"Soi, Dieu et les choses" et Stephen Jourdain

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
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sescho
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"Soi, Dieu et les choses" et Stephen Jourdain

Messagepar sescho » 04 août 2011, 19:00

A Hokousai (en pendant aux fils être et devenir dans la pensée de Spinoza, puis sous une espèce d’éternité) et à tous,

"Ce type" - Stephen Jourdain nomme sa personne ainsi - est un "cas" très exceptionnel : éveillé à 16 ans et ayant "néanmoins" poursuivi une "carrière" d'agent immobilier à Paris (qui ne lui a manifestement pas rapporté la richesse pécuniaire), il a passé 40 ans à chercher à exprimer aussi précisément que possible - et en gardant l'antidote à portée (les mots ne sont pas la chose, et le risque d'intellectualisme est immédiat avec eux) - ce que l'Eveil est. Il a atteint ce faisant une maîtrise de la sémantique et de la langue au rasoir, et, quoiqu'il s'en défende, un pur talent littéraire dans la concision même (mais cela peut aussi devenir franchement « raide » ; pour le lecteur, s’entend...) Monsieur Jourdain fait ici de la prose en le sachant, ô combien ! Ceci avec en outre une truculence – y compris parfois quelques « gros mots » - et un humour certains. Au global et en bref : un exceptionnel diamant étalon impeccablement taillé (du moins : pour autant que je puisse en juger...)

Il n'indique pas de voie, "juste" ce qu'est l'Eveil, l'Erreur (c'est moi qui pose ce terme) universellement répandue, et le lien entre les deux…

Le rapport avec Spinoza ? Certes pas l’usage de la logique formelle… Mais n’y a-t-il pas chez Spinoza bien autre chose au fond ? Le plus haut « objet » de l’Ethique est très manifestement la connaissance (véritable) de Dieu… alors même que Dieu (l’essence affirmée, par sa définition génétique et non hypothétique, de …) est posé en prémisse, et est donc réputé d’emblée connu clairement et distinctement… Autrement dit, l’Ethique tire beaucoup de conséquences de la définition de Dieu et en rapport avec la connaissance de Dieu, qui est son alpha et son oméga, donne nombre de commentaires qui ne peuvent qu’aller dans le sens de la (re)connaissance de Dieu… mais ne saurait malgré tout la révéler per se.

Et là « Steve » a clairement sa place. « Un Esprit pleinement conscient de soi, de Dieu et des choses », c’est lui ! (Précisons en passant que, comme Spinoza en quelque sorte, cet homme qui parle de Dieu, voire parle à Dieu, est foncièrement athée au (seul) sens (contre-)vulgaire, et issu d’une famille elle-même athée revendiquée.)

Un court extrait (L’irrévérence de l’Éveil, avec Gilles Farcet) :

Gilles Farcet et Stephen Jourdain a écrit :- Tu aimes à te dire rationaliste et athée. Tu n'en as pas moins l'expérience de ce que tu nommes toi-même la « valeur infinie »...

- Oui, je sais que ma position à l'égard de Dieu est très ambiguë... Le grand reproche que je fais à Dieu, c'est d'être une tierce personne : ça, c'est inadmissible ! Dieu, c'est moi. Je ne puis donc croire en un Dieu autre, extérieur à ce que je suis. En revanche, l'existence de ce que j'appelle « valeur infinie » relève pour moi de l'évidence. Allons plus loin : lorsque l'éveil jaillit, que se produit-il, dans la texture du sujet, lequel est la matière même de l'éveil ? Ce sujet, jusqu'alors, se vivait comme un objet. Cet ici absolu s'éprouvait comme un « là ». L'éveil surgit, et le sujet se découvre dans toute sa pureté. Il a affaire à une pure première personne. L'étonnant, c'est que ce sujet pur soit conscience infinie, existence infinie, valeur infinie. Il y a là quelque chose d'extraordinaire : la valeur infinie constitue instantanément le sujet pur en objet divin, lequel objet divin est instantanément résorbé par le sujet pur. Voilà une incroyable et vivante dialectique - sans laquelle l'éveil n'existerait pas - entre ce « je » divin et cet « il » divin, perpétuellement renaissant et anéanti dans le « je » divin... Quelle étrange mécanique !
Connais-toi toi-même.

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riseohms
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Soi, Dieu et les choses" et Stephen Jourdain

Messagepar riseohms » 11 août 2011, 15:21

Bonjour Sescho et à tous

sescho a écrit :Il n'indique pas de voie, "juste" ce qu'est l'Eveil, l'Erreur (c'est moi qui pose ce terme) universellement répandue, et le lien entre les deux…

Il n’indique de voie mais donne quelques indications sur cet éveil et l’erreur, qui pour lui ,est la confusion entre la conscience je suis , révélée dans l’éveil et la pensée je suis, celle-ci étant la sources de toutes les autres pensées

La conséquence de cette confusion est que l’on substantialise ces pensées alors qu’elles ne sont que des modes, on s’identifie à elles oubliant notre être réel qui est en Dieu et qui participe de sa nature naturante
L’éveil est pour lui le geste qui permet de retrouver notre nature, notre essence

Ce geste n’est pas un geste que l’on fait mais un geste que ''l’on est '' et qui se révèle dans une intuition immédiate
Je voudrais parler de ce geste dans la perspective de Stephen Jourdain

"L'éveil" n'est pas un état, il n'est pas un état que connaîtrait le sujet : il est ce sujet — "je" — et ce sujet oeuvrant lui-même cet "éveil" qu'il est. Ceci est absolument fondamental, et aussi ce qui distingue "l'éveil" de toutes les autres expériences et aventures spirituelles possibles. » (Stephen Jourdain, "La vie à l'endroit", in "Une promptitude céleste").



« Œuvrant « :C’est là qu’est le geste mais on voit qu’il y a identité entre je suis, la conscience et la conscience de soi. Il n’y a pas dans un 1er temps la conscience pure qui serai inconsciente d’elle-même et dans un second temps une prise de conscience, la conscience consciente d’elle-même. Par nature la conscience est consciente d’elle-même, des le départ sinon elle serait l’inconscient ce qui serait contradictoire. Pour Stephen Jourdain, il y a identité entre la conscience, la conscience d’elle-même et le je suis, le moi (pas le Soi et ou le Moi mais moi bibi, Stephen.)

Dieu, dit-on traditionnellement, est le Verbe, le verbe c'est-à-dire un acte. L’être n’est donc pas statique mais dynamique. Le soi n’est pas un état mais un acte et c’est à cet acte qu’il faut rattacher le " geste de l’éveil.
"
Un acte où l’être, le soi s’affirme lui-même et en même temps un acte de liberté où la conscience s’arrache, se désolidarise de tout ce qui n’est pas elle : Stephen Jourdain le dit tout le temps : je suis mais je ne suis pas cette pensée ni même la pensée je suis. La conscience est liberté et donc détachement, arrachement à tout donné, toute chose, toute pensée.

Bien sûr ce qui est, le je suis est toujours déjà là mais le danger est de l’appréhender comme un donné dont il faudrait prendre conscience au risque donc de le chosifier.
la conscience, « je suis, »est bien un geste mais ce geste n’est pas un geste de la conscience mais la conscience elle-même, faisant fuir la non liberté.

Cette conscience est elle conscience de quelque chose ? Conscience des phénomènes extérieurs et intérieurs (pensées, émotions etc.).
La phénoménologie de Husserl définissait cette conscience comme intentionnalité, conscience d’un objet pour un sujet,
N’est ce pas la définition même de la pensée qui est toujours pensée de quelque chose. La conscience, ici, est donc identique à la pensée et est toujours hors d’elle-même, projetée dans le monde objectif, en visée, intentions et soucis : c’est notre conscience ordinaire

La conscience dont on parle ici est autre chose, bien que non séparée de la conscience ordinaire, elle en est l’habitant caché, le cœur.
C’est la conscience qui est avant toute pensée, sa source, la conscience pure
Et c’est là que réside le soi et donc le geste d’éveil qui n’est pas un geste de la pensée et par conséquent non intentionnel.
Ce n’est pas une visée, c’est une attention sans visée, sans objet, une pure présence, toujours immédiate, sans transition. On y est ou on n’y est pas.

Elle perçoit sans les viser tous les phénomènes qui se produisent en elle-même ou hors d’elle-même (si tant est qu’il y ait un dehors). Elle est comme un lac limpide percevant tous les troubles venant perturber son immobilité, une pensée serait comme un caillou jeté sur elle provoquant son auréole de vibrations…
c’est une conscience spontanée et sans distance, une conscience qui tout en étant elle-même est aussi toute chose car toute chose est en elle. Deleuze disait pour répondre à la phénoménologie que la conscience est non pas conscience de quelque chose mais conscience-chose : aucune distance ou séparation d’avec le monde mais cette conscience est une conscience vivante, immédiate et non pas son double intellectuel

Pour Stephen Jourdain, la situation est simple il n’y a que 2 choses : le je suis, la conscience (Dieu) et la pensée. En elle-même la pensée n’est pas un mal, un problème, elle est une émanation innocente du je suis.

Cette première pensée, dit- il , est le fils de dieu, la pensée je,-moi. Ce moi dont le petit enfant à l’intuition en découvrant le monde et en s’émerveillant de tout. Il s’affirme lui-même sans être encore vraiment identifié à lui-même, à la pensée je, son monde est encore un éden et non pas notre monde à nous qui n’en est que l’écho, la trace, queue de l’étoile filante, monde de choses, comme dévitalisé. Stephen jourdain dit que l'éveil c'est l'enfance se retrouvant elle-même.

Ce monde perverti est le fruit de notre psyché, de notre moi psychologique et ce moi-là est le résultat de la chute qui pour Stephen Jourdain est l’identification à la pensée –je.
Pour lui, il s’agit de remonter à la source de ce faux monde cad à la première pensée qui jaillit de notre esprit et à la quelle on s’est identifié : la pensée-je .
Cette pensée (l’égo) tente de supplanter le vrai moi, vivant et se déclare source, maitre, agent libre bref se prend pour Dieu : c’est la Chute, Adam et Ève ont gouté à la pomme de l’arbre de la connaissance ( du bien et du mal cad la dualité , le jugement ) et ont été chassés du paradis .

Suite à cet enseignement « je suis et je ne suis pas cette pensée » on peut être tenté d’en faire une pratique, une méditation
:
par exemple, en observant toutes nos pensées, nous constatons une dissociation et une désidentification immédiate par rapport à toutes celles qui se présentent,
Les voir suffit d’ailleurs à les faire fuir et bientôt, il n’y a plus de pensées, reste un regard silencieux en attente de pensées, c'est-à-dire l’observateur. Cet espace vide est aride et le reste, rien ne vient le remplir

.Où est la première pensée, celle qui nous a fait chuter, la pensée -je ?
Mais justement dans l’observation des pensées, elle est -l’observateur -ayant -l’intention -d’observer-les pensées -et de s’en dissocier.
On pourrait croire sortir de l’erreur dont parle Jourdain en se disant : je vais me dissocier de toute pensée et même de la pensée ‘se dissocier ‘’ mais en fait on ne fait que reproduire l’erreur ou piège qui nous enferme dans la pensée je suis.

Par contre si on perçoit bien ce piège qui consiste à vouloir sortir intentionnellement de l’intention cad de la pensée alors la pratique s’arrête.
la pensée ayant pris conscience d’elle-même, conscience d’elle-même en tant qu’acte, est ramenée immédiatement au Je suis
(c’est le je pense donc je suis de Descartes, non pas j’ai des pensées donc je suis mais je suis en train de penser donc je suis).
L’esprit retrouve son immobilité, naturellement cette fois-ci. Cet esprit est vigilance et dissociation d’avec toutes pensées mais naturellement, non intentionnellement.

En prenant conscience de l’intention, on se désidentifie de la pensée-je et par la même on est renvoyé à la source, au réel et on est bien dans le « je suis et je ne suis pas cette pensée >> dont parle stephen jourdain.

La chute se reproduira des que la pensée-je s’arrêtera de nouveau sur une pensée et la fera tourner sur elle-même et avec d’autres au lieu de la laisser agir (ce pourquoi elle est venue) et partir.

Conscience et pensée ne sont pas deux choses différentes comme on pourrait ici en avoir l’impression.. La différence intervient au niveau des émanations, des productions de l’esprit cad les pensées mais la pensée en elle-même, en acte, c’est la même chose que la conscience, c’est le je suis. Et on pourrait le dire aussi des autres actes : percevoir, agir, marcher, écouter bref vivre, être
Le geste de l’éveil en fait, c’est être et vivre et en cela réside la joie de vivre ou béatitude.

si je devais faire un rapprochement entre cet éveil et Spinoza, je le ferais à partir de la notion spinoziste ''d'idée vraie''
qu'est ce qu'avoir l’idée vraie de soi ?
une idée qui implique l’idée vraie de Dieu et du monde

Une idée vraie, comme le précise Deleuze dans ‘’Spinoza philosophie pratique ‘’, n’est pas une idée que nous avons mais une idée que nous sommes.
C’est une idée absolue et il faut entendre la conscience je suis de Stephen Jourdain comme cette idée absolue
La pensée je suis n’est qu’une représentation, une image de cette idée vraie, le problème vient lorsque nous prenons l’image pour la réalité
Parce que cette image est forcement inadéquate puisqu’elle nous limite et nous détermine or l’idée vraie est infinie et sans déterminations

cordialement
Joël

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Messagepar Krishnamurti » 11 août 2011, 22:52


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Messagepar Krishnamurti » 12 août 2011, 12:20

Où il explique qu'on ne peut pas exercer le métier d'agent immobilier en état d'éveil.
Où il explique qu'on peut difficilement souhaiter à ses propres enfants d'être éveillé.
http://www.youtube.com/watch?v=JEVT96PvSw4


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