Heidegger et Spinoza

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
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bardamu
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Heidegger et Spinoza

Messagepar bardamu » 30 juil. 2011, 14:55

"Recherche" m'a demandé en message privé ce que je pensais du rapport entre Heidegger et Spinoza, et comme ça me semble un sujet intéressant pour le forum, je lance la discussion.

Ma connaissance d'Heidegger est assez limitée mais l'idée (peut-être inexacte...) que je m'en fais m'amène à ces réflexions :

L'Ethique me semble une bonne expression d'une problématique d'Heidegger : la métaphysique au sens de système conceptuel comme l'ontologie spinozienne conduit-elle à un oubli de l'être, à une distance au monde, à une perte de présence au monde ?

Heidegger se tourne vers une sorte de poésie pour éviter le désengagement abstrait, quelque chose qui me semble très romantique, avec une défiance pour le monde technologique, un style "Promenade à la campagne" d'Hölderlin, alors que pour moi, Spinoza propose un intellect "poétique", c'est-à-dire un intellect qui produit des affects similaires à ces expériences artistiques.
La conceptualisation abstraite ne se dépasse pas par un retour à une chose prétendue plus "vraie", plus authentique, plus proche de l'être que la construction intellectuelle, prétention pouvant conduire à un anti-intellectualisme dangereux, elle devient au contraire une méthode d'accès à ce rapport de plénitude au monde, de béatitude. L'intellect est pris chez Spinoza comme outil éthique ; la conceptualisation rationnelle, les sciences, la technologie même, peuvent être des voies tout aussi légitimes que les beaux-arts pour vivre ce rapport au monde. Le mathématicien, le physicien, le scolastique jouant avec ses concepts métaphysiques, ou l'artisan polissant ses lentilles peuvent faire de leur activité des instants d'intensification de la présence au réel.

Ou pour le dire autrement : je mets Heidegger dans ce type de penseurs qui, comme Wittgenstein ou Nietzsche, ont un rapport conflictuel avec leur mode d'être, qui sont des intellectuels mais, quelque part, en souffrent, voudraient un rapport plus direct, plus brut, plus sensitif au monde. A contrario, Spinoza me semble proposer une vie de "raisonneur", une manière d'être où la cogitation est une joie profonde, où la pratique de la raison vaut bien les plaisirs de la promenade, du jardinage ou des beaux-arts, une manière d'être pour ceux qui ne s'offusquent pas qu'on parle d'"automate spirituel" pour leur âme parce qu'ils sont vraiment des "machines à penser", qu'ils n'ont pas le sentiment de perdre quoi que ce soit à ordonner, enchaîner, construire des systèmes d'idée et au contraire y trouvent la plus grande des joies parce qu'ils expriment ainsi ce qu'ils sont, qu'ils sont dieu-en-tant-que-raisonneur, exprimant ce réel-là, ayant pleine conscience d'eux-même, des choses et du monde par cette voie-là.
Il y a des poètes du concept, des manières de vivre l'intellect qui ne sont pas un oubli de l'être, un désengagement du monde ou une maladie à soigner (Wittgenstein) mais au contraire intègrent cette part des aptitudes humaines au reste de la vie, en font des affects vivants.

De son côté, Spinoza peut apparaître bien insensible à la force d'expression du vrai, de la réalité, que peut incarner un poète. Il donne bien aux prophètes des capacités occasionnelles à dire le vrai, à être bien inspiré malgré la faiblesse de leur réflexion, et dans une lettre, il accorde au Christ une expression intuitive directe de la vérité mais les artistes ne semblent pas avoir grande importance chez lui.
Je dirais qu'il reconnaît la possibilité chez l'homme d'une science intuitive, ce lien direct au monde que chercherait Heidegger chez le poète, mais que fidèle à sa propre nature il la néglige au profit de son mode d'expression à lui. C'est par l'exercice rationnel qu'il parvient à la béatitude, c'est par ce chemin-là que les idées prennent force-vie-vérité-réalité en lui, et en bon héritier de Descartes il préfère prôner l'usage du bon sens qui est la chose la mieux partagée que de compter sur une grâce poético-prophétique.

Au demeurant, il se peut que in fine cela revienne au même : il y a dans la partie V de l'Ethique, l'évocation d'une sorte de transmutation des idées de 2e genre en idée de 3e genre, des idées générales et abstraites en idées pleinement incarnées, ce point où non seulement on a l'idée mais où ça nous fait quelque chose de l'avoir, où on vit de manière authentique l'idée dans les êtres particuliers, notamment nous-même. Je ne sais pas si tout le monde est apte à ça. Certaines personnes semblent ne garder qu'un rapport distancié aux grandes idées ; ils savent tout de Spinoza, de Kant ou de la théologie chrétienne mais ça ne change rien en eux et à leur rapport au monde, ils ont les idées comme on a une bibliothèque mais ils ne sont pas ces idées.

Finalement, c'est peut-être Heidegger qui a raison, tout tiendrait à une aptitude à être pleinement au monde, c'est-à-dire ici à devenir les idées qu'on a, et le parcours raisonnable en lui-même ne permet peut-être pas de l'obtenir. Il faut peut-être une "grâce" pour ne pas rester dans l'abstraction froide, pour que ça fasse vraiment quelque chose de raisonner, pour que ça change une vie.

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Messagepar recherche » 30 juil. 2011, 23:49

Merci beaucoup pour votre réponse.

En somme, pourrait-on parler à propos de Spinoza d'un rationalisme, bien éloigné d'une pensée (plus) phénoménologique, propre à Heidegger ?

Le cas échéant, la méthode employée par Spinoza me paraît bien plus précieuse, car bien plus communicable. L'on partage a priori plus aisément un raisonnement rigoureux qu'une "expérience intérieure".

Irait-on peut-être à ce titre jusqu'à constater une dissemblance semblable entre Spinoza et Heidegger qu'entre Spinoza et Descartes ?

Merci

PS. Je serais en outre curieux de savoir si, selon vous, les conclusions auxquelles ont abouti ces deux philosophes, par deux approches bien distinctes, pouvaient être, elles aussi, mises en contraste.

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Messagepar bardamu » 31 juil. 2011, 05:46

recherche a écrit :Merci beaucoup pour votre réponse.

En somme, pourrait-on parler à propos de Spinoza d'un rationalisme, bien éloigné d'une pensée (plus) phénoménologique, propre à Heidegger ?

Non, non, c'est plutôt le contraire que j'ai voulu dire...

J'ai l'impression que pour Heidegger la pensée de Spinoza serait un système artificiel coupant du vécu, alors que dans ma lecture, la pensée de Spinoza est un système intensifiant le vécu. Spinoza me semble plus proche des soucis de Heidegger que celui-ci ne le pensait.

Et il y a aussi chez Spinoza une forme de phénoménologie.
Par exemple, il dit que le corps existe tel que nous le sentons.
On peut comprendre cela comme l'idée que même un mouvement cellulaire est senti ou bien (et c'est plutôt ma lecture) que la définition d'un être humain se fait d'abord par son esprit, par l'idée d'un corps : le corps que nous sommes est d'abord le corps sensitif, vécu, avant le corps "biologique", avant le corps tel qu'objectivé par les sciences. Une prothèse qui serait reliée à notre système nerveux serait tout autant notre corps qu'un cheveu (que l'on sent à peine) même si la prothèse est faite de plastique et de métal. Notre corps est d'abord "phénoménologique", une phénoménologie où tout est naturel, y compris les machines.

Il y aurait chez Heidegger cette distinction (venant d'Aristote ?) entre le naturel et l'artificiel, et il ressentirait les élaborations technico-intellectuelles ou les systèmes conceptuels comme essentiellement artificiels, comme nous coupant de la nature, de l'être. Cette distinction n'existerait pas chez Spinoza, et il n'y aurait pas à séparer vécu et concept, naturel et artificiel, phénoménologie et sciences.

Il y a d'ailleurs une science phénoménologique (cf par exemple la neuro-phénoménologie de Varela), c'est-à-dire la possibilité de déterminer des répétitions dans l'expression des vécus humains, ce qui fonde tout notre discours sur les affects : la partie 3 de l'Ethique ne parlerait à personne si on ne partageait pas une expérience de la joie, la tristesse etc. malgré que ces ressentis soient prétendus privés, personnels.
Wittgenstein fait d'ailleurs une critique intéressante de cette idée d'intériorité personnelle, de la limite qu'il y a à vouloir à la fois communiquer un ressenti et prétendre qu'il nous est strictement personnel.
recherche a écrit :Le cas échéant, la méthode employée par Spinoza me paraît bien plus précieuse, car bien plus communicable. L'on partage a priori plus aisément un raisonnement rigoureux qu'une "expérience intérieure".

C'est discutable surtout en matière de philosophie. Il n'est pas du tout évident que le more geometrico de l'Ethique ait favorisé la compréhension et la diffusion de la pensée de Spinoza. Vu la quantité de lectures divergentes, il est en tout cas certain que ce n'est pas vraiment clair.
recherche a écrit :Irait-on peut-être à ce titre jusqu'à constater une dissemblance semblable entre Spinoza et Heidegger qu'entre Spinoza et Descartes ?

Là, je vois mal ce que tu veux dire...
Un Descartes et un Heidegger subjectivistes opposés à un Spinoza "objectiviste" ?

P.S. pour éviter tout malentendu : quand je décris Heidegger en amateur de poésie, il ne s'agit pas d'en faire une sorte d'anti-rationaliste ou anti-science qui voudrait renvoyer tout le monde aux champs. Il était au contraire suffisamment rationaliste pour interroger la forme techno-scientiste du rationalisme et c'est en effet une drôle de mentalité que celle des gens qui font des sciences une sorte de religion, qui croient que l'équation de Schrödinger ou E = mc2 sont le Verbe Divin incarné.
recherche a écrit :PS. Je serais en outre curieux de savoir si, selon vous, les conclusions auxquelles ont abouti ces deux philosophes, par deux approches bien distinctes, pouvaient être, elles aussi, mises en contraste.

Avec 300 ou 400 pages d'analyse on doit pouvoir faire un travail à peu près honnête...
A essayer : Totalité et finitude, Heidegger et Spinoza.

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Messagepar recherche » 31 juil. 2011, 09:30

Merci pour ta réponse !

C'est discutable surtout en matière de philosophie. Il n'est pas du tout évident que le more geometrico de l'Ethique ait favorisé la compréhension et la diffusion de la pensée de Spinoza. Vu la quantité de lectures divergentes, il est en tout cas certain que ce n'est pas vraiment clair.

Je trouve cela bien paradoxal, si l'on met de côté ceux (sans doute nombreux) n'ayant pas (eu) le courage d'aller jusqu'au bout d'une pensée se voulant si rigoureusement menée, car, comme tu l'écrivais si bien dans ton précédent message, "il préfère prôner l'usage du bon sens qui est la chose la mieux partagée que de compter sur une grâce poético-prophétique".

Là, je vois mal ce que tu veux dire...
Un Descartes et un Heidegger subjectivistes opposés à un Spinoza "objectiviste" ?

"C'est précisément la démarche de la conscience de Descartes que Spinoza met entre parenthèses pour donner une présentation de ce qu'elle établit, ou établirait si elle était - selon lui - froidement et rigoureusement menée jusqu'à son terme logique."
Modifié en dernier par recherche le 31 juil. 2011, 14:14, modifié 1 fois.

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Messagepar cess » 31 juil. 2011, 14:13

"Finalement, c'est peut-être Heidegger qui a raison, tout tiendrait à une aptitude à être pleinement au monde, c'est-à-dire ici à devenir les idées qu'on a, et le parcours raisonnable en lui-même ne permet peut-être pas de l'obtenir. Il faut peut-être une "grâce" pour ne pas rester dans l'abstraction froide, pour que ça fasse vraiment quelque chose de raisonner, pour que ça change une vie"



Curieux rapport qui me lie a Spinoza...Lui qui derechef ne concevait pas la présence des femmes en politique.....aura été le premier , dans mon parcours, à me faire entrevoir la réconciliation éventuelle de l'idée et du sentiment pour peu que tout cela soit adéquat ou peut-être vrai....

Fini le raisonnement glacial, l'attention focalisée sur les méninges pour prétendre à la connaissance,
Spinoza c'est une promesse, celle de pouvoir simplement "devenir comme vous le dites nos idées... d'éprouver, peut-être pas exactement l'amour intellectuel de Dieu...je n'en sais rien encore....mais du moins éprouver notre puissance d'agir au quotidien....

Si le corps, grand capteur d' émotions diffuses, a souvent été considéré comme objet et source de pêché par grand nombre de religion... S'il aura souvent été humilié au profit de l'esprit, je sens que ces deux-là redeviennent amis sous l'oeil acéré du maitre...
Pour peu que ces émotions deviennent sentiments après jeu de connexions neuronales et production d'images mentales (approche neuroscientifique actuelle)
corps et esprit sont mobilisés pour vivre une harmonie de l'action -et éventuellement parfois cette apothéose de ce que je crois comprendre- à travers vos termes de grâce poetico-prophetique...


voici un écho à votre réflexion....
Cécile

[/i]

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Messagepar succube » 06 août 2011, 10:52

Contrairement à bardamu j'ai beaucoup pratiqué heidegger et trés peu Spinoza .Vous n'ignorez pas que les références spinoziste dans l'oeuvre immense de H sont quasiment inexistantes alors que la plupart des autres grandes figures sont abondamment commentées depuis Aristote jusqu'à Nietzsche en passant par l'Aquinate, Pascal, Hegel, Descartes Schelling etc

...Cette absence pose problème.Je ne crois pas du tout à la méconnaissance mais plutôt au fait tout brut qu'ils n'avait au fond rien à se dire et rien à débattre (sur ce sujet je n'ai pas encore lu le livre de Vaysse).
Il faut comprendre que H est tout entier polarisé par la question de l'histoire de la Vérité de l'être et des modes de sa dispensiation à travers l'évolution les tournures de la Métaphysique depuis son matin grec cad depuis Aristote .
Dans cette histoire de la Vérité et de ses modes , temps et lieu, cad l'histoire de la métaphysique Spinoza n'occupe pas une place charnière comme Thomas, Descartes, Kant ou Nietzsche .
Il y a un avant et un aprés Thomas et surtout un avant et aprés Descartes.Descartes nous fait changer de paragdime , la vérité n'est plus à rechercher ultimement dans l'exposé du plan divin mais vient se fonder sur l'autopositionnement du sujet qui devient définitivement l'alpha et l'oméga de la certitude à travers la certitude du soi . Kant et Nietzsche accentuent ce mouvement de subjectvisation qui est à l'oeuvre

Spinoza est le philosophe exemplaire d'un système rationnel, préoccupé de bonne vie, dans la lignée des sages et stoïciens antiques , Heidegger celui de la pensée éternellement questionnante .Il n'y a pas de philosophie heidegerrienne , pas de but, pas de recherche de béatitude, ni dieu, ni formule de vie . Avec lui toutes les évidences des concepts( vérité, humanité monde , substance, temps etc ) du langage et de la logique sont tout au long de son oeuvre réinterrogées .

Son bagage phénoménologique de départ qui fait le fond apparent de son premier ouvrage majeur (Etre et Temps) est rapidement dépassé dans ce que l'on appelé sa seconde manière où la préoccupation de l'histoire du sens de l'être (et non du concept) depuis l'Aléthia de la grece
archaïque jusqu'à la certitude scientifique contemporaine dénote non un enrichissement de notre rapport à l'être mais un effondrement dans la l'extrême banalité de l'ordre technique.

Un dernier mot au sujet de la soi disant plus grande naturalité d'H comme s'il y avait chez lui une attention particulière aux vécus biologiques ou psychologiques à travers une phénoménologie des affects .Entre ce que Bardamu appelle le dégagement abstrait et le pointage concrets des états d'âme , il y a dans l'analytique du Dasein le choix explicite et l'exploitation exclusive de l'exemplarité des affects propre à la vie religieuse tels qu'ils apparaissent chez les grands theologiens (notamment Saint Augustin), tels que faute , déchéance, inquiétude etc..

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Messagepar Henrique » 19 août 2011, 20:55

Il me semble que ce que retient Bardamu de Heidegger, l'idée d'une aptitude à être au monde, est loin de ce qu'en retient Succube, pour qui Heidegger n'a rien d'un penseur éthique ou pratique. Il y a sans doute différents partis pris interprétatifs envisageables. Ne connaissant guère Heidegger non plus, il me semble que ce qu'il peut dire sur le souci et l'authenticité n'est pas sans intérêt éthique.

La raison pour laquelle il ignore Spinoza prête aussi à interprétation. Dire qu'il estimait qu'il ne jouait pas un rôle théorique fondamental dans l'histoire de la philosophie présente une certaine cohérence même si c'est objectivement faux. Mais il est difficile d'imaginer qu'il ait pu penser cela étant donné le rôle majeur de Spinoza dans la querelle du panthéisme, qui a joué un rôle essentiel dans l'histoire de la métaphysique occidentale. Il ne pouvait ignorer non plus le rôle que lui avait conféré Fichte, Schelling et Hegel dans leur cheminement intellectuel, sans parler de Nietzsche.

J'ai pu lire que la raison principale de l'oubli de Spinoza par Heidegger était qu'il était juif, pour les raisons historiques qu'on connaît. J'ai pu lire aussi, mais cela devait être le même article, que s'il avait pris en compte la philosophie de Spinoza, sa thèse de l'oubli de l'être serait tombée à l'eau. Car s'il y a un philosophe qui fait de l'être en tant qu'être sa maison, c'est bien Spinoza. Enfin, cela devait être dit plus sérieusement.

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Messagepar philodingue » 23 août 2011, 10:54

"Car s'il y a un philosophe qui fait de l'être en tant qu'être sa maison, c'est bien Spinoza. Enfin, cela devait être dit plus sérieusement"

Effectivement cette conclusion en forme de pirouette n'est pas très sérieuse surtout si l'on veut bien accorder à Heidegger la paternité de l'introduction en philosophie du terme de "maison" dans un rôle tout autre que celui d'abriter un homme, serait-ce un philosophe de talent, mais bien à l'inverse d'hisser l'homme , son langage et ses institutions au statut d'abri de l'être .C'est l'homme qui devient la maison , le berger, le là, de l'être .C'est à cet aune que l'on mesure un vrai tournant de la pensée .


Succube ne prétend pas que Spinoza n'a pas joué un rôle théorique fondamental , notamment en ouvrant la possibilité, non pensée jusqu'à lui ,mais inscrite depuis l'origine dans l'appréhension aristotélicienne de l'être ( comme présence subsistante ) d'une philosophie immanentiste systématique s'opposant frontalement à l'onto-theologie universellement régnante jusque ici

Mais au niveau où Heidegger se place quant à l'histoire de la vérité de l'être , Spinoza ne fait qu'ouvrir une possibilité , de toujours , inscrite dans la Métaphysique .Spinoza en modifierait les dispositifs mais ses conceptions fondamentales concernant la substance, le temps , ou l'homme demeureraient très académiques . Dans l'histoire de la vérité de l'être , la seule qui compte, d'après heidegger , depuis l"alétéhia" grecque les ruptures et les inflexions majeures (Descartes, Kant , Nietzche ) seraient d'après lui peu nombreuses .

Quant au sous-entendu concernant la judéité de Spinoza , il ne mérite évidemment aucun commentaire .

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Messagepar Henrique » 23 août 2011, 16:56

La proposition 36 de la cinquième partie de l'Ethique et son corolaire pourraient apporter un élément de critique à cette idée qu'il y aurait quelque chose de radicalement nouveau chez Heidegger en ce qui concerne le rapport entre l'homme et l'être. Mais il faudrait pouvoir en discuter sur des bases saines.

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Messagepar hokousai » 23 août 2011, 23:44

On a chez Bergson de forts accents spinozistes

"Ainsi les inquiétudes de l'homme jeté sur la terre... et les tentations qui sont le propre d'un être intelligent se prêteraient à une énumération sans fin. Mais cette complication s'évanouit si l'on replace l'homme dans l'ensemble de la nature, si l'on considère que l'intelligence serait un obstacle à la sérénité que l'on trouve partout ailleurs. Envisagées de ce point de vue qui est celui de la genèse et non plus de l'analyse... perturbation et fabulation se compensent et s'annulent. A un dieu qui regarderait d'en haut, le tout paraîtrait indivisible comme la confiance des fleurs qui s'ouvrent au printemps."

( je cite Bergson parce que H ne parle jamais d'un de ses contemporains les plus renommés
Deleuze disait :.Je sais pas si HEIDEGGER a lu BERGSON, peut être qu’il a lu BERGSON , enfin, ça ne l’a pas beaucoup marqué, c’est pas sa propre tradition.)

j' ai vu cité le livre de Jean Marie Vaysse "totalité et finitude" ( très intéressant sur le sujet) http://books.google.fr/books?id=AEVISnVHc9EC&pg=PA27&lpg=PA27&dq=heidegger+et+spinoza&source=bl&ots=as6MBH3r4a&sig=2EM49hNPNptkUv-4wFmvTc0GNSM&hl=fr&ei=txlUTv6-BozNswaK9IAe&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=5&sqi=2&ved=0CDQQ6AEwBA#v=onepage&q&f=false


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