Spinoza et Lovecraft

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 28 févr. 2012, 00:55

à bardamu

j 'ai écrit ceci" Spinoza estime que ce dont il n'a pas conscience il n'y a pas d' existence"
ce qui signifie pour moi que si Spinoza n' a pas les idées d'autres expressions d'un autre attribut que l'étendue et la pensée , il n'y a pas place en son âme pour l'expression d'autres attributs .
Sinon il aurait ces idées et en aurait conscience .
Je pense donc que Spinoza exclut l' inconscience, de son âme.
Dans ce cas précis la conscience d'avoir des idées des corps détermine la réalité de l'essence de l' esprit humain comme idée du corps . C' est à dire in fine l' homme comme expression de deux attributs ( seulement )
..........................................
D'autres par Spinoza est conscient de l' existence d'une infinité des attributs , du moins l'affirme- t- il .
Je ne dis donc pas que Spinoza nie la réalité de l'expression infinie des attributs sous le prétexte qu'il n' en aurait pas <b>les idées</b> . Evidemment il n'en a pas les idées . Il à l'idèe de leur existence .N' empêche qu'il a cette idée là.
Spinoza a conscience de Dieu, il a l'idée de l'idée de Dieu et celle de l'intellect infini, ce qui suffit a en assurer la<b> réalité</b>.

La conscience chez Spinoza va de soi .( mais ça va encore mieux en le disant ).Que les pierres ne sachent rien de la réalité, il ne s'en soucie guère.mais que lui Spinoza n' en ai pas conscience est de fait exclu puisqu'il en a conscience . .
.......................................

Ce n'est pas moi qui parle d' âme c'est Spinoza 2 ans avant sa mort dans sa réponse à Tschirnhaus. Savoir ce qu' à ce moment de sa vie il entend par<b> âme</b> ?
........................................

l'idéel ou du corporel.
Avez-vous quelque chose de positif à proposer expliquant en quoi la structuration de l'expérience en deux aspects ne vous convient pas ?

La question est personnelle . Je ne divise pas l' accès au réel en deux .
Il y a accès visuel , tactil, auditif olfactif et gustatif ( sensoriels) et l'intellection qui est une fonction du vivant tout comme la vision l'est et pas de nature ontologiquement différente .
.....................................
Est-ce que par hasard une démonstration serait pour vous quelque chose qui vous fait dire "je crois" plutôt que "je comprends" ?


Je pense que vous croyez bien avoir compris quand vous comprenez, sinon c'est à désespérer.
Je ne crois pas à la substance parce que la substance est un objet de croyance ou d' incroyance ( comme la matière d'ailleurs )

hokousai

PS: je n'ai pas dit et je n' ai pas pensé que si je perds conscience la nature en est annihilée.

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Messagepar bardamu » 28 févr. 2012, 15:18

hokousai a écrit :Spinoza répond (lettre 66) qu'il a démontré dans ce scolie que ces idées se rapportant à une infinité d'attributs différents n' ont aucune connexion entre elle.
je ne vois pas de démonstration de la non connexion mais plus une exhibition de la connexion dans la mesure où Il a dans la même âme les idées pensée et les idées étendue.
Tout cela est pensé donc connecté.
Si l' esprit est l'idée du corps il y a connexion entre deux attributs.

Bonjour Hokousai,
Spinoza renvoie aussi à E1p10 qui parle de la multiplicité d'attributs d'une substance, parce qu'il voit que Tschirnhaus saisit mal comment ça marche (Leibniz aussi avait du mal avec ça).

Quand Tschirnhaus parle de modification, il parle de l'ordre et de la connexion des choses, chose A - > chose B, en considérant que nous sommes une de ces choses seulement qualifiée par la relation de modification. Il distribue ça dans les attributs : idée A - > idée B, corps A - > corps B etc., et demande pourquoi nous n'avons pas connaissance des autres attributs puisqu'ils semblent impliqués à l'infini dans cette modification.
Spinoza répond qu'en effet ils sont à l'infini dans l'entendement infini de Dieu mais un peu d'attention fera voir que nous ne sommes pas cette entendement, nous ne sommes pas une chose A quelconque, nous sommes (par définition) une idée de corps : l'individu humain, la chose A qui devient chose B, est (idée A-corps A) - > (idée B-corps B), et la connaissance qu'on a ne concerne que la distribution dans les attributs que nous sommes.
Ce que fait Tschirnhaus, c'est de considérer une chose comme simple, à un seul attribut (il le fait dans une autre lettre) alors que pour Spinoza les choses réelles sont complexes, sont à plusieurs facteurs indépendants.

Pour essayer de formaliser un peu :
- les attributs concernent une définition multifactorielle de termes dans la constitution d'un troisième terme qui n'est pas une relation d'engendrement entre facteurs,
- les relations d'engendrement (ordre et connexion) sont entre les termes

Illustration colorée : : le violet est du bleu et du rouge, et si on éclaircit le violet, on éclaircit à la fois le bleu et le rouge mais on ne produit pas du rouge à partir de bleu. La même modification est coordonnée dans les deux couleurs, il y a corrélation de la variation plutôt que relation entre les deux couleurs.
Si il s'agit pour vous de dire qu'il n'y a pas indépendance du bleu et du rouge parce que les deux constituent le violet, soit. L'important est que ce rapport est une coordination qui constitue l'individu "violet" et pas une relation de production de l'un par l'autre.

Illustration mathématique (courbe de Lissajous 3d) :
x = a sin(t)
y = b sin (t + phi)
z = c sin (t + psi)
On a la chose A pour t=1 et la chose B pour t=2, qui est une courbe 3D pour un entendement 3D et une courbe 2D pour un entendement 2D.
Il y a coordination, même ordre et connexion du fait d'une même dynamique (variation de t commune) mais pas la même forme selon qu'on est sur l'attribut x, l'attribut y, selon qu'on regarde la forme coordonnée x-y ou x-y-z.
Une infinité de choses infiniment modifiées, c'est comme la variation continu de choses constituées d'un système infini d'équations, d'une infinité d'"inconnues".
Si une "âme" est un système d'équation, alors chaque système a ses propres caractéristiques, certains sont à 2 inconnues, d'autres à 3 etc. dans une dynamique commune.
hokousai a écrit :La non connexion des attributs est prétendue démontrée par la demo de la prop 10 partie 1.
<b>je ne vois aucune démonstration </b>

Vu que Spinoza appelle "connexion" la relation A - > B, et vu qu'un attribut ne peut être produit par un autre, il est évident que le rapport entre attributs n'est pas une "connexion". Il faudrait donc que quand vous dites "connexion" vous entendiez la même chose que Spinoza. Mais je pense que chez vous "connexion" désigne une idée très générale de relation, à savoir que n'importe quelle collection de chose signifie pour vous une "connexion" de ces choses, que si A et B sont dans un même individu alors il y a "connexion".
Il s'agirait donc simplement de distinguer la relation d'appartenance et celle d'implication. A et B appartiennent à C, n'est pas A - > B.
hokousai a écrit :La question est personnelle . Je ne divise pas l' accès au réel en deux .
Il y a accès visuel , tactil, auditif olfactif et gustatif ( sensoriels) et l'intellection qui est une fonction du vivant tout comme la vision l'est et pas de nature ontologiquement différente

La question est conceptuelle puisque vous n'adoptez pas le système de Spinoza, il peut être bon de savoir où sont vos divergences, quel système implicite ou explicite vous adoptez.

Et donc, où est le mouvement, la masse dans votre pensée ?
Poser une brique, construire une maison, se casser un ongle, c'est accéder au réel pour vous ou ça n'existe pas si il n'y a pas de sensation ?
Faites-vous une différence ontologique entre se casser un ongle et sentir qu'on s'est cassé un ongle ? Un chien qui aboie, c'est seulement la perception d'un chien qui aboie ?

Spinoza distingue comme vous les fonctions, sauf que tout ce qui est sensation est coordonné à une réalité qui n'est pas perceptive, la réalité du corps, des ongles cassés et des chiens qui aboient. Vous regroupez les sensations visuelles en un genre "visuel", il regroupe toutes les sensations en ce genre d'idée dont les variations sont coordonnées à celles de leur objet, le corps (contrairement à l'intellection dont les idées n'ont pas pour objet les variations du corps même si le corps varie au cours de l'intellection (le cerveau consomme de l'énergie...)).

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Messagepar Henrique » 28 févr. 2012, 15:56

Ce qui précède est bien intéressant, mais j'ai encore perdu de vue Lovecraft dans tout ça...

A Shubb-Nigurath : oui il y a des tendance misogynes dans les écrits de Spinoza, mais c'est plutôt quand il se laisse aller à l'air du temps, quand il imagine, que quand il raisonne à partir des principes de sa philosophie. J'avais aussi montré il y a quelques temps comment on peut critiquer la misogynie chez Spinoza par Spinoza lui-même. Chez Lovecraft, il me semble que c'est sa pensée même, en tant qu'anti-humanisme pratique qui donne lieu au mépris général pour l'humanité et plus particulièrement encore les parties les plus faibles à son point de vue de l'humanité. Mais je ne connais pas bien Lovecraft en vérité, peut-être y a-t-il chez lui un humanisme qui m'a échappé.

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Messagepar hokousai » 28 févr. 2012, 17:22

à Bardamu

Poser une brique, construire une maison, se casser un ongle, c'est accéder au réel pour vous ou ça n'existe pas si il n'y a pas de sensation ?


Je présume bien que si un aveugle pose une brique, il sait que la brique existe .Un raton laveur agit come s'il savait que les branches existent .
Mais ni l'un ni l'autre ne peuvent avoir la même physique que vous encore que celle de l' aveugle né puisse intégrer la variable lumière.
La réalité telle que comprise est construite sur des bases sensorielles . Si je ne vois rien , si je ne peux pas toucher, si je ne peux me déplacer ou déplacer quelque chose , quelle est la réalité ?

Je connais en ce moment une très vielle femme , elle est aveugle et sourde . Elle ne peut au réveil que très difficilement faire la différence entre ce qu'elle rêve et sa vie éveillée. La réalité du rêve est plus puissante que la réalité de l 'éveil .

..............................
Ce que fait Tschirnhaus, c'est de considérer une chose comme simple, à un seul attribut (il le fait dans une autre lettre)


J'ai bien lu la lettre du 12/8 1675 qui ne parle pas du tout d'un seul attribut mais de deux et puis d'un troisième et ainsi de suite à l'infini .Ce à quoi réponds la lettre 66 de Spinoza .

bien à vous
jlhks

PS: je reviendrai plus tard sur le corps du message, là je n'ai guère de temps disponible.
Je vous avoue que je n'ai guère tendance à formaliser mathématiquement Spinoza ( lequel l'est déjà bien assez dans l 'état )

..........

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Messagepar bardamu » 28 févr. 2012, 18:55

Henrique a écrit :Ce qui précède est bien intéressant, mais j'ai encore perdu de vue Lovecraft dans tout ça...

Mea culpa, je me fouette de ce pas à coup de souris et je stoppe la digression.
Henrique a écrit :A Shubb-Nigurath : oui il y a des tendance misogynes dans les écrits de Spinoza, mais c'est plutôt quand il se laisse aller à l'air du temps, quand il imagine, que quand il raisonne à partir des principes de sa philosophie. J'avais aussi montré il y a quelques temps comment on peut critiquer la misogynie chez Spinoza par Spinoza lui-même. Chez Lovecraft, il me semble que c'est sa pensée même, en tant qu'anti-humanisme pratique qui donne lieu au mépris général pour l'humanité et plus particulièrement encore les parties les plus faibles à son point de vue de l'humanité. Mais je ne connais pas bien Lovecraft en vérité, peut-être y a-t-il chez lui un humanisme qui m'a échappé.

J'ai à peu près tout lu de Lovecraft et mon sentiment est à peu près le même qu'avec Céline : l'impression d'avoir affaire à des "hygiénistes" qui ont assez de lucidité pour ne pas se cacher que le monde est un bouillonnement pas très propre sur lui mais qui le supportent mal et s'en défendent par un attachement à un ordre esthétique, un désir porté vers le beau, la "civilisation", une certaine élégance aristocratique bien réglée qui se manifeste y compris dans la recherche stylistique pour exprimer le laid.
Les deux auteurs ont ce même souci d'un travail du style et les délires anti-sémites de Céline ne sont pas loin des descriptions de bas-fond de Lovecraft, peuplés de dégénérés tout juste humain, se complaisant dans leurs marécages.

Ce ne serait donc pas tant un racisme ou un anti-sémitisme doctrinal qui les animeraient, ils ne vont pas haïr une personne particulière pour ses origines ou son apparence, mais ils se laissent aller à cette mentalité qu'on jugeait de bon ton à l'époque et qui identifiait "le Noir" à sauvagerie, "le Juif" aux bas appétits de possession etc.
Ils haïssent la sauvagerie et la bassesse, et par métonymie leur donne le nom de métèques, juifs etc.

Mais on peut aussi se dire que le racisme doctrinal ne fonctionne pas autrement si ce n'est qu'il théorise pour essentialiser le préjugé, le légitimer de manière "scientifique". Et j'ai bien peur que Spinoza n'évite pas ce schéma avec sa misogynie. Il fait appel à l'expérience et se contente de généraliser le constat historique d'une domination politique de l'homme sur la femme pour en conclure que la femme n'est pas apte au commandement (à part Mme. Thatcher...).
Je crois avoir déjà indiqué qu'à mon sens il sortait là de la méthode prônée dans l'Ethique, qu'il tombait lui-même dans ce qu'il reproche au mode de construction des transcendantaux.

En fait, plutôt qu'une question humanisme/anti-humanisme, je serais tenté de poser le problème au niveau d'un aristocratisme/démocratisme.
Spinoza et Lovecraft ne sont pas dénués d'un certain aristocratisme intellectuel, ils tendent à se séparer du "vulgaire", ce qui pour autant n'implique pas un anti-humanisme dès lors qu'ils portent l'idée d'une humanité s'élevant.
Mais là où Lovecraft tombe dans un fatalisme tendant à considérer qu'il n'y a rien à faire, que le poids de l'"hérédité" est trop lourd pour faire changer les choses, Spinoza offre une dynamique d'évolution permettant de sortir des déterminismes subis. Pour Lovecraft, les déterminations extérieures l'emporterait d'où son goût pour les lignées et ces créatures sortant d'un ailleurs pour nous écraser, tandis que chez Spinoza les forces propres sont suffisantes pour maîtriser les choses et, pour évoquer l'innommable dont parlait Hokousaï, il n'y a pas d'innommable parce que la puissance de nommer nous appartient. Les sorciers de Lovecraft connaissent les noms de l'innommable pour les invoquer (à leurs risques et périls)...

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Messagepar marcello » 28 févr. 2012, 20:36

Bardamu écrit
Ce ne serait donc pas tant un racisme ou un anti-sémitisme doctrinal qui les animeraient, ils ne vont pas haïr une personne particulière pour ses origines ou son apparence, mais ils se laissent aller à cette mentalité qu'on jugeait de bon ton à l'époque et qui identifiait "le Noir" à sauvagerie, "le Juif" aux bas appétits de possession etc.

D'après la biographie de Céline que j'ai lue, il semble que Céline haïssait beaucoup de personnes juives, en particulier le directeur de son service à la SDN et le directeur du dispensaire de Bezons.
Son antisémitisme, hérité de son père, est peut-être devenu galopant et même monstrueux lorsque sa maîtresse Elizabeth Craig l'a quitté et a épousé un juif américain.
En tout cas, il y a bien plus que la "mentalité de bon ton de l'époque". Même les allemands chargés de la question juive en France étaient gênés par son obsession alors qu'ils étaient en train de réaliser le programme qu'il prônait dans "Bagatelles pour un massacre" et autres joyeusetés.
Il a collaboré de façon plus qu'active et ne doit d'avoir échappé à une condamnation à mort qu'à l'instinct de survie de ce qu'il appelait son côté mangouste.
Je dois signaler qu'après avoir lu cette biographie, j'ai réessayé de lire "Le Voyage au bout de la Nuit" mais que le livre m'est tombé des mains.
Vous avez dit passion. :)

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Messagepar hokousai » 28 févr. 2012, 22:30

Hastur <b>l'innommable</b> est dans la mythologie Lovecraftienne le dieu des Espaces infinis.
Il s'oppose à Cthulhu et à ses serviteurs.
Mais je n'insiste pas n ayant pas lu tout Lovecraft tant s"en faut .

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Messagepar hokousai » 28 févr. 2012, 23:03

à bardamu
pour revenir brièvement à Tschirnhaus.
Sur la connexion je comprends que Spinoza est cohérent avec lui même.
Les idées des modes de l'attribut A ne sont pas connectées avec les idées de l'attribut B.
Mais j' hésite sur :
dans une même âme il ne peut se loger deux séries parallèles d'idées des mode de 2 attributs (non connectés de fait ).

Car dans l'esprit humain se logent les idées des idées ( attribut pensée ) et les idées des corps ( attribut etendue )</b>
Nous avons dans l'esprit humain les idées des essences objectives qui sont des séries de l'attribut pensée et des idées des essences formelles qui sont des idées des corps. Ainsi nous avons l'idée du cercle et des idées de tels ou tels cercles .
Si ce n'est pas une connexion c'est du moins une <b>coprésence</b>
Car, de mon point de vue, quand nous avins l'idée singulière de tel ou tel cercle ,nous avons coprésente l'idée du cercle en général.

Je ne vois toujours pas pourquoi la coprésence dans une même âme des suites d' idées non connectées serait impossibles.

Et je ne le vois pas pour une rasion simlple . Je suis lecteur de Berkeley et chez berkeley le visuel est coprésent avec le tangible dans une même âme et sans connexion entre le visuel et le tangible.

Cependant nous ne vivons que dans une réalité et non cinq.

bien à vous
jluchks

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Messagepar bardamu » 29 févr. 2012, 00:41

marcello a écrit :D'après la biographie de Céline que j'ai lue, il semble que Céline haïssait beaucoup de personnes juives, en particulier le directeur de son service à la SDN et le directeur du dispensaire de Bezons.

Je suis sans doute trop bon avec ses basses pulsions. A vrai dire, j'ai du mal à saisir comment de tels esprits se laissent aller à ce genre d'affects et je dois sans doute tendre à construire des explications qui dédouanent leur intelligence. Mais après tout, Céline, Lovecraft ou même Spinoza (et puis moi...) pouvaient sans doute aussi mobiliser leur intelligence pour défendre des idées bêtes et méchantes...

Pour l'anecdote, j'ai connu un raciste "viscéral" (j'espère qu'il s'est arrangé avec le temps), avec une sorte de phobie de la difformité et une gêne qu'on sentait incontrôlable face à des types physiques trop différents (pour lui) du standard européen. Je me suis aperçu que c'était vraiment pulsionnel le jour où dans un jeu de rôle, on lui proposait d'incarner un noir et que ça lui semblait impossible. Ca m'a fait penser à la dysmorphophobie et parfois je me demande si il n'y a pas des formes de racisme "esthète" qui en seraient des versions légères. Si le beau désigne ce qui correspond à notre goût, et si notre goût s'attache à ce qui nous ressemble (Narcisse...), alors ce qui diffère est vu comme laid, "dégoûtant", provoque une tristesse et une haine.

Au passage, et même si c'est une lecture en principe prohibée sous nos latitudes, la description que Hitler fait dans Mein Kampf de sa propre évolution vers l'anti-sémitisme est assez instructive. Il part de l'affirmation d'un certain philosémitisme originel, du genre peuple frère des chrétiens, jusqu'à une description des juifs de Vienne comme des sortes de créatures maléfiques et dégoûtantes, avec des justifications issues du racisme "scientifique" (eugénisme, biologie des races etc.). J'ai lu d'autres textes anti-sémites de l'époque et ça m'a frappé de voir combien cette "biologisation" imprégnait les esprits, cette manière de concevoir l'humanité comme des lignées animales plus ou moins en conflit. L'effet Darwin ? Spencer ?
De nos jours, on se crée des "conflits de civilisation" pour justifier les inimitiés alors qu'à l'époque Hitler affirmait qu'il n'en voulait pas aux juifs pour des questions de religion, de culture, mais que c'était une question biologique, de préservation de race et cela semblait être un argument plus valable à l'époque que la question culturelle.
Lovecraft est sans doute en plein là-dedans, une transcription sous forme matérielle de la haine, dans les apparences, la difformité des corps, les dégénérés et les monstres. Le Moyen-Age avec alibi "scientifique"...

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Messagepar Henrique » 01 mars 2012, 02:47

Je ne pense pas que Spinoza puisse être un aristocrate à la Lovecraft. D'abord parce qu'un aristocrate n'est pas dénué d'un certain sens du bien commun. L'aristocratie, c'est le gouvernement du peuple par les meilleurs pour le peuple (dont ils font partie). Le racisme pose qu'il n'y a pas une seule humanité, mais plusieurs, de sorte qu'il n'y aurait pas de bien commun possible, ce que bien sûr Spinoza réfute.

Mais aussi, quand Spinoza explique dans le Traité politique, V, 2 que les hommes sont partout les mêmes et que si certains sont plus méchants que d'autres dans certains États, c'est en raison des lois de ces États et non de la nature des hommes, on est aux antipodes du racisme et même de l'aristocratie qui revient tout de même à poser qu'il y aurait dès la naissance de bonnes graines et de moins bonnes.

D'autre part, on trouve aussi chez Spinoza l'idée que si un homme est plus libre et plus vertueux qu'un autre, ce n'est pas parce qu'il l'aurait voulu par la noblesse de sa bonne volonté, mais parce qu'il a fait des rencontres plus favorables. Qui choisit, pour revenir à la politique, l’État dans lequel il naît et qui ainsi contribue en partie à l'amener ou non à cultiver la tolérance, le désir de comprendre plutôt que de juger, la générosité plutôt que la cupidité ? Il n'est donc pas possible de se dire "je suis meilleur parce que j'ai une bonne volonté". (cf. E3P49)

Les stoïciens comme Épictète, qui croyaient au libre arbitre pouvaient admettre que certains hommes soient par nature meilleurs que d'autres puisque pour eux, la volonté était toute puissante, celui qui choisit le mal plutôt que le bien le fait par mauvaise volonté (la nature de l'homme étant ici le libre arbitre). Et pourtant, Épictète, à propos de l'amitié (Entretiens, II, 22) qui n'existe que parmi les hommes maîtres de leurs représentations disait à propos du sage "il sera patient avec ceux qui ne lui ressembleront pas ; il sera doux pour eux, bon, indulgent, comme avec des ignorants, qui s'égarent dans les questions les plus importantes. Il ne sera sévère pour personne, parce qu'il sera pénétré de cette parole de Platon : « C'est toujours malgré elle qu'une àme est sevrée de la vérité. »"

Voilà ce que j'appelle de l'humanisme pratique, fût-il aristocratique, et que je ne trouve pas dans ce que vous dites de Lovecraft, que je ne connais encore une fois que par ouï-dire.

Je tenterais pour finir que le racisme est moins la haine du dissemblable que la haine de soi, conjurée, rejetée sur le dissemblable. Ce qui dégoûte le xénophobe et plus généralement le misanthrope (que sont à leurs manières Céline et Lovecraft) quand il voit un étranger parler de façon arrogante par exemple, c'est sa propre arrogance. Il est dégoûté en voyant un homme de couleur différente embrasser une femme de sa couleur, cela lui paraît grossier, vulgaire, visqueux parce qu'il est renvoyé à sa propre grossièreté, vulgarité, viscosité dans ce genre de situation tout en croyant pouvoir s'en libérer du fait de la différence extérieure qu'il perçoit entre lui et l'autre. Il éprouve une honte dont il se dégage sur l'autre parce qu'il est jugé dissemblable. D'où la joie malsaine, qu'il éprouve dans sa tristesse et sa haine.


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