De la biosophie???

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
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De la biosophie???

Messagepar cess » 05 janv. 2012, 06:37

Bonjour,


Je viens de prendre connaissance du dernier livre de Bruno Giuliani sur Spinoza mis en ligne par Henrique ( que je remercie au passage.)

Ce monsieur niçois s'avère donner des séminaires apparemment sur sa biosophie dont je devine qu'elle est grandement inspirée de Spinoza ... (voir son site http://brunogiuliani.com )

Conférences???Développement personnel???Quelqu'un sur ce forum le connait-il ou a-t-il déjà participé à un de ses séminaires??

merci.

Cécile

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Henrique
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Messagepar Henrique » 05 janv. 2012, 21:24

Je le connais pour avoir échangé par mail plusieurs fois avec lui. Il s'efforce autant qu'il est en lui de rendre pratique la pensée de Spinoza, c'est-à-dire d'être joyeux, à travers des activités à la fois intellectuelles et physiques. Il y a chez lui un côté qu'on peut trouver "fleur bleue", notamment sur le blog qui accompagne son site mais qui n'est pas je pense sans un certain humour. En tout cas, c'est quelqu'un d'accessible.

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Messagepar cess » 08 janv. 2012, 10:07

Bien, merci pour votre réponse....
Connaissant bien le milieu de la formation, j'ai eu vent à peu près de toutes les modes : du coaching , en passant par développement personnel...
des charlatans âpres au gains jusqu'aux chamanes...

Mais là!!!! Une démarche basée sur Spinoza: je reconnais être très très intriguée.....



à suivre....

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Messagepar walidh » 11 janv. 2012, 23:15

J'ai lu le livre de Bruno Giuliani, "l'Ethique réécrite pour notre temps".

J'ai trouvé le livre assez bon pour le refiler à un ami à qui je voudrais faire découvrir Spinoza, mais dont je sais qu'il n'aurait pas le temps de déchiffrer l'original.

Par contre je trouve le titre mensonger, dans la mesure où il ne s'agit pas à proprement parler d'une retranscription mais d'une interprétation par l'auteur, interprétation qui me semble néanmoins éviter bien des écueils classiques vis à vis de la pensée de Spinoza.

Bref, pour ce que ça coûte en temps, les 200 pages de son ouvrage valent le coup d'oeil, même si pour ce qui est des histoires de développement personnel, de biodanza et tout le reste, j'ai une méfiance irréductible.

Peut-on être serein vis à vis de ceux qui gagnent de l'argent avec ce genre de choses ? Nous connaissons tous des gens qui créent des choses qu'ils mettent gratuitement à disposition car ils gagnent déjà de quoi vivre, et se satisfont de faire ce qu'ils pensent être bon en créant un site de cours de maths, ou de philosophie sur Spinoza, sans avoir besoin d'engranger plus, surtout que de ce fait ils excluraient la majorité de l'accès à leur travail.

J'ai beau trouver son livre utile (même si un peu tendancieux par moments), le reste ne passe pas.

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Messagepar Henrique » 12 janv. 2012, 00:26

Bruno Giuliani avait un poste d'agrégé dans l'Education nationale et il a choisi de le quitter pour se lancer dans son école de développement personnel. Déjà, quand on dit "développement personnel" ça ne fait pas très sérieux, mais ça ne devrait pourtant pas choquer un spinoziste, pour qui la joie active est le cœur d'une éthique vraie. Tout dépend bien sûr de ce qu'on met derrière ce terme de développement.

Ce qui pour moi fait un des intérêts principaux de Spinoza par rapport à la grande majorité des autres philosophes, c'est qu'il ne se contente pas d'aimer la sagesse comme un idéal qui nous condamnerait à passer par d'infinis détours théoriques pour s'en rapprocher, mais qu'il propose une chemin ardu mais accessible d'une sagesse pratique de l'amour (de la vie, du monde, de soi). Donc Spinoza est le philosophe par excellence du développement personnel. Mais ce n'est bien sûr pas une raison pour renoncer à toute prudence pour autant : si en fait de développement personnel, il s'agit surtout de développer son aptitude à la soumission aveugle aux paroles d'un gourou et à perdre beaucoup d'énergie pour des conseils confus, il vaut mieux passer son chemin.

Mais en soi, le fait de gagner sa vie en donnant des leçons de bien vivre ne me choque pas, tant que les tarifs restent raisonnables (je ne les connais pas pour Bruno Giuliani). Ce ne sont pas à mon avis des professeurs payés par l'État qui peuvent se prétendre plus proches des modèles de l'antiquité comme Platon ou Épictète, qui vivaient des dons de leurs élèves et non d'une subvention publique.

Celui qui partage des connaissances en dehors de son travail le fait par plaisir et trouve son salaire dans ce plaisir, ce qui n'empêche pas à l'occasion de chercher des moyens pour financer durablement un site). Mais pourquoi se méfier forcément de celui qui le fait en échange d'une rétribution si justement il a choisi de s'y investir complètement ? Pour ce qui me concerne, je participe à ce forum que j'ai créé quand j'ai le temps et l'envie de le faire sur des questions relativement générales, ce n'est pas comme se proposer de prendre en charge des problématiques personnelles et d'essayer de guider des gens vers la vérité de leur vie.

Et la biodanza, pourquoi pas, si c'est une façon d'augmenter le "nombre d'aptitudes du corps" (cf. Eth. V, 39) ?

Entre des leçons de vie appuyées sur une référence à un naturalisme rationaliste, même si cela relève d'une interprétation qu'on peut juger discutable, et des leçons relevant de la croyance irrationnelle au surnaturel, il me semble clair qu'on a certainement plus à gagner avec ce qui nous rapproche de notre réalité qu'avec ce qui nous en éloigne.

Évidemment, il ne suffit pas à mes yeux d'arborer l'étiquette "Spinoza" pour que je donne le bon dieu sans confession. Mais tout de même, il est tellement plus facile de se référer uniquement à des maîtres exotiques aux senteurs orientales, usant d'une parole facile et séduisante, que le simple fait de se référer à un auteur comme Spinoza suscite ma sympathie. Et à vrai dire j'aurais la même sympathie pour des écoles de sagesse s'appuyant sur Platon, Montaigne ou même Kant.

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Messagepar walidh » 12 janv. 2012, 00:56

La méfiance est un affect triste découlant d'une carence informationnelle : je ne m'en félicite pas.

En l'occurrence, j'avais (mal) compris qu'il était agrégé en exercice... merci donc pour l'info !

Sur la biodanza, attention, en soit le concept de danse pour le bien être est superbe, et j'y suis sensible, puisque je me sens rarement aussi bien que lorsque je danse. Le problème vient de l'association d'idée que je ne peux m'empêcher de faire, en attendant d'en savoir plus, entre la biodanza et la myriade d'escroqueries à consonance semblable : c'est triste mais c'est ainsi, et peut-être que cet art souffre de la foule d'imposteurs du développement personnel (et je suis d'accord pour associer Spinoza à un véritable allié dans une démarche de développement personnel, quoique j'interprète son message dans une optique plus étendue que mon propre tas de molécules pensant).

C'est un peu hors sujet, mais vous allez je trouve un peu vite quand vous parlez de subventions de l'état : un autre aspect indéniable, au delà de la montagne d'"imperfections" qui gangrène l'éducation nationale, est que l'école publique n'est pas accessible seulement à ceux qui ont les moyens de payer Platon, et il me semble que ce dernier ne s'offusquait pas le moindre du monde de ce que, contrairement à chez nous, l'écrasante majorité des êtres humains qui vivaient dans sa cité étaient exclus des arcanes du savoir. Ce que vous appelez (avec un peu de mépris ?) "subventions de l'état" peut être vu comme la simple solidarité nationale permettant de garantir à chaque enfant l'accès au savoir.

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Messagepar Henrique » 12 janv. 2012, 09:51

Loin de moi l'idée de mépriser l'école de la république, qui au moins dans l'esprit de la majorité de ceux qui font comme ils peuvent le boulot, conserve l'objectif du savoir et du jugement critique pour tous.

Je voulais simplement dire qu'un professeur est aussi payé pour son enseignement. Mais à la différence d'un enseignement dont le financement provient des enseignés, témoignant ainsi de leur confiance dans l'enseignant, les professeurs doivent exercer leur métier selon les attendus de l'État, notamment en termes de programmes, avec le devoir de réserve qui y est attaché. C'est d'ailleurs pourquoi il n'est pas tout à fait exact de parler ici de subvention (je pensais avec ce terme à l'idée d'écoles qui pourraient être subventionnées comme le sont les théâtres ou certaines associations à but non lucratif).

Il se trouve qu'on n'enseigne pas une éthique pratique dans l'éducation nationale. On fixe des règles de savoir vivre en communauté et c'est à peu près tout, le reste est essentiellement tourné vers l'extérieur et non sur ce qu'on pourrait appeler le développement personnel, sur les moyens d'éviter de se rendre malheureux inutilement, voire sur la béatitude. On peut faire certaines rencontres d'enseignants, qui par leur exemple font passer certaines notions mais cela n'a rien de systématique et relève en grande partie de la chance. Mais pourrait-il en être autrement ? Pourrait-on donner des cours de béatitude dans le cadre d'un enseignement d'État ? En France en tout cas, cela pourrait poser des problèmes par rapport au principe de laïcité. Et étant donné le caractère obligatoire de l'école, cela irait mal avec la liberté et la démarche personnelle que requièrent une éthique de l'affirmation.

Enfin, étant donnée la faible reconnaissance des valeurs de l'école (le savoir et le jugement critique) dans une société essentiellement tournée vers les satisfactions faciles à court terme, je ne pense pas que c'est du côté de l'école publique qu'on peut actuellement attendre un développement des vertus de générosité, de fermeté, de présence d'esprit et de confiance en soi - qui sont en effet autant individuelles que collectives. Surtout quand on voit que plus de 80% de ceux qui ont encore le sens civique d'aller voter, alors qu'on a pourtant essayé de les éduquer au raisonnement et au sens critique, le font en donnant le pouvoir à des partis qui ont pour principale politique de les maintenir dans la servitude.

Voilà pourquoi à mon avis, tout ce qui est de nature à infuser de la conscience de soi et du monde dans la société civile est bon à prendre, avec les moyens financiers qui peuvent être les siens, fût-ce de la biodanza. Il ne saurait y avoir de révolution des institutions politiques à effet positif durable, sans révolution des mentalités. Et si on peut regretter qu'un enseignement comme celui de Bruno Giuliani ne soit accessible a priori qu'aux classes sociales relativement aisées, c'est tout bêtement déjà mieux que rien. Mais encore une fois, je ne connais pas ses tarifs, je parle d'une question de principe et non de la question factuelle de l'utilité objective de ces formations, question qui requière prudence comme en tout.

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Messagepar automate » 12 janv. 2012, 14:35

J'ai aussi acheté ce livre et je dois avouer que je sors perplexe de cette lecture.

Certes, le travail de "vulgarisation" de l'Ethique est impressionnant, mais il est vrai qu'il y a une très grande part d'interprétation personnelle de l'Ethique de Spinoza dans ce livre. Ma foi, me direz-vous, n'est-ce pas là justement le but d'un commentateur de donner son avis ?! :D

Ce qui m'a le plus choqué, c'est le fait de donner au Dieu de Spinoza la définition de Vie ( auto créatrice, infinie, éternelle ).

J'y vois là un mysticisme qui ne colle pas, à mon humble avis, à l'hyper rationalisme de Spinoza et à son désir d'expliquer toute chose par des causes.

Il y a dans cet ouvrage une odeur de taoisme ou de bouddhisme qui ne me semble pas aller de pair avec la pensée de Spinoza.

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Messagepar Henrique » 12 janv. 2012, 18:41

Sur l'identification de la vie et de Dieu, voir le chapitre 6 de la partie II des Pensées métaphysiques de Spinoza. Rien dans l'éthique ne contredit par la suite cette identification. Il y a aussi un commentaire classique de Sylvain Zac sur La notion de vie dans la philosophie de Spinoza qui corrobore cette lecture.

Sur la notion de mystique, j'ai déjà donné mon analyse icirécemment ou encore ici, il y a plus longtemps.

La mystique pouvant se définir comme une connaissance directe du divin et comme ce divin, c'est en fait l'étendue en tant que puissance dynamique de production de tous les corps et la pensée comme puissance de production des idées, il n'y a là rien de mystérieux au sens chrétien du terme. Ainsi je peux me considérer sans contradiction comme un rationaliste mystique.

Quant à interpréter Spinoza à l'aune du bouddhisme ou plus précisément en ce qui concerne Giuliani de l'advaïta-vedanta, c'est une interprétation en effet, mais quelle lecture peut complètement se passer de le faire ? Pour comprendre Spinoza, il ne faut rien mettre de plus ou de moins que ce qu'il met dans ses définitions, mais justement il ne définit pas tout et ces définitions mêmes doivent être interprétées en fonction de ce qu'on comprend déjà. On peut lire Spinoza à partir d'une culture chrétienne, marxiste, ou simplement à partir de son expérience. Dans tous les cas, il y aura aussi dans la confrontation au texte ou son interprétation, une rencontre avec quelque chose d'inattendu.
Modifié en dernier par Henrique le 12 janv. 2012, 19:37, modifié 1 fois.

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Messagepar hokousai » 12 janv. 2012, 19:20

àH

D'accord avec vous Henrique sur le" vitalisme.
Voir le livre de Renée Bouveresse sur l' animisme de Spinoza et Leibniz ( c'est un livre en ligne ). Elle cite S Zac .

Sur les comparaisons avec les pensées orientales (védiques et bouddhistes), c'est à discutter. Mais il est indéniable qu'il y a une communauté de vue sur bien des points et de fondamentaux.

Je fais la différence entre le bouddhisme et le brahmanisme (même dans sa forme la plus "bouddhiste", Ādi Śaṅkara ). Il se peut que vous ayez raison de voir une proximité plus grande avec Shankara.
Pour ma part je me sens nettement plus proche du bouddhisme d' où mes difficultés *avec Spinoza.

*PS et je dois dire, entre nous, qui nous connaissons depuis longtemps déjà , que ça ne s'arrange pas au cours du temps .

amicalement
hokousai


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