Spinoza, bouddhisme et advaïta vedanta

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
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Messagepar sescho » 12 mai 2012, 15:41

hokousai a écrit :Je vous parle de l'utile en fonction duquel on est censé raisonner et décider de ceci ou de cela.

C'est alors une spéculation sur l'utile, selon moi (on sait ce que l'on fait, on ne sait pas - assurément - ce que le résultat sera effectivement.) L'utile se constate dans le présent. Ce qui est dans le présent sinon c'est l'action même (qui n'en a pas moins un objectif, qu'elle cherche donc évidemment à servir au mieux.)

Bhagavad Gita : "Tu as droit à l’action, mais seulement à l’action et jamais à ses fruits. Que les fruits de tes actions ne soient point ton mobile. Et pourtant ne permets en toi aucun attachement à l’inaction… Ayant abandonné tout attachement, reste égal dans l’échec et dans le succès…".

Je pense qu'en matière de phénomènes, et ici de prédiction - d'ordre technique - du résultat de l'action vis-à-vis de l'objectif, l'assurance a priori ne peut pas exister, même chez le sage. Chez ce dernier en revanche, le fait qu'il soit dénué de toute passion, l'esprit calme et libre, maximise la probabilité de l'action juste (la motivation étant déjà juste.)

Note : évidemment, là où le sage est le meilleur, c'est en sagesse ; comme c'est ce qu'il y a de plus précieux à transmettre, c'est tout en même temps le comble de la générosité, autre face de la force d'âme. Il peut, comme Swâmi Prajnanpad - et Spinoza dit quelque chose de similaire au sujet des religieux - se contenter (pleinement, pas par paresse) le plus souvent de répondre aux questions posées, ce qui avec sa compétence peut faire beaucoup sans spéculation ; mais il fait des interventions ciblées aussi, qu'il adapte et "corrige" en fonction des faits...

S'il lui apparaît que le résultat peut être amélioré, le sage corrigera à l'action suivante (essai et erreur.) De ce point de vue : pertinence extrême, pourquoi pas ? Garantie a priori, non. Il n'est pas au pouvoir des hommes de saisir tous les déterminants d'un phénomène ("pas tout" ne disant pas pour autant "rien.") En soi, il n'y a aucun enjeu éthique dans ces aspects techniques pris en eux-mêmes.
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Messagepar hokousai » 13 mai 2012, 01:30

à Serge

je pensais à ce que dit Spinoza ( scolie de laprop62/4)
""""Si nous pouvions avoir une connaissance adéquate de la durée des choses, et déterminer par la raison le temps de leur existence, ...... on ne désirerait pas un bien actuel quand on saurait qu'il doit causer plus tard un certain mal.....
Mais nous ne pouvons avoir de la durée des choses qu'une connaissance inadéquate, et notre imagination seule détermine le temps de leur existence ...
Or l'imagination n'est pas affectée de la même façon par une chose présente et par une chose à venir ; et de là vient que <b> la vraie connaissance que nous avons du bien et du mal</b> n'est qu'une connaissance abstraite ou générale, et que le jugement que nous portons sur l'ordre des choses et l'enchaînement des causes, afin de déterminer ce qui nous est présentement bon ou mauvais, est un jugement plus <b>imaginaire</b> que réel. Il ne faut donc point s'étonner que<b> le désir qui naît de la connaissance du bien et du mal</b>, en tant que relative à l'avenir, puisse être si facilement empêché par le désir des choses qui nous sont actuellement agréables. Sur ce point, voyez la Propos. 18, part. 4.""""""""

C' est pour cela que je vous parlais de maximes morales ( générales ).

Spinoza parle du " désir qui naît de la connaissance du bien et du mal</b>, en tant que relative à l'avenir," certes, mais c'est toujours relativement à l'avenir que nous avons un désir qui nait de la connaissance du bien et du mal .
Si nous n'avons pas de maxime ou de sentiment moraux forts et stables alors nous sommes facilement empêchés par le désir des choses qui nous sont actuellement agréables.
Je ne veux pas me poser en moralisateurs de moeurs, mais je sais que si nous n'avons pas de fermeté et ne serait- ce que le sens de la fermeté ( ou du courage ) je ne vois que le raisonnement suffise.
On est pratiquement obligé de sen remettre à un sens civique ou moral infrarationnel puissant .

Toute la morale de l' homme libre est fondé chez Spinoza sur un raisonnement : la Raison est universelle donc tout comportement de l' homme libre doit être jugé comme si tous les hommes faisaient comme lui. Que se passerait -il ?
<b>" l homme libre n'agit jamais frauduleusement ,mais toujours de bonne foi "</b>prop 72/4
Imaginons que l' homme libre soit fraudeur.(prop 72/4) il agirait par raison, frauder serait une vertu. Ce que Spinoza n admet pas . Et ce parce que les hommes ne conviendraient plus entre eux ( selon leur nature ).
Et pourtant leur nature serait bien d'être fraudeur .( tous )( ce que d'ailleurs de mon pt de vue ils sont un peu )

Je suis bien d"accord avec la prop 72/4 " l" homme libre n'agit jamais frauduleusement ,mais toujours de bonne foi " ,mais je ne suis pas certain qu'il agisse par <b>raison</b> plus que par <b>sentiment moral</b> .

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Messagepar sescho » 13 mai 2012, 19:22

hokousai a écrit :je pensais à ce que dit Spinoza ( scolie de laprop62/4)
...

C' est pour cela que je vous parlais de maximes morales ( générales ).

Je comprends mieux. Là Spinoza se place non au niveau du sage, mais au niveau de l'homme standard - ou disons, s'agissant de Spinoza et du texte en question, de l'homme standard haut (en termes de raison active.) Là, comme déjà dit, il y a un équilibre de fait entre la raison et les passions, et cet équilibre ne change pas facilement du tout (c'est pourquoi le sage est si rare.) Personne n'a jamais fait autre chose que ce qu'il s'imaginait, aussi fou soit-il au regard des autres, aller dans le sens de son bien propre au moment où il l'a fait. Et les compléments de Spinoza sont justes. Par exemple lorsque les fumeurs (j'en suis...) ont un gros problème de santé plus ou moins associé, la plupart du temps ils arrêtent ; mais avant, l'attrait de la cigarette qu'on a sous la main (et on fait toujours en sorte d'en avoir sous la main...) est plus fort que tous les avertissements - pourtant incontestables statistiquement - les plus sérieux ou crus... (cela a déjà été pris comme exemple sur le forum, de mémoire.)

hokousai a écrit :Spinoza parle du " désir qui naît de la connaissance du bien et du mal</b>, en tant que relative à l'avenir," certes, mais c'est toujours relativement à l'avenir que nous avons un désir qui nait de la connaissance du bien et du mal .

Je ne suis pas pleinement d'accord, ou disons que c'est seulement de cette sorte de désirs que le bouddha a parlé de se débarrasser. Les désirs actifs ne sont pas de cet ordre (comme je l'ai déjà dit ci-dessus, et le passage de Bhagavad Gita cité) : c'est avant tout un état d'esprit permanent, et si certes l'action est destinée à changer les choses, elle ne se projette pas pour autant dans l'avenir (qui n'existe pas réellement) : est fait ce qui doit être fait en l'instant, l'instant suivant dira quels sont les faits.

hokousai a écrit :Si nous n'avons pas de maxime ou de sentiment moraux forts et stables alors nous sommes facilement empêchés par le désir des choses qui nous sont actuellement agréables.
Je ne veux pas me poser en moralisateurs de moeurs, mais je sais que si nous n'avons pas de fermeté et ne serait- ce que le sens de la fermeté ( ou du courage ) je ne vois que le raisonnement suffise.
On est pratiquement obligé de sen remettre à un sens civique ou moral infrarationnel puissant .

Oui, des préceptes moraux ne sont pas la sagesse (auquel cas il n'y a plus besoin de préceptes : c'est automatique), mais sont ce qu'il y a de mieux à défaut. Le sage étant si rare, heureusement qu'il reste des hommes de bien. A un autre niveau, de même, il est bon que le vulgaire craigne, car s'il ne craignait pas, il prendrait toute licence pour aller là où ses passions l'incitent.

hokousai a écrit :Je suis bien d"accord avec la prop 72/4 " l" homme libre n'agit jamais frauduleusement ,mais toujours de bonne foi " ,mais je ne suis pas certain qu'il agisse par <b>raison</b> plus que par <b>sentiment moral</b> .

"Raisonnement" me semble réduire la raison au sens spinozien le plus étroit, et il reste que la connaissance intuitive du troisième genre - la seule haute connaissance - porte sur les mêmes choses que celle du deuxième. Pour moi, au sens fort de "sentiment moral", il n'y a pas de différence avec la raison. L'homme libre et l'homme vivant selon la raison ne font qu'un. Mis à part les cas où la survie est en jeu et qu'il n'y a pas d'autres moyens, etc., pour quelle raison abuser quelqu'un, si ce n'est pour obtenir les faux biens dont Spinoza fait la liste au début de TRE ? En tout cas, la générosité (qui porte sur les biens essentiels aussi, pour autrui) ne doit jamais être contredite. Maintenant c'est vrai que pour un commercial qui ne ruine pas ses clients en tout cas, dire toute la vérité a peut-être un côté suicidaire... A titre personnel, j'ai noté que je pouvais être à l'occasion (ce n'est pas ma fonction) bon vendeur par la franchise (là où c'est utile) et le service au client ; en mentant : impossible pour moi...
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Messagepar sescho » 14 mai 2012, 11:09

Une illustration des derniers propos par Arnaud Desjardins, en l’occurrence dans une reprise de Le Vedanta et l'inconscient, chap. "L'érosion du désir" dans Les formules de Swâmi Prajnânpad, chap. "Le Désir" :

« Be faithful to yourself as you are situated here and now.

Soyez fidèle à vous-même tel que vous êtes situé ici et maintenant.


« Soyez fidèle à vous-même tel que vous êtes situé (intérieurement et extérieurement) ici et maintenant. » Si vous avez vraiment une âme de disciple, cela vous fera progresser. Ce qui serait piétiner et tourner en rond pour celui qui n'a pas de recherche intérieure, deviendra pour vous une étape qui peut être franchie.

Nous abordons là un sujet grave et difficile. En effet, l'égoïsme, l'avidité, la luxure, la convoitise, s'ils ne sont pas mis en cause, interdisent la Libération, et la Libération est, en effet, le fruit du renoncement, de la mort à soi-même, du détachement, de l'abandon. Mais comment y parvenir ? Nous touchons là un point délicat. Une certaine morale est manifestement une prison, une cause de souffrance. Ceci est bien, cela est mal. Cette morale vous a été imposée du dehors. Elle a pour vous le prestige de la Religion, du Bien, de l'Idéal, mais elle est presque toujours un obstacle à la Libération. Certains sont restés en prison pour avoir été trop vertueux et d'autres ont échappé à la prison de l'ego pour avoir été vrais, fidèles à eux-mêmes et, par conséquent, moins vertueux selon les critères de la morale. Seulement, jeter la morale par-dessus bord est une démarche dangereuse. Conduite par l'ego et l'aveuglement, elle est cause de souffrance pour les autres et pour soi-même et elle crée un « karma » [Karma : loi de cause et d'effet et, en l'occurrence, des actions et de leurs conséquences] de plus en plus lourd par lequel on s'emprisonne au lieu de se libérer. C'est pourquoi vous devez avoir le courage d'échapper doublement à la facilité de dormir dans une morale que vous n'avez pas vraiment assimilée et la facilité qui consiste à abandonner toute morale et à vous laisser emporter de-ci de-là, au gré de vos impulsions du moment.

C'est à vous, au fur et à mesure de votre progression sur le chemin et sans oublier un but qui, lui, est un but de non-égoïsme, c'est à vous de voir, en votre âme et conscience, quel désir vous êtes décidé à accomplir et quel désir vous n'êtes pas décidé à accomplir. C'est à vous de trouver votre propre morale, une morale de disciple fondée sur la compréhension de ce qui vous rapproche ou vous éloigne de votre but. Il faut une grande rigueur pour échapper dans ce domaine aux roueries incroyables du mental. »



En prime (note : "Penser" n'a pas la même extension ici que chez Spinoza ; le raisonnement juste n'y entre pas : il s'agit de la pensée associative désordonnée, de la pensée affective : connaissance inadéquate et passions ; ce pourrait être remplacé par "imaginer" ou "travailler du chapeau") :

« « Penser » est un mot péjoratif du point de vue du chemin. La pensée ne peut évoluer que dans le monde des opposés que vous êtes appelés à dépasser. La pensée accepte, refuse, accepte, refuse, selon ses propres critères, ses propres références. Et elle ne sort plus de ces oppositions. Alors que la vision vous permet de dépasser les oppositions pour atteindre la neutralité, au-delà des opposés, au-delà du bon et du mauvais, au-delà du bien et du mal, et vous permet d'atteindre l'Être, ce qui est. Seule la vision pure vous permet de passer d'un monde irréel au monde réel. Voir, sans faire intervenir, même à l'arrière-plan, ce qui n'est pas.

La vision n'a pas de contraire. La vision, elle, est toujours une sans un second. Si je fais intervenir autre chose que ce qui est, je commence à penser. Et la vision, la véritable intelligence, ne consiste pas à penser mais uniquement à voir. Je vois en toute certitude ce qu'il faut voir et ce qui inévitablement découle de ce que je viens de voir. C'est ce que vous pouvez appeler un raisonnement scientifique ou raisonner juste. Et cette vision de seconde en seconde induit l'action. L'action juste, l'action « spontanée » dont parlent les hindous et les bouddhistes est le résultat de voir. Mais pour voir, il faut éliminer complètement ce mécanisme dualiste de la pensée : ça ne devrait pas être, ça pourrait être.

Un grain de sagesse, chap. "Je suis ce que je suis". »
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Messagepar hokousai » 14 mai 2012, 15:26

à Serge

"Raisonnement" me semble réduire la raison au sens spinozien le plus étroit,

d'accord la Raison ce sont les idées adéquates.
J 'ai tendance en matière de morale à me poser des problèmes <b>précis</b> ( alors que vous parlez dans la généralité de la<b> sagesse</b> ).

Qu'en est -il du dilemme de l'objecteur de conscience (en temps de guerre s'entend )...par exemple et du point de vue spinoziste.

J' avais posé il y a quelques temps des petits problèmes éthiques recensés par Ruwen Ogien dans "l'odeur des croissants chauds" livre qui m' a particulièrement intéressé.
http://www.lemonde.fr/livres/article/2011/09/15/l-influence-de-l-odeur-des-croissants-chauds-sur-la-bonte-humaine-et-autres-questions-de-philosophie-morale-experimentale-de-ruwen-ogien_1572535_3260.html

http://rms.medhyg.ch/numero-319-page-2367.htm

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Messagepar sescho » 14 mai 2012, 19:30

hokousai a écrit :J 'ai tendance en matière de morale à me poser des problèmes <b>précis</b> ( alors que vous parlez dans la généralité de la<b> sagesse</b> ).

Je me place intellectuellement dans le cadre de la sagesse parce que c'est le phare. Sinon, nous sommes dans le relatif, et comme Spinoza le dit, autant de tête autant d'avis. Par ailleurs, s'agissant de l'ordre commun de la Nature, la certitude absolue n'existe pas (compétence technique forcément limitée), eu égards à l'infinité de déterminants ; il est donc normal qu'une incertitude plus ou moins grande subsiste. A la limite, des cas "super-marginaux" peuvent enfin faire que cette incertitude empêche toute conclusion raisonnée. Rien de cela ne met pour autant en cause la sagesse et l'éthique qui va avec.

Un cas simple est : dois-je intervenir pour sauver quelqu'un alors qu'il est clair que c'est réellement au péril de ma vie (bonne probabilité qu'il y ait non un mais deux morts, dont moi-même avec la pulsion de conservation qui m'est naturelle, ou qu'il n'y ait qu'un seul mort et que ce soit moi, etc.) ? Question de probabilité, de force physique, de chance, de priorité, etc.

La sagesse, et donc la morale naturelle qui l’accompagne, est intérieure. Elle comprend la religion et la générosité. C'est un état d'esprit permanent et indépendant des circonstances. Voilà l'essentiel. Ensuite il y a des circonstances, des connaissances techniques limitées, des incertitudes, etc. qui font la réalité. C'est juste normal, et ne remet aucunement en cause la loi éthique (qui consiste déjà, s'agissant de générosité, à agir sans nuire à personne quand on en a la liberté.)

On peut ajouter que de deux biens (pour soi ou pour l'autre) il convient de prendre le plus grand, de deux maux le plus petit, un petit mal pour un grand bien, etc.

hokousai a écrit :Qu'en est -il du dilemme de l'objecteur de conscience (en temps de guerre s'entend )...par exemple et du point de vue spinoziste.

Pour moi, Spinoza répond que l'Etat prime sur les positions individuelles, et que la loi fait office de bien dans l'état social. Donc la désertion est punie.

Sur les autres cas cités en exemple dans les critiques du livre, je n'en ai pas vu d'insurmontables (aiguillage : 5 contre 1 ; frère et sœur sans enfant : rien à faire ; ...), mais on peut certainement trouver marginal et donc difficile.
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Messagepar hokousai » 14 mai 2012, 20:58

à Serge

Pour moi, Spinoza répond que l'Etat prime sur les positions individuelles, et que la loi fait office de bien dans l'état social. Donc la désertion est punie.

Sauf si l' Etat est inique et dans ce cas on peut lui résister.
Mais tout état national n'est- il- pas par nature contraint in fine, un Jour ou l 'autre, de faire la guerre ?
Quand Spinoza affirme la souveraineté de l' Etat sur l'individu, il contraint tout individu à tuer et a à aller contre sa conscience morale.
Difficile d 'exiger de l' individu qu'il en ait une.

Et effectivement Spinoza n exige pas qu'il en ait une mais qu'il suive la Raison . Et la Raison est là<b> un raisonnement</b> . Isolé l'individu est faible, la collectivité est forte donc l'individu doit se soumettre à la loi collective .

Oui mais dans l'exercice de cette souveraineté collective bien des individus perdent la vie, la collectivité sort parfois très affaiblie des conflits armés.
On peut espérer un jour voir vérifié ce que dit Spinoza <b>"" Dans l' état démocratique l' absurde est moins à craindre, il est presque impossible que les hommes unis en un tout s'accordent en une absurdité""</b>
Je ne vois pourtant pas que la "démocratie" soit le critère primordial dans l'affaire. J'y vois plutôt la dissolution de l'idée et du fait de <b>l'état nation</b>.

L' organisation féodale du monde en Etats- nationaux implique la guerre. La guerre oblige à passer sur l' obligation morale de ne pas nuire à son prochain.

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Messagepar sescho » 15 mai 2012, 18:21

hokousai a écrit :
Pour moi, Spinoza répond que l'Etat prime sur les positions individuelles, et que la loi fait office de bien dans l'état social. Donc la désertion est punie.

Sauf si l' État est inique et dans ce cas on peut lui résister.

Le problème là c'est que chacun se fait du bien une idée personnelle - qui n'est vraie que dans le cas du sage, qui lui est rarissime. Donc, comme dit Spinoza, si chacun se met à contester la loi en fonction de ses conceptions propres, c'en est fini de l’État... Par ailleurs, l'homme que conduit la raison a compris qu'un pacte social est bien supérieur à la sauvagerie, en particulier à titre individuel ; en conséquence, il privilégie par dessus tout la continuité de l’État, même imparfait de son point de vue personnel - ce qui ne l'empêche nullement de proposer légalement des modifications de la Loi allant vers plus de raison - et admet de découpler la raison individuelle de la loi de l’État, par la raison d’État même. De suivre la loi de l’État, qui fait office de bien, lui ôte, selon la raison même, tout conflit intérieur.

Mais il est vrai qu'il y a de ces États qui n'en sont pas vraiment, le pacte social consenti par le peuple n'étant pas réellement ; tout particulièrement les États qui veulent contrôler les consciences (totalitaires), comme le dit Spinoza ; et les tyrannies en général. Alors, dit Spinoza, quand bien même toute forme d’État serait-elle supérieure à la sauvagerie, ces États faibles (ceci n'étant pas une question de force matérielle, militaire, économique ou autre, mais de force psychologique collective) suscitent - de fait - les rébellions (qui sont la preuve de sa faiblesse.)

hokousai a écrit :L' organisation féodale du monde en Etats- nationaux implique la guerre. La guerre oblige à passer sur l' obligation morale de ne pas nuire à son prochain.

Je suis pleinement d'accord avec vous pour dire que les États-Nations ne peuvent pas être ce que conseille ultimement la raison. C'est impossible ; en tant qu'individus les États-Nations doivent se fédérer, comme les individus humains le font dans l’État-Nation. Il n'y a aucune raison pour que la raison s'arrête à l’État-Nation, bien au contraire.

Maintenant il faut être pragmatique : l'organisation est encore actuellement aux États-Nations, avec un fléchissement lent mais sûr, conformément à ce qu'indique la raison. On doit tendre à cela, mais sans jamais mettre en danger l’État même ; car l'absence d’État est encore bien pire que la guerre entre États : la guerre civile généralisée. Les cultures politiques sont encore très diverses dans le Monde, et on ne peut pas en faire abstraction sans mettre gravement en danger l’État (d'où la grande dangerosité du politiquement correct et de l'angélisme - cf. "les missiles sont à l'Est et les pacifiques à l'Ouest.") Par ailleurs, de manière générale, la raison n'interdit nullement la sanction : si on m'agresse, il est raisonnable que je pare au mieux (A : "C'était mon destin de voler" ; B : "Et aussi d'être puni"). "Tendre la gauche" n'est pas raisonnable dans tous les cas. La générosité n'est pas la faiblesse : "qui aime bien châtie bien." Etc.

C'est bien par la confrontation pacifique - même assez agressive ; la guerre entre États-Nations ne peut pas non plus être posée en règle générale : heureusement, c'est devenu l'exception actuellement - jusqu'à la collaboration forte que les individus États-Nations se socialiseront encore un peu plus, et encore...
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Messagepar hokousai » 17 mai 2012, 22:40

Maintenant il faut être pragmatique
Oui bien sûr.Ce qui renvoie aux circonstances .
Spinoza vivait dans un certain contexte d' états sinon nationaux du moins assez différenciés , hostiles et belliqueux. Difficile pour lui d'entrevoir la paix perpétuelle telle que Kant la conçoit plus tard (encore que du temps de Kant (1795) les choses ne fussent guère plus paisibles ). Il est bien évident que l'état de guerre potentielle induit une allégeance absolue de l'individu à l'autorité du souverain.
Ce qui est bien fâcheux pour le statut existentiel au physique comme au moral de la personne humaine... concept de<b> personne</b> (cf le personnalisme de E Mounier et autres penseurs chrétiens ). Cela dit le principe de kant "ne pas considérer autrui comme moyen" me semble tout à fait pertinent .
<b>"Traite toujours autrui comme une fin et jamais seulement comme un moyen"</b>

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Re: Spinoza, bouddhisme et advaïta vedanta

Messagepar phillipe » 01 févr. 2014, 12:22

Pour Spinoza dieu est le monde. Dans l'advaïta vedanta de Shankara, le monde n'est que mirage (maya) en vertu de notre ignorance (avidya, "nescience") ; bien difficile alors de dire ce qu'est le monde pour cet "auteur" (je dis bien auteur et non guru, car pour qu'il y ait guru il en faut au moins un qui se "gure" en se découvrant une âme de disciple, ce qui n'est pas mon cas), sinon quelque chose comme - paradoxe oblige - "une réalité conventionnelle non réelle" (pour le reste débrouillons-nous pour comprendre, si nous pensons (naïvement ? :) ) qu'existe une "réalité profonde et sublime" sous cet amusant verbalisme 8O ). Toujours selon les conceptions de Shankara, l'atman-brahman ne peut être confondu avec le monde chimérique conventionnel (bèèèk) qui fait notre quotidien. Mais la question fuse alors : si tout est brahman, et que maya n'est pas brahman, d'où viennent maya et l'ignorance qui la "génère" ? C'est sans doute cette incohérence qui a conduit un certain nombre d'auteurs ultérieurs à revisiter l'advaïta-vedanta pour lui donner tout de même (hihi :twisted: ) une consistance un peu plus "terrestre". À mon avis, c'est donc plutôt du côté de Ramanuja, de Nimbarka ou de Vallabha (par ex.) que l'on peut trouver des artéfacts théoriques (des "doctrines" quoi) se rapprochant davantage du fabricat spinozien. Sauf que bien sûr, il y a des tas de différences (on peut toujours dire ça). Par exemple Spinoza est plutôt dans une approche intellectualiste (amor dei intellectis) (l'approche jnana des orientaux), alors que les Indiens cités étaient des vishnouïtes bon teint engagés dans l'adoration suave de Krishna (Hare Hare ! , la bakhti). Mais chacun trouve pour son compte "le meilleur moyen de transport" vers le numineux. Sans compter bien d'autres distinctions possibles (celui qui en aura trouvé 15 le premier gagnera un pins). Voilà une belle discussion possible en perspective : Spinoza et les vishnouïtes védantistes :woh: . À titre personnel, ma position agnostique vis-à-vis, entre autres, de simple fabricats phraséologiques (tout ce dont il est question plus haut) ne m'empêche pas, sans doute un peu perversement, de m'y intéresse. Car il y a du génie (mais aussi de la misère) à vouloir ainsi construire des mondes par le simple jeu du verbe fétichisé.


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