que tu as acquis suffisamment d'expérience de ce type de situation, tu as compris ce qu'il faut faire (= tu en as eu une idée adéquate, autrement dit par définition ta puissance d'agir/penser a augmenté de nouveau), et tu le feras.

Or on peut aussi avoir peur d'un futur, de ce qui est incertain et peu agréable mais néanmoins possible dans le futur. Là la peur n'est plus une question d'une milliseconde, elle reste. Et donc là on risque de flotter beaucoup plus longtemps entre Crainte et Espoir, quitte à ne pas pouvoir réellement augmenter sa puissance.

Puis Spinoza dit de la Haine qu'elle est elle aussi une Tristesse. Ce qui pour moi est intéressant là-dedans, c'est que cela nous oblige d'arrêter de s'imaginer celui qui haït comme quelqu'un de très puissant. C'est le contraire qui est vrai: lorsque quelqu'un exprime (dans notre perception) de la Haine, alors il est essentiellement en train de nous dire qu'il sent sa puissance diminuer par ce qu'il haït, et qu'il pense que c'est la chose qu'il a en Haine qui est la cause ultime de cette diminution. Qu'immédiatement après, dans beaucoup de cas, la Haine va déclencher un désir de contre-attaque, qui dans certains cas peut être très utile, n'y change rien. Tandis que l'avantage de concevoir la Haine ainsi c'est qu'on ne doit plus s'en tenir à l'idée que celui qui nous haït est nécessairement plus puissant que nous. Ce qui a pour conséquence très importante qu'on peut arrêter le schéma du cercle vicieux de la Haine que tu as très bien explicité ci-dessus, puisque maintenant il faut plutôt se dire que si X nous haït, c'est qu'il est en train de subir une diminution de sa puissance, et donc que pour arrêter le cercle vicieux de la Haine, il va falloir l'affecter d'une telle façon que sa puissance augmente de nouveau (c'est-à-dire il faut trouver un moyen pour l'affecter de Joie).

C'est donc parce qu'au niveau des moyens de réaction par rapport à la haine on doit s'y prendre tout autrement qu'à mon sens cela vaut la peine de tester pendant quelque temps dans sa vie quotidienne l'idée spinoziste de la Haine et de la Tristesse, car il se peut que cette idée est beaucoup plus efficace à briser une imitation mutuelle et infinie de la Haine que l'idée "ordinaire" qui n'identifie pas Haine et Tristesse.

Mais tu ne seras peut-être pas d'accord ... ? Ou tu trouveras peut-être qu'en passer par la notion de la sublimation est beaucoup plus efficace encore ... ? Si oui, pourquoi?
Bonne fin d'après-midi/nuit,
L.

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Messagepar hokousai » 07 nov. 2009, 01:42

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Modifié en dernier par hokousai le 07 nov. 2009, 13:12, modifié 1 fois.


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