Connaissance du troisième genre et hypnose

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
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Re: Connaissance du troisième genre et hypnose

Messagepar hokousai » 01 sept. 2014, 14:17

C' est très louable d insister. Humblement je dis que je ne vois plus de quelle hypnose on parle.

[quote="Billeter " ]« Sur ce thème de la retraite, du retour à soi, donc aux ressources du corps, je ne ferai qu’une remarque. La psychanalyse ne peut recommander le recours à ces forces-là parce que, somme toute, malgré l’audace de Freud, elle reste prisonnière du dualisme de Descartes. Elle part de la conscience diurne et, pour en sonder les soubassements, lui suppose un double négatif, l’inconscient. Elle s’est enfermée d’emblée dans ce paradigme spéculaire du conscient et de l’inconscient, et n’en est plus sortie. [/quote]

Assez proche de la critique acerbe de la psychanalyse que fait Michel Henry dans la " généalogie de la psychanalyse".

Mais le
qu’« il fallait concevoir le corps comme l’ensemble de nos facultés, de nos ressources, de nos forces, connues et inconnues de nous » (Leçons sur Tchouang Tseu p.119 – Allia 2002)

s'oppose à quelle autre conception ?

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Re: Connaissance du troisième genre et hypnose

Messagepar Vanleers » 01 sept. 2014, 20:53

A NaOh

Le corollaire d’E V 32 établit que :

« Du troisième genre de connaissance naît nécessairement un amour intellectuel de Dieu. Car de ce genre de connaissance naît une joie qu’accompagne l’idée de Dieu comme cause […]. »

Pierre Macherey commente (Introduction V … p. 155) :

« […] si l’état d’acquiescentia qui coïncide avec la pratique de la connaissance du troisième genre est bien une forme de joie, et même peut-être la forme de joie la plus haute qui soit, et si cette joie s’accompagne de l’idée de Dieu comme en constituant la cause, il est clair à présent que cette idée de Dieu ne peut valoir comme celle d’une cause extérieure. Car aimer Dieu d’un amour intellectuel, c’est l’aimer parce qu’on comprend sa nature éternelle, précisément de la manière qui a été établie dans les quinze premières propositions du de Deo : or de cette compréhension se dégage l’idée que la substance divine est cause, non pas relativement, mais absolument, donc en un sens qui n’a plus rien à voir avec la représentation d’une cause extérieure, c’est-à-dire d’une cause qui, en tant que cause, ne produit ses effets que parce qu’elle y est déterminée par une autre cause, et ainsi de suite à l’infini. »

Ceci est à rapprocher d’un autre commentaire de P. Macherey d’E I 28 :

« Ainsi la puissance infinie de la substance, considérée dans chacun de ses attributs, agit-elle dans les choses en sorte que celles-ci opèrent les unes sur les autres ou les unes à l’égard des autres, et ceci par l’intermédiaire des modes infinis comme le rappelle le scolie de cette proposition. Il ne faudrait pas en conclure que Spinoza distingue ainsi deux modèles de causalités, dont l’une, verticale, descendrait de la substance vers les modes, et l’autre, horizontale, s’étalerait sur le plan de la réalité modale : car la substance ne surplombe pas cette réalité, comme un ciel le ferait au regard d’une terre, mais elle l’anime de l’intérieur et du plus profond d’elle-même. La causalité absolue qui définit l’action divine et la causalité relative par laquelle se manifestent les rapports réciproques liant entre eux les divers éléments de la réalité modale, à l’intérieur du tout qui constitue cette réalité comme telle, c’est-à-dire telle qu’elle est produite par Dieu – l’infini, rappelons-le, ne produisant que de l’infini –, sont deux expressions différentes, à des points de vue distincts, de la même nécessité, celle qui définit la nature elle-même dans son rapport exclusif à soi, nécessité par laquelle elle s’effectue simultanément comme nature naturante et comme nature naturée. » (Introduction… I p. 179)

Ceci vous éclaire-t-il ?

Bien à vous

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Re: Connaissance du troisième genre et hypnose

Messagepar Vanleers » 02 sept. 2014, 11:20

A NaOh

Partant de l’expérience de l’acquiescentia, nous comprenons qu’elle a Dieu pour cause absolue et non relative.
Cette joie n’est pas au bout de l’Ethique mais à son départ. Nous ne le savions pas mais l’Ethique nous la révèle.
Nous comprenons également que :

« L’homme est cet être qui peut jouir de l’idée de Dieu. »

C’est Ariel Suhamy, que j’ai souvent cité, qui propose cette définition de l’essence de l’homme que Spinoza n’a pas donnée dans l’Ethique.
Le « peut » doit s’entendre ici au sens de la puissance et non de la possibilité.

Je vous avais déjà indiqué que l’on pouvait parler de « soi » lorsque nous sommes cause adéquate de ce que nous produisons, c’est-à-dire lorsque nous sommes actifs au sens d’E III déf. 2.
Nous étions alors dans le cadre de la connaissance du deuxième genre et nous aurions pu poser comme définition de l’essence de l’homme : l’homme est cet être qui peut être actif, pouvoir étant à prendre, ici aussi, au sens de puissance et non de possibilité.
Mais cette définition s’efface au profit de celle proposée par Suhamy, ce qui conduit à la notion d’un « soi » comme ce qui, en nous, aime Dieu.

Le « nous » de cet « en nous » peut être considéré sous l’aspect Pensée : notre esprit ou sous l’aspect Etendue : notre corps.
On devrait donc dire qu'à l’amour intellectuel de Dieu correspond un amour corporel de Dieu « par lequel le corps accède à l’éternité » (P. Macherey – commentaire d’E V 39 p. 182) mais Spinoza n'en parle pas explicitement.

La proposition E V 36 apportera cette précision capitale que « l’amour intellectuel de l’esprit envers Dieu est une partie de l’amour infini dont Dieu s’aime lui-même ».

Bien à vous

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Re: Connaissance du troisième genre et hypnose

Messagepar Vanleers » 03 sept. 2014, 10:56

A NaOh

J’aimerais revenir à votre phrase :

« Comment l’éthique Spinoziste qui est foncièrement égoïste peut se passer des notions de « soi », « d'ego » (par exemple : à quoi se réfère « l'utile propre » s'il n'y a nul « ego » et nul « soi » ?) »

Ecrire que l’éthique de Spinoza est foncièrement égoïste, nécessite de définir ce que l’on entend par ego.

Pour ma part, je dirai que l’on parle d’ego lorsqu’il y a conflit ou querelle d’ego et, plus généralement, lorsque l’homme se mesure à un ou des autres.
Mais on ne se mesure que par ce que l’on a de commun avec l’autre, c’est ce qu’implique la notion de mesure.
Or, Spinoza démontre que ce qui est commun ne constitue l’essence d’aucune chose singulière (E II 37)
Il faut rappeler ici qu’en raison de sa définition (E II déf. 2), il n’y a pour Spinoza qu’une distinction de raison entre l’essence d’une chose et la chose elle-même. Autrement dit, il n’existe que des essences singulières.

En conséquence, lorsqu’un homme vit sous le régime de l’ego, c’est-à-dire se mesure à d’autres, même rationnellement, il laisse fuir son essence et, paradoxalement, les abandonne, ces autres, comme le dit Lacan dans le passage suivant :

« Parmi ces hommes, ces voisins, bons et incommodes, qui sont jetés dans cette affaire à laquelle la tradition a donné des noms divers, dont celui d’existence est le dernier venu dans la philosophie, dans cette affaire, dont nous dirons que ce qu’elle a de boiteux est bien ce qui reste le plus avéré, comment se fait-il que ces hommes, supports tous et chacun d’un certain savoir ou supportés par lui, comment se fait-il que ces hommes s’abandonnent les uns les autres, en proie à la capture de ces mirages par quoi leur vie, gaspillant l’occasion, laisse fuir son essence, par quoi leur passion est jouée, par quoi leur être, au meilleur cas, n’atteint qu’à ce peu de réalité qui ne s’affirme que de n’avoir jamais été que déçue ? Voilà ce que me donne mon expérience, la question que je lègue en ce point sur le sujet de l’éthique. »
(Discours à l’université Saint-Louis de Bruxelles du 6 Mars 1960)

Dira-t-on encore que l’éthique de Spinoza est foncièrement égoïste ?

Bien à vous

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Re: Connaissance du troisième genre et hypnose

Messagepar Vanleers » 04 sept. 2014, 17:05

Toute l’éthique, c’est-à-dire l’art de vivre, consiste à être dans l’acquiescentia le plus possible.

« Mais il y faut de l’art et de la vigilance. Car les hommes [nous compris !] sont divers (rares en effet sont ceux qui vivent selon ce que la raison prescrit), et cependant la plupart sont envieux, et plus enclins à la vengeance qu’à la miséricorde. » (E IV Appendice ch. 13)

Si l’hypnose procure un apaisement accompagné de l’idée confuse d’appartenir à un tout, l’acquiescentia, qui naît de la connaissance du troisième genre, s’accompagne de l’idée explicite, c’est-à-dire claire et distincte, que Dieu en est la cause absolue.

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Re: Connaissance du troisième genre et hypnose

Messagepar NaOh » 06 sept. 2014, 19:29

Bonsoir Vanleers


Il y a lieu en effet de distinguer l’idée que forme un esprit, qui peut s’expliquer par cet esprit seul et celle qui ne peut pas s’expliquer par cet esprit seul.
Dans le premier cas, l’esprit est cause adéquate de cette idée et, dans le second, cause inadéquate (E III déf. 1)
Mais, dans les deux cas, cette idée s’explique toujours par un enchaînement d’idées « à l’infini » (E I 28)
Il n’y a là aucune contradiction.


Vous ne voyez pas sinon de la contradiction, du moins une certaine tension, entre ces deux aspects. Mais c'est que vous ne tenez pas compte, à mon avis, des déclarations de Spinoza concernant le caractère interne de la détermination d'une idée adéquate.

Nous divergeons manifestement. Tout se passe chez vous comme si le fait pour l'âme d'avoir une idée adéquate était le fruit d'une sorte de grâce et non le produit de son activité propre. D'où j'imagine votre insistance sur le thème de l'hypnose : on conçoit bien alors qu'il faille une sorte de « lâcher-prise » pour se laisser investir par la détermination divine. Je suis opposé à cette idée car elle me semble entraîner avec elle la passivité de l'âme. Lorsque Spinoza dit que l'idée adéquate peut s'expliquer par l'esprit seul, vous me semblez comprendre cela comme si c'était au fond une illusion : c'est Dieu qui détermine l'âme à avoir telle ou telle idée, celle ci accompagne « éventuellement » ce mouvement, alors les idées « paraissent » procéder d'elle seule et l'homme fait « cause commune » avec les déterminations extérieures. Tout ceci laisse derrière nous l'activité productive et intégrative de l'âme ainsi que son identification à la puissance de Dieu comme je l'ai déjà dit.

Sur le sujet de « l'égoïsme ». A vrai dire j'ai en tête l'énoncé de la proposition 19 partie IV. Soit :

Chacun appète ou a en aversion nécessairement par les lois de sa nature ce qu'il juge être bon ou mauvais.

Notez le « suae naturae ». L'utile propre est l'affaire de la nature de chacun. Mais cela n'empêche nullement que les hommes puissent s'accorder en nature, comme le montre le fait que Spinoza fait rentrer dans l'appareil démonstratif de la proposition 35, IV cette même proposition 19 IV. L'égoïsme bien compris mène à la concorde, ou à la vie commune sous la conduite de la raison. Nul danger « d'abandon » ou de laisser « fuir l'essence »...

Bien à vous.

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Re: Connaissance du troisième genre et hypnose

Messagepar hokousai » 06 sept. 2014, 23:40

NaOh a écrit :Je suis opposé à cette idée car elle me semble entraîner avec elle la passivité de l'âme.


Il y a pourtant une idée de passivité chez Spinoza . Lettre 23

Si pourtant vous demandez encore ce qui peut vous pousser à faire cette œuvre que je nomme « vertu » plutôt qu’une autre, je dis que je ne peux pas savoir quelle est la voie, parmi une infinité, dont Dieu se sert pour vous déterminer à cette œuvre. Peut-être que Dieu a imprimé clairement en vous l’idée de lui, de façon à ce que vous livriez le monde à l’oubli par amour pour lui et que vous aimiez les autres hommes comme vous-même ; et il est évident qu’à la constitution d’une telle âme contredisent toutes les autres choses qu’on appelle mauvaises et qui pour cette raison ne peuvent être dans cet individu. D’ailleurs ce n’est pas ici le lieu d’expliquer les fondements de l’Ethique ni de démontrer tout ce que je dis, parce que je n’en suis qu’à donner réponse à vos questions, et à les éloigner et les écarter.

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Re: Connaissance du troisième genre et hypnose

Messagepar Vanleers » 07 sept. 2014, 16:53

A NaOh

Dans son commentaire de l’Ethique, Pierre Macherey distingue « agir » et « opérer » selon que nous sommes cause adéquate ou non de ce que nous produisons.
Il ne s’agit pas d’opposer activité à passivité mais de distinguer deux régimes d’activité.
J’emprunte cette notion à Jean François Billeter qui a écrit un admirable chapitre sur le sujet dans ses Leçons sur Tchouang Tseu en distinguant le régime du Ciel (t’ien) et celui de l’Homme (jen) (p. 47)
Il souligne la proximité de Tchouang Tseu et Spinoza (p. 46) lorsque ce dernier écrit :
« […] tout cela montre assez que le Corps, par les seules lois de sa nature, a le pouvoir d’accomplir de nombreuses actions qui étonnent son propre Esprit. » (E III 2 sc.)
Pour Tchouang Tseu, le modèle de l’homme véritablement actif c’est l’artisan accompli qui exécute le geste parfait, instinctivement et sans réfléchir.
Pour ma part je dirais qu’être véritablement actif c’est agir en état d’acquiescentia. C’est le cas, par exemple, du champion de tennis lorsqu’il joue en étant parfaitement « relâché ».
Nous retrouvons l’hypnose qui vise un apaisement plénier, corps et âme.
Je note au passage que l’acquiescentia spinoziste est non seulement une joie plénière mais aussi une joie stable (catastématique disent les Epicuriens). Citons la fin du scolie d’E V 33 :
« Que si la Joie consiste dans le passage à une plus grande perfection, la béatitude doit à coup sûr consister en ce que l’Esprit est doté de la perfection même. »

Comme je vous l’ai déjà écrit, pour parler d’égoïsme, il faut s’entendre sur ce que l’on appelle l’ego.
Je vois plutôt l’ego comme le « moi social, qui n’a d’existence que dans le rapport aux autres » (JF Billeter Etudes sur Tchouang Tseu p. 132).
Comme l’argent, l’ego est un bon serviteur et un mauvais maître. Agir en effet totalement sous la contrainte de l’image que nous offrons au regard des autres, c’est, à coup sûr, ne pas agir mais opérer au sens de P. Macherey.

Vos remarques sur « L’égoïsme à la Spinoza » m’amènent à donner, à nouveau, deux citations de Sévérac que je trouve éclairantes ( Union et Désunion p. 176) :

« Vis, conatus, cupiditas : force, effort, désir. Ces trois concepts renvoient à la même réalité, celle d’une puissance de vie qui fait « tout son possible » (sans reste) pour conserver son être. La force (vis) est cette puissance en tant qu’elle est comprise à partir de la puissance éternelle de Dieu. L’effort (conatus) est cette puissance en tant qu’elle est considérée comme impliquée dans une existence en commerce avec d’autres existences. Le désir (cupiditas) est encore cette même puissance, en tant qu’elle est déterminée, par une quelconque affection, à faire quelque chose de particulier. »

« Les trois concepts mis en relation – force, effort, désir – permettent donc de penser de façon de plus en plus précise l’essence humaine et ses propriétés : pas de désir sans un effort de persévérance ; pas d’effort sans une force essentielle exprimant précisément la puissance de Dieu. »

Bien à vous

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Re: Connaissance du troisième genre et hypnose

Messagepar Vanleers » 20 sept. 2014, 14:58

François Roustang, dans un passage de Savoir attendre (Odile Jacob 2008), définit clairement ce qu’est l’induction hypnotique et ce qu’elle vise :

« L’induction a pour visée la destruction de notre système de coordonnées figé ou restreint et, par le fait même, de nous ouvrir, fût-ce quelques instants, à un nouveau complexe relationnel souple et ample. La force qui est alors ressentie naît du fait que nous ne disposons plus seulement de nos propres forces, mais de toutes celles qui nous sont octroyées par le réseau multiforme dans lequel nous sommes placés et par lequel nous acceptons d’être façonnés. La force ou la faiblesse d’un vivant humain est une fonction relationnelle. Si les liens aux autres et au monde sont limités en nombre et en qualité, ou bien s’ils reproduisent toujours les mêmes formes, nous demeurons exténués, au bord de la dépression ; si, au contraire, ces liens sont innombrables et toujours prêts à s’adapter aux fluctuations de l’environnement, alors la puissance est à notre porte.
Le lâcher-prise que suscite l’induction, dans une cure qui utilise l’hypnose, a précisément pour effet d’ouvrir les portes et les fenêtres de notre demeure pour laisser pénétrer le souffle porteur de toutes les formes d’autres vies. » (pp. 35-36)

Relevons les points de convergence avec Spinoza.
L’Ethique, elle aussi, vise à nous libérer de « notre système de coordonnées figé ou restreint » Elle insiste sur la vertu de l’enrichissement :

« Ce qui dispose le Corps humain a pouvoir être affecté de plus de manières, ou ce qui le rend apte à affecter les corps extérieurs de plus de manières, est utile à l’homme : et d’autant plus utile qu’il rend le Corps plus apte à être affecté, et à affecter les corps extérieurs, de plus de manières ; et est nuisible, au contraire, ce qui y rend le Corps moins apte. » (E IV 38 – voir aussi E II 14 et E V 39)

Le sage a conscience (connaissance) de la richesse de ses « liens aux autres et au monde » et, à la fin de l’Ethique, Spinoza insistera sur la conscience de soi, de Dieu et des choses : trois fois dans le scolie d’E V 39 et une fois dans celui d’E V 42.

Alors que « Nous sommes figés dans nos problèmes d’existence parce que nous avons réduit [la] situation [actuelle] a un nombre limité de facteurs auxquels nous sommes habitués » (op. cit. p. 151), Spinoza expose, dans la cinquième partie de l’Ethique, les moyens de débloquer les situations qui nous attristent (qui restreignent notre puissance).
Il en fait une première synthèse dans le scolie d’E V 10 et il est frappant de constater qu’il s’agit, à chaque fois, de passer outre, de dépasser les conflits auxquels nous sommes accrochés, de nous en dés-inter-esser.
Les conflits sont alors résolus en les replaçant dans un cadre plus large, plus riche dans lequel « leur pauvreté et leur rigidité se dissolvent » (ibid.)
Même si F. Roustang écrit que « les humains tiennent plus à leurs souffrances qu’à leur bonheur » (ibid. p. 53), Spinoza termine le scolie par un mot d’encouragement :

« Et qui observera diligemment cela (et en effet ce n’est pas difficile) et s’y exercera, celui-là oui, en peu de temps il pourra diriger la plupart de ses actions sous l’empire de la raison »

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Re: Connaissance du troisième genre et hypnose

Messagepar Vanleers » 22 sept. 2014, 14:52

François Roustang se présente comme un hypnothérapeute qui, à propos de la guérison d’un symptôme, écrit :

« Il ne peut y avoir de modification d’un symptôme que par son intégration à l’ensemble de l’existence. Par le symptôme, le tissu que composait l’existence entière a été déchiré en un ou plusieurs points. » (Savoir attendre p. 99)

Il s’agit donc de « faire disparaître l’accroc » et Spinoza ne dit pas autre chose en écrivant que le sage est conscient de soi, de Dieu et des choses.
Il faut en effet comprendre ici que cette conscience ou connaissance n’est pas théorique mais que le sage s’est réconcilié avec lui-même, Dieu et les autres.
Cette notion de réconciliation est contenue implicitement dans l’acquiescentia.
Le sage fait disparaître les accrocs par la connaissance rationnelle comme Spinoza le montre dans le scolie d’E V 10, et, notamment par la connaissance du troisième genre qu’il explicite dans la deuxième moitié de la cinquième partie de l’Ethique.
Lacan pointe, lui aussi, cette fin de réconciliation :

« La fin que propose à l’homme la découverte de Freud, a été définie par lui à l’apogée de sa pensée en des termes émouvants : Wo es war, soll Ich werden. Là où fut ça, il me faut advenir.
Cette fin est de réintégration et d’accord, je dirai de réconciliation (Versöhnung). » (Ecrits - Editions du Seuil 1966 p. 524)

L’hypnose vise cette fin en mettant en œuvre certains pouvoirs du corps peu ou mal connus et F. Roustang se réfère à Spinoza et au célèbre scolie d’E III 2 dans lequel il écrit « […] ce que peut le Corps, personne jusqu’à présent ne l’a déterminé » (voir par exemple La fin de la plainte – Odile Jacob 2000 p. 144).
En particulier, Spinoza cite les somnambules qui « dans leur sommeil font maintes choses qu’ils n’oseraient pas faire dans la veille »
Nous n’avons donc pas de raison de douter a priori de l’efficacité de l’induction et de la transe hypnotiques, efficacité qui ne peut que se constater ou non par l’expérience, a posteriori.
La vraie question, ici, a trait à l’articulation de l’hypnose avec l’Ethique dans laquelle « la présence du corps est indiquée […] comme en pointillé, sur une sorte de ligne d’accompagnement, l’exécution de la mélodie principale restant réservée à l’âme. », comme l’écrit Pierre Macherey (cité dans un précédent message)


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