Vagabond (c'est louisa qui souligne) a écrit :Citation:
puisque toute essence est toujours déjà entièrement actualisée
Et les maladies, le vieillissement?
On pourrait concevoir la paresse comme une maladie, d'ailleurs la paresse n'est rien, il faudrait plutot s'interroger sur les causes qui font que telle personne ne fait pas ce qu'elle peut (quand c'est indeniable).
il y a bien sûr de différentes possibilités de concevoir la maladie, mais SI l'on se demande quelle pourrait être la façon proprement spinoziste, voici, je crois, ce qu'il faudrait se rappeler (la citation complète se trouve dans la discussion sur les phobies sociales):
SPINOZA:
"la nature humaine, considérée en soi seule, pourrait donc s'excéder elle-même, autrement dit, pourrait plus qu'elle ne peut, ce qui est une contradiction manifeste."
Conclusion:
Si c'est absurde de dire qu'une nature humaine, considérée en soi, pourrait plus qu'elle ne peut, il devient INDENIABLE qu'il n'y a JAMAIS des situations où elle ne fait pas ce qu'elle peut.
Dès lors, la maladie, le veillissement (dans des circonstances défavorables; sinon il peut tout aussi bien être un accroissement constant d'idées adéquates) etc ne sont
PAS, pour Spinoza, des situations où l'on fait MOINS que ce qui est EN NOTRE POUVOIR. Spinoza propose de les concevoir comme des situations où
c'est NOTRE POUVOIR d'agir MÊME qui est devenu MOINS qu'avant. C'est cela même la notion de Tristesse: diminution de la puissance d'agir.
Or rien n'empêche d'utiliser le pouvoir de penser qui nous reste (car il est évident que même dans la maladie, nous vivons toujours, et donc nous sommes toujours définis par un degré de puissance de penser), de former une idée adéquate de cette maladie, et par là même de faire augmenter notre puissance de penser. En tout cas je ne vois que cela, chez Spinoza: des diminutions et des augmentations du pouvoir de penser. Jamais des situations où le pouvoir de pense/agir serait inférieur à ce même pouvoir de penser/agir (donc où l'on fait/pense moins que ce que l'on peut), tout simplement parce que défini ainsi, il s'agit visiblement d'une contradiction dans les termes.
Donc
pour Spinoza:
POUVOIR = FAIRE
Bien sûr, dire que jamais on ne peut plus que ce qu'on fait réellement, cela va à l'encontre de ce que nous pensons spontanément quasiment tous. Celui qui est allité à cause d'une grippe et qui voit son voyage foutu en l'air se dira immédiatement que c'est tout de même dommage, qu'il aurait pu faire ce très beau voyage et que voici que cette stupide maladie vient de l'empêcher de le faire.
Spinoza, à mon sens, ne nie pas du tout cela. Seulement, selon lui réagir comme ça face à une maladie, c'est dédoubler la diminution causée par la malade par une deuxième pensée, qui elle aussi va encore une fois diminuer notre puissance de penser. C'est donc être deux fois malheureux.
Il nous montre un autre chemin: utiliser la puissance de penser qui nous reste PENDANT que nous sommes malade (et qui par définition est moins grande que juste avant) pour essayer de comprendre, justement, que cette maladie est une cause extérieure qui nous afflige (un virus pe), et qu'apparemment, de toute éternité il était nécessaire qu'à ce moment-ci une chose extérieure venait nous attaquer de telle sorte que nous perdons un peu de notre pouvoir.
Si on comprend cela, on comprend que nous-mêmes, on n'y PEUT rien: c'est bien une chose extérieure qui vient de nous assommer. Du coup, le pouvoir de penser et d'agir qui nous reste, après cette attaque venue du dehors, résume bien tout ce que nous pouvons! S'imaginer que l'on peut ou aurait pu faire PLUS, c'est s'imaginer qu'à ce même moment, il aurait été possible que l'on n'était pas malade, ce qui est une idée totalement inadéquate puisque tout est déterminé de toute éternité, et que la nature n'a pas comme 'fin' ou plan de me rendre heureux moi.
Dès lors, penser que l'on aurait pu faire plus (faire ce voyage pe), c'est avoir une idée inadéquate de soi-même, c'est oublier que l'on n'est qu'une infime partie de la nature, qui de temps en temps ne peut voir sa puissance diminuée par une cause extérieure. Alors au lieu d'avoir cette idée inadéquate, qui comme toute idée inadéquate diminue à elle seule aussi (à part donc l'effet du virus) notre puissance d'agir et de penser, Spinoza propose non pas de faire plus que ce que l'on peut, mais d'essayer de ne pas ENCORE MOINS faire que ce qui nous reste comme pouvoir une fois le virus arrivé.
Alors il conseille d'utiliser le pouvoir ACTUEL de son Esprit pour penser à ceci: bien sûr qu'étant malade, nous désirons néanmoins faire ce voyage. Seulement, on sait bien qu'on peut avoir un désir relatif à une chose extérieure (voyage) non assouvi (ce qui est le cas quand on est malade), et cela précisément parce que tout n'est pas en notre pouvoir. Ainsi nous ne pouvons pas toujours maîtriser la conduite d'un virus. Croire qu'on aurait PU faire tout de même ce voyage, que cela était donc en notre pouvoir, ce n'est rien d'autre que de penser qu'il était en notre pouvoir de faire dévier ce cher virus de son chemin, pour qu'il attaque notre voisin au lieu de s'être dirigé tout droit vers nous. Bref, c'est se tromper, donc avoir une idée inadéquate.
Et dans ce cas on a:
- une première diminution de notre pouvoir d'agir/penser (donc de voyager) par l'attaque du virus
- une deuxième diminution de notre pouvoir d'agir/penser par l'idée que nous nous former de notre état en s'imaginant capable de commander aux virus.
Le remède de Spinoza:
- prendre les médicaments etc qu'il faut pour chasser le virus, ce qui augmentera notre pouvoir de penser/agir, c'est-à-dire ce qu'il fera qu'on peut et donc fait plus
- former une idée adéquate de notre situation, idée qui consiste principalement à se dire qu'elle était inévitable, déterminée de toute éternité. Cela aussi augmentera, une deuxième fois, notre pouvoir de penser/agir.
Ainsi on ne fera pas plus que ce qu'on peut, on pourra réellement plus, car notre pouvoir de penser/agir sera augmenté par deux causes importantes: départ du virus et idée adéquate de sa situation, c'est-à-dire Joie, au lieu d'être ET au lit, ET Triste.
Le même raisonnement vaut pour la paresse: dire à quelqu'un (ou à soi-même) qu'il est paresseux, c'est faire comme s'il peut faire plus que ce qu'il fait, chose absurde, nous dit Spinoza. Donc idée inadéquate. Donc idée qui fait que de facto, nous POUVONS MOINS que lorsque nous n'aurions pas cette idée. C'est bien pourquoi il faut absolument en finir avec la paresse, je crains, sinon on se dira constamment qu'on pourrait faire plus que ce qu'on fait, et on diminuera PAR LÁ MÊME le pouvoir qu'on a pour faire quoi que ce soit.
Je suis donc d'accord pour dire, comme vous ci-dessus, que la paresse n'est rien, qu'il faut chercher les causes. Mais non pas les causes qui font que la personne fait moins que ce qu'elle peut, puisqu'elle fait toujours ce qu'elle peut. Il faut donc chercher tout à fait ailleurs (et c'est bien en cela que consiste à mon sens l'intérêt de la pensée spinoziste): il faut chercher quelles causes pourraient AUGMENTER ce que cette personne peut.
Amicalement,
louisa