L'imagination libre II 17s

Lecture pas à pas de l'Ethique de Spinoza. Il est possible d'examiner un passage en particulier de cette oeuvre.
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Messagepar hokousai » 14 janv. 2010, 01:48

cher Durtal

Miam a introduit à des questions fort intéressantes , m'efforçant pourtant , je ne suis pas certain d' être suffisamment clair .
Il est bien évident d' autre part que ma conception de la perception relativement à l 'hallucination oriente ma lecture de Spinoza .....mais quand même !!
Vous reprenez Macherey ...il y a quelque chose qui persiste à me choquer

( je veux dire: où est passé le monde réel perçu ?)

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Messagepar Pourquoipas » 14 janv. 2010, 04:50

Peut-être dans la lettre à Balling (lettre 17), l'histoire du Brésilien entraperçu par un philosophe mal réveillé (il s'agit d'un rêve qui se poursuit dans un demi-sommeil), image persistant quand même ("avec autant de vivacité que s'il s'était agi d'un objet réel") un moment jusqu'à disparition totale (alors même que Spinoza s'efforce de fixer son attention ailleurs), peut-elle vous aider dans vos réflexions. (De plus, je n'ai rien contre un Spinoza quelque peu proustien.)
Il n'en reste pas moins qu'une fois l'image du Brésilien disparue, il demeure dans le réel les quatre murs de la pièce, les vêtements, le froid de l'hiver, qui n'ont pas du tout le même statut que le "Brésilien". D'où ma très grande méfiance envers le terme "hallucination" (qui sent d'ailleurs un peu sa psychiatrie...).

Spinoza n'est quand même pas Bernadette, et Rijnsburg n'est pas Lourdes !

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Messagepar hokousai » 14 janv. 2010, 14:21

Durtal tire une conséquence
Par conséquent, même si je perçois un objet, que nous supposons (nous, ici, pour l’argument), exister effectivement, ce n’est pas parce qu’il existe que je le contemple comme présent.

il conclut cela du fait
qu’il existe une modification (une image) dont notre corps ( ou certaines configurations des relations entre les parties des parties de notre corps) constituent le siège, « image » que notre esprit exprime de la façon dont s’expriment toutes les choses qui relèvent de l’attribut auquel il appartient lui-même, c'est-à-dire en en affirmant l’idée.

..........................................................
Pour contempler ou considérer comme présent il y a plusieurs faits ( Spinoza n’est justement pas assez explicite sur ce contempler comme présent )

1) Pierre est là devant moi pas de doute et mes voisins vont attester de sa réalité
2) je m’imagine Pierre mentalement, je vois son visage mais il n’est pas là dans l’étendue
3) je rêve de Pierre et là je le considère dans mon rêve comme présent
4) j’ai le souvenir de Pierre faisant ceci cela ,il est présent à ma mémoire
5) Un neurophysiologiste va exciter une certaine partie de mon cerveau et Pierre va m’apparaître comme hallucination .

Pour moi la question et claire et sans discussion dans le1 ) si je perçois Pierre comme existant réellement , c’est qu’il existe .
…………………………………………………………………………………

Macherey écrit
""" la perception est une représentation globale ..
Or cette expérience est aussi immédiatement associée à un jugement d existence qui affirme la présence actuelle du corps extérieur par lequel le corps humain est affecté et ceci suivant une dynamique interne qui semble projeterl ‘acte perceptif au-delà de lui-même et de ce que comprend effectivement l’idée dune affection du corps « «page 176/177

Je disais à Durtal que dans perception il y a un plus
Ce que confirme Macherey dans une métaphore de projection laquelle n’est pas Spinoziste .
……………………………………………………………..
Macherey persiste

Analysant la prop 17/2 il est plongé dans la question de la perception et à mon avis l’analyse encore de la même manière
Il écrit :
"""""Spinoza a sans doute voulu indiquer d’ emblée le caractère de pure suggestion propre à ‘acte de pensée qui accompagne la perception, acte par lequel l âme est en fait dépossédée du moins partiellement de sa puissance de connaître puisqu’elle se laisse envahir par le sentiment diffus d une existence comme si celle-ci avait une réalité indépendante de la perception immédiate qu elle en a ."""""(page 177)

Macherey nolens volens n’accorde pas assez d’importance à la chose existante en acte , il accorde une importance à un supposé sentiment diffus de l’existence (des chose extérieures )

Et pourtant Spinza parle expressément
D’une connaissance( certes ) mutilée et confuse , chaque fois qu’il estdéterminé du dehors à savoir par la rencontre fortuite des choses à contempler ceci ou cela et non déterminé du dedans ( scolie prop 29/2)

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Messagepar 8 » 14 janv. 2010, 18:39

cher hokousai,

tout cela me fait penser à l'expérience du chat de Schroedinger

http://fr.wikipedia.org/wiki/Chat_de_Schrödinger#Pourquoi_le_chat_de_Schr.C3.B6dinger_.3F

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Messagepar Durtal » 14 janv. 2010, 20:41

hokousai a écrit :
Pour moi la question et claire et sans discussion dans le1 ) si je perçois Pierre comme existant réellement , c’est qu’il existe .


J'ai l'impression que la "pointe" vous échappe.

Vous ne percevez jamais Pierre "lui même", dans votre perception Pierre ne figure pas à titre de contenu.

Pierre existe, son corps cause des effets sur le votre, votre esprit le représente en réfléchissant ces effets . Entre l'existence de Pierre et la perception que vous en avez s'interpose votre corps, et c'est indirectement que vous avez affaire à Pierre c'est à dire pour autant qu'il est cause de certains effets sur vous, et c'est de cela dont vous juger lorsque vous percevez Pierre comme réellement existant.

Et personne n'a dit que vous aviez toujours tort ! Mais quelque fois il se trouve que ce n'est pas le cas, or vous contemplez pareillement, dans ces cas, "les choses comme présentes".


Le phénomène des hallucinations ou des perceptions oniriques montre , dévoile, manifeste ceci que dans les conditions perceptives de référence, et pour ce qui concerne vos représentations des choses, c'est à dire quand elles existent, votre corps se situe entre vous et elles, et que c'est par lui, et non parce qu'elles seraient elles mêmes "dans" vos perceptions que vous vous les représentez ( puisque le cas se trouve que la condition d'existence de la chose perçue est niée, lors que la contemplation comme présente de la même chose subsiste).

C'est un simple calcul logique: si je peux contempler comme présent une chose alors qu'elle n'existe pas, c'est que, lorsque je contemple comme présent des choses qui existent, cette propriété de pouvoir les contempler comme présentes n'a pas pas pour cause l'existence des choses en question!

En effet elle a pour cause la réceptivité de mon propre corps qui est la donnée qui ne varie pas dans les deux situations.

D.

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Messagepar hokousai » 15 janv. 2010, 01:37

cher Durtal

Vous me menez sur un terrain difficile mais comme c' est mon terrain de prédilection ,je vais être un peu long .(et réimpliquer Macherey .. que par ailleurs j' aime bien )
.................................................................................

Pour moi Macherey en parlant de filtre va plus loin que Spinoza , il ajoute un filtrage entre l' affection du corps et l'idée .(vous posez vous un filtre entre le monde extérieur et l'idée )

Je le cite
""" la nature du corps , qui donne leur support aux affections qu'il éprouve du fait de ses relations avec d'autres corps , constitue donc comme une sorte de filtre à travers lequel "passent" ces affections , qui éprouvées par son intermédiaire , lui reviennent en dernière instance .""page 175( ce n'est pas très clair !)

voyons la suite

"Dans la formule les affections du corps le génitif a donc simultanément les deux valeurs du génitif subjectif d’appartenance et du génitif objectif d objet ; ces affections se présentent aussi comme ses affections , donc comme si elles étaient issue de son organisme alors même quelles sont imprimées en elle par une action indépendante ""

je m’arrête là parce

1) Spinoza ne va pas si loin

2) je pense que que c’est faux .

Je m’explique
je ne vois pas l’image sur ma rétine pas plus que je ne vois les mouvement neuronaux dans les circuits ni dans le cerveau .Macherey ne doit pas dire que je vois comme si les affections étaient issues de mon organisme . Voir un objet à l’extérieur ne se présente pas comme une affection issue de mon organisme . C’est toute une réflexion philosophico- scientifique qui le dit et cela à postériori .

Lorsque je perçois un objet comme extérieur, je ne le perçois pas du tout comme une affection de mon nerf optique .Lorsque je touche un objet je perçois effectivement mon corps comme sensible mais l’objet touché conserve son autonomie de corps extérieur, il n’est jamais confondu avec la sensation de ma peau .
………………………………………………………………………………………..
Alors vous me dites ceci:

Entre l'existence de Pierre et la perception que vous en avez s'interpose votre corps, et c'est indirectement que vous avez affaire à Pierre c'est à dire pour autant qu'il est cause de certains effets sur vous, et c'est de cela dont vous juger lorsque vous percevez Pierre comme réellement existant.


Je ne vous demande pas comment vous discriminez une perception d'une hallucination car effectivement vous ne pouvez pas les distinguer .Mais je vous demande pourquoi les autres autour de vous, eux, distinguent .
Pourquoi juge- t- il que vous avez une hallucination de la présence de Pierre par exemple ? Et bien Parce que eux ne voit pas pierre . c’est donc bien que l’inexistence de Pierre a une incidence capitale dans la perception .
Lorsque nous percevons Pierre comme réellement existant c 'est qu’il existe .
Ce n’est pas parce que l’ hallucination produit exactement le même effet mental que la perception qu 'ils sont ramenables au même état des lieux .
Dans le cas de l' hallucination Pierre n'existe pas
Dans le cas de la percetion il existe .
Deux images mentales ( comme vous dites ) deux états de fait différents .
Il faut donc réviser l’ assimilation de la perception à l’image mentale ..

Il ne me suffit pas de cela ( l’ image ) lorsque je perçois Pierre comme réellement existant.
Cela ne suffit pas .

Et Macherey le voit très bien lorsqu' il parle ( comme déjà cité )"" du sentiment diffus ( diffus ?) d’une existence comme si celle là avait une réalité indépendante de la perception immédiate qu’ elle en a. ""

Je ne veux pas trop ironiser mais ce qu’il y a de plus prégnant dans la perception des corps existant à l’extérieur de notre corps( à savoir leur existence réelle ) est ramené à un sentiment diffus de l’existence d’une réalité indépendante .
............................................................................................................

je pense que Spinoza justement ne le comprenait pas ainsi .Pas de cette manière physicaliste moderne (ou neuro- cognitive ).
l’ordre et l’enchaînement des idées est le même que l’ordre et l’enchainement des choses ( il dit bien là des choses, pas des causes ) demonstr du croll de la porp 9/2)

ce qui est corroboré par la démonstration de la prop 13/2
""" s’il y avait outre le corps encore un autre objet de l’esprit , comme il n’existe rien d où ne suive quelque effets ,il devrait nécessairement y avoir une idée de cet effet dans notre esprit or il y en a nulle idée ,donc l’objet de notre esprit est le corps existant en acte et rien d’autre ."""""

ce qui veux dire (pour moi) que le monde extérieur n’est pas dans l’esprit et c’est bien pour cela que nous le percevons comme extérieur . Nous ne percevons pas le monde réel comme intérieur c’est qu’il n’y est pas .
En revanche les idées des affections du corps (sensations diverses, douleurs du corps ) , ce que nous imaginons , ce dont nous nous souvenons est compris comme intérieur ( comme propre à notre intériorité )
Pire Jamais ( je me redis ) l’ affection de la rétine que j’ai d’une table extérieure jamais cette affection n’est sentie ( sous forme d’idée de l’affect supposé )comme intérieur .
J’en conclus que les affections du corps propre ne concernent pas le jugement d existence des corps extérieurs ; Que ce jugement d’ existence du monde ne dépend pas des sensa data .

De quoi dépend- t- il alors ?
Il dépend du fait que le monde existe .( d'où cette théorie du dit parallélisme)

hokousai
(excusez la longueur du message) (':oops:')

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Messagepar Durtal » 17 janv. 2010, 23:26

Hks,

hokousai a écrit :cher Durtal

Pour moi Macherey en parlant de filtre va plus loin que Spinoza , il ajoute un filtrage entre l' affection du corps et l'idée .(vous posez vous un filtre entre le monde extérieur et l'idée )

Je le cite
""" la nature du corps , qui donne leur support aux affections qu'il éprouve du fait de ses relations avec d'autres corps , constitue donc comme une sorte de filtre à travers lequel "passent" ces affections , qui éprouvées par son intermédiaire , lui reviennent en dernière instance .""page 175( ce n'est pas très clair !)

voyons la suite

"Dans la formule les affections du corps le génitif a donc simultanément les deux valeurs du génitif subjectif d’appartenance et du génitif objectif d objet ; ces affections se présentent aussi comme ses affections , donc comme si elles étaient issue de son organisme alors même quelles sont imprimées en elle par une action indépendante ""

je m’arrête là parce

je ne vois pas l’image sur ma rétine pas plus que je ne vois les mouvement neuronaux dans les circuits ni dans le cerveau .Macherey ne doit pas dire que je vois comme si les affections étaient issues de mon organisme . Voir un objet à l’extérieur ne se présente pas comme une affection issue de mon organisme . C’est toute une réflexion philosophico- scientifique qui le dit et cela à postériori.


Plusieurs choses sur ce que vous dites ici.

D’abord sur Macherey, de la lecture duquel vous tirez à ce qu’il me semble de forts étranges conclusions.

Vous butez apparemment sur l’affirmation de Macherey que je reproduis ici : « ces affections qui surviennent au corps de par l’intervention d’autres corps se présentent aussi comme étant ses affections, donc comme si elles étaient issues de son organisation, alors même qu’elles sont imprimées en elle par une action indépendante ».( p.175 aux PUF)

Vous interprétez ceci en gros comme si Macherey étant en train d’expliquer que c’est à la conscience percevante, que les affections « paraissaient » comme issues de son organisation ou comme si cela devait en suivre d’une manière ou d’une autre. Ce qui évidemment n’a pas le moindre sens. Mais aussi je ne sais pas comment vous en êtes arrivé à une lecture pareille.

Il commente le 2eme corollaire de II, 16 lequel s’énonce « les idées que nous avons des corps extérieurs indiquent plus l’état de notre corps que la nature des corps extérieurs » il isole, cette propriété (« d’indiquer davantage notre nature »), en faisant valoir qu’abstraction faite de leur origine externe, leur nature est celle même du corps humain, elles sont en effet des affections-de-corps-humain, ce sur quoi il insiste en avançant une condition fictive et démentie dans la même phrase : « comme si elle provenaient de son organisation » ( et en réalité elles en proviennent bien mais en partie et en un sens complexe)

Mais à aucun moment ces choses ne s’entendent comme valant pour une description de la perception vécue. C’est à l’analyse des causes que les affections se révèlent être tout autant du corps humain (et même plus dit Spinoza) que des corps extérieurs qui l’affectent. Donc c’est « en soi » « en fait » « en réalité », « tout bien pesé et considéré » (je ne sais pas comment le dire !) que les affections sont plus indicatives de la nature du corps percevant qu’indicative de la nature des corps perçus, cela n’est nullement entendu, ni par Macherey ni évidemment par Spinoza, au sens où ces affections « m’indiqueraient dans mes vécus perceptifs qu’elles sont davantage de mon corps que des corps extérieurs ». C’est même exactement le contraire : la perception vécue comme telle ou dans son effectuation ne peut qu’ignorer absolument ce qui la médiatise.

Il s’agit pour lui (Macherey) de faire comprendre que cette formule apparemment simple « les affections du corps », se réfère à un phénomène complexe, qui contient toujours une dimension double dont il estime qu’elle peut être rendue sensible au lecteur en jouant sur le sens du génitif.

Les affections du corps (génitif objectif) le sont tout d’abord au sens où elles sont ce qui survient au corps, c'est-à-dire sont « ce qui lui arrive » du dehors, pour le changer, le modifier, le configurer d’une certaine façon. Mais elles sont indissociablement aussi et en même temps des affections du corps (génitif subjectif) au sens d’affections qui appartiennent à ce corps, sont « de » lui, c'est-à-dire reçoivent de lui le profil particulier d’affection qui est le leur. Et si les deux choses vont ensemble c’est qu’une affection ne peut être ce qui survient à un corps sans en même temps être ce qui appartient à ce corps, c'est-à-dire sans que sa nature d’affection ne se « coule » dans la nature du corps affecté, à défaut de quoi cette affection ne saurait être dite lui survenir. Ce sont les deux cotés d’une même médaille.

Pour que les choses soient aussi claires que possible : vous n’aurez jamais les perceptions olfactives d’un chien bien que peut être (ce que je vous déconseille de faire) vous vous appliquiez à renifler les mêmes choses que lui , parce que ces affects dépendent des affections qui sont propres à un corps de chien, dépendent de la façon dont un corps de chien reçoit en lui la marque et l’influence des choses extérieures (supposées les mêmes), qui empruntent à la structure de ce corps leur type propre d’affection à savoir leur profil spécifique d’affections- de-corps-de-chien.

Ensuite « le point de vue philosophico-scientifique, acquis a posteriori » dont vous faites mention est précisément le point de vue auquel Spinoza se place délibérément, qui entend expliquer la perception par ses causes (et plus précisément par ses causes prochaines). Un phénoménologue se placerait à un tout autre point de vue que celui là, sans qu’il y ait d’ailleurs une contradiction ou une incompatibilité entre son discours et le précédent pourvu seulement qu’on distingue les registres de l’analyse.

Ainsi, dire que la perception visuelle de quelque chose s’explique par le fait que l’esprit forme une idée ou une perception d’une image rétinienne, ne signifie évidemment pas que cette image est l’objet de la perception mais qu’elle en est le medium. Cela signifie que l’esprit, produit, fabrique, la perception visuelle d’une chose au travers de, ou par le moyen de l’image rétinienne qui affecte son œil (et qui ne figure pas, encore une fois comme moment de la perception vécue, et qui n’a pas à y figurer, attendu que ladite perception vécue est justement l’effet de cette cause).

La perception visuelle est à l’image rétinienne et aux dispositions internes de l’œil comme l’esprit est au corps (si l’on accepte toutefois l’idée qu’il y a quelque chose comme un esprit pour un corps). Un œil percevant, c’est la pensée ou l’idée qui traduit le travail ou l’activité de l’œil (et du cerveau, et en fait de la totalité du corps organisé). C’est ensuite comme dirait Descartes par une « institution de nature » ou comme dirait Spinoza par le fait primitif et non analysable de la nécessité de la nature divine, c'est-à-dire par les lois de son être, que telle ou telle modification du corps qui ne ressemble en rien avec ce qui est représenté dans la perception se trouve traduite dans l’esprit sous la forme que vous vivez dans la perception vécue.

hokousai a écrit :…………………………………………………..
Alors vous me dites ceci:

Entre l'existence de Pierre et la perception que vous en avez s'interpose votre corps, et c'est indirectement que vous avez affaire à Pierre c'est à dire pour autant qu'il est cause de certains effets sur vous, et c'est de cela dont vous juger lorsque vous percevez Pierre comme réellement existant.


Je ne vous demande pas comment vous discriminez une perception d'une hallucination car effectivement vous ne pouvez pas les distinguer .Mais je vous demande pourquoi les autres autour de vous, eux, distinguent .
Pourquoi juge- t- il que vous avez une hallucination de la présence de Pierre par exemple ? Et bien Parce que eux ne voit pas pierre . c’est donc bien que l’inexistence de Pierre a une incidence capitale dans la perception .
Lorsque nous percevons Pierre comme réellement existant c 'est qu’il existe .
Ce n’est pas parce que l’ hallucination produit exactement le même effet mental que la perception qu 'ils sont ramenables au même état des lieux .
Dans le cas de l' hallucination Pierre n'existe pas
Dans le cas de la percetion il existe .
Deux images mentales ( comme vous dites ) deux états de fait différents .
Il faut donc réviser l’ assimilation de la perception à l’image mentale ..
Il ne me suffit pas de cela ( l’ image ) lorsque je perçois Pierre comme réellement existant.
Cela ne suffit pas .


A ) Il n’est pas question d’images mentales mais des images du corps. Et voici comment j’entends la chose : Les « images » de Spinoza en un certain sens ne sont pas du tout des images (et encore moins des « doubles mentaux » des choses), elles sont des états du corps et de ses parties, soit ponctuels soit persistants (en fait toujours plus ou moins les deux), qui sont dans un rapport de « projection » avec ce qui les cause. Elles constituent la façon dont le corps encode son rapport avec les choses extérieures, traite l’information en provenance du dehors, l’accumule et l’assimile dans les termes de ses propres structures (et c’est pourquoi « elles ne ressemblent pas » à leurs causes, elles ressemblent surtout (et sans surprise) à ce qu’elles sont elles-mêmes c'est-à-dire : des états de parties de corps humain). Et l’esprit en tant qu’il est l’idée d’un corps dépend quant à ses perceptions et leur contenu de ce que le corps est lui-même une telle « image active» du monde extérieur (un système qui transcrit physiquement l’information dans ses propres structures) c’est aussi pourquoi il est aussi simultanément une sorte de filtre, pour des raisons comparables à ce qui se passe dans la traduction d’un message d’une langue à une autre, le message se trouvant modifié du fait de l’organisation spécifique de la langue dans laquelle il se trouve traduit.

B) Maintenant par hypothèse, hallucination ou perception, ce sont les mêmes traces-images-états corporels qui sont en jeu. Vous voyez Pierre, vous hallucinez Pierre : c’est Pierre (pas Jeanne) la chose représentée, qu’elle existe ou non en dehors de vous. On peut percevoir et halluciner une seule et même chose, et l’hallucination d’une chose n’est pas substituable à n’importe quelle autre chose également hallucinée, il y a là dedans quelque chose de significatif : les énoncés d’identité sont indépendants du statut quant à l’existence des objets concernés)

Ce qui est présent et qui existe dans les deux cas et à coup sur c’est a) votre corps b) l’esprit qui pense, perçoit, représente (et non « se » représente) les états dans lesquels ce corps se trouve disposé, et c) les causes qui disposent ce corps à se trouver dans de tels états. Ces causes ne sont pas les mêmes si vous percevez Pierre parce qu’il est face à vous ou si vous percevez Pierre parce que vous avez ingéré de la mescaline. L’étiologie (pour ainsi dire) de vos perceptions est différente (Pierre/un produit stupéfiant) mais leurs causes prochaines sont les mêmes, c'est-à-dire : votre esprit produit la pensée associée à une image, une marque, la trace présente en votre corps qui « encode » dans votre organisme ce qui correspond à la perception vécue de « Pierre » (qui n’est pas la même que celle qui « encode » dans votre corps la perception vécue de « Jeanne »).

On pourrait aussi raisonner par l’autre bout : une hallucination, un rêve, un souvenir enveloppent des états du corps tout aussi réels ( quant aux causes ) que ceux qui sont enveloppés dans les situations perceptives de référence, seulement les situation causales dans lesquelles le corps est plongé différent entre elles considérablement.

Et plus loin (voir scolie de la proposition 9, IV ) Spinoza fera des différences de ce genre : les perceptions du souvenir sont par exemple « moins vives » que les perceptions présentes, parce que la cause qui les a produite, et qui continue de s’exprimer dans le corps par inertie (sous forme de trace) est très contrariée par l’effet d’autres causes agissantes ( qui provoquent elles même des perceptions) qui par hypothèse inhibent et perturbent l’esprit dans sa pente naturelle à affirmer l’existence de la chose représentée dans le souvenir.

Mais cette explication ne revient pas sur le caractère uniforme et homogène de la fonction (Spinoza y insiste en termes expresses) ; l’esprit fait la même chose quand il se souvient et quand il perçoit un objet, la différence réside dans l’économie des puissances causales engagées à chaque fois dans les situations.


Alors y a-t-il une différence entre perception et hallucination ? La persistance de cette objection me montre que vous ne voyez toujours pas que ce n’est pas le problème donc je vous réponds franchement, OUI il y en a une et qui est exactement celle que vous dites : à savoir que la chose perçue existe dans un cas et pas dans l’autre.

On pourrait dire aussi : quelle est la SEULE différence entre une hallucination parfaite et une perception réelle ? Que la chose perçue n’existe pas dans le premier cas, qu’elle existe dans le second.

Dès lors la conclusion tombe d’elle-même : c’est donc que ce qui distingue la perception de l’hallucination est en dehors de la perception et de l’hallucination. Car ce qui différencie la perception de l’hallucination, n’est certainement pas que dans le cas d’une perception réelle l’existence de l’objet serait « contenue » dans ma perception alors que dans l’hallucination l’existence de l’objet ne serait pas « contenue » dans ma perception (elle est, cette existence, « contenue » tout autant ou tout aussi peu, c’est comme vous voulez, dans la perception que dans l’hallucination)

Vous me répétez « il y a quelque chose de plus », mais la question est justement quelle chose ? « L’existence de l’objet » peut être ? Mais si l’on veut que l’existence de l’objet soit « contenue » quelque part …. ce sera (si cette expression doit avoir un sens quelconque) dans cet objet lui-même et non de toute façon « dans » la perception que j’en ai. Alors quoi d’autre ? la sensation que « l’objet est extérieur » ? Parce qu’on ne pourrait pas halluciner cette sensation d’extériorité peut être ? (et si justement ce n’était pas cette sensation même d’extériorité que nous hallucinions, nous ne parlerions pas « d’hallucination ») Et à l’inverse, dans les conditions normales, cette sensation d’extériorité elle est en vous-même (ce qui ne signifie pas, notez bien, que vous vous représentez la chose comme si elle était « en vous »,) … donc quoi?

Mais de nouveau ce n’est pas le problème, car dire que rien ne distingue sous le rapport précis « où nous contemplons une chose comme présente » une hallucination et une perception réelle, n’implique pas du tout qu’il n’y a pas de différence entre une hallucination et une perception réelle… Et cette différence à l’inverse n’empêche pas du tout que cette propriété « du contempler comme présent » ne soit également en jeu dans une hallucination et dans une perception.

hokousai a écrit :Et Macherey le voit très bien lorsqu' il parle ( comme déjà cité )"" du sentiment diffus ( diffus ?) d’une existence comme si celle là avait une réalité indépendante de la perception immédiate qu’ elle en a. ""


Remarquez que c’est exactement ce qui se passe aussi quand je parle dans mon sommeil à des gens morts depuis des années …. Donc nous voilà bien avancés….

..........................................................................................................

hokousai a écrit : je pense que Spinoza justement ne le comprenait pas ainsi .Pas de cette manière physicaliste moderne (ou neuro- cognitive ).

l’ordre et l’enchaînement des idées est le même que l’ordre et l’enchainement des choses ( il dit bien là des choses, pas des causes ) demonstr du croll de la porp 9/2)

ce qui est corroboré par la démonstration de la prop 13/2
""" s’il y avait outre le corps encore un autre objet de l’esprit , comme il n’existe rien d où ne suive quelque effets ,il devrait nécessairement y avoir une idée de cet effet dans notre esprit or il y en a nulle idée ,donc l’objet de notre esprit est le corps existant en acte et rien d’autre ."""""

ce qui veux dire (pour moi) que le monde extérieur n’est pas dans l’esprit et c’est bien pour cela que nous le percevons comme extérieur . Nous ne percevons pas le monde réel comme intérieur c’est qu’il n’y est pas .
En revanche les idées des affections du corps (sensations diverses, douleurs du corps ) , ce que nous imaginons , ce dont nous nous souvenons est compris comme intérieur ( comme propre à notre intériorité )
Pire Jamais ( je me redis ) l’ affection de la rétine que j’ai d’une table extérieure jamais cette affection n’est sentie ( sous forme d’idée de l’affect supposé )comme intérieur .
J’en conclus que les affections du corps propre ne concernent pas le jugement d existence des corps extérieurs ; Que ce jugement d’ existence du monde ne dépend pas des sensa data .



Vous êtes encore dans l’idée qu’il est question d’images mentales et d’idéalisme. Il n’est pas question de cela et je ne sais pas ce qui vous le fait dire. Je ne vois pas quoi que ce soit qui permette de passer à cette conclusion que le monde serait « intérieur à l’esprit ». Tout ce dont il est question est ceci : les affections à partir desquelles le monde extérieur est représenté par l’esprit sont dans le corps, y ont leur siège. Et je ne vois pas quel est le problème ni pourquoi un philosophe réaliste devrait refuser d’admettre cela. Car vous n’allez quand même pas soutenir que l’extériorité du monde ne se trouve garantie et assurée qu’à la condition que mes propres sensations des objets extérieurs soient elles mêmes extérieures à mon esprit et à mon corps ! Ou bien que la meilleure garantie philosophique de l’extériorité du monde perçu serait que je ne le perçoive pas du tout (c'est-à-dire que sa représentation ne passât pas du tout par mes sens et par mon corps) !

Vous auriez une façon pour le moins coûteuse et étrange de nous sauvez du solipsisme…

Et dans le cas contraire, c’est bien qu’affirmer cette intériorité des évènements par lesquels je suis en relation à une extériorité n’est pas incompatible avec la position d’un monde extérieur…

Ce que vos citations confirment surabondamment c’est que la perception que vous avez du monde extérieur a pour centre et pour base une partie seulement de ce monde : votre propre corps (proposition 13, II) et ce qui lui arrive (Proposition 9, II). Votre esprit ne peut percevoir (par l’imagination) au delà de la « zone d’influence » (et d’influençabilité) de votre corps, puisqu’il n’en est rien d’autre que l’idée.

Et enfin, je vous le redis à mon tour, ce n’est pas Macherey qui prétend que je vois mes images rétinienne, ou qui parle de « sense-datum » mais « l’homme de paille » (comme on dit) que vous lui avez substitué.

Tout ceci est aussi peu raisonnable pour finir que si quelqu’un vous disait « vos perceptions visuelles d’une maison passent par vos yeux et votre cerveau » et que vous lui répondiez «ce que vous dites est certainement inexact car dans ce cas voir une maison serait voir ses propres yeux et percevoir son propre cerveau ! ».


Vale.

D.

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Messagepar hokousai » 18 janv. 2010, 00:08

Car vous n’allez quand même pas soutenir que l’extériorité du monde ne se trouve garantie et assurée qu’à la condition que mes propres sensations des objets extérieurs soient elles mêmes extérieures à mon esprit et à mon corps !


c'est ce que je pense .(vous estimé cela insensé , je sais )

désolé

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Sinusix
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Messagepar Sinusix » 31 janv. 2010, 15:10

Bonjour,

Cher Durtal, ensemble pour moi splendide au regard de la vision Spinoziste des choses.

Durtal a écrit :Il commente le 2ème corollaire de II, 16, lequel énonce : « les idées que nous avons des corps extérieurs indiquent plus l’état de notre corps que la nature des corps extérieurs » ; il isole cette propriété (« d’indiquer davantage notre nature »), en faisant valoir qu’abstraction faite de leur origine externe, leur nature est celle même du corps humain, elles sont en effet des affections du corps humain, ce sur quoi il insiste en avançant une condition fictive et démentie dans la même phrase : « comme si elle provenaient de son organisation » (et en réalité elles en proviennent bien mais en partie et en un sens complexe).


Ceci est parfaitement clair si on veut bien considérer (se rappeler) qu'une perception est le résultat combiné de deux moments, à savoir une impression d'abord, phénomène purement physico-chimique, et une sensation, le phénomène subjectif (qualia) sur lequel portent toutes les interrogations métaphysiques, selon l'école à laquelle on adhère. En terme Spinoziste, on reconnaîtra l'affection du corps (l'impression) et son idée réfléchie (la sensation).
Mais, ce que dit Durtal fort justement, y compris par la suite, c'est que l'impression passe bien en premier lieu par le "filtre" de l'organisation du corps humain, en l'occurrence le cerveau. L'affection, ou modification du corps, si elle est bien causée par la chose extérieure, porte sur les éléments corporels susceptibles d'être modifiés, dont l'organisation est propre à notre corps, sans relation avec la nature de la chose extérieure.
Par exemple, pour être concret, dans le domaine visuel, on sait qu'il y a une organisation rétinotopique du cerveau qui fait donc que l'impression visuelle due à la cause extérieure est transcrite selon le schème organisationnel du cerveau.
C'est cette transcription physico-chimique dans le cerveau seule qui est l'affection du corps ; mais, quoiqu'on en veuille, cette transcription est bien un morphisme (au sens mathématiques) de l'action extérieure, morphisme lié à l'organisation interne de notre corps, laquelle, comme le dit justement Durtal au sujet de l'odorat du chien, est propre à notre organisation.

Durtal a écrit :Mais à aucun moment ces choses ne s’entendent comme valant pour une description de la perception vécue. C’est à l’analyse des causes que les affections se révèlent être tout autant du corps humain (et même plus dit Spinoza) que des corps extérieurs qui l’affectent. Donc c’est « en soi » « en fait » « en réalité », « tout bien pesé et considéré » (je ne sais pas comment le dire !) que les affections sont plus indicatives de la nature du corps percevant qu’indicative de la nature des corps perçus, cela n’est nullement entendu, ni par Macherey ni évidemment par Spinoza, au sens où ces affections « m’indiqueraient dans mes vécus perceptifs qu’elles sont davantage de mon corps que des corps extérieurs ». C’est même exactement le contraire : la perception vécue comme telle ou dans son effectuation ne peut qu’ignorer absolument ce qui la médiatise.


Ceci est important et très bien vu. C'est en effet de toute bonne fois que nous croyons voir les choses de manière immédiate et non médiate selon notre organisation (voir l'exemple célèbre de l'échiquier d'Adelson).

Durtal a écrit :Ainsi, dire que la perception visuelle de quelque chose s’explique par le fait que l’esprit forme une idée ou une perception d’une image rétinienne, ne signifie évidemment pas que cette image est l’objet de la perception mais qu’elle en est le medium. Cela signifie que l’esprit, produit, fabrique, la perception visuelle d’une chose au travers de, ou par le moyen de l’image rétinienne qui affecte son œil (et qui ne figure pas, encore une fois comme moment de la perception vécue, et qui n’a pas à y figurer, attendu que ladite perception vécue est justement l’effet de cette cause).


Ceci est limpide et pose bien le problème, là où il demeure, même pour les scientifiques, à savoir le passage de l'état medium de l'image rétinienne à la sensation proprement dite (qualia), sur lequel le débat reste ouvert et sans solution scientifique possible, semble-t-il, et restant donc du seul domaine métaphysique (épiphénomène pour certain, faux problème ou problème mal posé pour d'autres, comme Bergson). La solution Spinoziste reste donc candidate, que Durtal expose fort justement ainsi :

Durtal a écrit :La perception visuelle est à l’image rétinienne et aux dispositions internes de l’œil comme l’esprit est au corps (si l’on accepte toutefois l’idée qu’il y a quelque chose comme un esprit pour un corps). Un œil percevant, c’est la pensée ou l’idée qui traduit le travail ou l’activité de l’œil (et du cerveau, et en fait de la totalité du corps organisé). C’est ensuite comme dirait Descartes par une « institution de nature » ou comme dirait Spinoza par le fait primitif et non analysable de la nécessité de la nature divine, c'est-à-dire par les lois de son être, que telle ou telle modification du corps qui ne ressemble en rien avec ce qui est représenté dans la perception se trouve traduite dans l’esprit sous la forme que vous vivez dans la perception vécue.

A) Il n’est pas question d’images mentales mais des images du corps. Et voici comment j’entends la chose : Les « images » de Spinoza en un certain sens ne sont pas du tout des images (et encore moins des « doubles mentaux » des choses), elles sont des états du corps et de ses parties, soit ponctuels soit persistants (en fait toujours plus ou moins les deux), qui sont dans un rapport de « projection » avec ce qui les cause. Elles constituent la façon dont le corps encode son rapport avec les choses extérieures, traite l’information en provenance du dehors, l’accumule et l’assimile dans les termes de ses propres structures (et c’est pourquoi « elles ne ressemblent pas » à leurs causes, elles ressemblent surtout (et sans surprise) à ce qu’elles sont elles-mêmes c'est-à-dire : des états de parties de corps humain).


Limpide et incontestable pour moi.

Durtal a écrit :Et l’esprit en tant qu’il est l’idée d’un corps dépend quant à ses perceptions et leur contenu de ce que le corps est lui-même une telle « image active» du monde extérieur (un système qui transcrit physiquement l’information dans ses propres structures) c’est aussi pourquoi il est aussi simultanément une sorte de filtre, pour des raisons comparables à ce qui se passe dans la traduction d’un message d’une langue à une autre, le message se trouvant modifié du fait de l’organisation spécifique de la langue dans laquelle il se trouve traduit.


Autrement dit, plutôt que de rester sur l'utilisation du concept de perception, qui peut être équivoque, une fois qu'on a bien intégré le double phénomène que la perception intègre, à savoir une impression (le codage neuronal médiatisé) et une sensation (pour Spinoza, l'idée de cette affection du corps que constitue le codage neuronal résultant).

Durtal a écrit :B) Maintenant par hypothèse, hallucination ou perception, ce sont les mêmes traces-images-états corporels qui sont en jeu. Vous voyez Pierre, vous hallucinez Pierre : c’est Pierre (pas Jeanne) la chose représentée, qu’elle existe ou non en dehors de vous. On peut percevoir et halluciner une seule et même chose, et l’hallucination d’une chose n’est pas substituable à n’importe quelle autre chose également hallucinée, il y a là dedans quelque chose de significatif : les énoncés d’identité sont indépendants du statut quant à l’existence des objets concernés).


C'est parfaitement clair en termes Spinozistes, puisque l'encodage (pour lui les traces sur le microsillon mou), pour autant qu'il y ait eu renouvellement plus ou moins accentué de l'impression, est une affection "définitive" du corps, devenue par la suite indépendante de sa cause effectivement existante, et qui peut être réveillée, par association d'idées par exemple.

Durtal a écrit :Dès lors la conclusion tombe d’elle-même : c’est donc que ce qui distingue la perception de l’hallucination est en dehors de la perception et de l’hallucination. Car ce qui différencie la perception de l’hallucination, n’est certainement pas que dans le cas d’une perception réelle l’existence de l’objet serait « contenue » dans ma perception alors que dans l’hallucination l’existence de l’objet ne serait pas « contenue » dans ma perception (elle est, cette existence, « contenue » tout autant ou tout aussi peu, c’est comme vous voulez, dans la perception que dans l’hallucination).


Dieu merci, l'entendement est là pour nous aider.

C'est pourquoi personnellement, je n'écrirais pas, comme je crois l'avoir lu :

Durtal a écrit :Par conséquent, même si je perçois un objet, que nous supposons (nous, ici, pour l’argument), exister effectivement, ce n’est pas parce qu’il existe que je le contemple comme présent.


Il me semble en effet que je peux inférer de l'existence d'un objet le fait que je le contemple comme présent, en revanche la réciproque est fausse, et le fait de contempler un objet comme présent n'implique pas qu'il existe, en ce moment où je le contemple devant moi (il a existé, je l'ai vu une autre fois, dans d'autres occasions), car l'imagination repose sur du concret et ne doit pas être confondue avec la représentation des chimères.

Durtal a écrit :Ce que vos citations confirment surabondamment c’est que la perception que vous avez du monde extérieur a pour centre et pour base une partie seulement de ce monde : votre propre corps (proposition 13, II) et ce qui lui arrive (Proposition 9, II). Votre esprit ne peut percevoir (par l’imagination) au delà de la « zone d’influence » (et d’influençabilité) de votre corps, puisqu’il n’en est rien d’autre que l’idée.


Suite à ces démonstrations rigoureuses, et à compte tenu de tout ce sur quoi elles s'appuient, il me semble que la question posée par Miam pour lancer ce fil n'a qu'une seule réponse possible, à savoir que parler d'une imagination libre est une contradiction du même ordre que parler d'un cercle carré. Pourquoi ?
De manière simple, l'imagination n'est que passions, la liberté n'est qu'actions. Il n'y a aucune passerelle entre les deux.
Comment d'ailleurs, l'imagination relevant du medium corporel si brillamment analysé par Durtal, compte tenu du principe posé par E3P2, une idée pourrait-elle provoquer un encodage du cerveau ?
Il faut donc suggérer que Spinoza exclut la possibilité pour l'Esprit d'imaginer quelque chose qui n'existe pas (ce qui ne veut pas dire contempler quelque chose comme présent) en montrant "l'absurdité" de la condition de cette possibilité, à savoir une imagination libre.

En incidente, je relève dans un message de Miam du 13/01 cette affirmation pour moi détonnante :

Miam a écrit :La perception de l'étendue dans la définition 4 de la partie 1 n'en est pas moins une imagination. La différence, je crois, c'est que l'on imagine d'office l'étendue comme éternelle alors que l'on n'imagine un objet comme présent que le temps qu'une autre idée d'affection ne chasse cette idée.


Avec tout le respect dû au Maître, la perception en question, comme celle de tous les attributs, est celle de l'entendement, faute de quoi elle serait inadéquate et ferait exploser le Spinozisme.
Je conçois bien évidemment qu'en l'occurrence, l'entendement a unifié ce que l'imagination a divisé et que la perception en question a une base expérimentale.
Quant à l'éternité de l'étendue, je ne comprend pas l'usage du verbe imaginer pour la concevoir, telle qu'elle est présentée chez Spinoza.

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Messagepar hokousai » 31 janv. 2010, 16:43

Cher Durtal
Macherey dit plus bas ( toujours page 175) une perception n’est rien de plus qu’une affection du corps
1)
C’est parler pour ne rien dire si on ne sait pas du tout de quelle affection du corps il s’agit .
Quelles sont donc les affections du corps répertories dans la vision( par exemple ) ?
On a la rétine, le nerf optique, les zone du cerveau ( j’ abrège )
Je dis donc qu’une perception n’est pas l’ idée de cela .
.........................................................

Il dit ensuite « et en conséquence sa valeur représentative (celle de la perception ) est celle d’un signe qui exprime en premier lieu l’ état du corps et par son intermédiaire fait aussi allusivement référence à la nature du cops extérieur .

1) même critique sur le même thème :la perception visuelle n’est pas un signe qui exprime l’état du corps .
On pourrait à la limite accepter cela pour le toucher et pourtant quand je touche ce n’est pas l’état de ma peau que je perçois mais l’objet touché . L’état de ma peau renvoie à une perception de ma peau .

2)on ne sait bien évidemment pas par quel mystère une affection du corps ferait allusion à un corps extérieur .
Comment se fait- il donc qu’une affection d’une partie molle serait (ou soit ) signifiante plus loin qu’elle-même ?. Comment se fait- il que le corps ( humain ) soit interprété comme signe . Nous avons là un redoublement (implicite et non assumé) des fonctions
1) la première c'est la nouvelle configuration de la partie molle (son ébranlement )
2) la seconde c’est interprétation de l’affection comme signe de ce qui n’est pas dans la nouvelle configuration du corps , c’est à dire la connaissance dune supposée cause.

Pourquoi la pierre érodée ne connait elle pas la cause ?Ce n’est pas qu’il n’y ait pas de causes , c’est qu’elle ne perçoit pas , elle ne peut faire référence à la nature du corps extérieur.
C’est donc cette référence à la nature du corps extérieurs ( qui pour moi n’est pas allusive et confuse ) qui reste à élucider .

en bref
Comment se fait-il que l’idée d’une affection du corps soit aussi l’idée d’ un signe de la nature du corps extérieur ?
Pire, comment se fait- il que sans idée d’une affection du corps ( ce qui est ma thèse ) nous ayons l’idée des corps extérieurs ?

hokousai


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