Spinoza et les 'paresseux'

Lecture pas à pas de l'Ethique de Spinoza. Il est possible d'examiner un passage en particulier de cette oeuvre.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 14 juil. 2007, 23:21

(désolée, erreur)
Modifié en dernier par Louisa le 14 juil. 2007, 23:25, modifié 1 fois.

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Messagepar Louisa » 14 juil. 2007, 23:24

Faun a écrit :Précisément si je définis la paresse comme le désir de s'abstenir de tout effort (intellectuel), ce n'est pas une simple négation, mais une passion, et cela possède donc une essence, qui nous permet de la comprendre.


et est-ce que vous avez l'impression d'avoir déjà eu dans la vie un moment où l'on a un désir de s'abstenir de TOUT effort intellectuel? Si oui, qu'appelez-vous 'effort intellectuel'?

faun a écrit :
Le désir de ne pas faire quelque chose est présent dans l'Ethique, j'en citerais un exemple :

"Cet effort pour faire certaines choses ou pour ne les point faire, par le seul motif de plaire aux hommes, se nomme ambition, surtout quand on s'efforce de plaire au vulgaire avec un tel excès d'ardeur qu'on fait certaines choses, ou qu'on s'en abstient à son détriment ou à celui d'autrui." (prop. 29 partie 3, dém.)


d'accord, on peut avoir le désir de ne pas faire QUELQUE CHOSE, bien sûr. Mais la façon dont vous semblez définir la paresse, c'est le désir de ne plus RIEN faire du tout, de s'abstenir de tout effort.

Puis ici pe Spinoza dit que l'on peut FAIRE EFFORT pour ne point faire certaines choses. Donc même si on a décidé de ne pas faire x, il faut toujours faire un EFFORT pour réellement ne pas le faire. Du coup, on ne peut pas déduire de ce passage que l'on peut avoir le désir de ne pas faire d'effort ... au contraire, ce passage définit l'ambition comme étant essentiellement effort (comme tout désir, d'ailleurs, c'est bien pourquoi votre idée de désir de ne pas faire un effort me semble être non spinoziste).

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Messagepar Faun » 15 juil. 2007, 11:04

Oui c'est assez étrange, je vous l'accorde, ce désir qui se retourne contre lui-même, cet effort qui se nie lui-même, mais j'avoue que l'expérience enseigne que cela existe plus qu'abondamment.

Mais aprés tout, comment le suicide peut-il exister une fois dit que "toute chose, autant qu'il est en elle, s'efforce de persévérer dans son être" (prop. 6 partie 3) ? Et pourtant cela existe. Et comme la paresse, qui est un suicide spirituel, il a une cause extérieure, c'est une passion, un affect.

J'ajoute que le suicide non plus n'est pas dans la liste des passions de Spinoza.

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Messagepar Louisa » 15 juil. 2007, 12:41

Faun a écrit :Oui c'est assez étrange, je vous l'accorde, ce désir qui se retourne contre lui-même, cet effort qui se nie lui-même, mais j'avoue que l'expérience enseigne que cela existe plus qu'abondamment.

Mais aprés tout, comment le suicide peut-il exister une fois dit que "toute chose, autant qu'il est en elle, s'efforce de persévérer dans son être" (prop. 6 partie 3) ? Et pourtant cela existe. Et comme la paresse, qui est un suicide spirituel, il a une cause extérieure, c'est une passion, un affect.

J'ajoute que le suicide non plus n'est pas dans la liste des passions de Spinoza.


C'est vrai, jamais il ne parle du suicide comme d'une PASSION. Pourtant, il dit tout de même que la cause est toujours hors de nous. Quelle est alors la différence entre le suicide et une passion, si différence il y a? Ne pourrait-on pas dire que dans le cas d'une passion, nous avons une idée inadéquate, qui fait diminuer notre puissance d'agir, tandis que dans le suicide, il ne s'agit plus de diminuer notre puissance d'agir, il s'agit de la détruire, ou plutôt de détruire le Corps. On pourrait peut-être dire que ce qui est diminué peut en théorie être augmenté de nouveau, tandis que ce qui est détruit non? Plus de Joie possible, pour le suicidé? Ou dans la tête du suicidé, juste avant qu'il se suicide?

Un suicidaire serait alors pour Spinoza quelqu'un qui a tellement d'idées inadéquates (causées par définition par l'extérieur; donc tellement de passions) qu'il ne voit pas comment persévérer autrement dans son être qu'en se séparant radicalement de ce monde extérieur?

Car si Spinoza dit que le suicide vient de l'extérieur, même un suicidaire doit toujours se définir par l'effort de persévérer dans son être, comme vous le dites. Seulement, pour lui persévérer dans son être, apparemment ce n'est plus possibile que quand il quitte la vie, cette vie qu'il vit 'dans un temps et un lieu précis'. Peut-être que cela (la mort du Corps) est un moyen, le seul possible, d'arrêter une baisse constante de sa puissance d'agir? Donc la seule façon, pour un suicidaire, d'AGIR au lieu de pâtir? Bien sûr, on ne persévère plus dans son être 'temporel et spatial', une fois mort. Mais Spinoza dit que les essences sont éternelles. Se préserver, maintenir intacte le degré de puissance d'agir qui définit notre essence, peut-être que certains gens vivent dans un environnement si hostile que la seule façon d'éviter une diminution sans fin de cette puissance d'agir, c'est de se couper de cet environnement, pour aller vivre à un niveau où tout convient avec tout, la vie 'en Dieu' (puisqu'en tant qu'essences, toute essence convient avec les autres, et que ce n'est que sous le rapport de l'existence (temporelle et spatiale) qu'il peut y avoir des oppositions, chez Spinoza)?

Pour la paresse: en effet, même si cette notion semble être contradictoire dès qu'on essaie de la traduire en des termes spinozistes, il n'empêche qu'au moins certains d'entre nous voient des gens paresseux ou se sentent par moments paresseux eux-mêmes, ont l'impression de devoir lutter contre un désir soudain de ne pas faire d'effort. Et pourtant, Spinoza souvent dit ne rien démontrer d'autre que ce que tous par expérience, nous savons déjà.

Voici donc que peut-être dans ce cas la contradiction/question se déplace: si dans le spinozisme une notion comme la paresse n'est pas vraiment pensable, est une contradiction dans les termes, comment Spinoza peut-il répéter sans cesse de ne se baser que sur l'expérience, tandis que nous avons régulièrement l'expérience de voir des gens paresseux? J'y reviens tout de suite.
louisa


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