Appendice à la première partie, passage difficile

Lecture pas à pas de l'Ethique de Spinoza. Il est possible d'examiner un passage en particulier de cette oeuvre.
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LucyInTheSky
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Appendice à la première partie, passage difficile

Messagepar LucyInTheSky » 15 févr. 2006, 17:00

Bonjour !
J'ai un passage de l'Appendice 1 de l'Ethique à étudier, et je rencontre des difficultés à comprendre certaines allusions. J'aimerais simplement être éclairée, et non que l'on fasse mon travail !

Voici le passage en question:

Quant aux autres notions de même nature, elles ne sont non plus que des façons d'imaginer qui affectent diversement l'imagination, ce qui n'empêche pas les ignorants de voir là les attributs les plus importants des choses. Persuadés en effet que les choses ont été faites pour eux, ils pensent que la nature d'un être est bonne ou mauvaise, saine ou viciée et corrompue, suivant les affections qu'ils en reçoivent. Par exemple, si les mouvements que les nerfs reçoivent des objets qui nous sont représentés par les yeux contribuent à la santé du corps, nous disons que ces objets sont beaux ; nous les appelons laids dans le cas contraire. C'est ainsi que nous appelons les objets qui touchent notre sensibilité, quand c'est à l'aide des narines, odorants ou fétides ; à l'aide de la langue, doux ou amers, sapides ou insipides, etc. ; à l'aide du tact, durs ou mous, rudes ou polis, etc. Enfin on a dit que les objets qui ébranlent nos oreilles émettent des sons, du bruit, de l'harmonie, et l'harmonie a si fortement enchanté les hommes, qu'ils ont cru qu'elle faisait partie des délices de Dieu.


J'ai compris ici que Spinoza étudiait les notions qui se forment à partir de l'expérience sensorielle des choes, en envisageant chaque sens successivement. Les hommes considèrent ce qu'ils sentent et ressentent au contact d'un objet comme la nature même de cet objet, quand il devrait savoir que la perception qu'ils ont de leur environnement n'est pas définitive et dépend des circonstances.

Là où je ne suis pas sûre de percevoir tout ce que Spinoza veut dire, c'est à la fin de l'extrait, précisément ici "l'harmonie a si fortement enchanté les hommes, qu'ils ont cru qu'elle faisait partie des délices de Dieu". J'ai l'impression que Spinoza fait ici allusion à quelque chose de précis, car il semble qu'il insiste beaucoup plus sur le sens de l'ouïe que sur les précédents.
Quelle est cette allusion à l'harmonie ? A quoi Spinoza fait-il référence, dans l'histoire de la philosophie notamment, qui fait de l'harmonie quelque chose de divin et supérieur ?
J'ai fait quelques recherches et trouvé des informations sur la théorie de la "musique des sphères" chez Pythagore, ou encore sur le démiurge de Platon mais je ne suis pas sûr que cela ait un réel rapport avec l'extrait en question, et que cela éclaire en quoi que ce soit ma lecture de Spinoza.

Pouvez-vous me dire ce que vous pensez de cette allusion, et de son importance ? Avez-vous des référence qui pourraent m'être utile ?

Merci d'avance.
Anna.

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Messagepar sescho » 17 févr. 2006, 20:35

Je vais faire un effort... :-) d'autant que vous en avez fait un.

E1App est accessible en intégralité sur le site et pose clairement le contexte.

Je pense qu'il n'y a pas lieu de chercher compliqué : il s'agit là simplement de démonter l'anthropomorphisme : ce n'est pas parce que je trouve une chose belle ou laide que cela est un attribut propre de cette chose, c'est-à-dire qu'elle est en elle-même belle ou laide. Ce serait une projection de caractères du sujet sur l'objet (même si des caractères particuliers de l'objet sont aussi en jeu.) Ceci s'étend à toute la beauté au sens large (esthétique) : harmonie des sons, des couleurs, des saveurs, des parfums, des caresses, des proportions, etc. Lorsque l'anthropomorphisation touche le suprême, alors Dieu lui-même voit de la beauté et de la laideur dans les choses, etc.

La vérité est que toute réalité est "parfaite" parce que Dieu, c'est-à-dire la Nature, s'impose de soi dans le fait même, sans aucune référence extérieure, puisqu'il n'y a pas d'extérieur... L'harmonie est une affaire de modes finis dans la Nature, qui ne s'applique pas à la Nature dans son entier et pas en propre aux autres modes finis.


Amicalement


Serge
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Messagepar sescho » 19 févr. 2006, 10:41

Quoique je continue de penser que ceci n'a que très peu d'importance pour le fond du texte de Spinoza, je me suis intéressé (sur la base de mes modestes connaissances) à votre question particulière d'une référence philosophique (car sinon il y a déjà la lyre, après le nectar et l'ambroisie, ...) à l'harmonie musicale plaisant à Dieu (présenté comme cela, cela sonne peu philosophique... mais le sens de l'esthétique chez l'homme relève quand-même des lois de la Nature.) J'ai bien retrouvé un passage - le sens de l'ouïe arrivant en second après la vue - dans le récit philosophico-mythique du Timée de Platon (référence pour les Chrétiens avant que l'apport important du plotinisme ne transfère cet avantage au Parménide) mais à l'examen la chose m'est apparue nettement plus étendue, et même chez les auteurs du XVIIIème...

Un court résumé qui m'a semblé intéressant est donné dans :

http://www.asmp.fr/fiches_academiciens/textacad/bastid/cinq_acad_harmonie.pdf

Amicalement

Serge

P.S. Sur le fond, évidemment, mais vous l'aurez déjà compris, avant même la notion de beauté, il appert qu'une chose n'a, par exemple, pas d'odeur en soi (il faut aussi un "nez", extérieur à la chose), et ainsi du reste.
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Messagepar LucyInTheSky » 23 févr. 2006, 15:52

Merci beaucoup de ces quelques éclaircissements, ils me seront très utiles !


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