Ethique V, proposition 23

Lecture pas à pas de l'Ethique de Spinoza. Il est possible d'examiner un passage en particulier de cette oeuvre.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 28 mai 2006, 01:45

à Antoine

Spinoza parle( sur le fond) d’une idée qui exprime l’essence du corps sous un espèce d’éternité , c’est une manière de penser précise qui appartient à l’essence de l ‘esprit et qui es nécessairement éternelle .

Spinoza distingue l’essence de l ‘existence
L’essence : ce sans quoi la chose et inversement ce qui sans la chose ne peut ni être ni se concevoir .
Ce n’est pas à leur essence que les choses doivent d’exister mais à Dieu
L’essence d’une chose ne suffit pas à faire exister la chose
L’essence peut être comprise comme non inscriptible dans la temporalité( d’ où l’idée qui exprime l’essence du corps sous une espèce d éternité )
Il faut cependant qu’ un corps ( humain par exemple ) existe pour que l’essence existe et soit comprise .


hokousai
( sous réserve au vu de la subtilité des arguments et de la complexité des concepts !!)

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Messagepar sescho » 28 mai 2006, 10:12

A Royantoine,

Le sujet est assez difficile, comme tout ce qui touche à l’éternel dans le temporel, et inversement. Dieu, qui est tout, est intemporel, mais inclut l’existence temporelle.

Je dirais d’abord qu’ "Âme humaine" (Mental) est une notion générale, et même très générale : elle est un terme générique qui rassemble tous les mouvements psychiques pouvant se produire dans un être humain (« être humain » étant aussi une notion générale…) Autrement dit, il n’y a en fait aucun Mental réel qui perçoit : il n’y a que la perception en l’instant (ou le désir, etc.)

Ensuite, « perception » est dans mon esprit équivalent à « idée intuitive » chez Spinoza, donc se rapportant plutôt (car je peux admettre qu’elle puisse être fausse et donc non-claire) à la connaissance du troisième genre, la science intuitive. Une perception claire (une idée claire et distincte) comprend l’idée d’elle-même en tant que claire, et donc la clarté n’est rien qui s’ajoute à l’idée.

Comme dit plus haut, « éternel » n’a rien à voir avec « immortel » : est éternel ce qui est perçu clairement comme n’ayant pas de rapport au temps, et n’est d’ailleurs clairement perçu, outre les sensations prises en elles-mêmes, que ce qui n’a pas de rapport au temps.

La question qui reste est donc : est-il concevable qu’une perception claire puisse être temporaire ? Je ne vois pas ce qui s’y oppose : la connaissance du troisième genre émerge de la rencontre dans le monde changeant, tout en transcendant ce même monde. Nous en venons donc à la conclusion que l’ "Âme humaine" n’est éternelle que le temps durant lequel elle perçoit clairement et distinctement :D.

La discussion n’est sans doute pas finie… :wink:


Amicalement


Serge

P.S. J'accroche assez mal sur les explications par le "rapport." La conscience que tout se rapporte à Dieu est incontestablement la base première et incontournable de la perception claire, voilà ce que je vois. Tout ce qui apparaît comme temporel a un fondement intemporel (une réalité intemporelle) ; la question subsidiaire est ce que nous, modes finis et donc partiels, pouvons atteindre.
Connais-toi toi-même.

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Messagepar hokousai » 28 mai 2006, 12:28

Cher Serge

Spinoza ne parle pas de l'éternité de l'âme humaine mais d'un quelque chose qui appartient à l’essence de l’esprit et sera nécessairement éternel.
Expressément (dans les propositions 22 23 partie 5puis 29puis32) Spinoza renvoie ( ou utilise pour démontrer ) l 'idée de l'essence du corps humain .C’est cette idée qui explique .Non l’idée du corps mais l’idée de l’ essence du corps .Voilà pourquoi nous sommes renvoyé à l essence .

Il faut à mon avis suivre de très près le texte et les renvois (de prooositions en propositions )pour comprendre ce que veux dire Spinoza .On ne peux comprendre le texte de l’ Ethique sans relire ce à quoi Spinoza y renvoi ( sauf à connaître le texte par cœur )
.La circulation peut conduire loin et sembler interminable d’ ailleurs .

……………………..

Autre question, c’est une question sur laquelle je ne suis (suivre ) pas Spinoza .

La connaissance du troisième genre ne me semble pas relever ni de la sensation ni de la perception mais de l’esprit connaissant adéquatement l’essence des choses et assimiler la connaissance du troisième genre à une intuition existentielle ( ou phénoménologique ou bouddhiste ) des choses ne me semble pas l’idée de Spinoza
Spinoza ( à la différence de Berkeley ) ne semble pas accorder la même importance aux perceptions qu’aux idées . Chez Spinoza la catégories de l’affect recouvrent ce qui peut être l’ objets des idées du corps . Il y a une dissymétrie cognitive en faveur de l’ attribut pensée ce qui peut conduire trop facilement à des interprétations idéalistes, car si l’affect est toujours accompagné de l’idée de l’affect, quid de l’ accès à l affect ?.
Spinoza parle t il d’affects clairs et distincts ( d’ affects adéquats ) ou alors de perceptions adéquates ?

Après tout la dissymétrie pourrait être acceptable mais reflète t -elle l ‘expérience intime des affects ?
Moi je veux bien que quand je souffre d’une douleur la conscience de cette douleur soit appelée idée de la douleur mais il y a une distance qui me semble infranchissable entre le concept ( voire les définitions) et la conscience de la douleur.
L’ esprit est l’idée du corps d’accord mais alors la relation n’est pas réflexive le corps n’ est pas affect des idées . Les idées ne souffrent pas .

amicalement

Hokousai.

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Messagepar Miam » 28 mai 2006, 21:44

Je vais me faire l'avocat du diable (ou de Dieu ?). Je pense qu'il y a cependant une assymétrie entre le Mental et le Corps. Comme l'a expliqué plus haut Henrique, une partie du Mental est éternelle. C'est la partie qui a (est) l'idée de l'essence du Corps sub specie aeternitatis. Mais ensuite Henrique écrit qu'il y a aussi une partie du Corps qui est éternelle. Et il ajoute que cette partie, c'est son essence, à savoir ce sans quoi il ne peut être ni être conçu et vice versa.

Je ne pense pas que l'essence du Corps soit une de ses parties. CONTRAIREMENT AU MENTAL le Corps se régénère continuellement et ne possède donc jamais les mêmes parties. L'essence du corps, ce n'est pas une partie du Corps mais le rapport selon lequel ses parties constituantes changeantes communiquent leurs mouvements tout au long de son existence de Corps. L'essence du Corps est "constituée" par ces parties. Toutes ses parties. Ce ne peut donc être une seule partie du Corps.

Dans le cas du Mental, c'est différent. Il est et son essence est constitué(e) des idées de ses affections. Mais seules les idées adéquates ou affects actifs "appartiennent" à son essence. Le Mental éternel, ce n'est pas ce qui constitue son essence, à savoir comme pour le Corps : toutes ses parties. C'est seulement certaines parties : celles qui "appartiennent" à son essence et par conséquent une partie (celle qui appartient à son essence).

Je crois qu'on peut voir là comme une différence de "temporalité" entre le Mental et le Corps. Ce qui appartient à l'essence du Mental, ce qui est éternel dans le Mental, c'est une partie du Mental disons : "considéré à son dernier souffle" (puisque les Juifs nous ont appris que le Mental souffle :wink: ). Ce qu'il y a d'éternel dans le Corps, par contre, c'est semble-t-il, son essence elle-même, constituée de toutes les affections que le Corps a dans son existence. Semble-t-il : puisque le Mental peut la considérer "sub specie aeternitatis". On comprend bien cela puisque son essence, c'est sa production dans l'attribut comme on l'a dit plus haut (je sais plus qui).

Par contre ce n'est pas le cas pour le Mental. Son essence n'est pourtant pas moins "éternelle" que celle du Corps. Ce sont tous les deux des modes. Donc y a pas de raison. Il s'agit pourtant d'une partie du Mental qui est l'idée de l'essence totale du Corps.

On peut expliquer cela comme suit. Ce qui est éternel, c'est bien une partie du Mental, une partie qui "constitue" son essence, mais non une partie de son essence. C'est son essence totale elle-même, comme ce l'est du Corps. Mais tandis que Spinoza distingue ce qui appartient à de ce qui constitue l'essence du Mental, il n'en va pas de même pour le Corps. L'essence du Corps est constituée par ce qui lui appartient. Il y a bien des parties plus ou moins "puissantes" dans le Corps, mais il n'y a pas de parties adéquates et d'autres non. C'est pourquoi sans doute "on ne sait pas ce que peut un Corps" : il n'y a pas l'adéquation comme limite de sa puissance. Le Mental quant à lui, a bien des idées adéquates d'une part et inadéquates de l'autre. Et lorsque une idée est adéquate, elle est totalement active, contrairement aux parties du Corps.

Je pense que cette dissymétrie doit être mise en rapport avec le fait que c'est l'idée d'un Corps EXISTANT EN ACTE qui constitue l'ESSENCE du Mental (II 11, 13, etc..). L'existence en acte du Corps, dont l'idée constitue le Mental, ce n'est que le Mental qui peut en concevoir l'essence, puisque seul le Mental a des idées adéquates. Seul le Mental peut passer de l'idée d'un Corps existant à l'idée de son essence : à savoir de son conatus affectif (car la connaissance est connaissance des affects). Or le conatus ou affirmation de l'être, est tout à fait actif. Dans cette mesure, et dans cette mesure seulement, le Mental peut avoir l'idée de l'essence de son Corps. Et encore : seulement sa partie active et adéquate puisqu'il faut que l'idée de cette essence ou conatus soit adéquate. On comprend par là pourquoi il s'agit d'une "partie du Mental".

Le Mental passe de la considération de l'existence en acte du Corps dans le temps à la considération de ses affects dans la "durée" conative et de là à son essence (conatus) "sub specie aeternitatis", à savoir "ce sans quoi le Corps ne saurait ni être ni être conçu" et vice versa (II D2)

Ce qui est éternel en fin de compte c'est :
pour le Corps : toutes les activités de son existence résumées dans son essence "sub specie aeternitatis" (son rapport interne)
pour le Mental : ses seules idées adéquates car seules celles-ci "agissent" proprement son rapport interne (comme quelqu'un l'a dit plus haut, il y a sans doute aussi un rapport dans la composition des parties du Mental).

D'où quelque chose de fort curieux.
Le Mental est dans un sens supérieur au Corps puisque sans cette idée du Corps (connaissance réflexive) on ne connaîtrerait rien.
Mais on peut tout aussi bien affirmer la supériorité du Corps : la totalité de l'existence du Corps est une activité essentielle qui peut être conçu "sub specie aeternitatis. Ce sont les actions du Corps (toujours quelque peu actif) dans son existence entière. En revanche, une partie seulement du Mental (sa partie active) est éternelle. Autrement dit : tout ce que le Corps "fait" est éternel. Mais seuls les moments où le Mental a des idées adéquates sont promis à cette même assomption.

Je trouve cela intéressant. Et cela n'est certainement pas sans rapport avec ce fait avéré que seul le Mental "explique" Dieu alors que le Corps non. Mais je le répète: cela ne préjuge en rien d'une supériorité du Mental sur le Corps ou l'inverse.

Miam

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Messagepar hokousai » 28 mai 2006, 23:51

à miam"
"""""""""de même qu'une partie du corps est éternelle, c'est ce sans quoi il ne pourrait ni être, ni être conçu, son essence, son conatus. (henrique )"""""""

Le corps humain peut- il être et être conçu sans son conatus ? Sans cet effort par lequel chaque chose s’ efforce de persévérer dans son être ?Spinoza précise qu’il s’agit de l’essence actuelle .
Le conatus est l’essence actuelle de tout corps existant ,certes, d ‘un certain point de vue actuel .
Encore que tout corps périssable à terme puise être compris comme tendant vers sa fin et dissolution, l expérience et la raison inclinent à penser aussi de ce point de vue là .

L’idée de corps humain recelle t- elle en elle cette contradiction ?Laquelle est dans l’ effort visant à maintenir tout en anéantissant . Objectivement dans le même temps et sous le même rapport .Il n'a jamais été démontré que les corps rajeunissent .

Pour faire équilibre on peut poser qu’une partie du corps est éternelle .C’est difficilement crédible et Spinoza n' évoque pas le conatus dans sa démonstration de l’éternité d’un quelque chose de l’esprit humain .

hokousai

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Messagepar platoche » 29 mai 2006, 16:18

Bonjour à tous,

A Miam
Tu écris
"Ce qui est éternel en fin de compte c'est :
pour le Corps : toutes les activités de son existence résumées dans son essence "sub specie aeternitatis" (son rapport interne)... "

A mon sens, le corps ne peut se concevoir dans son rapport interne : le corps est un système totalement lié à son environnement, et ne peut être conçu hors de son environnement. C'est d'ailleurs un point sur lequel je ne suis pas sûr de totalement suivre Spinoza, à moins que je ne le comprenne pas de façon "adéquate".

Si l'essence du corps est le conatus, alors l'appetit porte selon moi sur un corps externe.

Amicalement,


[/quote]

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Messagepar hokousai » 29 mai 2006, 23:09

à Platoche

PROPOSITION XXXIII partie 4

Les hommes peuvent différer de nature, en tant qu'ils sont livrés au conflit des affections passives, et sous ce point de vue, un seul et même homme varie et diffère de soi-même.

Démonstration : La nature ou essence des passions ne peut s'expliquer par notre seule essence ou nature (par les Déf. 1 et 2, part. 3) ; mais elle doit être déterminée par le rapport de la puissance, c'est-à-dire (en vertu de la Propos. 7, part. 3) de la nature des causes extérieures, avec la nôtre. Et c'est ce qui fait qu'il y a pour chaque passion autant d'espèces différentes qu'on peut assigner d'objets différents capables de nous affecter (voyez la Propos. 56, part. 3).

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Messagepar Miam » 30 mai 2006, 13:45

A Platoche :

Il s'agit ici du troisième genre de connaissance qui, selon II 40s2, part de la connaissance de l'essence formelle de l'attribut et, par suite, de l'"environnement" du Corps ou de l'idée du Corps.

Mais certes, je ne fais là que poser un problème. Une autre solution, ou plutôt une autre hypothèse de solution serait que l'objet du Mental éternel n'est pas l'essence du Corps en tant qu'éternelle. D'une part, en effet, comme l'a montré Moreau (via C162), Spinoza ne dit pas que l'essence est éternelle mais qu'elle est une "vérité éternelle". D'autre part "l'idée de l'essence du Corps sub specie aeternitatis", ce n'est pas "l'idée de l'essence éternelle du Corps".

C'est pour cela que le Mental doit passer de l'idée du conatus en tant qu'essence actuelle de la chose singulière, à l'idée du rapport essentiel à cette chose. L'idée du conatus, nous l'avons tous dans la mesure où nous sommes conscients de notre conatus (connaissance réflexive), bien que nous n'avons pas l'idée adéquate de ce conatus, i.e. de ses causes. Et c'est seulement lorsqu'on complète cette idée par la connaissance des affects (deuxième genre de connaissance) que l'on peut passer à l'idée d'un rapport interne (troisième genre de connaissance). On passe ainsi de l'idée de l'essence du Corps "sub specie durationis" à cette même idée "sub pecie aeternitatis".

C'est extrêmement compliqué parce qu'avec cette dissymétrie épistémologiquement nécessaire entre la pensée et l'étendue, on se situe au coeur de la "réflexivité". D'une certaine manière, on trouve cette dissymétrie au sein de la pensée elle-même. Qu'un Mental, c'est-à-dire une idée, soit constituée de l'idée d'un objet, c'est déjà une réflexivité. Le Mental, en tant qu'idée comprise dans l'attribut est constitué d'une idée comprise dans l'idée de Dieu, à savoir un mode compris lui-même dans ce même attribut.

Or Spinoza ne dit jamais que l'essence ou l'être d'un mode (son essence ou son être formel ou actuel) existe dans l'attribut. Il dit seulement que l'esence ou l'être actuel ou formel d'un mode est compris dans l'attribut. Ce sont seulement les modes eux-mêmes qui sont "dits exister" ou non, c'est-à-dire existent ou n'existent pas sinon en tant qu'ils sont compris dans l'attribut. (II 8s). Spinoza dit bien ailleurs qu'une essence formelle existe, mais seulement "objectivement dans l'entendement de Dieu" (I 17s).

Résultat : c'est en tant qu'êtres objectifs seulement que les êtres et essences du penser existent. C'est seulement à partir de cette différence que l'on peut comprendre pourquoi l'être actuel du Mental est constitué de l'idée d'une chose existante avec cette dissymétrie essence-existence. L'idée qui constitue cet être actuel, c'est un être objectif, à savoir une idée qui suit d'un mode et non de l'attribut et par là est DIT exister (soit proprement, soit en tant qu'il est compris dans l'idée de Dieu lorsque son corrélat objectif ne peut être DIT exister sinon en tant qu'il est compris dans l'attribut). Bref: le mode est contenu dans l'attribut et est dit exister (deux manières de dire). De même, l'être objectif constituant le mode est compris dans l'idée ou l'entendement de Dieu et est dit exister. Mais jamais l'essence ou l'être formel ou actuel n'est dit exister.

Cela pour montrer que la "réflexivité" est corrélative de cette dissymétrie d'une essence constituée d'un être existant. Or l'existence d'un mode fini relève de la durée, non de l'éternité. Et c'est pourquoi je dis que cette dissymétrie est "temporelle".

Enfin je dis que cette dissymétrie temporelle est nécessaire également à toute pensée discursive, car c'est au moyen des êtres ou essences objectives, c'est-à-dire réflexives et existantes dans la durée que l'on peut penser discursivement. Pourquoi ? Parce que la discusivité suppose la durée. C'est le cas dans la Raison (deuxième genre) puisque celle-ci est identifiée en II 40s2 à l'extraction d'idées claires et distinctes (notions générales) discusives de notions communes qui, quant à elles, ne sont pas discursives du tout. Une notion commune ne suit pas discursivement d'une autre idée mais seulement causalement, si bien que pour le "sujet" (sujet d'énonciation ?) de cette notion, elle n'est que l'idée d'un commun corporel.

Enfin je pense que cette réflexivité épistémologiquement nécessaire à la Raison discursive l'est également de tout discours, de tout "dire". Cela ne signifie pas que l'idée discursive qu'est l'être objectif (l'idée claire et distincte) doive être dite pour exister. Mais seulement que nous ne pouvons parler que des êtres objectifs et des choses qui peuvent être "dites exister". Cela pose beaucoup de questions logico-linguistiques, entre autre sur la définition du "vrai" et du "faux" chez Spinoza, car je pense que la vérité, contrairement à l'adéquation, est non seulement d'ordre discursif mais de plus, comme Chantal Jacquet l'a montré dans sa lecture des PM, nécessite une communication langagière.

Mais bon: c'est mon problème. Je veux dire : selon ma lecture logico-linguistique. Comme il n'y a pas ou bien peu de logiciens et autres adeptes de la philosophie du langage ou de la philosophie linguistique dans notre honorable assemblée, je ne vais pas vous embêter plus longtemps. S'il y en a un, qu'il le fasse savoir parce qu'en la matière j'ai besoin de répondant.

A +
Miam

PS: j'ai quelques réserves sur l'affirmation d'Henrique selon laquelle un cercle carré ne serait pas imaginable. Mais un débat rendrait pour la plupart confus ce que, par la pédagogie qui me manque, a clairement posé Henrique.

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Messagepar platoche » 30 mai 2006, 13:46

Je suis d'accord avec cela. C'est la notion de "rapport interne du corps", dont parle Miam, que j'ai du mal à appréhender.

Je ne connais pas l'Ethique par coeur, mais il me semble que dans le livre II, Spinoza évoque le rêve comme une sorte de mouvement propre au corps. Or on sait aujourd'hui que le rêve est issu de l'inconscient, lui-même constitué par ses interactions avec les objets externes.

Toute la constitution du corps est, selon moi, la résultante d'interactions avec des objets externes. Cela est assurement contradictoire avec la théorie de la substance, dont toutes les essences de tous les objets (au sens large) seraient tirées.

D'ailleurs, en quoi cette théorie ne constitue-t-elle pas un idéalisme ? Cette question à propos de l'Ethique est peut-être inconsidérée pour des pros de la philo, dans ce cas excusez cette idée de profane dont l'expérience universitaire en la matière est nulle.

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Messagepar Miam » 30 mai 2006, 14:09

A mon avis (qui n'engage que moi), la philosophie spinozienne n'est pas un idéalisme malgré la notion de réflexivité. Pourquoi ? Parce qu'il ne s'agit précisément pas d'un retour sur une donnée originaire comme par exemple chez Husserl mais d'une pure simultanéité. Ensuite Spinoza distingue la réflexivité de l'être objectif (de la pensée) de la réflexivité langagière, de sorte que l'adéquation d'une idée n'est jamais fondée sur sa "valeur sémantique" (chez Descartes, si une idée évidente n'a pas besoin de définition, c'est qu'elle est un mot dont la signification est évidente). Pour Spinoza, la réflexivité de la pensée est fondée sur la simultanéité de deux enchaînement isomorphe (même ordre causal). La réflexivité linguistique est également une "pure simultanéité" mais elle concerne en revanche deux éléments de deux enchaînement d'ordre différents, à savoir l'ordre des affections (ou images) auquel participe le "signifiant" et l'ordre des affections auquel participe l'image (la chose) simultanément désignée (II 18s). C'est pourquoi selon moi, la nécessité pour Spinoza de distinguer les images, les idées et les mots (II 49s) indique d'elle-même que sa pensée n'est pas idéaliste. Mais bon: cela se discute.


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