Ethique I définitions et axiomes

Lecture pas à pas de l'Ethique de Spinoza. Il est possible d'examiner un passage en particulier de cette oeuvre.
Avatar du membre
Chocolatman
passe occasionnellement
passe occasionnellement
Messages : 29
Enregistré le : 13 août 2009, 00:00

Ethique I définitions et axiomes

Messagepar Chocolatman » 03 janv. 2010, 15:05

Bonjour chers Spinozistes. J'ai repris donc l'Ethique par le début. Je tiens, tout d'abord, à préciser qu'effectivement, les questions que je poserai ne seront pas les plus intéressantes à discuter (comme dans mon précédent sujet sur la partie III), mais, j'aimerai quand même etre sur d'avoir bien compris les définitions et les axiomes avant de réfléchir sur les propositions (que j'ai bien sur déjà commencé à lire.)

Définition I : I. J'entends par cause de soi ce dont l'essence enveloppe l'existence, ou ce dont la nature ne peut être conçue que comme existante.

La difficulté se trouve ici : "ce dont l'essence enveloppe l'existence", si l'on considére une chose qui est cause de soi, cette chose existe forcément, c'est bien ça ? L'existence de cette chose est inscrite dans son essence, c'est ça ? Je doute qu'une telle chose existe (il n'y a que Dieu pour Spinoza, n'est-ce pas ? ), mais bon ce n'est qu'une définition.

Définition III : J'entends par substance ce qui est en soi et est conçu par soi, c'est-à-dire ce dont le concept peut être formé sans avoir besoin du concept d'une autre chose.

La difficulté se trouve ici : "ce qui est en soi" et "est conçu par soi". Qu'est-ce que cela veut dire être en soi ? Suis-je en moi ? Visiblement pas. (sinon, je serai Dieu, c'est ça ?). Peut-etre si vous avez une explication, elle sera plus utile plus tard lors du 1er Axiome.
"Conçu par soi", Spinoza entend-il la même chose que "etre cause de soi" ???

Définition IV : J'entends par attribut ce que la raison conçoit dans la substance comme constituant son essence.

Soit une substance qui a plusieurs attributs (ou une infinité si c'est Dieu), est-ce possible que notre raison ne perçoive qu'un attribut de cette substance alors qu'elle en a plein d'autre ?
A supposer que ma question sur l'autre définition se répond à l'affirmative (concu par soi = etre cause de soi), soit une substance, elle est en soi et est concu par soi, donc elle est cause de soi, donc son essence enveloppe son existence, donc cette substance existe. Considérons-nous que l'existence (de cette chose) est un attribut (puisque cela constitue son essence vu qu'elle est cause de soi) ?

Définition V : J'entends par mode les affections de la substance, ou ce qui est dans autre chose et est conçu par cette même chose.

La difficulté est ici : "ou ce qui est dans autre chose", mais la pareil, l'axiome 1 mis au clair, me permettra de comprendre.
Je tente quand même de vous dire ce que j'en ai compris. Une chose est un mode d'une substance, si cette chose est l'effet de cette substance ? En d'autres termes, une substance peut-etre la cause de plusieurs effets, ses modes.

Définition VIII : Par éternité, j'entends l'existence elle-même, en tant qu'elle est conçue comme résultant nécessairement de la seule définition de la chose éternelle.

Je trouve que la formulation de cette définition est bizarre, elle se mord la queue...
L'existence elle-même, c'est l'éternité pour Spinoza ? Ensuite, il explique que l'existence est conçue comme [...] seule défnition de la chose éternelle.
Il dit que par éternité, il entend l'existence elle-même car elle résulte de la définition de la chose éternelle ?
Je n'essaie même pas de donner une explication, je comprends pas du tout...

Passons maintenant aux Axiomes.

Axiome I : Tout ce qui est, est en soi ou en autre chose.

Déjà, ce "ou", c'est soit en soi, soit en autre chose, cela ne peut pas etre les deux ? Je pense que non, mais vaut mieux être sur.
Qu'est-ce que cela veut dire "être en autre chose" (c'est peut-etre plus simple de commencer par ça) ? Mon coeur est en moi, donc, il est en autre chose que lui-même. Mais moi-même, je ne suis pas en moi, dois-je dire que je suis en société, ou en une maison ? Vous voyez ce que je veux dire ? Dire être en quelque chose, cela n'a pas de rapport spatial, c'est ça ?

Axiome III : Étant donnée une cause déterminée, l'effet suit nécessairement ; et au contraire, si aucune cause déterminée n'est donnée, il est impossible que l'effet suive.

Chez spinoza, il n'y a pas de hasard ? (l'effet suit nécessairement)
Ni d'accident ? (Si aucune cause déterminée n'est donnée, il est impossible que l'effet suive)
(D'ailleurs apelle-t-on hasard quelque chose qui arrive, on sait qu'elle a une cause, mais on ne sait pas laquelle.)

Axiome IV : La connaissance de l'effet dépend de la connaissance de la cause, et elle l'enveloppe.

Encore une fois, il y a ce probléme d'enveloppement, qu'est-ce que cela signifie ? Est-ce comme en maths et peut-on percevoir ça comme une inclusion ?
Spinoza dit que la connaissance de l'effet dépend de... Mais comment cela dépend ? Veut-il dire que si l'on connait la cause, on connait nécessairement l'effet ? (Il pourrait dire peut-etre dans la deuxiéme partie, que la raison étant limitée, on ne peut connaitre dans sa totalité les effets d'un acte.)

Axiome V : Les choses qui n'ont entre elles rien de commun ne peuvent se concevoir l'une par l'autre, ou en d'autres termes, le concept de l'une n'enveloppe pas le concept de l'autre.

Toujours le même probléme sur le fait d'envelopper.


Je vous remercie infiniment si vous avez le courage de me répondre. Merci beaucoup !
(Je crois que je pose trop de questions... Je devrais peut-etre en poser moins...)

Avatar du membre
Miam
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 946
Enregistré le : 28 févr. 2004, 00:00

Messagepar Miam » 03 janv. 2010, 16:49

Il faudrait des heures pour répondre à tout.
Laisses pour l'instant ces questions en plan et lis tout d'une traite comme un roman. Tu comprendras ce que tu comprendras et tu approfondiras seulement ensuite.

Quant à la définition d'envelopper, tu l'as donnée toi-même avec l'axiome 5 : "Les choses qui n'ont rien de commun entre elles..., le concept de l'une ne peut envelopper le concept de l'autre.".
Donc le concept d'une chose enveloppe le concept d'une autre chose lorsque ces choses ont quelque chose de commun qui fait qu'elles peuvent se concevoir l'une par l'autre et aussi (par la proposition 3 : "si les choses n'ont rien de commun entre elles, l'une d'elle ne peut être cause de l'autre" qui se réfère expliciteent à l'axiome 4) et par suite, que l'une est cause (au moins partielle) de l'autre.

Avatar du membre
Chocolatman
passe occasionnellement
passe occasionnellement
Messages : 29
Enregistré le : 13 août 2009, 00:00

Messagepar Chocolatman » 03 janv. 2010, 20:40

Je crois mieux comprendre grace à toi pour le fait d'envelopper. Merci.

Je continue à lire, mais je bloque désormais sur la proposition sur l'existence de Dieu... Faut-il que je continue ?

Miam, tu dis que cela prendrait des heures pour me répondre, mais j'ai tout mon temps ! lol !

Ne peut-on pas me répondre au moins pour la définition d'une chose éternelle ?

Avatar du membre
Miam
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 946
Enregistré le : 28 févr. 2004, 00:00

Messagepar Miam » 04 janv. 2010, 13:11

Là tu vas trop vite. L’éternité c’est encore autre chose. L’éternité c’est l’ « existence infinie » écrit Spinoza (je ne sais plus où dans l’Ethique. Je cite de mémoire. Je n’ai pas envie de rechercher les références. De toutes façons tu tomberas dessus.). Tout ce qui est causa sui (la substance, les attributs) est éternel. Mais l’inverse n’est pas vrai. Les modes infinis dont traitent EI 21,22,23 ne sont pas causa sui. Ils sont pourtant éternels puisqu’ils sont infinis et qu’ils existent.

Ce fait, et plus encore la définition EID8 de l’éternité comme « l’existence elle-même » montrent que l’existence n’est autre que la temporalité de l’essence selon les modalités d’éternité (existence infinie) ou de durée (existence du mode fini). L’existence, c’est le mode de présentification de l’essence dans le « temps » (au sens le plus large : éternité ou durée).

La causa sui, quant à elle, ne concerne pas seulement l’existence comme présentification temporelle de l’essence mais la relation qui lient l’existence et l’essence d’une chose. Ce qui est causa sui, « de sa définition il suit qu’elle existe » et elle « ne peut être conçue comme non existante » (EIA7). Pour un mode, au contraire, de sa définition il ne suit pas qu’il existe. Le mode fini existe en fonction de toute la chaîne des existences dans la durée et ces existences ne font pas partie de sa définition. Même un mode infini et éternel comme le mouvement pourrait ne pas exister en vertu de sa définition comme il arriverait si l’on percevait une étendue statique ou dotée d’autres lois du mouvement (ce qui n’est pas le cas de fait mais non analytiquement).

La définition 1 ne veut pas dire que l’essence d’une causa sui soit la cause de son existence. Ce serait confondre une conséquence formelle avec une causalité efficiente. C’est plutôt l’inverse : si l’essence de la causa sui enveloppe son existence, cela veut dire qu’il y a quelque chose de commun entre le concept de son essence et le concept de son existence de sorte que l’une se conçoive par l’autre (Axiome 5)… et que l’une puisse être cause de l’autre (proposition 2). Qui est cause de l’autre ici ? Si le terme « envelopper » a la même signification que dans ses autres occurrences : l’enveloppement d’un attribut par les modes qu’il contient etc…, alors c’est ce qui est enveloppé qui est cause de ce qui enveloppe. Si l’on lit l’axiome 4 tout proche et précisément repris par notre proposition 2 : « la connaissance de l’effet dépend de la connaissance de la cause et l’enveloppe », c’est encore l’effet qui enveloppe la cause. Donc si pour une causa sui « l’essence enveloppe l’existence », c’est l’existence qui est cause de l’essence. Le mode fini serait alors celui qui n’existe pas nécessairement conformément à son essence de sorte que son existence ne soit pas cause de son essence tandis que le mode infini existerait conformément à une essence qui lui est octroyée par autre chose (l’attribut), de sorte que, quoi qu’éternel et infini, son existence ne puisse non plus être la cause de son essence.

Dans cette mesure la définition de la causa sui témoigne d’une sorte d’existentialisme spinozien. Si on y réfléchit bien en effet, c’est dans la durée de son existence que le mode fini produit son essence éternelle (dont l’idée sera le mental éternel de la cinquième partie de l’Ethique). C’est dans son existence que se constitue son essence. Mais son existence est aussi cause d’autre chose que de son essence. Elle est cause d’essence d’autres choses et même de parties corporelles et d’idées de son mental qui n’appartiennent pas à son essence (dans les affects passifs). Il en est de même pour les modes infinis. L’existence éternelle et/ou infinie des lois du mouvement (mode infini) est cause de mouvements imaginaires parce que non ordonnés dans le flux temporel (sinon comment penser le cheval volant comme une essence formelle qui est contenue dans le mode infini ?). Bien sûr, en Dieu, cette question : « qui est cause de l’autre, l’essence ou l’existence ? » ne se pose pas puisque ces deux essences et existence y sont identiques (EI20). Seulement on ne parle pas de Dieu avant EI11.

Il y a trois niveaux :
- Le causa sui : substance et/ou attribut selon la relation essence-existence.
- L’infini et donc éternel : substance et/ou attribut et modes infinis
- Le fini et la durée : les modes finis
Pour les modes compte seulement l’opposition fini/infini et les différentes modalités temporelles de l’existence qui diffèrent en fonction de cette opposition.

Les oppositions en soi – en autre chose et conçu par soi – conçu par autre chose remontent au moins jusqu’à Aristote. Si le mur est vert, le vert est dans le mur : c’est un accident du mur. Par ailleurs le vert est conçu par l’addition du jaune et du bleu. Dans tous les cas, il est en autre chose et conçu par autre chose. Ce qui n’est pas déductible d’autre chose est conçu par soi. Ce qui est l’accident (ou le mode) de rien est « en soi ». Ce qui est "en soi et non en autre chose", depuis Aristote, se nomme une substance (ousia).

Avatar du membre
jgautier
passe occasionnellement
passe occasionnellement
Messages : 18
Enregistré le : 01 févr. 2006, 00:00
Contact :

Messagepar jgautier » 05 janv. 2010, 12:33

Bonjour,

j'espère ne pas être hors charte si je me permets de signaler ces pages, dans lesquelles sont commentés les définitions et axiomes du Livre I de L'Ethique :

sur les définitions : http://spinoza.fr/de-deo-lecture-definitions-axiomes/
sur les axiomes : http://spinoza.fr/lecture-des-axiomes-du-de-deo/
sur la défintion VIII : http://spinoza.fr/lecture-complementair ... du-de-deo/

cordialement,

JG.

Avatar du membre
Miam
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 946
Enregistré le : 28 févr. 2004, 00:00

Messagepar Miam » 05 janv. 2010, 22:36

Le problème, c'est qu'on ne voit pas où sont les énoncés de Spinoza.
Impliquer (implicare : une occurence dans l'Ethique), c'est le contraire d'expliquer et ce n'est pas envelopper.
Les modes infinis ne peuvent être conçus que comme existant nécessairement et pourtant ils ne sont pas causa sui
Etc...

Avatar du membre
aldum
persévère dans sa puissance d'être ici
persévère dans sa puissance d'être ici
Messages : 97
Enregistré le : 02 mars 2009, 00:00

Messagepar aldum » 06 janv. 2010, 11:00

impliquer est bien le contraire d'expliquer, mais comme l'est aussi, en un certain sens, envelopper: expliquer renvoie à un dehors, impliquer, ou envelopper, ramène à un en-soi; Macherey, p.ex., rend systématiquement « involvere » par impliquer, (ce qui lui semble, dit-il, plus éclairant) les deux termes parvenant, l'un et l'autre, à traduire la pensée d'un rapport qui associe nécessairement plusieurs choses entre elles

Avatar du membre
Miam
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 946
Enregistré le : 28 févr. 2004, 00:00

Messagepar Miam » 06 janv. 2010, 13:45

Si impliquer est le contraire d'expliquer et possède la même signification qu'envelopper, comment comprendre alors que par exemple les modes du penser enveloppent et expliquent tout à la fois Dieu ?
Pensez-vous que Spinoza a employé parfois impliquer et parfois envelopper selon son caprice ?
Non seulement Macherey, mais Deleuze aussi confond. Pourquoi ? Dans le cas de Deleuze cela saute aux yeux. Il a voulu dégager les significations de ces termes à partir de leurs emplois passés - ici en occurrence, ceux des néoplatoniciens (parmi lesquels l'usage de ces vocables diffèrent et ne sont pas toujours rigoureux) - plutôt que de lire quels sont leurs usages dans une oeuvre aussi précise et cohérente que l'Ethique.
Il est certainement nécessaire de se faire guider par les (anciens) commentateurs lorsqu'on commence à lire l'Ethique mais il serait assez déplorable d'en rester là et de ne pas vérifier leurs dires par une lecture plus approfondie du texte lui-même.

Avatar du membre
jgautier
passe occasionnellement
passe occasionnellement
Messages : 18
Enregistré le : 01 févr. 2006, 00:00
Contact :

Messagepar jgautier » 06 janv. 2010, 15:06

Malgré la réponse précédente de Miam, je poste tout de même celle que j'avais prévu de faire à son précédent message.

"Involvere", en latin classique, c'est en effet "envelopper", ou "enrouler", plutôt au sens de "contenir".
"Impliquer", en français, désigne certes plutôt un rapport logique, mais "implicare" en latin signifie étymologiquement quelque chose comme "ce qui est plié (-plicare) à l'intérieur d'autre chose ou de soi (im-)", enveloppé, voire emmêlé.

Or justement "Involvere" - en effet très fréquent dans l'Ethique - semble avoir chez Spinoza un sens tout à la fois :

- logique : le rapport principe/conséquence est un rapport d'implication (la conséquence est impliquée par le principe), mais compris par Spinoza comme une sorte d'enveloppement.
- géométrique : les propriétés du triangle sont enveloppées par sa définition; cf. par ex. II, 49, démo.
- ontologique : les propriétés d'une chose sont enveloppées par sa nature ou essence.
- causal ou physique : la cause entraîne ou enveloppe l'effet (mais de telle manière que l'effet ne "sort" pas de sa cause, mais est contenu par elle / en elle : causalité immanente et non transitive); cf. notamment les axiomes 4 et 5, et la prop. 18 de la partie I.

C'est cet "à la fois" (logique/ontologique/causal) qui me paraît caractéristique de la pensée de Spinoza et de la manière dont il comprend la causalité, à partir justement de l'idée de "cause de soi" (ce que manifeste le caractère initial de sa définition).

Or il me semble que l'on peut dire que la causalité, du point de vue absolu et immanent qui est ici celui de Spinoza - précisément la causalité dont la "cause de soi" fournit le paradigme - est une causalité pour laquelle "entraîner" (consécution) et "contenir" (inclusion) ne se distinguent pas, dans la mesure justement où essence et existence, principe et conséquence, cause et effet y coïncident absolument.

Dans son commentaire de l'Ethique, Macherey (I, 32), qui propose d'ailleurs de traduire le terme par "impliquer" plutôt que par "envelopper" (cf. n. 2, p. 31) en donne la définition suivante, qui me convient : "l'idée d'un rapport nécessaire liant des choses entre elles absolument, dans des conditions telles qu'elles ne peuvent être [j'ajoute : ni être conçues] l'une sans l'autre."

Ainsi, par ex., en Eth. II, 49 démo, Spinoza écrit que l'affirmation selon laquelle "les trois angles d'un triangle égalent deux droits" enveloppe l'idée de triangle, n'est pas concevable sans elle, et réciproquement l'idée de triangle enveloppe l'affirmation selon laquelle "les trois angles d'un triangle égalent deux droits". Il s'agit bien d'un rapport d'implication (réciproque).

Symétriquement, il semble que le verbe "suivre" (sequi) - un des verbes les plus fréquents de l'Ethique - ait également ce triple sens.
- la conséquence suit logiquement du principe
- la propriété suit de la défintion
- l'effet suit de la cause

Le scolie de la prop. 17 ou celui de la prop. 49 expriment clairement cette identité, qui n'est pas une analogie :

I, 17, sc :
"D'autres pensent que Dieu est cause libre parce qu'il peut, à ce qu'ils croient, faire que les choses que nous avons dit qui suivent de sa nature ou qui sont en son pouvoir, n'arrivent pas, en d'autres termes, ne soient pas produites par lui, C'est tout comme [hoc idem est] s'ils disaient : Dieu peut faire qu'il ne suive pas de la nature du triangle que ses trois angles égalent deux droits ; ou que d'une cause donnée l'effet ne suive pas, ce qui est absurde."

I, 49, sc :
"toutes choses suivant du décret éternel de Dieu avec la même nécessité qu'il suit de l'essence du triangle, que ses trois angles sont égaux à deux droits"

Mais de telle manière là encore, dans le schema de cette causalité immanente et absolue, que ce qui suit ne sort pourtant pas de, n'est pas extérieur à ce qui le produit, mais y est contenu ("contineri") ou encore lui appartient ("pertinere").
Ainsi, pour en revenir à la cause de soi :
- en I, 8, scolie 1 : la cause de soi est ce dont "il appartient à la nature d'exister".
- en I, 8, scolie 2 : la cause de soi est ce qui existe par une cause qui doit "être contenue dans la nature même et la définition de la chose existante".

Ainsi, pour Spinoza, une seule et même nécessité - une seule et même structure rationnelle - unit une essence à ses proriétés, un principe à ses conséquences, une cause à ses effets, et c'est cette union qu'expriment ensemble les verbes "involvere" et "sequi" : de ce point de vue, traduire "involvere" par "envelopper" ou par "impliquer" me paraît équivalent.


JG.

Avatar du membre
jgautier
passe occasionnellement
passe occasionnellement
Messages : 18
Enregistré le : 01 févr. 2006, 00:00
Contact :

Messagepar jgautier » 06 janv. 2010, 15:22

Miam a écrit :Si impliquer est le contraire d'expliquer et possède la même signification qu'envelopper, comment comprendre alors que par exemple les modes du penser enveloppent et expliquent tout à la fois Dieu ?

Sur ce point, justement, Deleuze est clair : "Les deux termes [envelopper/développer ou impliquer/expliquer] pourtant ne sont PAS contraires : ils indiquent seulement deux aspects de l'expression. D'une part l'expression est une explication : développement de ce qui s'exprime, manifestation de l'Un dans le multiple (...). Mais d'autre part, l'expression multiple enveloppe l'Un. L'un reste enveloppé dans ce qui l'exprime, imprimé dans ce qui le développe, immanent à tout ce qui le manifeste : en ce sens, l'expression est un enveloppement." (SPE, 12).
En ce sens, les deux termes sont inverses, non contraires, et il n'y a donc pas de contradiction à dire que les modes du penser à la fois enveloppent et expliquent Dieu.

Miam a écrit :Pensez-vous que Spinoza a employé parfois impliquer et parfois envelopper selon son caprice ?

Comme vous l'avez fait remarquer à juste titre vous-même, Spinoza n'emploie pas le verbe "implicare" de manière significative.
Il semble ne l'employer qu'en I, 13, scolie, dans un sens purement logique et courant :
http://spinoza.fr/ethicadb/search.php?o=1&lg=fr&str=implica*
On ne peut donc pas se fonder sur cette seule occurence pour considérer comme un contre-sens la traduction de "involvere" par "impliquer".

Miam a écrit :Non seulement Macherey, mais Deleuze aussi confond.


Quoi et quoi ?

Miam a écrit :Il est certainement nécessaire de se faire guider par les (anciens) commentateurs lorsqu'on commence à lire l'Ethique mais il serait assez déplorable d'en rester là et de ne pas vérifier leurs dires par une lecture plus approfondie du texte lui-même.


Soit. Mais alors pourriez-vous nous expliquer précisément la distinction que vous faites entre "involvere" et "impliquer" et qui justifie à vos yeux le rejet de cette traduction ?

JG.


Retourner vers « Lecture de l'Ethique »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 32 invités