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Lecture pas à pas de l'Ethique de Spinoza. Il est possible d'examiner un passage en particulier de cette oeuvre.
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maria115
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Messagepar maria115 » 28 sept. 2008, 10:45

bonjour
Les hommes suposent communément que toutes les choses de la nature agissent, comme eux-mêmes, en vue d'une fin. Si, par exemple, une pierre est tombée d’un toit sur la tête de quelqu’un et l’a tué, ils démontreront de la manière suivante que la pierre est tombée pour tuer cet homme. Si elle n’est pas tombée à cette fin par la volonté de Dieu, comment tant de circonstances (et en effet il y en a souvent un grand concours) ont-elles pu se trouver par chance réunies ? Peut-être direz-vous cela est arrivé parce que le vent soufflait et que l’homme passait par là. Mais, insisteront-ils, pourquoi le vent soufflait-il à ce moment ? pourquoi l’homme passait-il par là à ce même instant ? Si vous répondez alors : le vent s’est levé parce que la mer, le jour avant, par un temps encore calme, avait commencé à s’agiter ; l’homme avait été invité par un ami ; ils insisteront de nouveau, car ils n’en finissent pas de poser des questions : pourquoi la mer était-elle agitée ? pourquoi l’homme a-t-il été invité pour tel moment ? et ils continueront ainsi de vous interroger sans relâche sur les causes des événements [1], jusqu’à de que vous vous soyez réfugié dans la volonté de Dieu, cet asile de l’ignorance. De même, quand ils voient la structure du corps humain, ils sont frappés d’un étonnement imbécile et, de ce qu’ils ignorent les causes d’un si bel arrangement, concluent qu’il n’est point formé mécaniquement, mais par un art divin ou surnaturel, et en telle façon qu’aucune partie ne nuise à l’autre. Et ainsi arrive-t-il que quiconque cherche les vraies causes des prodiges et s’applique à connaître en savant les choses de la nature, au lieu de s’en émerveiller comme un sot, est souvent tenu pour hérétique et impie et proclamé tel par ceux que le vulgaire adore comme des interprètes de la Nature et des Dieux. Ils savent bien que détruire l’ignorance, c’est détruire l’étonnement imbécile, c’est-à-dire leur unique moyen de raisonner et de sauvegarder leur autorité.

je dois étudier ce texte et selon moi la problématique est le rapport religion/science selon l'homme mais dun autre côté je vois aussi une critique de lidée de fatalité : quel est selon vous la vraie problématique?

merci davance (je ne vous demande pas de me faire le devoir mais simplement de maider à vraiment comprendre le sens : je suis novice en la matière !)

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Louisa
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Messagepar Louisa » 28 sept. 2008, 13:40

Maria a écrit :je dois étudier ce texte et selon moi la problématique est le rapport religion/science selon l'homme mais dun autre côté je vois aussi une critique de lidée de fatalité : quel est selon vous la vraie problématique?

merci davance (je ne vous demande pas de me faire le devoir mais simplement de maider à vraiment comprendre le sens : je suis novice en la matière !)


Bonjour Maria,
en effet, comme tu l'as déjà compris, on ne fait pas vraiment le devoir à la place des élèves sur ce site, sinon la cote qu'obtiendrait un élève pour son devoir ne reflèterait pas sa capacité à philosopher mais sa capacité à chercher des infos sur internet. Si les deux capacités sont importantes à acquérir, elles sont néanmoins fort différentes. En général, s'informer au sens de "prendre connaissance de" est une activité qui a peu à voir avec "philosopher". Bien sûr, il faut d'abord lire un texte philosophique avant de pouvoir apprendre comment philosopher, mais le lire d'une façon philosophique demande d'emblée autre chose que ce qu'exige la lecture d'un article d'un journal ou d'un roman.

Se poser la question de la problématique est alors l'une des manières possibles d'"entrer" dans un texte philosophique. Visiblement, tu as déjà un peu travaillé la question, puisque tu as commencé par formuler une prémière réponse: la problématique pourrait selon toi être double:
- le rapport religion/science selon l'homme
- une critique de l'idée de fatalité.

Maintenant, il serait intéressant:

1. d'une part d'essayer d'expliquer maximalement ce que tu veux dire par là. Tu peux le faire sur ce forum, et avec un peu de chance il y aura des gens qui auront envie de mieux comprendre ce à quoi tu penses, et dans ce cas ils te poseront quelques questions précises, ce qui pourra sans doute déjà t'aider un peu.

Car "développer une problématique" c'est (notamment) exactement cela: apprendre à trouver/créer des questions que l'on se pose à soi-même, c'est-à-dire à sa propre interprétation du texte, "critiquer" sa propre compréhension première, pour ainsi l'approfondir voire modifier si nécessaire.

Par exemple, moi-même je ne comprends pas très bien ce que tu veux dire quand tu parles du rapport religion/science "selon l"homme". A quoi tu penses plus précisément quand tu dis cela? Que veux-tu dire par "selon l'homme"?

2. d'autre part d'essayer de reformuler la problématique en une question (par exemple, pour m'en tenir à ce que tu écris pour l'instant: "quel est le rapport religion/science selon l'homme pour Spinoza, dans ce texte?", et "quelle critique de l'idée de fatalité Spinoza y fait-il?"), pour essayer d'y répondre.

Là, il est TRES important que tu montres le plus concrètement possible sur quelle phrase du texte tu te bases pour prétendre que Spinoza répond ceci et cela à une telle question, tout en ne te limitant pas à simplement copier ce qu'il dit.

Car c'est en cela que consiste tout "l'art" d'un commentaire philosophique ET de l'activité de philosopher en tant que telle: il s'agit d'AJOUTER quelque chose au texte, mais ce qu'on y ajoute doit pouvoir donner à ceux qui nous lisent l'impression de n'être qu'une mise en évidence de ce qui est déjà présupposé par le texte, de ses structures internes, inhérentes.

On pourrait dire que ceci ressemble un peu à essayer de dresser le plan d'un bâtiment sur base de quelques photos, dans l'espoir de pouvoir se rapprocher le plus possible du plan original que l'architecte de la maison a dessiné à l'époque, mais dont on ne dispose plus.

Souvent reconstruire le plan d'une telle façon que tout le monde est d'accord est difficile, et souvent on n'est pas très certain nous-mêmes de la vérité de nos premières réponses, mais cela n'est pas très grave. Dans ce cas, il est simplement important de bien indiquer dans ce qu'on écrit qu'on n'est pas encore sûr d'avoir trouver la bonne réponse, et si possible d'indiquer les raisons pour lesquelles on hésite.

Ceci aussi, tu peux bien sûr le faire sur ce forum. Si tout va bien, tu auras des réponses de gens qui voient un autre "plan" dans ce fragment que toi-même, et là la discussion devient très intéressante, car parfois dans ce cas on a l'occasion de découvrir quelques-uns de nos propres préjugés à nous, de prendre conscience de l'une ou l'autre habitude de penser que l'on a adopté spontanément (et qu'on aura dès lors tendance à attribuer implicitement à l'auteur du texte qu'on est en train de lire, parfois à tort), et qui peut être moins "vrai" ou moins évident ou accepté par tous qu'on ne le croyait etc.

C'est là aussi que la philosophie commence à avoir une réelle "utilité" pratique, car comme l'écrit Baltasar Thomass dans Etre heureux avec Spinoza: "(...) on ne peut pas infléchir sa pratique sans réviser sa théorie. Le bonheur et l'épanouissement se méritent et ne vont pas sans un effort de réflexion. (...) Une nouvelle manière d'agir et de vivre implique toujours aussi une nouvelle manière de penser et de se concevoir. Nous découvrirons ainsi le plaisir, parfois vertigineux, de la pensée, qui en tant que tel, déjà, change notre vie." C'est même par là que la philosophie a commencé, lorsque Platon a découvert que philosopher, essayer de comprendre, cultiver le désir de comprendre toujours plus, c'est précisément ce qui pourrait, sur le long terme (car il s'agit bien d'une "pratique" qui demande beaucoup d'exercices et tout un processus d'apprentissage, bref qui demande "du temps"), nous donner le bonheur le plus intense et le plus durable possible ...
Bon travail!
L.

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maria115
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Messagepar maria115 » 29 sept. 2008, 22:39

tout d'abord merci pour ta réponse

ce que j'entends par le rapport science/religion selon l'homme c'est comment l'homme perçoit-il la religion et la science lune par rapport à luatre : sont-elles contradictoires? complémentaires? comment essaiet-t-il dexpliquer le monde qu'il l'entoure : par la science, mais lorsque cela devient trop complexe pour lui, il se réfugie dans la volonté de Dieu, dans la facilité. je trouve cette problématique un peu mal formulée mais c'est surtout que je vois un lien science/religion que jessaye d'établir

lorsque je dis que spinoza critique l'idée de finalité, jc'est parce qu'il pense que si l'homme agit dans un but , il transpose cette idée à la nature et pense qu'elle aussi a une conscience et agit dans un objectif précis : c'est l'anthropomorphisme : il donne à la nature un comportement qu'il possède, alors que la Nature n'agit pas : elle est, tout simplement

j'ai eu une autre idée sur le texte : c'est que spinoza nous montre que l'homme a une approche du monde par le divin alors qu'elle devrait être basée sur la raison.

j'aimerais connaître vos avis sur mes idées
merci davance

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Messagepar sescho » 30 sept. 2008, 21:05

maria115 a écrit :ce que j'entends par le rapport science/religion selon l'homme c'est comment l'homme perçoit-il la religion et la science lune par rapport à luatre : sont-elles contradictoires? complémentaires? comment essaiet-t-il dexpliquer le monde qu'il l'entoure : par la science, mais lorsque cela devient trop complexe pour lui, il se réfugie dans la volonté de Dieu, dans la facilité. je trouve cette problématique un peu mal formulée mais c'est surtout que je vois un lien science/religion que jessaye d'établir.

C'est assez juste selon moi. Pour Spinoza, science et religion c'est la même chose, sous la condition fondamentale que la première est vue on ne peut plus explicitement comme s'inscrivant dans la Nature universelle, une et éternelle : Dieu selon Spinoza (et selon tous les esprits sains.) Spinoza s'inscrit ici inversement contre l'imbécillité qui consiste à donner à la Nature - à Dieu, donc - une âme d'Homme qui agirait en vue d'une fin, ce qui n'est rien moins que soumettre Dieu-la Nature à une nécessité extérieure à lui, ce qui est effectivement blasphémer (par ceux-là même qui n'ont que blasphème à la bouche.) C'est effectivement "anthropomorphiser" la Nature, et en même temps éventuellement se prendre pour comparable à Dieu. C'est de la superstition.

Mais sans la vision de Dieu-la Nature, il s'agit de scientisme, qui ne vaut pas mieux...

maria115 a écrit :la Nature n'agit pas : elle est, tout simplement.

Oui, ou l'on peut peut-être dire qu'elle agit, mais en elle-même : elle agit en tant qu'elle est, qu'elle vit, par elle-même.

maria115 a écrit :j'ai eu une autre idée sur le texte : c'est que spinoza nous montre que l'homme a une approche du monde par le divin alors qu'elle devrait être basée sur la raison.

Il n'y a pas d'opposition entre Dieu et la Raison selon Spinoza ; au contraire : qui vit la Raison place Dieu-la Nature en amont de tout et la Raison ce sont des idées - d'extension limitée et particulière et non acquises d'emblée - "justes" accessibles à l'Homme en vertu de lois de Dieu-la Nature, comme tout. C'est la "lumière naturelle" (les miracles en tant que miracles étant de la superstition.) C'est alors la véritable Religion (à distinguer de la plus commune, donc.)


Serge
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Messagepar Louisa » 30 sept. 2008, 22:02

Maria a écrit :ce que j'entends par le rapport science/religion selon l'homme c'est comment l'homme perçoit-il la religion et la science lune par rapport à luatre : sont-elles contradictoires? complémentaires?


ah d'accord, je vois déjà mieux ce que tu veux dire. Dans ce cas, on pourrait se demander pourquoi tu crois que le texte parle de la religion et de la science, puisque les deux mots n'y figurent pas?

Maria a écrit : comment essaiet-t-il dexpliquer le monde qu'il l'entoure : par la science, mais lorsque cela devient trop complexe pour lui, il se réfugie dans la volonté de Dieu, dans la facilité.


ok, dans ce cas il serait peut-être intéressant de démontrer par le texte même que l'on peut déduire cette idée, cette "thèse", de ce qu'il écrit? Quelles phrases nous permettent de dire que c'est bel et bien ce que Spinoza veut nous communiquer? Pourquoi peut-on parler de "facilité", par exemple (car c'est toi qui utilises ce mot, et non pas Spinoza)? Et en quoi s'agirait-il d'un "refuge"? Refuge contre quoi?

Puis on peut se demander ce que Spinoza pense de ce genre de comportements. Peut-il le comprendre, est-ce qu'il le critique et si oui comment, a-t-il meilleure chose à nous proposer que ce qu'éventuellement qu'il dénonce, et si oui quoi? Et pourquoi serait-ce meilleur?

Maria a écrit : je trouve cette problématique un peu mal formulée mais c'est surtout que je vois un lien science/religion que jessaye d'établir


en tout cas, l'idée d'interroger le rapport entre science et religion dans ce texte me semble être excellente (car cela permet de se poser plein de questions pertinentes qui aident à approfondir ta lecture). Que penses-tu pour l'instant, si tu te bases juste sur ce texte: que pour Spinoza elles sont contradictoires? Ou complémentaires? Ou peut-être trouves-tu que ce n'est pas très clair (si c'est le cas, qu'est-ce qui va plutôt dans un sens, et qu'est-ce qui va plutôt dans l'autre sens, dans ce qu'il écrit?).

Maria a écrit :lorsque je dis que spinoza critique l'idée de finalité, jc'est parce qu'il pense que si l'homme agit dans un but , il transpose cette idée à la nature et pense qu'elle aussi a une conscience et agit dans un objectif précis : c'est l'anthropomorphisme : il donne à la nature un comportement qu'il possède, alors que la Nature n'agit pas : elle est, tout simplement


pourrais-tu préciser ce que tu appelles ici "anthropomorphisme"? Est-ce attribuer à la nature le comportement d'agir dans un but, comme tu l'écris dans ta première phrase, ou d'agir tout court, comme tu sembles le dire à la fin? Y a-t-il une différence entre les deux? Tout agir est-il toujours un agir dans un but? Si oui, pourquoi le penses-tu? Si non, quels autres types d'agir pourraient-ils y avoir? Penses-tu à certains exemples?

Maria a écrit :j'ai eu une autre idée sur le texte : c'est que spinoza nous montre que l'homme a une approche du monde par le divin alors qu'elle devrait être basée sur la raison.


ah, voici une autre opposition très intéressante: le divin versus la raison! Comme tu le sais peut-être, elle a déjà fait couler beaucoup d'encre, et cela depuis des siècles! Et alors justement, certains pensent que les deux s'opposent, d'autres pensent que les deux sont complémentaires, d'autres encore trouvent que l'un n'a rien à voir avec l'autre, que chacun à son domaine à soi, etc.

Si tu dis que pour toi ce texte dit qu'il faudrait remplacer une approche "par le divin" par une approche "rationnelle", dirais-tu alors que les deux s'opposent, ou sont complémentaires, ou simplement différent? Et sur quoi tu te bases dans le texte, pour dire que Spinoza préconise l'approche rationnelle et rejette l'approche par le divin?
Bon amusement .. :D
L.


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