traduction de "est" et "esse"

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
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Messagepar hokousai » 23 sept. 2006, 14:10

à miam


""""""""Un travail de bénédictin, c'est ça: retracer, à partir de 160 copies d'un texte d'une cinquantaine de pages du philosophe grec Aristote (384-322 av. J.-C.), celui qui est le plus près de l'original. Il aura fallu quatre années à Richard Bodéüs pour établir le texte lui-même, puis autant pour le traduire, l'annoter et l'interpréter. Ce texte, c'est le traité des Catégories, tiré de l'Organon, oeuvre maîtresse du prince des philosophes.""""""""""""""
Robert Matthieu Sauvé (2000)

( je relève » texte original !!! »)

Je sais très bien qu'il y a un problème d' attribution . Dès l'apparition de texte attribués à Aristote il y eut un questionnement sur leur authenticité .Les textes ne portaient pas la signature identifiable (de la main) d' Aristote (idem pour Platon )

Deuxième problème : la traduction

Si on lit le grec n’ y a -il plus de problèmes ? Il semblerait .Rien n’est moins certain . Car que signifie ce grec que nous savons lire ?
Je lis des textes de Descartes en français certaines explications érudites me montrent que je ne comprends pas dans l’esprit de l’époque , je comprends dans la mesure où j ai encore accès à l’esprit de l’époque ( sous réserves ).Descartes est encore proche de moi , mais Aristote ? Et le grec d’ Aristote ?

C est qu’ il ne suffit pas de lire grec ou le latin .Comprenez vous mieux Spinoza en le lisant en latin quand vous êtes latiniste ?Rien n’est moins certain .Vous pouvez bien être un brillant latiniste et médiocre philosophe .

Paul Veyne estimait il y a peu qu’il était plutôt inutile d’ enseigner le latin(et le grec) que quelques spécialistes suffisaient qui auraient consacré leur vie entière à comprendre celui des romains .C’est une provocation qui lui a sans doute valu des réponses enflammées.

hokousai

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Messagepar Louisa » 24 sept. 2006, 01:29

Bonjour hokusai,

hokusai a écrit :Spinoza met l’intellect et son activité langagière en priorité (voire en exclusivité) .
Difficile de soutenir que le spinozisme est une voie (vers la béatitude ) sans langage.


Que vous écrivez ceci est assez étonnant, car j'ai l'impression que c'est précisément Spinoza qui, à l'encontre de beaucoup de philosophes du XXe, d'une part distingue très clairement intellect et langage, et d'autre part refuse une séparation absolue entre idée et affect.

Pour la distinction idée-mots, prenons p.e. l'E2P49 scolie, où il dit:

Ensuite, il est nécessaire qu'ils distinguent entre les idées et les mots par lesquels nous signifions les choses. [...] Car l'essence des mots [...] est constituée seulement de mouvements corporels, qui n'enveloppent pas du tout le concept de la pensée.

Cela implique-t-il que toute connaissance est nécessairement non-corporelle? Regardons la définition que Spinoza donne de l'affect, E3DEFIII:

Par Affect, j'entends les affections du Corps, qui augmentent ou diminuent, aident ou contrarient, la puissance d'agir de ce Corps, et en même temps les idées de ces affections.

La voie spinoziste vers la béatitude est donc effectivement une voie qui passe par l'intellect ou la connaissance, mais justement, chez Spinoza cela veut dire qu'elle est non-langagière et affective. Toute la difficulté, il me semble (pour nous, hommes/femmes du XXe) réside dans le fait d'essayer de concevoir un intellect non-langagier et affectif. C'est pourtant ce que Spinoza propose d'essayer de penser (l'exemple de bardamu de la natation me semble correcte, mais il a comme désavantage de se concentrer sur une activité que traditionnellement nous avons tendance à ne pas considérer comme 'intellectuelle'. Pour 'expérimenter' en quoi la pensée opère essentiellement de façon non-langagière, il est peut-être plus facile de se souvenir comment on a la première fois compris l'une ou l'autre démonstration mathématique: la 'Aha-Erlebnis' ou le sentiment d'euréka' ne résultent aucunement de l'un ou l'autre mot ... il nous a suffit de ressentir du coup que la démonstration est 'vraie', de ressentir que nous la comprenons. Là aussi, il s'agit d'une compréhension totalement non-langagière).

C'est aussi pourquoi Reiner Wiehl p.e. prétend que ce qui est (notamment) commun entre Nietzsche et Spinoza, c'est de faire de la connaissance 'la plus puissante des passions'. Ou, dans un langage proprement spinoziste, le plus puissant des affects.

Sur quoi vous baseriez-vous donc pour soutenir l'idée inverse (que la voie spinoziste vers la béatitude serait (exclusivement) langagière)?
Cordialement,
Louisa.

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Messagepar hokousai » 24 sept. 2006, 12:51

chère Louisa


Je faisais remarquer à miam qu’en parlant d’ hénologie plutôt que de théologie(‘ à propos d’ Aristote )c’était jouer sur les mots à tout le moins tant que l’idée n’’en était pas plus expliquée .
Que je sache à la différence d un maître zen(exemple limite ) Spinoza se tient un discours intérieur lequel il extériorise en écrivant. Plus , il incite le lecteur à tenir le même discours intérieur le laissant libre dans une certaine mesure d 'en développer par lui-même.

Les idées (celle du cercle par ex ) sont adéquates une fois bien exprimées dans le langage , c’est du moins l’exemple que Spinoza donne à voir .(dans un langage que d’ ailleurs il devait estimer assez précise : le latin )

hokousai

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Messagepar Louisa » 24 sept. 2006, 19:56

Bonjour hokusai,

hokusai a écrit :Que je sache à la différence d un maître zen(exemple limite ) Spinoza se tient un discours intérieur lequel il extériorise en écrivant.


Pensez-vous à des énoncés concrets de Spinoza qui vous font croire que par ses écrits il n'exprime pas des pensées mais du langage?

hokusai a écrit :Plus , il incite le lecteur à tenir le même discours intérieur le laissant libre dans une certaine mesure d 'en développer par lui-même.


Comme il situe la béatitude dans la connaissance, et que la connaissance relève de l'Esprit, tandis que tout discours relève du Corps, je ne vois pas trop comment il pourrait conseiller un 'discours' à ses lecteurs. Donc idem: pensez-vous à des énoncés spécifiques pour croire que Spinoza espère éveiller en nous non pas des idées mais un discours?

hokusai a écrit :Les idées (celle du cercle par ex ) sont adéquates une fois bien exprimées dans le langage , c’est du moins l’exemple que Spinoza donne à voir .(dans un langage que d’ ailleurs il devait estimer assez précise : le latin )


Idem: voyez-vous des énoncés de Spinoza qui posent cela comme condition, qui posent donc l'expression dans le langage comme condition de l'adéquation d'une idée?
Personnellement, j'ai plutôt l'impression que Spinoza caractérise l'adéquation d'une idée par le fait d'être ressenti comme claire et distincte. Je ne vois pas en quoi un passage par le langage serait nécessaire pour obtenir une telle idée.

Etes-vous sûr de ne pas confondre fins et moyens? Fin de Spinoza: communiquer ses idées. Moyen: le langage. Ne déduisez-vous pas du simple fait que Spinoza, comme tout philosophe, communique ses idées par le biais du langage, qu'il adhèrerait à une théorie du langage qui identifie pensée et langage? Si oui: je crois que cette déduction soit intenable. Tout philosophe communique par le langage, mais cela ne l'oblige pas du tout à adhérer à cette théorie du langage très particulière qui identifie langage et pensée. Les philosophes ont inventé une panoplie de théories du langage. Il me semble que celle de Spinoza n'a rien à voir avec une identification pensée-langage, précisément parce que pour lui la pensée est de l'ordre de l'Esprit et le langage de l'ordre du l'Etendu (du Corps), et nous savons que pour lui, aucune communication entre ces deux attributs n'est possible.
Cordialement,
Louisa.

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Messagepar hokousai » 25 sept. 2006, 17:35

chère Louisa

"""""""""""""""Pensez-vous à des énoncés concrets de Spinoza qui vous font croire que par ses écrits il n'exprime pas des pensées mais du langage?""""""""""""""""

Non pas
Rien ne me fait croire que quiconque exprime non des pensées mais du langage .
En revanche non seulement Spinoza exprime ses pensée dans un langage mais il valorise cette expression .. Un maître zen ne vous dit rien (en plus s’il parle c’est en japonais une langage que vous ne comprenez pas) il ne valorise pas l’ expression des idées par le langage .

Je n’identifie pas du tout langage et pensée . J’estime que la pensée est plus claire quand elle est exprimée par un médium quel qu’il soit et le langage articulé ( celui des mots ) est choisi par Spinoza ( puisqu 'il n’est ni peintre, ni danseur ni chien aboyant )
Avez -vous donc beaucoup d idées sur lesquelles vous ne pourriez mettre aucun mot ?
............................................


"""" pensez-vous à des énoncés spécifiques pour croire que Spinoza espère éveiller en nous non pas des idées mais un discours? """""""

Le TRE incite à rechercher d’une définition convenable laquelle est l’ expression d’une idée , sa concrétisation , sa prise de forme.
Quel est le rôle du corps dans l’idée de justice ou de coordonnée d ‘un point , ou dans la résolution de la maintenant célèbre conjecture de poincarré . La plupart des idéees sont certes rapportées plus ou moins à l 'étendue mais pas toutes .Comment rapportée le cogito à l'étendue ?

...............................................

""""""" Personnellement, j'ai plutôt l'impression que Spinoza caractérise l'adéquation d'une idée par le fait d'être ressenti comme claire et distincte. Je ne vois pas en quoi un passage par le langage serait nécessaire pour obtenir une telle idée."""""""""""""

La clarté et la distinction est à votre appréciation mais je crains que la privation de langage n’appauvrisse considérablement le stock de vos idées .Ce sera certes difficile d’en juger vu que vous ne les exprimerez pas , pas par un langage quel qu’il soit puisque vous refusez cette médiation .


hokousai

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Messagepar Louisa » 25 sept. 2006, 21:31

Bonsoir hokusai,

hokusai a écrit :En revanche non seulement Spinoza exprime ses pensée dans un langage mais il valorise cette expression .. Un maître zen ne vous dit rien (en plus s’il parle c’est en japonais une langage que vous ne comprenez pas) il ne valorise pas l’ expression des idées par le langage .


Je ne connais rien du zen, mais si l'on n'y valorise pas l'expression des idées par le langage, sans doute cela constitue effectivement une différence d'avec Spinoza.
Or valoriser n'est pas identifier. Pour Spinoza, lire un livre donne avant tout lieu à de la connaissance par le biais des signes, ou par l'ouï-dire. Ce que personnellement j'apprécie chez lui, c'est qu'il ne le rejette pas entièrement. Au contraire, comme vous le dites, il le valorise, en l'appelant connaissance. Mais ce n'est qu'une connaissance du premier genre. Et là justement, on est en plein dans le confus et l'inadéquat. C'est pourquoi on ne peut pas dire, à mon avis, que pour Spinoza on ne peut avoir des idées adéquates qu'une fois exprimées par le langage, comme vous l'écriviez ci-dessous. Le langage nous permet d'avoir un premier genre de connaissance. Il ne permet pas d'atteindre l'adéquation.

hokusai a écrit :Je n’identifie pas du tout langage et pensée . J’estime que la pensée est plus claire quand elle est exprimée par un médium quel qu’il soit et le langage articulé ( celui des mots ) est choisi par Spinoza ( puisqu 'il n’est ni peintre, ni danseur ni chien aboyant )
Avez -vous donc beaucoup d idées sur lesquelles vous ne pourriez mettre aucun mot ?


Si j'essaie de répondre à la question de manière spinoziste, je dirais: oui. Mais par définition, je ne peux pas en dire plus ... :)

hokusai a écrit :
Louisa:
"""" pensez-vous à des énoncés spécifiques pour croire que Spinoza espère éveiller en nous non pas des idées mais un discours? """""""

hokusai:
Le TRE incite à rechercher d’une définition convenable laquelle est l’ expression d’une idée , sa concrétisation , sa prise de forme.
Quel est le rôle du corps dans l’idée de justice ou de coordonnée d ‘un point , ou dans la résolution de la maintenant célèbre conjecture de poincarré . La plupart des idéees sont certes rapportées plus ou moins à l 'étendue mais pas toutes .Comment rapportée le cogito à l'étendue ?


Vous souvenez-vous de l'endroit précis où vous avez lu ceci dans le TRE?
Et la question est une question que Spinoza s'y pose, ou c'est vous qui la posez?

hokusai a écrit :

""""""" Personnellement, j'ai plutôt l'impression que Spinoza caractérise l'adéquation d'une idée par le fait d'être ressenti comme claire et distincte. Je ne vois pas en quoi un passage par le langage serait nécessaire pour obtenir une telle idée."""""""""""""

La clarté et la distinction est à votre appréciation mais je crains que la privation de langage n’appauvrisse considérablement le stock de vos idées .Ce sera certes difficile d’en juger vu que vous ne les exprimerez pas , pas par un langage quel qu’il soit puisque vous refusez cette médiation .


En ce qui concerne la clarté et distinction et son lien avec la vérité et l'adéquation: quelques exemples:

- E1P8 scolie II: "une idée claire et distincte, c'est-à-dire vraie'
- E2P29 corollaire: "n'a ni de lui-même, ni de son Corps, ni des corps extérieurs une connaissance adéquate, mais seulement une connaissance confuse et mutilée" (donc: inadéquat = confus et mutilé, l'inverse du clair et distinct)
- E2P35: "les idées inadéquates, autrement dit mutilées et confuses"
- E2P36: "les idées adéquates, autrement dit claires et distinctes".
Et ainsi de suite.

Sinon ni moi-même ni Spinoza, il me semble, 'refusons' la médiation par le langage, mais justement, il s'agit d'une médiation. Cette médiation sert à communiquer ou exprimer des idées. Or avant de pouvoir les communiquer ou exprimer, et faut d'abord les AVOIR. Cela implique que l'idée doit déjà être adéquate avant d'être exprimée. Et donc que cela ne peut pas être le langage qui rend l'idée adéquate, comme vous l'écriviez, mais bel et bien la clarté et distinction avec lesquelles l'Esprit les conçoit, il me semble.
Cordialement,
Louisa

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Messagepar hokousai » 26 sept. 2006, 00:33

chère Louisa



"""""""""Vous souvenez-vous de l'endroit précis où vous avez lu ceci dans le TRE? """""""""""

dans le paragraphe 41

.......................................

"""" Or avant de pouvoir les communiquer ou exprimer, et faut d'abord les AVOIR. Cela implique que l'idée doit déjà être adéquate avant d'être exprimée. """"

peut-être, je ne comprends pas bien (en fait pas du tout ) ce que peut être une idée pour moi avant d'être exprimée ? je ne vois pas en quoi réside cet avoir . Vous possédez une idée qui n’est pas exprimée donc qui peut être sans être exprimable ***
Vous savez ce que vous pensez mais sans le savoir

Spinoza prend l’exemple de la causa sui
il me semble qu’il sait alors qu’il pense à la causa sui
Vous voudriez dire qu’il le sait avant de le savoir ? Il parle pourtant de méthode réflexive( c’est à dire de conscience de ce qu’il sait )

hokousai

**** ça ressemble à la » matière » des scolastique ; il faut bien qu’elle soit
elle est indistinguable mais il faut bien qu’elle soit .
c’est donc une supposition .

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Messagepar Louisa » 26 sept. 2006, 13:04

Cher hokusai,

je viens de reprendre le TRE par 41, mais je ne vois pas trop le lien entre ce qui est écrit là et votre commentaire. Pourriez-vous un peu l'expliciter?

hokusai a écrit :
Louisa:
"""" Or avant de pouvoir les communiquer ou exprimer, il faut d'abord les AVOIR. Cela implique que l'idée doit déjà être adéquate avant d'être exprimée. """"

hokusai:
peut-être, je ne comprends pas bien (en fait pas du tout ) ce que peut être une idée pour moi avant d'être exprimée ? je ne vois pas en quoi réside cet avoir . Vous possédez une idée qui n’est pas exprimée donc qui peut être sans être exprimable ***
Vous savez ce que vous pensez mais sans le savoir


D'abord ce n'est pas parce qu'une idée n'est pas exprimée qu'elle n'est pas exprimable. Je peux avoir l'idée du soleil sans exprimer cette idée. Pourtant, si je veux communiquer à un être humain francophone que je pense à l'idée du soleil, il suffit d'utiliser le mouvement corporel 'soleil' pour que l'info passe et que l'idée soit donc exprimée.
Ce qui constituait cette idée avant qu'elle soit exprimée, c'est un tas d'images, d'infos et d'affections que le cours de ma vie m'a fait associer à l'idée du soleil. Beaucoup de ces choses peuvent être exprimées, mais pas toutes. Comment exprimer le sentiment du coucher de soleil que j'ai eu quand j'avais 14 ans ? Je pourrai l'approcher en utilisant du langage, mais ce langage ne remplacera jamais le sentiment en tant que tel. Pourtant, pour moi l'idée du soleil contient quelque part aussi ce sentiment, ensemble avec mille autres choses. Jamais je ne pourrai le repérer entièrement, et donc jamais je ne pourrai les exprimer 'adéquatement'. Mais cela n'empêche que sans elles, mon idée du soleil serait bien différente.

Quant à savoir ce qu'on pense: là aussi je crois que Spinoza n'a aucunement besoin de passer par le langage. Etre conscient du fait qu'on a une idée, c'est tout simplement avoir une idée de cette idée.

hokusai a écrit :Spinoza prend l’exemple de la causa sui
il me semble qu’il sait alors qu’il pense à la causa sui
Vous voudriez dire qu’il le sait avant de le savoir ? Il parle pourtant de méthode réflexive( c’est à dire de conscience de ce qu’il sait )


Je crois que vous confondez le fait de savoir qu'on a une idée, et l'expression de cette idée. Pourtant, pour être conscient du fait que j'ai mal au doigt p.e. il suffit de ressentir la douleur et d'en avoir une idée (de savoir que la douleur vient du doigt et pas de la tête p.e.). Même si on ne sait pas du tout comment exprimer cette idée en langage, et qu'on n'essaie peut-être même pas, toujours est-il qu'on sait parfaitement qu'on a mal.
La méthode réflexive ne demande pas de pouvoir mettre des mots sur les idées avant de savoir qu'on les a. Elle demande seulement d'avoir une idée de l'idée.

hokusai a écrit :**** ça ressemble à la » matière » des scolastique ; il faut bien qu’elle soit
elle est indistinguable mais il faut bien qu’elle soit .
c’est donc une supposition .


Oui et non je dirais. Il faut bien que l'idée soit avant que l'on puisse l'exprimer en langage, ça oui. Mais idée et mot sont absolument DIFFERENT du fait que l'idée est spirituelle et le mot corporel. Dès qu'on essaie d'exprimer l'idée en mots, on la retraduit dans un autre registre. On y ajoute quelque chose de l'ordre des signes. Et on choisit les signes qu'on utilise en fonction de son auditoire. Si celui-ci est japonais on vat choisir d'autres signes que s'il est francophone. Le lien entre signe et idée est purement conventionnel et toujours en partie 'traître'. Exprimer une idée en mots, c'est déjà la déformer un peu. Mots et idée sont donc absolument distinguables l'une de l'autre (chez Spinoza).
Bonne journée,
Louisa

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Messagepar Miam » 26 sept. 2006, 15:04

Bonjour Louisa, content de vous retrouver.

Sur le fond, je suis bien entendu d'accord avec vous. Mais avec quelques réserves.

"Mais idée et mot sont absolument DIFFERENT du fait que l'idée est spirituelle et le mot corporel"

Bien sûr : Spinoza dit lui-même que les mots relèvent du corporel. Mais toute idée est ou bien l'idée d'une affection, ou bien l'idée d'une idée d'une affection. Et l'affection est corporelle. La différence entre l'idée et le mot se trouve donc moins là que dans leur fondement.

Une idée est idée d'une affection parce qu'elle est simultanée à l'affection dont elle est l'idée. L'idée et l'affection sont contenus dans deux attributs distincts mais sont simultanées.

Comme le montre II 18 et surtout II 18s, un mot est au contraire produit par la simultanéité de deux images (donc de deux modes corporels) et donc aussi de leurs idées. Bref : le mot suppose une simultanéité au sein du même attribut. Le fondement du mot, c'est bien entendu la simultanéité de deux images. C'est à dire : parce que l'individu est affecté par deux images simultanées, il aura derechef aussi les idées de ces images, puisque ces idées et leurs images sont elles aussi simultanées, mais contrairement au mot, dans deux attributs distincts.

Ceci me conduit à ma seconde réserve qui est plutôt une remarque.
Certes, il faut mettre les mots à leur place et distinguer, comme le demande Spinoza, les idées, les images et les mots. Certes le mot, dans une connaissance adéquate, est dépendant de l'adéquation de l'idée (niveau productif des affects) et de la clarté et distinction de l'idée (niveau logico-discursif). Mais cela n'entame en rien l'importance du langage dans la communication des idées - exigence de communication qui apparaît selon moi à un troisième niveau : celui de la vérité.

Mieux encore, si on lit bien II 18s (c'est à dire si on fait attention au "porro", car selon les exemples de II 18s, la simultanéité demeure une certaine contiguité, sauf pour le mot "pomum"), on s'aperçoit que, contrairement à une simple association d'images par contiguité ou ressemblance la production du mot exige une pure simultanéité arbitraire entre deux images. Je veux dire arbitraire pour celui qui apprend le mot ("il n'y a aucune ressemblance etc..."). C'est pourquoi le langage est dit arbitraire (Spinoza est plus prudent : il dit dans unede ses lettres qu'il est "conventionnel")

En vertu de cette "pure simultanéité", il résulte que le mot mime l'objectivité et la réflexivité de l'idée car celle-ci est aussi fondée sur une pure simultanéité (mais commeje l'ai dit plus haut pas dans le même attribut : l'idée de l'idée, n'est pas une autre idéze du même attribut). Bref : le langage, comme la pensée (mais différemment) est également réflexif : quand je dis "blanc", je dis "je dis blanc" et "je dis que je dis blanc" etc... ad infinitum. Cela vient de la nécessité dans toutes les langues de ce que l'on nomme des "déictiques" (comme je) nécessaire à la position de l'énonciation (ici du sujet de l'énonciation).

Sans cette réflexivité qui mime la réflexivité de l'idée, jamais un énoncé ne pourrait exprimer une idée. Et surtout : jamais l'"exprimer" des modes ne pourrait être mimé par l'"exprimer" d'un énoncé. Car l'exprimer, chez Spinoza, concerne aussi bien les modes que les énoncés linguistiques. Il y va de la possibilité d'exprimer linguistiquement ce que Spinoza, dans le TTP, nomme le "sens". De même que les modes, lesz énoncés linguistiques expriment (adéquatement ou non) un sens. Et ce sens n'est rien d'autre que l'essence de Dieu lui même, dont nous avons tous, même dans la connaissanceinadéquate, l'idée. De la l'importance de la notion de vérité chez Spinoza telle que je l'entends : comme rapport de l'idée à Dieu (II 32) ET comme condition de toute communication.

Miam

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Messagepar Louisa » 28 sept. 2006, 02:07

Bonsoir Miam,

en vous lisant je vois qu'effectivement, sur le fond nous sommes d'accord. Quant à votre première remarque: je n'y avais pas encore pensé de cette façon-là, mais je me retrouve tout à fait dans vos conclusions:

- l'idée est simultanée avec l'affection dont elle est l'idée
- le mot est, en tant qu'affection, simultanée avec l'idée de ce mot mais cette idée est également simultanée avec l'idée d'une deuxième affection (celle de l'image de la pomme p.e.)

Seulement, si vous vouliez dire par là que mot et idée ne sont pas absolument différents, je ne suis pas certaine d'avoir compris la nuance/réserve que vous vouliez souligner. Car je dirais qu'ils sont absolument différents, mais néanmoins, dans certains cas, simultanés. La simultanéité n'exclut pas la différence absolue, il me semble. Si vous trouviez que si, en quoi le mot et l'idée ne seraient-ils pas différents (je suppose que pour vous, ils partagent la propriété de la réflexivité?)?

Quant à votre deuxième remarque: j'ai en effet constaté ces derniers mois, quand je pouvais vite (souvent hélas trop vite) lire ici quelques messages de votre part, que vous liez les notions de vérité et de communication. Or je n'ai pas encore très bien compris comment vous y arrivez. Voici donc l'occasion d'essayer d'expliciter ce qui pour moi n'est pas très clair:

Miam a écrit :Ceci me conduit à ma seconde réserve qui est plutôt une remarque.
Certes, il faut mettre les mots à leur place et distinguer, comme le demande Spinoza, les idées, les images et les mots. Certes le mot, dans une connaissance adéquate, est dépendant de l'adéquation de l'idée (niveau productif des affects) et de la clarté et distinction de l'idée (niveau logico-discursif). Mais cela n'entame en rien l'importance du langage dans la communication des idées - exigence de communication qui apparaît selon moi à un troisième niveau : celui de la vérité.


Je ne voulais en tout cas pas nier l'importance du langage dans la communication des idées, si on comprend 'communication' dans le sens ordinaire, c'est-à-dire faire passer une idée d'un être humain à un autre (je voulais seulement nier la possibilité de réduire la question de vérité à une question de langage). Mais peut-être pensiez-vous plutôt à la communication dans le sens de communication des idées entre elles?

Miam a écrit :Mieux encore, si on lit bien II 18s (c'est à dire si on fait attention au "porro", car selon les exemples de II 18s, la simultanéité demeure une certaine contiguité, sauf pour le mot "pomum"), on s'aperçoit que, contrairement à une simple association d'images par contiguité ou ressemblance la production du mot exige une pure simultanéité arbitraire entre deux images. Je veux dire arbitraire pour celui qui apprend le mot ("il n'y a aucune ressemblance etc..."). C'est pourquoi le langage est dit arbitraire (Spinoza est plus prudent : il dit dans unede ses lettres qu'il est "conventionnel")


jusqu'ici, je crois que je vous suis plus ou moins. Je dis plus ou moins parce que je n'ai pas l'impression qu'en ce qui concerne deux images dont aucune des deux ne soit langagière, Spinoza n'exclut pas la possibilité d'avoir là aussi une simultanéité tout à fait arbitraire (dans le sens de 'fruit du hasard'). C'est même ce qui rend la connaissance du premier genre inadéquate, il me semble, indépendamment du fait qu'elle passe par le langage ou non.

Miam a écrit :En vertu de cette "pure simultanéité", il résulte que le mot mime l'objectivité et la réflexivité de l'idée car celle-ci est aussi fondée sur une pure simultanéité (mais commeje l'ai dit plus haut pas dans le même attribut : l'idée de l'idée, n'est pas une autre idéze du même attribut). Bref : le langage, comme la pensée (mais différemment) est également réflexif : quand je dis "blanc", je dis "je dis blanc" et "je dis que je dis blanc" etc... ad infinitum. Cela vient de la nécessité dans toutes les langues de ce que l'on nomme des "déictiques" (comme je) nécessaire à la position de l'énonciation (ici du sujet de l'énonciation).


Ici je ne suis plus vraiment. D'abord je ne vois pas en quoi l'idée de l'idée résulterait d'une simultanéité. Celle-ci existe bel et bien entre l'idée et l'affection dont elle est l'idée, mais elle disparaît dès qu'il s'agit de l'idée de l'idée. Sinon on aurait une conscience absolue de tout ce qui se passe dans le Corps, ce qui n'est pas le cas. On n'en a qu'une conscience très limitée, même si l'Esprit forme une idée de toute affection du Corps. L'Esprit se forme pe nécessairement une idée du changement de l'acidité dans mon estomac, mais je n'en ai aucune conscience. Pour en être conscient, il faudrait que, dans un deuxième temps, une fois l'idée de l'acidité créée, cette idée devient l'objet d'une deuxième idée. Mais il me semble que cette deuxième idée ne peut être formée qu'APRES que la première existe, non?

Puis je n'ai pas très bien compris comment vous utilisez la notion de réflexivité ici. Telle que vous l'utilisez, on dirait que mêmes les images deviennent réflexives: il suffit que le Corps imagine l'affection d'un corps extérieur actuellement absent pour qu'il forme une image d'une image. Puis il peut se former à nouveau une image de cette image, et ainsi de suite (en tout cas, c'est l'impression que j'ai, mais je devrais la vérifier; ce n'est qu'en vous lisant que j'y pense; pe on pourrait déjà objecter que ce n'est pas le Corps qui imagine mais l'Esprit (II 26 demo du corollaire); autres objections?).

Or ce qui me semble distinguer avant tout les idées des images (et donc des mots), ce n'est pas le fait de pouvoir prendre une entité du même attribut comme objet d'une nouvelle entité appartenant toujours au même attribut, mais plutôt le fait que l'Esprit peut COMPARER les différentes idées entre elles. Et là, en fonction de ce en quoi les idées se conviennent, diffèrent ou s'opposent (II 29 scolie), l'Esprit peut créer lui-même un nouvel ordre entre ces idées. Aussi longtemps qu'il ne l'a pas fait, l'ordre de l'enchaînement de ses idées suit l'ordre de la rencontre fortuite de son Corps avec la nature, c'est-à-dire suit l'ordre d'enchaînement des images.
L'imagination n'a pas cette capacité de comparaison. Dans l'imagination, les images sont liées par leur simultanéité seule, simultanéité qui n'a rien à voir avec les images en tant que telles, mais avec le seul concours des circonstances. Elle est donc non pas arbitraire mais contingente.

La réflexivité de l'Esprit me semble dès lors surtout consister en cette faculté de comparaison, et non en la simultanéité en tant que telle. Mais alors du coup, la différence entre idées et mots est à nouveau absolue ... .

Objection possible à ce que je viens d'écrire: ne pourrait-on pas dire que les images elles aussi s'enchaînent par ressemblances, et pas seulement par simultanéité? Et quelle est la différence entre la ressemblance et la convenance? S'il n'y en a pas, alors ne pourrait-on pas dire que l'enchaînement des images a en commun avec l'enchaînement des idées que leur ordre peut être déterminé par une ressemblance? Or si cela était le cas, qu'est-ce qui nous empêcherait d'appeler les images tout de même elles aussi parfois 'vraies'? Pourtant, Spinoza exclut cette possibilité, pour autant que je sache. Une image n'est ni vraie ni faux. La vérité ne se situe qu'au niveau des idées. S'il veut faire cette distinction, et si la vérité, dans ses propriétés extrinsèques, a besoin de la convenance entre l'idée et son objet (II déf IV), ne faudrait-il tout de même pas supposer que ressemblance et convenance sont deux choses différentes? Si oui, je crois qu'on ne puisse pas parler d'une réelle réflexivité au niveau des images et donc pas non plus d'une réflexivité au niveau des mots.

Miam a écrit :Sans cette réflexivité qui mime la réflexivité de l'idée, jamais un énoncé ne pourrait exprimer une idée.


pourquoi pas? Pour exprimer une idée en mots, il suffit de lier quelques mouvements corporels à une idée. Je ne vois pas en quoi une telle liaison idée - images exigerait l'une ou l'autre propriété de réflexivité au niveau des mots?

Miam a écrit : Et surtout : jamais l'"exprimer" des modes ne pourrait être mimé par l'"exprimer" d'un énoncé. Car l'exprimer, chez Spinoza, concerne aussi bien les modes que les énoncés linguistiques.


Oui d'accord, Spinoza utilise le mot 'exprimer' en effet dans les deux sens. Mais désignent-ils pour autant la même chose?

Miam a écrit :Il y va de la possibilité d'exprimer linguistiquement ce que Spinoza, dans le TTP, nomme le "sens". De même que les modes, lesz énoncés linguistiques expriment (adéquatement ou non) un sens. Et ce sens n'est rien d'autre que l'essence de Dieu lui même, dont nous avons tous, même dans la connaissanceinadéquate, l'idée. De la l'importance de la notion de vérité chez Spinoza telle que je l'entends : comme rapport de l'idée à Dieu (II 32) ET comme condition de toute communication.


communication dans quel sens?

A bientôt,
Louisa


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