Spinoza et Krishnamurti

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
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sescho
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Messagepar sescho » 01 sept. 2002, 12:59

Ah que ce forum démarre bien !

Il se trouve que, dans la dizaine d'auteurs auxquels je me suis fortement intéressé (en amateur), se trouvent en bonne place Nietzsche et Krishnamurti, tout spécialement le second dont j'ai lu la majeure partie des ouvrages (conférences).

Il y a une différence de taille sur le plan épistémologique entre Spinoza et Krishnamurti : le premier s'appuie sur le raisonnement (l'enchaînement des idées adéquates, qu'il ne considère néanmoins pas, de loin, comme la principale source de connaissance) alors que le second le rejette catégoriquement. Ils ont toutefois l'essentiel en commun : la science intuitive ou troisième genre de connaissance / la vision pénétrante. Krishnamurti se distingue de tout le monde en ce qu'il rejette toute méthode progressive, considérant que seule la vision intuitive de tout ce qui est, à commencer par nos propres mécanismes psychiques, est à la fois la fin et le moyen. Il en vient à parler de « révolution immédiate » (mais on trouve beaucoup de choses en apparence contradictoires dans ses livres). Je crois qu'il y a chez ce grand Sage une lacune tout-à-fait naturelle à son état de sage mais qui désoriente l'auditeur / le lecteur qui cherche à s'amender : il n'a plus la mesure de l'embrouillamini dans lequel se trouve un esprit « standard » et qui l'empêche précisément de voir, ou du moins brouille sa vue. Il ne perçoit pas, comme Spinoza, que la psyché tend à persévérer dans son être, en tant qu'elle a des idées inadéquates comme en tant qu'elle a des idées adéquates.

Krishnamurti a une démarche didactique originale et intéressante : il s'exprime 'forcément' par des mots, tout en disant que les mots sont la pensée « mécanique » et que celle-ci est « vieille » et ne voit rien. Il utilise donc de fait un moyen qu'il récuse par ailleurs. Nul doute qu?il le sait, même s'il ne le dit pas. Il cherche en fait à stimuler la vision pénétrante de l'auditeur par des mots, tout en évitant qu'il ne s'attache aux mots. Ce n'est pas gagné d'avance mais son enseignement n'en reste pas moins pour moi une référence de premier ordre : elle combat une grave dérive dans laquelle est largement tombée la philosophie telle qu'exprimée en occident par les auteurs secondaires : l'intellectualisme stérile et sec qui, par vanité de pseudo-rigueur scientifique, tourne à vide en manquant l'essentiel : la vision intuitive des choses et l'irréductible dimension spirituelle de l'Homme, que Spinoza, lui, met à leur juste place (ce qui ne peut donc lui valoir le titre de « matérialiste » qu'en regard du dogme religieux vulgaire, ou du délire mystique).

Amicalement

Serge
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Messagepar Krishnamurti » 01 sept. 2002, 20:39

[quote]You may try to do it, but you can't stop thought. But if you can put it in its right place - not you - when thought puts itself in its right place, then it has understood, it knows its limitation, it knows its capacity to reason, logic, and so on, but in its right place, right? So we are asking: can you - can thought see itself, its own limitation, its own capacity and say, this reason, capacity has its place and it has no place anywhere else? [b]Krishnamurti[/b]
[/quote]

Mon point de vue d'amateur :

Secho, je ne pense pas que K rejette la raison. Comme Spinoza, il ne la considère tout simplement pas comme le moyen ultime d‘accéder à la vérité.

Ce que K oppose, c’est la pensée – le mouvement de la pensée : mémoire, connaissance, savoir, etc. — qui est toujours limitée et l’[b] insight [/b], vision pénétrante équivalente du troisième genre de connaissance, comme tu l’as indiqué.

Évidemment la raison s’embourbe trop facilement dans la pensée et c’est là son problème (le problème de la raison). Mais je suis sûr que le premier conseil de Krisnamurti est d’utiliser sa raison et de tenter de penser-comprendre clairement et lucidement.

K oppose l’intellect et l’intelligence. Tous deux utilisent la raison, mais l’intellect est déconnecté de la sensibilité et déborde de ses capacités, alors que l’intelligence se nourrit à la fois de la raison et de la sensibilité.

Raison et sensibilité mênent à l’[b] attention [/b], à l’accés direct aux choses, au tout.


[quote] So to understand fear and go beyond it completely, not only
superficial fears, but the deep unconscious unknown fears, is only
possible when you know or when you understand the process of
thinking. And give thought its right place, which is the art of
thinking, which is intelligence. That is, as we said, thought is the outcome or the response of knowledge, stored up in the brain as memory. So thought has a right place, in building a house, or in the technological world, and so on. But thought psychologically breeds fear. So thought psychologically has no place if you would be free of fear. [b]Krishnamurti[/b] [/quote]

Krikri[size=50][ Edité par Krishnamurti Le 01 September 2002 ][/size]

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Messagepar sescho » 01 sept. 2002, 23:17

Pour l'avoir pratiquée, la production d'extraits (en apparence) contradictoires de Krishnamurti peut durer fort longtemps... Il n'a fait que des conférences ou des entretiens sans préparation tout au long de sa vie, se prêtant souvent à suivre l'angle d'approche de ses interlocuteurs, sans ce se soucier de faire par-là un exposé didactique d'une parfaite cohérence formelle (il a pu évoluer aussi). J'ai pris (vraiment) au hasard un des ouvrages que je possède en français (j'ai aussi l'intégrale en anglais, mais bon?) : « Se libérer du connu » en édition de poche. Je lis p. 103, entre autres :

« Aucun fait nouveau ne peut être vu par la pensée. Il peut être compris par elle, verbalement, à une date ultérieure, mais la perception d'un fait nouveau n'est pas une réalité pour elle. Elle ne peut résoudre aucun problème psychologique. Malgré son habileté, ses artifices, son érudition, les structures qu'elle crée par la science, par les cerveaux électroniques, sous le coup de contraintes ou de nécessités, la pensée n'est jamais neuve et ne peut, par conséquent, jamais répondre à l'urgence d'une question essentielle. Le vieux cerveau est incapable de résoudre l'énorme problème de vivre. »

Je suis certain de pouvoir trouver plusieurs dizaines d'extraits qui vont aussi radicalement dans le même sens, bien plus nombreux que ceux qui vont explicitement dans l'autre sens. Par ailleurs « intellect » et « raison » (tel qu'employé par Spinoza : raisonnement) sont à peu près synonymes selon moi. Krishnamurti, de manière générale, n'accorde « intelligence » qu'à la vision pénétrante, claire et distincte. Par ailleurs, il met régulièrement radicalement en cause l'utilité de toute méthode dans l'amendement de soi (Yoga, etc.), de la psychologie et de la philosophie. Globalement, sur l'ensemble de son enseignement, cette position est nettement dominante (mais je me souviens par exemple d'un passage où il dit que la vision pénétrante est une forme de pensée, mais très claire). La pensée logique et la mémoire, il tend à les justifier seulement pour l'activité technique et l'utilité pratique.

Cela dit, chacun prend de Krishnamurti ce qui lui est bénéfique, et il y a matière à cela. La seule chose qui m'ennuie, c'est la désorientation de ceux qui croient que la « révolution instantanée » globale est possible pour eux. Elle ne l'est pas (et Krishnamurti le laisse bien entendre en quelques passages minoritaires, si mes souvenirs sont bons) et l'usage de la Raison est de fait un moyen utile, 'destiné à disparaître lorsqu'il a fait son office' pour ouvrir le champ de la vision intérieure et ainsi désactiver de la pensée affective.

Mais bon, s'agissant des meilleurs des hommes qui se sont exprimés dans l'histoire, il y a pour nous beaucoup plus à intégrer qu'à disputer.

Amicalement

Serge

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Messagepar Krishnamurti » 02 sept. 2002, 01:43

[quote]
On 2002-09-01 23:17, sescho message:
Pour l'avoir pratiquée, la production d'extraits (en apparence) contradictoires de Krishnamurti peut durer fort longtemps... [/quote]

Je crois pourtant qu’elle vaut mieux que tous les commentaires. Je ne l’utilise pas pour argumenter mais pour sensibiliser un certain nombre de personnes sur ce forum qui ne connaissent pas forcément K.
Que chacun juge par lui-même.

[quote] Il n'a fait que des conférences ou des entretiens sans préparation tout au long de sa vie, se prêtant souvent à suivre l'angle d'approche de ses interlocuteurs, sans ce se soucier de faire par-là un exposé didactique d'une parfaite cohérence formelle (il a pu évoluer aussi). J'ai pris (vraiment) au hasard un des ouvrages que je possède en français (j'ai aussi l'intégrale en anglais, mais bon?)[/quote]

Je suis d’accord.
En ce qui concerne l’anglais, la traduction est déjà une forme de commentaire… Si on peut l’éviter cela n’est pas plus mal.

[quote] « Se libérer du connu » en édition de poche. Je lis p. 103, entre autres :

« Aucun fait nouveau ne peut être vu par la pensée. Il peut être compris par elle, verbalement, à une date ultérieure, mais la perception d'un fait nouveau n'est pas une réalité pour elle. Elle ne peut résoudre aucun problème psychologique. Malgré son habileté, ses artifices, son érudition, les structures qu'elle crée par la science, par les cerveaux électroniques, sous le coup de contraintes ou de nécessités, la pensée n'est jamais neuve et ne peut, par conséquent, jamais répondre à l'urgence d'une question essentielle. Le vieux cerveau est incapable de résoudre l'énorme problème de vivre. »

Je suis certain de pouvoir trouver plusieurs dizaines d'extraits qui vont aussi radicalement dans le même sens, bien plus nombreux que ceux qui vont explicitement dans l'autre sens.[/quote]

Peut-être suis-je aveugle, mais je ne vois aucune contradiction entre ce texte et ceux que j’ai cités moi-même… Tu parles à plusieurs reprises de contradictions dans ses écrits. Franchement je suis étonné ! Il est vrai, comme tu l’as dit, qu’il ne s’embarrassait pas toujours d’une parfaite cohérence formelle, préférant parfois la manière socratique.
Mais on peut lire entre les lignes sans dénaturer une pensée. Et celle de K me paraît digne de celle de Spinoza pour ce qui est de la de la rigueur et de la continuité (disons entre 1929 et 1986).

[quote] Par ailleurs « intellect » et « raison » (tel qu'employé par Spinoza : raisonnement) sont à peu près synonymes selon moi.[/quote]

Je ne suis spécialiste ni de K ni de Spinoza et je n’ai utilisé le mot « intellect » que dans le sens que lui donne K.

[quote] Krishnamurti, de manière générale, n'accorde « intelligence » qu'à la vision pénétrante, claire et distincte..[/quote]

Je ne crois pas ! Il est simplement exigeant et souhaite que quelques hommes accèdent à cette vision pénétrante, parce qu’il pense qu’il en va de notre avenir à tous et que quelques hommes pourraient faire, peut-être, la différence. Il dit d’ailleurs que d’une certaine manière cette vision pénétrante est présente en chacun de nous mais que nous la rejetons.

[quote] Par ailleurs, il met régulièrement radicalement en cause l'utilité de toute méthode dans l'amendement de soi (Yoga, etc.), de la psychologie et de la philosophie. Globalement, sur l'ensemble de son enseignement, cette position est nettement dominante (mais je me souviens par exemple d'un passage où il dit que la vision pénétrante est une forme de pensée, mais très claire). La pensée logique et la mémoire, il tend à les justifier seulement pour l'activité technique et l'utilité pratique..[/quote]

C’est exact ! Je veux dire : c’est ce que j’en ai compris aussi.

[quote] Cela dit, chacun prend de Krishnamurti ce qui lui est bénéfique, et il y a matière à cela. La seule chose qui m'ennuie, c'est la désorientation de ceux qui croient que la « révolution instantanée » globale est possible pour eux. Elle ne l'est pas .[/quote]

Je suis d’accord avec toi ! À un détail près : Il ne sert à rien de parler de quelque chose qui n’est pas possible.

De plus beaucoup des adeptes de K feraient mieux de lire régulièrement un journal corect, du type Le Monde, plutôt que de croire en une incarnation de sage, incarnation que K était le dernier à revendiquer pour lui-même dans la mesure ou il refusait qu'une quelconque autorité puisse lui être atribuer.

[quote] (et Krishnamurti le laisse bien entendre en quelques passages minoritaires, si mes souvenirs sont bons) .[/quote]

Je crains qu’il faille que tu me cites des extraits pour que je puisse croire à ça. Comme tu l’as dit concernant l’aspect formel de ses interventions en public, il pouvait lui arriver d’avoir des paroles rudes envers son auditoire, mais il s’agissait pour lui de provoquer celui-ci et aussi parfois du dépit qu’il éprouvait devant un public admiratif mais qui à son sens ne désirait pas vraiment saisir le sens de ses paroles.

[quote] et l'usage de la Raison est de fait un moyen utile, destiné à disparaître lorsqu'il a fait son office [/quote]

Je ne crois pas que la raison soi absente de la vision pénétrante ni surtout qu’elle disparaisse après avoir remplit une fonction, comme je ne crois pas que la raison soi absent du troisième genre de connaissance.Mais pour être complètement honnête je dirai que les textes de K et de Spinoza sont aujourd’hui bien loin dans mon esprit (Je les ai sous la main pour vérifier à loisir et Henrique peut peut-être m’éclairer sur ce point concernant Spinoza).

[quote] pour ouvrir le champ de la vision intérieure et ainsi désactiver de la pensée affective.[/quote]

Le terme de ''vision intérieur'' ne me semble pas correspondre à ce que K peut dire d’intéressant sur l‘insight, sur la vision pénétrante. Et pas plus qu’on désactive la raison,je ne crois que l’on désactive la pensée affective (si je comprends bien le sens que tu donnes à cette dernière expression).On se libère des choses, on les comprend et on les met à leur juste place mais elles n’en sont pas moins actives sous une forme ou sous une autre.

[quote] Mais bon, s'agissant des meilleurs des hommes qui se sont exprimés dans l'histoire, il y a pour nous beaucoup plus à intégrer qu'à disputer..[/quote]

Un peu de discussion animée par la passion de comprendre ne peut pas nous faire de mal. :wink: [size=50][ Edité par Krishnamurti Le 02 September 2002 ][/size]

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Messagepar sescho » 02 sept. 2002, 23:57

Bonjour,

1 - Concernant mon extrait, il me semblait clair qu?il disait que le raisonnement ne pouvait rien pour le salut de l?homme. Mais bon, en voici d?autres, en anglais s?il vous plait, contenant à la fois « logique », « intellect » et « raison » (la Raison pour Spinoza est le raisonnement juste, ou foi, ou opinion vraie, ou deuxième genre de connaissance), rapidement pris en tête d?une liste de quarante documents (au bas mot, j?ai 200 extraits du même tonneau, mais je n?ai vraiment pas envie d?y passer du temps ; que cela suffise ou non, j?en resterai là ; le dernier me semble radicalement clair?) :

Tradition and Revolution. Dialogue 15. Madras. 7th January 1971 : ?The nature of exploration? :

?I see the truth of that, not as a conclusion, not as an opinion, but the fact that the intellect being partial can examine only partially and therefore I no longer use the intellect.?

?Your logic is based on the fact of intellect, which is partial, therefore partial examination is not examination at all?

Tradition and Revolution. Dialogue 25. Bombay. 9th Febuary 1971 : ?God? :

?Thought is memory, thought is the response of knowledge. Thought has brought about this thing called the thinker. The thinker then becomes separate from thought ; at least it thinks it is separate from thought. The thinker, looking at reasoning, at the intellect, at the capacity to rationalise, sees that it is very very limited. Therefore, the thinker condemns reason ; the thinker says thought is very limited, which is condemnation. Then he says there must be something more than thought, something beyond this limited field. That is what we are doing.?

2 ? Si je dis « contradiction », j?ajoute « apparente » : par exemple, je peux aussi trouver des extraits (nettement moins nombreux, cependant) où Krishnamurti dit qu?on peut et doit utiliser sainement la raison (mais, à nouveau, qu?à la fin on doit passer à autre chose d?incomparablement différent et supérieur, comme le dit Spinoza). C?est pourquoi l?opposition apparente d?extraits est d?une longueur interminable (mais peut-être l?extrait précédent n?est-il pas encore assez convaincant ?).

Toutefois, je me fais un peu l?avocat du diable puisque, dans le passé, j?ai défendu tous les aspects où Krishnamurti accordait une place à la « pensée claire », face à certaines personnes, attachés surtout aux mots et à paraître comme des cyber-ambassadeurs rigoureux du Maître, en parfaite opposition de fait avec l?enseignement de celui-ci, qui rejetaient toute valeur à la pensée ordonnée (tout en continuant paradoxalement à discuter). Il est un fait, néanmoins, que les passages où Krishnamurti condamne, ou semble condamner, toute forme de pensée sont nettement majoritaires.

Je suis surtout d?accord avec le fait qu?il faut moyenner et lire entre les lignes et je répète que Krishnamurti est un « auteur » majeur comme il y en a eu très peu.

3 ? Je ne rechercherai pas les passages où Krishnamurti dit en substance que la révolution immédiate globale est impossible. Il me semble que c?est un dialogue avec Böhm (le dernier, peut-être), où il dit que l?amendement de soi prend en fait beaucoup de temps et est difficile, mais qu?il avait décidé de ne pas le dire pour une raison didactique, ou quelque chose comme cela?

4 ? Krishnamurti utilise souvent pour la vision pénétrante l?exemple de l?arbre ou de la fleur, et lorsqu?elle est globale, c?est un état général, mais (je parierai ma chemise sur au moins, disons, 500 extraits) c?est dans la vision des mécanismes psychiques (intérieurs, donc) que la vision pénétrante joue de très loin son rôle le plus actif et bénéfique, dissolvant les mécanismes « pervers ». D?où « vision intérieure » et « pensée affective ».


Bonne route dans la diffusion de l?enseignement de Krishnamurti ; il en vaut la peine. :-)


J?en profite pour conseiller aussi au lecteur de passage La Baghavad Gîtâ (ouvrage majeur de l?hindouisme philosophique (et donc psychologique, en Inde, comme le bouddhisme, le jaïnisme et le tantrisme, qui en sont somme toute de proches parents) et en particulier du Vedântâ), traduite et commentée par Shrî Aurobindo, chez Albin Michel, « Spiritualités vivantes ». Un sommet himalayen, selon moi (après bien d?autres).

Tashi delek.

Serge

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Messagepar Krishnamurti » 03 sept. 2002, 16:01

sescho a écrit :Je ne rechercherai pas les passages où Krishnamurti dit en substance que la révolution immédiate globale est impossible. Il me semble que c'est un dialogue avec Böhm (le dernier, peut-être), où il dit que l'amendement de soi prend en fait beaucoup de temps et est difficile, mais qu'il avait décidé de ne pas le dire pour une raison didactique, ou quelque chose comme cela?


Encore une fois par quelle absurdité K aurait pris la peine de consacrer sa vie à parler de quelque chose qu’il considère comme impossible ? Certes cela doit être ardu qu'on atteint si rarement. Comment serait-il possible en effet, si le salut était tout proche et qu'on pût le trouver sans grand travail qu'il fût négligé par presque tous ? Mais tout ce qui est précieux est aussi difficile que rare.

Dans les 3 dernières pages de la transcription des dialogues de 1980 entre K et David Bohm on trouve ceci :

David Bohm : Déceler vous dans la nature humaine une possibilité de changement réel ?

K : Bien sûr, sinon rien n’aurait de sens, nous ne serions que des singes, des machines. Voyez-vous on attribue la possibilité d’un changement radical à un agent extérieur ; par conséquent nous comptons sur lui et nous nous perdons en lui.

[…]

David Bohm :Je crois que tout ce qui est fondamental est universel, et vous dites que lorsque l’esprit plonge au plus profond, il pénètre dans quelque chose d’universel.

K : C’est juste.

[…]

K : Du particulier, il faut aller au général ; et à partir du général, aller encore plus profond, et là, peut-être y a-t-il la pureté de ce qu’on appelle compassion, amour et intelligence. Mais cela suppose d’engager son esprit, son cœur, son être tout entier dans cette exploration.


Je mets la VO de tout le passage dans le prochain post pour ne pas alourdir celui-ci.


Pour ce qui est de la diffusion de la pensée de K, je laisse ça à la curiosité de chacun. Je ne crois en aucune façon qu’une personne personnifie la vérité. Et en ce sens ce que dit Spinosa, K, ou mon boulanger m’intéresse tout autant.


Je ne suis pas d’accord avec l‘amalgame que l’on fait souvent en créant un lien entre K et l’hindouisme philosophique. D’ailleurs concernant Shrî Aurobindo que l’on compare parfois à K (je n’ai jamais su pourquoi), je dirai que je préfère nettement ce que me raconte mon boulanger.

Pour finir sur une note d’humour, une petite plaisanterie que K aimait particulièrement raconter :

Un jour le diable se promène dans la rue avec un ami.
Tous deux observent une personne qui se baisse et ramasse quelque chose et la met dans sa poche.
L’ami dit au diable ''Qu’est-ce qu’il a ramassé?''
''Il a ramassé un morceau de la vérité'' dit le diable. ''C’est une très mauvaise affaire pour vous'' dit à son tour l’ami du diable. ''Oh pas du tout'', lui répond le diable, ''Je vais le laisser l’organiser''.
Modifié en dernier par Krishnamurti le 19 août 2007, 23:41, modifié 4 fois.

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Messagepar Krishnamurti » 03 sept. 2002, 16:24

[quote] David Bohm : Do you perceive in human nature some possibility of a real change?

K: Of course. Otherwise everything would be meaningless; we'd be monkeys, machines. You see, the faculty for radical change is attributed to some outside agency, and therefore we look to that, and get lost in that. If we don't look to anybody, and are completely free from dependence, then solitude is common to all of us. It is not an isolation. It is an obvious fact that when you see all this - the stupidity and unreality of fragmentation and division - you are naturally alone. That sense of aloneness is common, and not personal.

David Bohm : Yes, but the ordinary sense of loneliness is personal in the sense that each person feels it is his own.

K: Loneliness is not solitude; it is not aloneness.

[...]

David Bohm : I think all the fundamental things are universal, and therefore you are saying that when the mind goes deep, it comes into something universal.

K: That's right.

K: From the particular, it is necessary to move to the general; from the general to move still deeper, and there perhaps is the purity of what is called compassion, love and intelligence. But that means giving your mind, your heart, your whole being to this enquiry. [/quote]

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Messagepar sescho » 04 sept. 2002, 22:26

Il se pourrait que nous soyons d'accord sur le fond (je ne parle évidemment pas de Aurobindo - que je n'ai jamais assimilé à Krishnamurti ni celui-ci à l'hindouisme philosophique - : il ne nous reste pas assez de vie pour rattraper le dénivelé), et pas en phase sur le sens des mots ; et aussi, négligeant une recommandation répétée de Spinoza, que nous confondions les êtres réels avec les êtres de raison.

Tu me dis que la révolution immédiate (globale) est possible mais, reprenant la fin de l'"Éthique", qu'elle est rare et très ardue (comme le disait donc, à mon souvenir, Krishnamurti lui-même). Mais c'est précisément cela qui me fait dire qu'elle n'est pas possible : on ne peut pas dire que la révolution immédiate globale est possible et en même temps qu'il est très dur et très long de l'atteindre (c'est l'équivalent de la formule : « tu comprends vite mais il faut t'expliquer longtemps »).

Il ne faut pas confondre la révolution en principe et la révolution réelle, effective.

Pour la première, je suis parfaitement d'accord : la vision claire et distincte (la science intuitive de Spinoza, qui dit aussi cela lui-même) généralisée est incomparablement « supérieure » (radicalement différente) de la tourmentée pensée affective et aussi de la laborieuse pensée verbalisée, y compris sous sa forme raisonnée (qui n'a de vision que des principes élémentaires de logique, ce qui est peu).

Mais pour la seconde : la vraie révolution de fait chez quelqu'un de réel ; la vérité c'est qu'on ne peut progresser qu'à la marge de ce que l'on est (sans doute forcément aussi par la vision pénétrante, mais dans une extension très progressive et jamais garantie de se poursuivre). S'il y avait par hypothèse une personne arrivée aux portes de la Sagesse mais qui, n'ayant pas vu cela progressivement par elle-même (ce qui est difficile à croire), se trouverait encombrée encore d'êtres de raison inutiles, et aurait ressenti l'envie d'aller écouter Krishnamurti, alors on peut imaginer que bazardant le fardeau à cette occasion elle se libère d'un seul coup par cet ultime déclic. Mais, d'une part, cette hypothèse est très peu vraisemblable ; d'autre part, combien y-a-t-il d'hommes aux portes de la Sagesse dans le monde ? Combien de « quasi-Krishnamurti » ? Et accessoirement, combien parmi eux, dans le passé, ont ressenti l'impulsion à prendre conseil auprès de Krishnamurti, d'assister à ces conférences ? Zéro, un, cinq ? Combien de témoignages de personnes qui ont vécu cette révolution immédiate globale de fait (et pas la vanité de le croire) ? Et comment, pas le Dalaï-Lama s'il en avait encore besoin, mais l'immense majorité, pour ne pas dire la totalité, des auditeurs et lecteurs, qui n'est pas en situation, s'en sort-elle avec cela (la « révolution immédiate globale »), elle ?

Krishnamurti, toujours selon mes souvenirs, s'est désolé vers la fin qu'on ne l'écoute pas assez, qu'on ne le perçoive pas en profondeur. Un grand yogi a dit qu'il était un Sage mais qu'il ne savait pas expliquer aux autres. Je n'irais pas jusque là, car même si la révolution immédiate globale est impossible, il n'y a pas d'autre voie que la vison pénétrante, et les rappels incessants de Krishnamurti à ce sujet ne me semblent pas trop. Mais je pense, comme je l'ai dit initialement, qu'effectivement, tout au long de sa vie, Krishnamurti a fait une erreur d'appréciation : il a considéré que ce qu'il voyait par lui-même - dont, c'est remarquable, les mécanismes de base de l'erreur - était accessible aussi directement à tout un chacun (ce qui n'est vrai qu'en infime partie : la progression à la marge ; pas du tout une révolution immédiate globale). Et il y a pour cela une raison presque imparable (l'idéal du boddhisattva étant néanmoins précisément de renoncer en quelque chose à la vie de bouddha pour aider effectivement les autres - en utilisant nécessairement la mémoire - dans leur karma, et tous les grands maîtres le font par définition) : pour avoir la vision claire, non mémorielle donc, de ce qu'est la confusion d'un esprit standard (et même nettement plus que standard) il faudrait nécessairement la vivre soi-même (ce qui, en passant, empêcherait précisément la vision claire globale...). Comment un Sage pourrait-il le vivre puisque son état de Sage est précisément qu'il ne le vit pas ?!!!

Amicalement

Serge
[size=50][ Edité par sescho Le 04 September 2002 ][/size]

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Messagepar Krishnamurti » 05 sept. 2002, 19:36

Bonjour Sescho,

Il est probable que nous soyons d'accord sur beaucoup de points. Ton dernier post en révèle beaucoup qui me semblent fort justes et très intéressants.

Il va me falloir trouver le temps de poursuivre la discussion (pas évident pour moi dans les mois à venir <IMG SRC="images/forum/smilies/icon_frown.gif"> ) et aussi le temps de faire quelques révisions : j'avoue humblement que je ne me souviens plus très bien ce que Spinoza entend par êtres réels et êtres de raison <IMG SRC="images/forum/smilies/icon_confused.gif"> .

Je reprendrai la discussion avec plaisir dès que possible.

Amicalement
Cricri
[size=50][ Edité par Krishnamurti Le 05 September 2002 ][/size]

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Messagepar Krishnamurti » 07 mars 2004, 14:56



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