traduction de "est" et "esse"

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 28 sept. 2006, 13:41

à Louisa
Il me semble que vous passez à côté de ce que je vous dis .

Si une idée existe dans l’esprit elle est exprimée
Votre idée de soleil se distingue bien de votre idée de lune . L’idée (chacune )est donc déterminée , la détermination c’est l’expression particulière de la pensée. L ‘expression ne vient pas se sur-ajouter à l idée .

L’idée de soleil exprimée par l’image(mentale) du soleil ou la sensation de lumière ou que sais -je , ou le mot soleil cela ne fait pas une différence de nature .
Exprimée dans une image mentale (souvent visuelle ),ou bien la conscience d’ une sensation ou bien le souvenir d’une sensation , ou bien un mot , c’est pareil .(je dis bien un mot ie bien évidemment quand vous parlez pour dire q q chose et non pas quand vous parlez pour ne rien dire c’est à dire sans idée )

Vous pouvez avoir l’idée de votre douleur sous différentes formes (différentes formes d’idées );
Avoir mal( je ne dis rien /j éprouve ) ou bien vous dire que vous avez mal (vous vous parlez et vous éprouvez ) ,mais la première version n’est pas plus idée que la seconde ou la seconde moins idée que la première .
Les deux idée n‘ont pas la même qualité d expression .
En revanche( pour la douleur ) génétiquement il faut la sensation et l’expérience donc l’idée exprimée par la sensation avant que de pouvoir l’exprimer dans le langage .

Mais Vous introduisez d un monde d’ idées censése être plus originales plus pures plus primitives , plus essentielle ,alors que ces idées ne sont pas différentes par nature des idées exprimées par le langage . C ‘est cette idée d’avant l’idée exprimée par le langage qui serait l’essentielle.(ou bien une autre encore plus cachée )

Or je ne vois pas ce qu ‘une idée exprimée par le langage serait dans la plupart des cas déficiente par rapport à l ‘ affect éprouvé .Il n’y a pas déficience dans l’idée de souffrance dites à soi même .
Est ce que c’est la même idée que celle de la sensation de douleur ? peut être pas mais ce sont des idées dans les deux cas .

Je ne vois pas comment l’idée de cercle et sa définition serait déficiente par rapport au souvenir des ronds sur l eau .
Et surtout comment l’idée de cercle serait distinguable de sa définition quand ma conscience est dirigée vers cette définition , car alors c’ est à cette idée de cercle défini comme ceci ou cela que je pense et non à un cercle quelconque de la nature .

Il me semble évident que le mot seul (de cercle par ex ) sans tout un contexte idéel n ‘exprime pas l’idée de cercle (et Spinoza le dit ). Plusieurs expression peuvent évidemment se mêler et s 'étager et collaborer pour une seule idée claire et distincte exprimée par le langage .( je ne dis pas que ces idée exprimées par le langage sont le seules claires et distinctes )

........................................................

Il me semble que le langage enrichit en clarté et distinction l’ expression de l’idée de cercle .
J estime que Spinoza dans une large mesure privilégie les idées exprimées par le langage plutôt que les images mentales (visuelles par exemple )

C’est tout ce que j 'avais à en dire .
Cela va au delà de cette inutile distinction entre langage ( activité des cordes vocales ) et pensée.
(inutile sur le sujet car tout un chacun la fait d emblée , on ne tirera rien de ces banalités .Il est évident à tout le monde qu 'un perroquet ne pense pas .)

hokousai

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Messagepar Louisa » 28 sept. 2006, 16:44

Cher Hokusai,

hokusai a écrit :
Il me semble que vous passez à côté de ce que je vous dis.


C'est bien possible. C'est qu'il m'est parfois difficile de distinguer ce qui, dans ce que vous écrivez, a trait à Spinoza et ce qui relève plutôt de votre propre façon de voir le monde. Personnellement, je préfère ici m'en tenir à essayer de comprendre la cohérence propre au spinozisme que de passer à un niveau de pensée où il s'agit d'essayer de déterminer 'ce qui est'. Ce n'est pas du tout parce que votre opinion là-dessus ne m'intéresserait pas, c'est simplement parce que je ne vois pas comment la pensée en tant que telle serait capable de nous faire découvrir quelque chose d'un peu fiable concernant ce qui 'est'. La philosophie, pour moi, propose des façons de concevoir ce qui peut être. Discuter de Spinoza veut dire alors essayer de construire une cohérence conceptuelle sur base des écrits que Spinoza nous a laissés. C'est aux sciences de nous apprendre, via leur méthodes très spécifiques à elles, ce qui est. Il me semble que vous avez plutôt une approche qui parfois n'est ni l'un ni l'autre, mais qui est destiné à expliciter vos sentiments et expériences individuels. En soi cela ne me dérange pas du tout, seulement ce n'est pas à moi d'en dire quelque chose. Car forcément, mes propres expériences sont un peu différentes. Si alors on passe à ce niveau de discussion, j'ai l'impression de ne pouvoir répondre que des 'c'est bien possible', sans plus.

Hokusai a écrit :Si une idée existe dans l’esprit elle est exprimée
Votre idée de soleil se distingue bien de votre idée de lune . L’idée (chacune )est donc déterminée , la détermination c’est l’expression particulière de la pensée. L ‘expression ne vient pas se sur-ajouter à l idée.


ici p.e. je ne vois pas où Spinoza lierait la détermination de l'idée à l'expression de l'idée. Je suppose donc que c'est vous qui préférez penser les choses comme ça? Si oui, alors bon, pourquoi ne pas le penser comme ça, effectivement. Il y a mille possibilités différentes de s'imaginer le sens du mot 'idée'. Ceci pourrait en être une.

Hokusai a écrit :L’idée de soleil exprimée par l’image(mentale) du soleil ou la sensation de lumière ou que sais -je , ou le mot soleil cela ne fait pas une différence de nature.


pour vous ou selon vous pour Spinoza?

Hokusai a écrit :Exprimée dans une image mentale (souvent visuelle ),ou bien la conscience d’ une sensation ou bien le souvenir d’une sensation , ou bien un mot , c’est pareil .(je dis bien un mot ie bien évidemment quand vous parlez pour dire q q chose et non pas quand vous parlez pour ne rien dire c’est à dire sans idée )


Pour autant que je sache, chez Spinoza il n'y a pas d'images mentales. Toutes les images sont corporelles. Le mot est lui aussi corporel. Mot et image appartiennent au même attribut, celui de l'Etendue. Dans ce sens, on pourrait dire que pour Spinoza il n'y a pas de différence de nature. Mais l'essence de l'attribut Etendue est bel et bien différente de l'essence de l'attribut Esprit. Donc entre l'idée et le mot, chez Spinoza, la différence est tout de même de nature, il me semble.

Hokusai a écrit :Vous pouvez avoir l’idée de votre douleur sous différentes formes (différentes formes d’idées );
Avoir mal( je ne dis rien /j éprouve ) ou bien vous dire que vous avez mal (vous vous parlez et vous éprouvez ) ,mais la première version n’est pas plus idée que la seconde ou la seconde moins idée que la première .
Les deux idée n‘ont pas la même qualité d expression .
En revanche( pour la douleur ) génétiquement il faut la sensation et l’expérience donc l’idée exprimée par la sensation avant que de pouvoir l’exprimer dans le langage .


Pour autant que je sache Spinoza ne fait pas de distinction entre de différents types d'idée. Il est clair que conçu d'une certaine façon, on peut s'imaginer plein de différences entre ou de 'formes' d'idées. Mais alors on quitte le spinozisme, non?

hokusai a écrit :Mais Vous introduisez d un monde d’ idées censése être plus originales plus pures plus primitives , plus essentielle ,alors que ces idées ne sont pas différentes par nature des idées exprimées par le langage . C ‘est cette idée d’avant l’idée exprimée par le langage qui serait l’essentielle.(ou bien une autre encore plus cachée )


Pour moi la question principale est: est-ce que chez Spinoza le rapport idée-langage correspond à ce que vous écrivez ici ou non? Je suppose que pour Spinoza, en principe toute idée puisse être exprimée plus ou moins adéquatement par le langage. Mais si on parle de l'adéquation en termes spinozistes, celle-ci ne désigne que l'idée en tant que telle, pas la relation entre l'idée et le mot qui l'exprime p.e. Je ne vois pas trop en quoi les idées seraient par là plus 'essentielles' ou 'cachées' par rapport au langage. Ce sont tout simplement deux attributs différents, sans plus (toujours chez Spinoza, bien sûr, je ne parle pas du 'réel'). Il y a d'une part des idées que l'Esprit se forme et qu'ensuite le Corps peut exprimer. Là, l'idée exprimée par le langage pré-existe à cette expression. Mais dès que nous prononçons un mot, il y a un mouvement corporel dont notre Esprit se fait simultanément aussi une idée. Cette idée-là, qui correspond au mouvement corporel de prononcer ce mot, elle naît en même temps que le mot se produit.

Hokusai a écrit :Or je ne vois pas ce qu ‘une idée exprimée par le langage serait dans la plupart des cas déficiente par rapport à l ‘ affect éprouvé .Il n’y a pas déficience dans l’idée de souffrance dites à soi même .
Est ce que c’est la même idée que celle de la sensation de douleur ? peut être pas mais ce sont des idées dans les deux cas .


Spinoza me semble être clair là-dessus: il propose de penser l'idée du mot exprimant la douleur comme une idée différente de celle qui correspond à la sensation de douleur en soi. Et cela parce que de chaque mouvement corporel, l'Esprit se fait une idée. Or le mouvement corporel situé dans mon doigt et qui donne la sensation de la douleur, est un AUTRE mouvement corporel que celui de mon appareil phonatoire qui me fait utiliser l'un ou l'autre mot. S'il y a deux mouvements corporels différents, l'Esprit en forme deux idées différentes.

Hokusai a écrit :Il me semble que le langage enrichit en clarté et distinction l’ expression de l’idée de cercle.


oui, en soi cela me semble toutà fait possible.
Sinon je n'ai pas encore rencontré de passage chez Spinoza où il nous propose de penser le rapport idée-langage comme tel.

Hokusai a écrit :
J estime que Spinoza dans une large mesure privilégie les idées exprimées par le langage plutôt que les images mentales (visuelles par exemple )


Pensez-vous à l'un ou l'autre passage chez Spinoza qui indiquerait que ceci serait le cas?

hokusai a écrit :C’est tout ce que j 'avais à en dire .
Cela va au delà de cette inutile distinction entre langage ( activité des cordes vocales ) et pensée.


ici je suppose que vous parlez en votre propre nom, pas de Spinoza? Car pour Spinoza "c'est de là que naissent la plupart des controverses, à savoir, de ce que les hommes n'expliquent pas correctement leur pensée, ou bien de ce qu'ils interprètent mal la pensée d'autre. Car en vérité, alors même qu'ils se contredisent au plus haut degré, ils pensent ou bien la même chose ou bien à des choses différentes, si bien que ce qu'ils pensent être chez autrui des erreurs et absurdités n'en sont pas" (E2P47scolie). Bien distinguer entre langage et penser est donc exactement ce qu'il faut, pour Spinoza, pour éviter des erreurs et controverses. Cette distinction a donc bel et bien une grande utilité à ses yeux, il me semble.

Hokusai a écrit :(inutile sur le sujet car tout un chacun la fait d emblée , on ne tirera rien de ces banalités .Il est évident à tout le monde qu 'un perroquet ne pense pas .)


J'avais plutôt l'impression que pour Spinoza, un perroquet pense (mais il faudrait que je développe). Pour terminer sur une note personnelle tout de même: à mon avis un perroquet pense bel et bien. Je ne vois aucune raison pour lui refuser la pensée. C'est précisément quand on ne distingue pas très très bien langage et pensée, qu'on va être tenté de refuser la pensée à tout animal qui ne 'parle' pas. Or, je le répète, pour Spinoza, le langage est d'ordre corporel, la pensée d'ordre spirituel. Dès lors, avoir un Esprit ou non ne dépend pas de la capacité de pouvoir faire l'un ou l'autre type de mouvement corporel (celui de parler p.e.).
Bien à vous,
Louisa

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Messagepar hokousai » 28 sept. 2006, 22:39

à Louisa

En général je commente Spinoza (des textes précis , que je relis avant d ‘en parler , que j’ai donc sous les yeux )

Soit on fait de la paraphrase soit on se rapporte à des expériences de pensées personnelles .
Voyons la seconde solution : par exemple je comprends l’idée d' autorité chez Spinoza ou autre à partir de ce que j ai compris (de l' autorité dans ma vie ) bien évidemment avant la lecture de quelque philosophe que ce soit .

Ce que je pense personnellement ici (et je le dis ) serait ce que Spinoza ne pense pas de ce qu'il montre et ne voit pas nécessairement que moi observateur extérieur je vois. pas besoin d ‘ être un géni pour ça .
Par exemple qu'il privilégie l'expression de l'idée exprimée dans le langage . Vous pouvez critiquer mon point de vue mais je m 'y tiens . Ce n’est pas que tous les philosophes s’ expriment par le langage qui est important c 'est que tous croient en ses mérites .

.........................................

La définition de l ‘idée dans l éthique est "" j’entends par idée un concept que l’âme forme pour ce qu ‘elle est une chose pensante """"

L’idée est formée .
Que ce soit idée de quelque chose ou l 'idée ayant elle même pour objet l 'idée a une forme . Je conclus ( et vous trouvez cela abusif ) qu’il n’y a pas idée antérieurement à la formation de l’idée .

..........................................
Pour Spinoza il n ‘y a pas de différence de nature entre deux genres d idées

Cf l’axiome 3 de l’esprit (je le résume )

il y a différents modes de penser(amour ,douleur , désir ) répondant a une idée donnée (idée de cet amour, de cette douleur ,de ce désir ) , ces idées ont donc un objet ( idée du soleil, idée consciente de soleil, idée intentionnelle dirait Husserl )

La fin de l’axiome est des plus intéressante

""""""""" mais une idée peut être donnée sans que soit donné aucun autre mode de penser """"""
Aucun autre mode que cette idée !
L’idée n’est alors pas intentionnelle , ce n’est pas l’idée de quelque chose que je pense comme objet de cette idée .
Il faut bien que cette idée soit la manière de penser( unique )
L’idée ( à mes yeux )est alors inhérente(immanente ) égale à son expression .

Mais cela ne fait pas une différence de nature entre les idées de quelque chose et l’idée qui a elle même pour objet .

De plus Spinoza ne dit pas que cette idée n’est pas un mot ou une proposition ni quelle existe sans forme . Alors quelle est la forme des idées sans qu’il y ait une autre manière de penser ?
A votre avis ?

Est ce que cogito de Descartes est de ce genre d’idée ? Est ce qu’une idée peut exister dans l’esprit sans forme ? et est -ce que la forme langagière est à exclure ? C’est la question que je vous pose .

……………………………………………

Ce que je conteste est par exemple que quand je me dis intérieurement « par causa sui j’entend « …il soit nécessaire que j’ai antérieurement l’idée de causa sui pour avoir le sens de ce que je dis .

Avant de me la dire j’ai sans doute des idées confuses (idée de cause par ex ) car je ne pense pas à partir de rien mais d’un enchaînement plus ou moins conscient , mais l’idée de causa sui je l’ai claire (plus claire) quand je me la dis .
Sinon à quoi bon se dire cette idée à quoi bon écrire l’Ethique ?.

……………………………………………………

""""""" Pour autant que je sache, chez Spinoza il n'y a pas d'images mentales. Toutes les images sont corporelles."""""""""""""""

vous êtes dans l’ erreur
(cf scolie prop 40 part 2…..c’est l’ esprit qui imagine )

hokousai

PS bien sûr qu'un perroquet pense mais il ne pense pas à ce qu'il dit /il ne dit pas ce qu'il pense .

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Messagepar Miam » 29 sept. 2006, 14:34

Salut Louisa,

Tu écris :
« Seulement, si vous vouliez dire par là que mot et idée ne sont pas absolument différents, je ne suis pas certaine d'avoir compris la nuance/réserve que vous vouliez souligner. Car je dirais qu'ils sont absolument différents, mais néanmoins, dans certains cas, simultanés. La simultanéité n'exclut pas la différence absolue, il me semble. Si vous trouviez que si, en quoi le mot et l'idée ne seraient-ils pas différents (je suppose que pour vous, ils partagent la propriété de la réflexivité?)? »

Je n’ai pas dit que l’idée et le mot n’étaient pas « absolument différents ». Bien au contraire. Mais je détermine cette différence. Je dis seulement que si le mot relève du corporel, des affections du corps, il est l’objet des idées de ces affections pour la bonne raison que si on est affecté, on a l’idée de cette affection (cf. II 12). A moins que tu affirmes la possibilité d’affections du corps qui ne soient pas les objets des idées. Mais cela est contredit par II 12. C’est pourquoi en II 41s, concernant les signes (et les mots sont des signes), Spinoza peut se permettre sans contradiction d’alléguer des « idées semblables » à celles de la chose simultanée au mot.

Tu écris :
« Je ne voulais en tout cas pas nier l'importance du langage dans la communication des idées, si on comprend 'communication' dans le sens ordinaire, c'est-à-dire faire passer une idée d'un être humain à un autre (je voulais seulement nier la possibilité de réduire la question de vérité à une question de langage). Mais peut-être pensiez-vous plutôt à la communication dans le sens de communication des idées entre elles?"

Non non. Pas du tout. Il s’agit bien de communication au sens où l’entend Spinoza dans le TTP (concernant Moïse et Dieu), c’est à dire de communication entre deux interlocuteurs par le moyen de leurs corps. Mais communiquer par le moyen de son corps, c’est derechef communiquer par des idées, puisqu’il n’y a pas d’affections du corps sans idées de ces affections. Le problème n’est pas de communiquer des idées, ou des affects. Cela le corps le fait de toute façon en affectant un autre corps. Mais il ne le fait pas pour signifier une idée. Le problème est de pouvoir communiquer des idées au moyen de mots qui ne sont PAS les images ou affections de ces idées. Il faut non seulement distinguer l’idée et l’image, mais aussi l’idée, l’image et le signe, comme l’écrit Spinoza en II49s.

Tu écris :
« jusqu'ici, je crois que je vous suis plus ou moins. Je dis plus ou moins parce que je n'ai pas l'impression qu'en ce qui concerne deux images dont aucune des deux ne soit langagière, Spinoza n'exclut pas la possibilité d'avoir là aussi une simultanéité tout à fait arbitraire (dans le sens de 'fruit du hasard'). C'est même ce qui rend la connaissance du premier genre inadéquate, il me semble, indépendamment du fait qu'elle passe par le langage ou non. »

Le premier genre de connaissance n’est pas « le fruit du hasard ». Dire cela, c’est supposer la contingence comme quelque chose de réel, alors qu’elle n’est elle-même qu’une production de l’imagination. Le premier genre de connaissance se défini par un certain ordre qui est « l’ordre des affections ». Mais cet ordre n’est pas « hasardeux ». Ce n’est pas un hasard si je définis l’homme par la couleur noire parce que j’ai toujours vu des hommes noirs et par suite associé l’homme à la couleur noire. « Les idées inadéquates et confuses suivent les unes des autres avec la même nécessité que les idées adéquates, c’est à dire claires et distinctes » (II 36). Sans quoi tu instaure une contingence dans les choses elles-mêmes, alors que tout est nécessaire.

Tout est nécessaire, y compris le langage et les mots. Je n’ai pas dit que les mots étaient produits « par hasard », mais qu’ils étaient reçus par le mental comme « conventionnels » parce qu’ « il n’y a aucune ressemblance » (II 18s) entre le mot et ce qu’il désigne.

C’est là précisément ce qui en II 18s distingue la pure simultanéité qui produit les mots de la simultanéité d’images qui continuent à avoir entre elles une relation de contiguïté spatiale ou de ressemblance, comme la trace d’un cheval et le sabot d’un cheval et ensuite ce cheval et le champs ou la bataille selon qu’on soit paysan ou militaire. Dans le cas des mots, il ne s’agit plus que d’une pure simultanéité temporelle entre deux images et par conséquent entre leurs idées.

Tu écris :
« Ici je ne suis plus vraiment. D'abord je ne vois pas en quoi l'idée de l'idée résulterait d'une simultanéité. Celle-ci existe bel et bien entre l'idée et l'affection dont elle est l'idée, mais elle disparaît dès qu'il s'agit de l'idée de l'idée. Sinon on aurait une conscience absolue de tout ce qui se passe dans le Corps, ce qui n'est pas le cas. On n'en a qu'une conscience très limitée, même si l'Esprit forme une idée de toute affection du Corps. L'Esprit se forme pe nécessairement une idée du changement de l'acidité dans mon estomac, mais je n'en ai aucune conscience. Pour en être conscient, il faudrait que, dans un deuxième temps, une fois l'idée de l'acidité créée, cette idée devient l'objet d'une deuxième idée. Mais il me semble que cette deuxième idée ne peut être formée qu'APRES que la première existe, non? »

Non. De fait, pour Spinoza, nous avons « une conscience absolue de tout ce qui se passe dans le Corps ». C’est bien ce qu’énonce II 12 : « Tout ce qui arrive dans l’objet constituant le Mental humain doit être perçu par ce Mental ; en d’autres termes, une idée en est nécessairement donnée en elle ; c’est à dire si l’objet de l’idée constituant le Mental humain est un corps, rien ne pourra arriver dans ce corps qui ne soit perçu par le Mental ». D’où le Corollaire : « Il suit de là que l’homme consiste en Mental et en Corps et que le Corps humain existe conformément au sentiment que nous en avons ». Certes le Mental ne connaît pas adéquatement les parties du corps, mais il perçoit toutes les affections de ce corps. Il n’y a pas d’inconscient physiologique chez Spinoza.

Ensuite Spinoza ne dit jamais que nous avons l’idée de l’idée après l’idée. L’idée de l’idée est aussi simultanée à l’idée que l’idée l’est à son objet corporel. Dieu produit tout à la fois. Et s’il n’y avait pas simultanéité entre l’idée et l’idée de l’idée il n’y aurait pas « parallélisme épistémologique » entre les idées et leurs objets (y compris les idées elles mêmes).

Il n’y a aucun écart temporel entre l’idée de l’idée et son objet. En vérité tu es corrompue par la notion cartésienne, ou bien plutôt husserlienne, de la réflexivité. Celle-ci suppose en effet la re-cognition d’un donné originaire, la vision d’une pré-vision. Tel n’est pas le cas chez Spinoza. Chez lui, tout au contraire, la réflexivité n’est rien d’autre que la simultanéité de l’idée et de son objet en vertu du double parallélisme, lui-même constitutif de la réflexivité principielle de Dieu via son entendement infini et l’idée de Dieu. La réflexivité spinozienne de l’idée n’a rien à voir avec la réflexivité de la conscience husserlienne ou cartésienne. Il n’y a pas d’écart entre l’idée et la conscience. La conscience, chez Spinoza, n’est pas la réflexion de quelque chose de pré-réflexif, elle est la réflexivité de l’idée elle-même.

Tu écris :
»Puis je n'ai pas très bien compris comment vous utilisez la notion de réflexivité ici. Telle que vous l'utilisez, on dirait que mêmes les images deviennent réflexives: il suffit que le Corps imagine l'affection d'un corps extérieur actuellement absent pour qu'il forme une image d'une image. »

Bien sûr les images ne sont pas en elles-mêmes réflexives. Il ne s’agit pas ici d’une image d’image comme le pense Moreau. Il s’agit de l’association de deux images (et partant de leurs idées) par une pure simultanéité entre le mot « pomme » et la pomme. Comme je l’ai dit dans le message précédent, cette pure simultanéité se distingue de la simultanéité entre une idée et son objet en ceci qu’il s’agit ici de la simultanéité entre deux modes d’un même attribut, l’étendue. (l’idée de l’idée est la simultanéité d’un être objectif et d’un mode du penser, pas de deux modes du penser). Cette simultanéité à l’origine du signe « mime » (au sens de la mimésis aristotélicienne : mimer et produire) la réflexivité de l’idée. Comment le fait elle ? C’est par la réflexivité-simultanéité pure entre le mot et son objet désigné, entre « pomme » et pomme, réflexivité qui est elle-même signifiée dans le langage. C’est ce qui fait que tout langage est immédiatement réflexif, à savoir : la différence et la simultanéité entre le mot et la chose, entre l’énoncé et l’énonciation, entre les différents niveaux logiques, de sorte que lorsque je dis « pomme », par cet acte de langage même, je dis « je dis pomme ». C’est là, faut-il le croire, un préalable à toute communication langagière humaine puisque, selon les linguistes, les « déictiques », dont le rôle est de déterminer la position de l’énonciation, sont présents dans tous les langages humains.

Si la réflexivité-pure simultanéité propre au signe linguistique est un préalable à toute communication interhumaine (qui continue donc à se faire par les corps), alors elle contribue à la « vérité » entendue comme condition de toute communication à partir de l’idée vraie, l’idée de Dieu, c’est à dire de l’objectivité de l’idée réflexive. La réflexivité- pure simultanéité mimée par le langage participe ainsi à la production d’un espace de communication par lequel les choses peuvent se faire connaître objectivement. Ou encore : la réflexivité mimée par le langage lui permet de communiquer l’objectivité de l’idée, de sorte que non seulement les idées mais aussi les mots puissent « exprimer » un sens, à savoir Dieu lui-même, dont l’idée est immédiatement réflexive comme idée vraie. C’est cela seul qui permet à Spinoza d’user du langage pour exprimer ET signifier des idées.

Tu écris :
« Or ce qui me semble distinguer avant tout les idées des images (et donc des mots), ce n'est pas le fait de pouvoir prendre une entité du même attribut comme objet d'une nouvelle entité appartenant toujours au même attribut, mais plutôt le fait que l'Esprit peut COMPARER les différentes idées entre elles. Et là, en fonction de ce en quoi les idées se conviennent, diffèrent ou s'opposent (II 29 scolie), l'Esprit peut créer lui-même un nouvel ordre entre ces idées. Aussi longtemps qu'il ne l'a pas fait, l'ordre de l'enchaînement de ses idées suit l'ordre de la rencontre fortuite de son Corps avec la nature, c'est-à-dire suit l'ordre d'enchaînement des images."

En II 29s, il n’est aucunement question de comparaison mais de convenances, c’est à dire de ce qui peut être l’objet de notions communes (CF. II 37-39). La comparaison demeure une opération de l’imagination, même en ce qui concerne l’exemplaire de la nature humaine : il ne s’agit jamais que d’une idée régulatrice, d’un auxiliaire de l’imagination. D’ailleurs peu après tu sens la difficulté en assimilant la ressemblance et la réflexivité. Pour ensuite en revenir à une sorte de dualisme de l’idée et de l’image alors que c’est une seule et même chose et qu’on n’a jamais une image sans son idée (II 12) pas plus qu’on a d’idée objective (d’être objectif) sans objet. Distinguer l’idée de l’image ne veut pas dire qu’elles s’excluent l’une l’autre. L’ordre des affections est bien aussi l’ordre des idées de ces affections, même si ce sont des idées inadéquates parce qu’on ne sait pas leur cause (puisque précisément, il s’agit de l’ordre des affections). Il faut éviter tout dualisme.

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Messagepar Louisa » 30 sept. 2006, 23:21

Bonsoir hokusai,

hokusai a écrit :En général je commente Spinoza (des textes précis , que je relis avant d ‘en parler , que j’ai donc sous les yeux )

Soit on fait de la paraphrase soit on se rapporte à des expériences de pensées personnelles .
Voyons la seconde solution : par exemple je comprends l’idée d' autorité chez Spinoza ou autre à partir de ce que j ai compris (de l' autorité dans ma vie ) bien évidemment avant la lecture de quelque philosophe que ce soit .

Ce que je pense personnellement ici (et je le dis ) serait ce que Spinoza ne pense pas de ce qu'il montre et ne voit pas nécessairement que moi observateur extérieur je vois. pas besoin d ‘ être un géni pour ça .
Par exemple qu'il privilégie l'expression de l'idée exprimée dans le langage . Vous pouvez critiquer mon point de vue mais je m 'y tiens . Ce n’est pas que tous les philosophes s’ expriment par le langage qui est important c 'est que tous croient en ses mérites .


Que vous dites que pour vous la relation que l'on puisse établir avec un texte philosophique est soit de l'ordre de la paraphrase, soit une mise en lien avec ses propres expériences, m'étonne. Il me semble qu'il y ait une troisième voie (et c'est celle-là qui m'intéresse), qui consiste à se demander comment actualiser la pensée d'un philosophe en restant le plus près possible de ses textes. Cela exige d'une part beaucoup plus de travail que la simple paraphrase, et d'autre part non pas une 'réduction' de ce qu'on lit à ce qu'on connaît déjà (ses propres 'expériences'). Cela demande plutôt une mise entre parenthèses constantes de tout ce qui relève de ses propres idées pour créer une espace conceptuel ouvert à des idées totalement nouvelles.
Si on fait cela p.e. avec Spinoza, on peut certes constaté qu'il a choisi le langage pour nous communiquer ses idées, mais si on veut savoir ce qu'il pense réellement du langage, il faut aller voir ce qu'il en dit. Il ne suffit pas de noter qu'il exprime une idée par le langage pour en conclure que dès lors pour Spinoza une idée non exprimée par le langage ne peut pas être adéquate, parce que dans ses textes, il dit exactement le contraire.
Le risque d'utiliser la méthode de mise en lien constante avec ses propres expériences personnelles me semble être que l'on n'est attentif que pour ce que l'on puisse reconnaître, réduire à ses propres catégories de pensées, pour ensuite ne pas intégrer les passages qui contredisent ces catégories dans son interprétation de Spinoza. Du coup, le résultat est un genre d'amalgame qui n'est ni Spinoza, ni le lecteur avant qu'il l'ait lu. Est-ce quelque chose de proprement philosophique? Je crains que non. Ou en tout cas, rien ne le garantit.

hokusai a écrit :La définition de l ‘idée dans l éthique est "" j’entends par idée un concept que l’âme forme pour ce qu ‘elle est une chose pensante """"

L’idée est formée .
Que ce soit idée de quelque chose ou l 'idée ayant elle même pour objet l 'idée a une forme . Je conclus ( et vous trouvez cela abusif ) qu’il n’y a pas idée antérieurement à la formation de l’idée .


cette conclusion me semble être tout à fait correcte.

hokusai a écrit :Pour Spinoza il n ‘y a pas de différence de nature entre deux genres d idées

Cf l’axiome 3 de l’esprit (je le résume )

il y a différents modes de penser(amour ,douleur , désir ) répondant a une idée donnée (idée de cet amour, de cette douleur ,de ce désir ) , ces idées ont donc un objet ( idée du soleil, idée consciente de soleil, idée intentionnelle dirait Husserl )

La fin de l’axiome est des plus intéressante

""""""""" mais une idée peut être donnée sans que soit donné aucun autre mode de penser """"""
Aucun autre mode que cette idée !
L’idée n’est alors pas intentionnelle , ce n’est pas l’idée de quelque chose que je pense comme objet de cette idée .
Il faut bien que cette idée soit la manière de penser( unique )
L’idée ( à mes yeux )est alors inhérente(immanente ) égale à son expression .


Qu'appelez-vous l'expression d'une idée? Si vous voulez dire par là sa communication par le langage, je ne vois qu'une seule chose, chez Spinoza: il y a une différence absolue entre l'idée et les mots ... . Dans ce cas, il n'est pas possible de dire que l'idée est égale à son expression et de prétendre que cela soit 'spinoziste'.

Vous pouvez évidemment inventer vous-même une façon de penser où vous nous proposez de penser une identité entre l'idée et son expression, mais alors vous créer une nouvelle théorie du langage, théorie qui ne peut pas offrir grand-chose si elle se limite à cette hypothèse-là. C'est pourquoi pour moi lire un philosophe via ses propres expériences a comme risque majeure de ne rien produire du tout, ni une compréhension du philosophe en question, ni une nouvelle pensée philosophique. Ce mode de lecture PEUT donner lieu à une nouvelle pensée philosophique, mais tout le travail reste à faire. C'est la 'consistance' de la nouvelle construction qui déterminera dans quelle mesure cette nouvelle pensée soit solide, soit philosophique, ou non. En soi, je ne vois donc pas trop l'intérêt d'opposer à l'un ou l'autre énoncé d'un philosophe un autre, dénonçant ce premier. On peut toujours faire cela, mais à quoi bon?

hokusai a écrit :Mais cela ne fait pas une différence de nature entre les idées de quelque chose et l’idée qui a elle même pour objet .

De plus Spinoza ne dit pas que cette idée n’est pas un mot ou une proposition ni quelle existe sans forme . Alors quelle est la forme des idées sans qu’il y ait une autre manière de penser ?
A votre avis ?


Spinoza dit littéralement que les pensées ne sont pas des mots: je renvoie de nouveau à l'E2P49 scolie.

hokusai a écrit :Est ce que cogito de Descartes est de ce genre d’idée ? Est ce qu’une idée peut exister dans l’esprit sans forme ? et est -ce que la forme langagière est à exclure ? C’est la question que je vous pose .


Je ne crois pas que l'on puisse dire quelque chose des 'idées' en général. On peut proposer l'une ou l'autre conception des idées, mais celle-ci n'a d'intérêt que dans le cadre de toute une philosophie. En soi, on peut tout aussi bien dire que l'idée peut exister dans l'esprit sans forme qu'avec. Tout dépend de comment on définit idée, forme et esprit.
Spinoza en propose des conceptions bien précises. Dans le cadre de la pensée spinoziste, l'identification entre idée et langage que vous semblez vouloir opérer me semble être fausse. Mais peut-être qu'il soit possible de trouver un autre philosophe chez qui ce serait vraie. Personnellement, je ne vois pas l'intérêt de poser la question en termes générales, hors de l'une ou l'autre philosophie. Si c'était possible de le faire, on disposerait depuis longtemps de définitions univoques de ce que c'est qu'une idée, et alors ce serait aux sciences de nous donner une réponse à votre question. Ces définitions univoques n'existant pas du tout, nous n'avons aucune science et donc aucun savoir fiable et reproductible quant à votre question. Cela ne veut pas dire que cette question n'a pas d'intérêt. Cela signifie seulement que la question est une question philosophique, dont l'intérêt principal consiste donc à nous proposer de penser les choses d'une telle ou telle manière. Et là, on peut tout aussi bien développer une pensée qui proposer de concevoir les idées comme ayan une forme que l'inverse.

hokusai a écrit :Ce que je conteste est par exemple que quand je me dis intérieurement « par causa sui j’entend « …il soit nécessaire que j’ai antérieurement l’idée de causa sui pour avoir le sens de ce que je dis .

Avant de me la dire j’ai sans doute des idées confuses (idée de cause par ex ) car je ne pense pas à partir de rien mais d’un enchaînement plus ou moins conscient , mais l’idée de causa sui je l’ai claire (plus claire) quand je me la dis .


Oui, vous pouvez tout à fait essayer de penser les choses d'une telle manière. Mais sommes-nous d'accord pour dire que notamment l'E2P49 interdit d'appeler cette façon de penser 'spinoziste'? Si non: sur quoi vous basez-vous, dans les textes?

hokusai a écrit :
Sinon à quoi bon se dire cette idée à quoi bon écrire l’Ethique ?.


Il me semble que Spinoza répond assez bien à cette question dans la préface à la quatrième partie. D'abord il dit clairement que l'on pourra appeler n'importe quelle oeuvre (l'Ethique p.e.) 'parfaite' quand celle-ci a réussi à réaliser le but que l'Auteur de cette oeuvre avait en tête. Alors quel but Spinoza avait-il en tête? Sans le connaître, nous ne pourrons pas dire dans quelle mesure l'Ethique est parfaite ou non. Il se peut donc qu'elle soit imparfaite. Il se peut également que cela, Spinoza le savait, et que malgré tout, il trouvait que cela valait néanmoins la peine de la construire. En tout cas, rien ne garantit que la forme langagière de l'éthique exprime adéquatement les pensées de Spinoza.

Puis dans la même préface, il dit quel est son but: "nous désirons former une idée de l'homme qui soit comme modèle de la nature humaine que nous puissions avoir en vue". L'Ethique propose donc un modèle de la nature humaine non pas conforme à la manière dont celle-ci existe réellement (car pour ce qui est naturelaucun modèle n'existe, vu qu'il n'y a pas de causes finales dans la nature), mais tel que selon Spinoza c'est le fait d'essayer de s'approcher de ce modèle qui puisse nous procurer le plus de bonheur ou de béatitude.

Tout cela montre pour moi à quoi bon écrire l'Ethique. Mais je n'y trouve rien qui indiquerait que pour Spinoza, une idée ne peut être claire que quand elle est exprimée par le langage ... . Si pour lui le but de l'écriture, ce serait de transformer ses propres idées confuses en des idées claires, alors, sachant qu'avoir des idées claires donne selon lui de la Joie, pourquoi ne trouve-t-on aucun passage qui valorise clairement le langage comme moyen ultime d'acquérir cette Joie? Pourquoi ne trouve-t-on que des passages où il dévalorise le langage? Pourquoi Spinoza ne développe-t-il alors pas une grande théorie expliquant le pouvoir transformateur du langage par rapport aux idées? Pourquoi dit-il seulement que beaucoup de misère découle du fait que nous prenons des mots pour des idées?

(A propos, on pourrait également consulter le TRE, où là aussi il nous explique un peu ce qui est son but: "je décidai enfin de chercher s'il y avait quelque chose qui fût un vrai bien, susceptible de se communiquer". Nulle part Spinoza nous explique (pour autant que je sache) à quoi bon 'se dire' ses idées. Mais il explique bel et bien à quoi bon essayer de les communiquer, c'est même l'objectif principal de son entreprise: chercher un bien qui se communique. L'Ethique communique le résultat de cette recherche, sans plus. L'Ethique n'est pas avant tout un exercice de 'se dire' ce qu'il pense, c'est un 'rapport' de ses pensées, une tentative de les dire c'est-à-dire de les communiquer aux autres humain, le langage étant un des moyens de communication par excellence. Mais que, dans le sens ordinaire du mot, le langage peut aider à 'clarifier' nos idées, n'implique en rien que la 'clarté' comme concept philosophique spinoziste désignant l'adéquation d'une idée a comme condition de possibilité l'expression dans le langage. Le fait même qu'il y ait un troisième genre de connaissance, adéquat lui aussi, réfute cette hypothèse.)

hokusai a écrit :""""""" Pour autant que je sache, chez Spinoza il n'y a pas d'images mentales. Toutes les images sont corporelles."""""""""""""""

vous êtes dans l’ erreur
(cf scolie prop 40 part 2…..c’est l’ esprit qui imagine )


Comme vous le dites, c'est l'esprit qui imagine. Mais dans la démonstration du corollaire de la prop 26 part 2 (et de façon implicite également dans le passage que vous citez), Spinoza explique ce que ça veut dire POUR LUI: "Quand l'Esprit humain contemple les corps extérieurs à travers les idées des affections de son propre Corps, nous disons qu'il les imagine". Regardons également le scolie prop 17 part 2: "les affections du Corps humain dont les idées représentes les corps extérieurs comme étant en notre présence, nous les appellerons des images des choses [...]. Et quand l'Esprit contemple les corps de cette façon, nous disons qu'il imagine".

L'Esprit a donc des imaginations, le Corps des images. Les images sont des affections du Corps. Et il ne s'agit pas de n'importe quelles affections: ce sont uniquement ces affections dont les idées représentent les corps extérieurs comme étant en notre présence. L'Esprit, ou le Mental, a dans ce cas des 'imaginations', le Corps des images. C'est pourquoi il n'existe pas d'image mentale chez Spinoza.
Cordialement,
Louisa

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Messagepar hokousai » 01 oct. 2006, 00:49

chère Louisa


"""""""""pour en conclure que dès lors pour Spinoza une idée non exprimée par le langage ne peut pas être adéquate, parce que dans ses textes, il dit exactement le contraire. """""""""""

je n'ai jamais dis ça
j"ai une idée du "rouge" qui est adéquate ( et ce n 'est pas maintenant que je le découvre ) ce que je vous dis est que je n’ai pas d' idée sans en avoir . je prétends (de plus ) que si je n’avais pas ( moi ) une idée du rouge ce n'est pas la lecture de Spinoza qui me la donnerait et même plus que si je n’avais pas d idée du rouge ou d’ autres choses au choix je ne comprendrais pas ce que idée signifie chez lui .
Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas , je ne dis que des choses assez ordinaires ..
........................................

"""""""""Qu'appelez-vous l'expression d'une idée? Si vous voulez dire par là sa communication par le langage, """"""""""""""

Non l’expression d une idée ce n’est pas sa communication par le langage ,l expression de l’idée est la forme de l’idée et je soutiens que quand Spinoza se dit la définition 6 Par Dieu "j’entend un étant absolument infini "il n’a pas la même idée de Dieu que quand il ne se le dit pas .(estimez -vous que lui Spinoza le pense peut être le pense t-il mais pas moi )

ça ce sont des idées personnelles antiplatoniciennes lesquelles exaspèrent le platonisme de certains .. (d’ accord je veux bien ) mais Spinoza peut explique par ailleurs que quand il a la bonne définition du cercle il a enfin une idée adéquate du cercle et pas avant

Une définition je regrette mais cela est dans la forme du langage .Il y aurait donc quand même parfois des idées adéquates ayant cette forme très particulière mais honnis du langage .

Exercez- vous à faire des mathématiques sans rien écrire : sans symbole , sans chiffres et des équations à l’encre sympathique. Quelle mathématiques ferez- vous si vous ne manipulez que des idées sans formes ?

.........................................


"""""""""""" les affections du Corps humain dont les idées représentes les corps extérieurs comme étant en notre présence, nous les appellerons des images des choses [...]. Et quand l'Esprit contemple les corps de cette façon, nous disons qu'il imagine". """"""""""""""

par exemple une image sur la rétine qui est une affection du corps est une image ou bien le touché d une face d’ un cube et l’esprit a une idée de cette image , il imagine .(je passe sur les problèmes ardus de la perception puisque mon opinion ne vous intéresse pas )

Quelle est la forme de cette idée ?

Quand vous aurez répondu à cette question PAR Spinoza je veux bien retirer mon allégation "d’image mentale ".

…………………………………………..

Je vous le dis si Spinoza avait été musicien il aurait exprimé des idées dans sa musique et peut être même toute ses idées lesquelles à l ‘évidence (pour moi ) n’ auraient pas été les mêmes idées (pas les mêmes ) que celles qu’un philosophes peut exprimer en écrivant .

IL y a de ma part une compréhension de Spinoza (que je ne trouve pas contredite chez lui )
ie : une idée a une forme , elle n’est pas donnée nécessairement adéquate . Certaines idées passent d’une forme confuse a une forme claire et distincte quand elles sont parlées ou écrites .

Je ne dis pas que c’est ce que DIT Spinoza de ce qu’il fait mais je vois ce qu’il FAIT . Ce qu’il fait il ne le voit pas nécessairement .Vous êtes un esprit libre il ne vous est pas interdit de le voir .

hokousai

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Messagepar Miam » 01 oct. 2006, 19:00

Hokusaï, cessez de dire des bêtises. "les affections du Corps humain dont les idées représentent les corps extérieurs comme étant présents, nous les appellerons des images des choses [...]. Et quand lle Mental contemple les corps de cette façon, nous disons qu'il imagine". Le Mental contemple des images. Les images ou affections du corps. Il n'y a pas d'image dans le Mental. Le Mental contemple les images (i.e. les affections) du corps. Et l'on dit alors qu'il imagine, non pas parce qu'il a en lui-même des images mais parce qu'il "considère" les images du corps. C'est évident et vous êtes de mauvaise foi.

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Messagepar Louisa » 04 oct. 2006, 01:44

Salut Miam,

Miam a écrit :Tu écris :
« Seulement, si vous vouliez dire par là que mot et idée ne sont pas absolument différents, je ne suis pas certaine d'avoir compris la nuance/réserve que vous vouliez souligner. Car je dirais qu'ils sont absolument différents, mais néanmoins, dans certains cas, simultanés. La simultanéité n'exclut pas la différence absolue, il me semble. Si vous trouviez que si, en quoi le mot et l'idée ne seraient-ils pas différents (je suppose que pour vous, ils partagent la propriété de la réflexivité?)? »

Je n’ai pas dit que l’idée et le mot n’étaient pas « absolument différents ». Bien au contraire. Mais je détermine cette différence. Je dis seulement que si le mot relève du corporel, des affections du corps, il est l’objet des idées de ces affections pour la bonne raison que si on est affecté, on a l’idée de cette affection (cf. II 12). A moins que tu affirmes la possibilité d’affections du corps qui ne soient pas les objets des idées. Mais cela est contredit par II 12. C’est pourquoi en II 41s, concernant les signes (et les mots sont des signes), Spinoza peut se permettre sans contradiction d’alléguer des « idées semblables » à celles de la chose simultanée au mot.


Oui, tout à fait d'accord. Le mot est l'objet d'une idée. Car le mot est corporel, il est une affection du Corps, et de toute affection du Corps l'Esprit forme une idée. Mais c'est donc pour cette raison que je ne peux être d'accord avec Hokusai quand il dit que toute idée adéquate doit nécessairement être une idée exprimée (ou exprimable) en mots (je suppose que nous sommes également d'accord là-dessus, donc j'y ajoute pour Hokusai: l'adéquation, chez Spinoza, est une propriété de l'idée seule, elle n'a rien à voir avec le Corps. Le mot étant entièrement corporel, il est donc impossible que l'adéquation de l'idée aurait, chez Spinoza, comme condition d'avoir un lien quelconque avec les mots. Pour Spinoza l'adéquation est spirituelle, et non pas corporelle. Vous pouvez évidemment préférer une autre conception de l'adéquation, mais alors celle-ci n'est plus spinoziste, c'est tout).

Miam a écrit :Tu écris :
« Je ne voulais en tout cas pas nier l'importance du langage dans la communication des idées, si on comprend 'communication' dans le sens ordinaire, c'est-à-dire faire passer une idée d'un être humain à un autre (je voulais seulement nier la possibilité de réduire la question de vérité à une question de langage). Mais peut-être pensiez-vous plutôt à la communication dans le sens de communication des idées entre elles?"

Non non. Pas du tout. Il s’agit bien de communication au sens où l’entend Spinoza dans le TTP (concernant Moïse et Dieu), c’est à dire de communication entre deux interlocuteurs par le moyen de leurs corps.


ok

Miam a écrit :Mais communiquer par le moyen de son corps, c’est derechef communiquer par des idées, puisqu’il n’y a pas d’affections du corps sans idées de ces affections. Le problème n’est pas de communiquer des idées, ou des affects. Cela le corps le fait de toute façon en affectant un autre corps. Mais il ne le fait pas pour signifier une idée. Le problème est de pouvoir communiquer des idées au moyen de mots qui ne sont PAS les images ou affections de ces idées. Il faut non seulement distinguer l’idée et l’image, mais aussi l’idée, l’image et le signe, comme l’écrit Spinoza en II49s.


Je ne sais pas. Les mots étant des mouvements corporels, ils peuvent affecter le Corps de l'interlocuteur. Mais comme Spinoza le répète à l'envi: le mouvement corporel que cela va donner chez l'interlocuteur n'est pas forcément semblable à celui chez la personne qui a proféré ces mots. Les idées qu'aura cette personne, ne seront que les idées des affections de son propre Corps, c'est-à-dire idées qui enveloppent aussi bien la nature de son Corps à lui que celui du corps extérieur, le corps de la personne qui a parlé (selon le cor II en II16 elles indiquent/expriment même plus la nature de son propre Corps que celui de la personne qui a parlé). Ne faut-il dès lors pas clairement distinguer les deux idées, celles de celui qui parle et celle de celui qui entend les mots?
A partir de ce moment-là, peut-on encore dire que l'on communique 'par' des idées?
Puis tu parles de mots qui ne sont pas les images ou affections de ces idées. Les mots peuvent-ils être des images d'idées? Ou est-ce que tu voulais juste désigner les mots en tant qu'images-objets des idées?
Peut-être que oui, mais en tout cas, je ne suis pas certaine si tu distingues effectivement entre l'idée qu'on veut exprimer par des mots, et l'idée de l'affection qu'est un mot?

Miam a écrit :Tu écris :
« jusqu'ici, je crois que je vous suis plus ou moins. Je dis plus ou moins parce que je n'ai pas l'impression qu'en ce qui concerne deux images dont aucune des deux ne soit langagière, Spinoza n'exclut pas la possibilité d'avoir là aussi une simultanéité tout à fait arbitraire (dans le sens de 'fruit du hasard'). C'est même ce qui rend la connaissance du premier genre inadéquate, il me semble, indépendamment du fait qu'elle passe par le langage ou non. »

Le premier genre de connaissance n’est pas « le fruit du hasard ». Dire cela, c’est supposer la contingence comme quelque chose de réel, alors qu’elle n’est elle-même qu’une production de l’imagination. Le premier genre de connaissance se défini par un certain ordre qui est « l’ordre des affections ». Mais cet ordre n’est pas « hasardeux ». Ce n’est pas un hasard si je définis l’homme par la couleur noire parce que j’ai toujours vu des hommes noirs et par suite associé l’homme à la couleur noire. « Les idées inadéquates et confuses suivent les unes des autres avec la même nécessité que les idées adéquates, c’est à dire claires et distinctes » (II 36). Sans quoi tu instaure une contingence dans les choses elles-mêmes, alors que tout est nécessaire.


Oui, tout à fait d'accord. Si je parlais du 'fruit du hasard', je voulais juste référer au fait que le premier genre de connaissance suit l'ordre et l'enchaînement des affections du Corps, pas l'ordre des enchaînements de la nature (voir II18). Dans le premier genre de connaissance "chacun, de la manière qu'il a accoutumé de joindre et d'enchaîner les images des choses, tombera d'une pensée dans telle ou telle autre". Cela ne veut pas dire que cette habitude elle-même n'était pas déterminée/nécessaire. Cela implique seulement que les idées que nous avons dépendent, à ce niveau-là, largement de nos "rencontres fortuites de la nature" (II29s). D'où le fait que deux personnes peuvent associer deux idées très différentes au même mot 'pomum'. Et que notre connaissance du premier genre n'est pas adéquate (II26, démo du cor). Le 'hasard' ici ne réfère qu'au fait qu'on est "déterminé du dehors", pas à l'ordre de la nature en tant que tel. Sans doute tu sais bien tout cela, mais c'était donc à ça que je voulais référer. Je ne voulais pas suggérer qu'une partie de la nature serait non déterminée.

Miam a écrit :Tout est nécessaire, y compris le langage et les mots. Je n’ai pas dit que les mots étaient produits « par hasard », mais qu’ils étaient reçus par le mental comme « conventionnels » parce qu’ « il n’y a aucune ressemblance » (II 18s) entre le mot et ce qu’il désigne.


ok

Miam a écrit :C’est là précisément ce qui en II 18s distingue la pure simultanéité qui produit les mots de la simultanéité d’images qui continuent à avoir entre elles une relation de contiguïté spatiale ou de ressemblance, comme la trace d’un cheval et le sabot d’un cheval et ensuite ce cheval et le champs ou la bataille selon qu’on soit paysan ou militaire. Dans le cas des mots, il ne s’agit plus que d’une pure simultanéité temporelle entre deux images et par conséquent entre leurs idées.


Est-ce que là tu ne confonds pas le mot 'image' dans son sens ordinaire (visuel) avec le sens qu'en donne Spinoza? Se représenter une chose comme étant présente au Corps (donc comme affectant le Corps), c'est cela imaginer, pour lui. Je ne vois pas en quoi cela suppose une ressemblance entre deux images? Pourquoi devrait-il y avoir une ressemblance entre l'affection du Corps par le cheval et l'affection du Corps par la trace? N'est-ce pas le fait que nous avons été fréquemment affectés simultanément du cheval et de la trace qui fait que quand nous avons l'image de la trace, l'image du cheval apparaît et inversement? Sans qu'aucune ressemblance entre l'image/affection de la trace et celle du cheval soit nécessaire?
Certes, dans le sens ordinaire du terme, les images se caractérisent par leur ressemblance. Mais dans le sens spinoziste?

Miam a écrit :Tu écris :
« Ici je ne suis plus vraiment. D'abord je ne vois pas en quoi l'idée de l'idée résulterait d'une simultanéité. Celle-ci existe bel et bien entre l'idée et l'affection dont elle est l'idée, mais elle disparaît dès qu'il s'agit de l'idée de l'idée. Sinon on aurait une conscience absolue de tout ce qui se passe dans le Corps, ce qui n'est pas le cas. On n'en a qu'une conscience très limitée, même si l'Esprit forme une idée de toute affection du Corps. L'Esprit se forme pe nécessairement une idée du changement de l'acidité dans mon estomac, mais je n'en ai aucune conscience. Pour en être conscient, il faudrait que, dans un deuxième temps, une fois l'idée de l'acidité créée, cette idée devient l'objet d'une deuxième idée. Mais il me semble que cette deuxième idée ne peut être formée qu'APRES que la première existe, non? »

Non. De fait, pour Spinoza, nous avons « une conscience absolue de tout ce qui se passe dans le Corps ». C’est bien ce qu’énonce II 12 : « Tout ce qui arrive dans l’objet constituant le Mental humain doit être perçu par ce Mental ; en d’autres termes, une idée en est nécessairement donnée en elle ; c’est à dire si l’objet de l’idée constituant le Mental humain est un corps, rien ne pourra arriver dans ce corps qui ne soit perçu par le Mental ». D’où le Corollaire : « Il suit de là que l’homme consiste en Mental et en Corps et que le Corps humain existe conformément au sentiment que nous en avons ». Certes le Mental ne connaît pas adéquatement les parties du corps, mais il perçoit toutes les affections de ce corps. Il n’y a pas d’inconscient physiologique chez Spinoza.


ah, voilà une chose assez importante à clarifier. J'étais tout à fait dans l'idée que cet inconscient non pas physiologique (ce serait quoi, cela?) mais spirituelle (avoir des idées sans en avoir l'idée) existe pour Spinoza. Autrement dit: je croyais qu'il distingue très clairement la conscience de la simple perception par l'Esprit. Quand l'Esprit perçoit une affection, il en a une idée. Mais pour en être conscient, il faut qu'il ait également une idée de cette idée. Dans tout ce que tu cites ci-dessus, il s'agit du premier niveau: la perception d'une affection. Ici, à ce stade, l'objet de l'idée est un mouvement corporel. Tandis que la conscience consiste seulement en des idées qui ont l'être formel d'autres idées comme objet.
Alors j'étais donc bien obligée de vérifier mon impression. Voici les résultats:
- II21s: va plutôt dans ton sens: "Car en vérité l'idée de l'Esprit, c'est-à-dire l'idée de l'idée, n'est rien d'autre que la forme de l'idée, en tant qu'on considère celle-ci comme une manière de penser, sans relations à l'objet; car dès que quelqu'un sait quelque chose, il sait par là même qu'il le sait, et en même temps il sait qu'il sait ce qu'il sait, et ainsi à l'infini. Mais là-dessus, plus tard."
Ceci donne donc effectivement l'impression d'une conscience absolue. Mais s'agit-il d'une simultanéité ou non? II22 démo: "Les idées des idées idées des affections suivent en Dieu de la même manière, et se rapportent à Dieu de le même manière, que les idées des affections elles-mêmes". Faut-il comprendre ce 'suivre' comme une succession dans le temps?
- II23: rend les choses déjà un peu plus compliquées. L'Esprit ne se connaît pas lui-même. Je n'ai pas entièrement compris la démo, mais donc si la conscience = connaissance totale de soi, l'homme n'en dispose pas. C'est pour ça que "l'idée qui constitue la nature de l'Esprit humain n'est pas, considérée en soi seule, claire et distincte" (II28s).
- pour autant que je sache (à vérifier), Spinoza utilise pour la première fois lui-même le mot 'conscience' en III9. C'est là qu'il réfère au II23, donc on peut supposer que la conscience de l'Esprit, c'est la connaissance de soi. Seulement, l'Esprit est uniquement conscient des affections du Corps. Pas de tout ce qui est dans le Corps et qui est non affecté. C'est cela dont il n'a pas d'idée, et donc pas de conscience (pour poursuivre mon exemple: l'Esprit n'a pas d'idée du taux d'acidité de l'estomac, mais seulement du changement de ce taux; or faudrait-il pour autant dire que l'Esprit est conscient de ce changement? C'est précisément ça la question). Ou comme le dit Deleuze: "La conscience baigne de toutes parts dans l'inconscience" (dans 'Spinoza. Philosophie pratique', pg. 82, item 'conscience'). Et en tout cas selon lui "la conscience est toujours seconde par rapport à l'idée dont elle est conscience".

Conclusion: il faudrait maintenir l'idée d'un inconscient spinoziste, mais pas dans le sens où je croyais. L'inconscient n'est pas l'absence d'idées des idées d'affections, car cela n'existe pas. Nous avons des idées de nos idées à l'infini (mais où est-ce que Spinoza explique cela plus clairement, après le II21s?). L'inconscient c'est le fait que nous n'avons pas de conscience donc pas d'idée de tout ce qui est notre Corps mais qui ne relève pas d'une affection de celui-ci.
Est-ce que cela veut dire que dans la conscience, l'idée de l'idée est simultanée à l'idée? Je ne vois rien qui l'indique clairement. L'idée de l'idée semble plutôt 'suivre' de l'idée. Et pour Deleuze, elle est seconde. Mais sinon je ne vois pas trop comment m'imaginer une conscience 'infinie' ... .

Miam a écrit :Ensuite Spinoza ne dit jamais que nous avons l’idée de l’idée après l’idée. L’idée de l’idée est aussi simultanée à l’idée que l’idée l’est à son objet corporel. Dieu produit tout à la fois. Et s’il n’y avait pas simultanéité entre l’idée et l’idée de l’idée il n’y aurait pas « parallélisme épistémologique » entre les idées et leurs objets (y compris les idées elles mêmes).

Il n’y a aucun écart temporel entre l’idée de l’idée et son objet.


Mais as-tu déjà trouvé des passages qui confirment cela explicitement?

Miam a écrit :En vérité tu es corrompue par la notion cartésienne, ou bien plutôt husserlienne, de la réflexivité. Celle-ci suppose en effet la re-cognition d’un donné originaire, la vision d’une pré-vision. Tel n’est pas le cas chez Spinoza. Chez lui, tout au contraire, la réflexivité n’est rien d’autre que la simultanéité de l’idée et de son objet en vertu du double parallélisme, lui-même constitutif de la réflexivité principielle de Dieu via son entendement infini et l’idée de Dieu. La réflexivité spinozienne de l’idée n’a rien à voir avec la réflexivité de la conscience husserlienne ou cartésienne. Il n’y a pas d’écart entre l’idée et la conscience.


Oui, je veux bien te croire, mais alors seulement du point de vue de Dieu. Car là, le temps n'est que ce qui caractérise l'un de ses attributs, l'Etendue. Mais du point de vue de l'homme, qui lui existe dans le temps? Les essences peuvent bien être éternelles, mais le Corps, lui, non. Mêmes les essences actuelles existent dans le temps, car elles essaient de persévérer dans leur être. Alors qu'est-ce qui empêcherait de penser l'idée de l'idée comme ne se produisant qu'après son idée?
D'autre part, est-ce que la simultanéité n'est pas une propriété temporelle, une propriété du temps? Peut-on dire qu'en Dieu tout est simultané si seulement un attribut à lui à quelque chose à faire avec le temps?

Miam a écrit :La conscience, chez Spinoza, n’est pas la réflexion de quelque chose de pré-réflexif, elle est la réflexivité de l’idée elle-même.


oui ça d'accord. Mais en quoi cela nous obligerait-il de penser cette reflexivité comme simultanée?

Miam a écrit :Tu écris :
»Puis je n'ai pas très bien compris comment vous utilisez la notion de réflexivité ici. Telle que vous l'utilisez, on dirait que mêmes les images deviennent réflexives: il suffit que le Corps imagine l'affection d'un corps extérieur actuellement absent pour qu'il forme une image d'une image. »

Bien sûr les images ne sont pas en elles-mêmes réflexives. Il ne s’agit pas ici d’une image d’image comme le pense Moreau. Il s’agit de l’association de deux images (et partant de leurs idées) par une pure simultanéité entre le mot « pomme » et la pomme. Comme je l’ai dit dans le message précédent, cette pure simultanéité se distingue de la simultanéité entre une idée et son objet en ceci qu’il s’agit ici de la simultanéité entre deux modes d’un même attribut, l’étendue. (l’idée de l’idée est la simultanéité d’un être objectif et d’un mode du penser, pas de deux modes du penser).


jusque-là : ok

Miam a écrit :Cette simultanéité à l’origine du signe « mime » (au sens de la mimésis aristotélicienne : mimer et produire) la réflexivité de l’idée. Comment le fait elle ? C’est par la réflexivité-simultanéité pure entre le mot et son objet désigné, entre « pomme » et pomme, réflexivité qui est elle-même signifiée dans le langage. C’est ce qui fait que tout langage est immédiatement réflexif, à savoir : la différence et la simultanéité entre le mot et la chose, entre l’énoncé et l’énonciation, entre les différents niveaux logiques, de sorte que lorsque je dis « pomme », par cet acte de langage même, je dis « je dis pomme ». C’est là, faut-il le croire, un préalable à toute communication langagière humaine puisque, selon les linguistes, les « déictiques », dont le rôle est de déterminer la position de l’énonciation, sont présents dans tous les langages humains.


Là pour moi c'est assez problématique. Est-ce que je t'ai bien compris si je dis que ce en quoi les mots 'miment' les idées, selon toi, c'est le fait de pouvoir être simultanés? Et que donc tu 'définirais' la réflexivité par la simultanéité?
Si non: alors je crains que je n'aie rien compris.
Si oui: deux problèmes. D'abord celui concernant la simultanéité des idées en tant que telle (voir ci-dessus; donc la simultanéité entre l'idée et l'idée de cette idée etc). Mais ici il s'y ajoute un deuxième problème: en quoi lorsque je dis 'pomme', je dirais par cet acte de langage même déjà simultanément 'je dis pomme'? Je comprends bien que quand je dis 'pomme', je SAIS que j'ai dit 'pomme', c'est-à-dire j'ai une idée de cette affection, de ce mouvement corporel qui consistait à dire 'pomme'. Mais ce savoir n'implique en rien que j'aurais déjà dit, en même temps 'je dis pomme', non?

Miam a écrit :Si la réflexivité-pure simultanéité propre au signe linguistique est un préalable à toute communication interhumaine (qui continue donc à se faire par les corps)


là il me semble que tu fais un pas supplémentaire: maintenant cette réflexivité-simultanéité serait même un préalable à toute communication humaine. Pourquoi?

Miam a écrit :alors elle contribue à la « vérité » entendue comme condition de toute communication à partir de l’idée vraie, l’idée de Dieu, c’est à dire de l’objectivité de l’idée réflexive. La réflexivité- pure simultanéité mimée par le langage participe ainsi à la production d’un espace de communication par lequel les choses peuvent se faire connaître objectivement. Ou encore : la réflexivité mimée par le langage lui permet de communiquer l’objectivité de l’idée, de sorte que non seulement les idées mais aussi les mots puissent « exprimer » un sens, à savoir Dieu lui-même, dont l’idée est immédiatement réflexive comme idée vraie. C’est cela seul qui permet à Spinoza d’user du langage pour exprimer ET signifier des idées.


:?
Je crains que je ne comprends pas grand-chose, mais c'est peut-être parce que j'ai déjà des difficultés à te suivre pour les étapes 'préparatoires' à cette conclusion.
Ce que je ne comprends pas, c'est comment tu passes de la réflexivité à la vérité, et donc du langage à la vérité.

Miam a écrit :Tu écris :
« Or ce qui me semble distinguer avant tout les idées des images (et donc des mots), ce n'est pas le fait de pouvoir prendre une entité du même attribut comme objet d'une nouvelle entité appartenant toujours au même attribut, mais plutôt le fait que l'Esprit peut COMPARER les différentes idées entre elles. Et là, en fonction de ce en quoi les idées se conviennent, diffèrent ou s'opposent (II 29 scolie), l'Esprit peut créer lui-même un nouvel ordre entre ces idées. Aussi longtemps qu'il ne l'a pas fait, l'ordre de l'enchaînement de ses idées suit l'ordre de la rencontre fortuite de son Corps avec la nature, c'est-à-dire suit l'ordre d'enchaînement des images."

En II 29s, il n’est aucunement question de comparaison mais de convenances, c’est à dire de ce qui peut être l’objet de notions communes (CF. II 37-39).


oui, d'accord, le mot 'comparaison n'est jamais utilisé. Mais comment comprendre en quoi certaines choses se "conviennent, diffèrent ou s'opposent", en les contemplant 'simul', à la fois, si ce n'est qu'en comparant ces différentes choses entre elles?
Puis je croyais que l'Esprit ne peut contempler en quoi des choses se conviennent etc qu'en contemplant des idées. Les idées qu'il a soi-même, bien entendu. Or les 'notions communes' ne se caractérisent-elles pas d'être 'communes' à plusieurs Esprits/personnes? Ce qui veut dire que la communauté entre de différentes notions n'est pas la même chose que la convenance entre deux idées, vu que cette convenance se joue au sein même d'un seul Esprit, tandis que la communauté des notions communes suppose une comparaison entre les idées de plusieurs Esprits? Voir III38 pe: il s'agit là d'une communauté entre 'tous les corps'. Le Corps humain et celui du ou des corps extérieurs. Corollaire: la notion commune est une idée "communes à tous les hommes", qui concerne ce en quoi tous les corps conviennent en certaines choses.

Miam a écrit :La comparaison demeure une opération de l’imagination


c'est bien l'imagination qui essaie d'avoir une idée claire et distincte de différentes images, en effet, créant des 'universaux' quand trop d'images s'imposent à la fois, c'est-à-dire des idées confuses. Mais si l'Esprit 'comprend' en quoi certaines idées conviennent ou s'opposent entre elles, ne fait-il pas autre chose qu'imaginer?

Miam a écrit : même en ce qui concerne l’exemplaire de la nature humaine : il ne s’agit jamais que d’une idée régulatrice, d’un auxiliaire de l’imagination. D’ailleurs peu après tu sens la difficulté en assimilant la ressemblance et la réflexivité.


dans quel sens?

Miam a écrit : Pour ensuite en revenir à une sorte de dualisme de l’idée et de l’image alors que c’est une seule et même chose et qu’on n’a jamais une image sans son idée (II 12) pas plus qu’on a d’idée objective (d’être objectif) sans objet. Distinguer l’idée de l’image ne veut pas dire qu’elles s’excluent l’une l’autre. L’ordre des affections est bien aussi l’ordre des idées de ces affections, même si ce sont des idées inadéquates parce qu’on ne sait pas leur cause (puisque précisément, il s’agit de l’ordre des affections). Il faut éviter tout dualisme.


oui, je suis bien d'accord là-dessus, donc je n'ai pas trop compris avec quoi tu n'étais donc pas d'accord chez moi. Dans un certain sens, il y a chez Spinoza un 'pluralisme' (il y a une infinité d'attributs qui ne communiquent pas entre eux), mais cela au sein même d'un monisme (les différents attributs exprimant tous une seule et même chose/substance).
Mais donc je n'ai pas encore trop compris comment tu réussis à lier la vérité et la communication (et même le langage?).
A bientôt,
Louisa

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Messagepar hokousai » 04 oct. 2006, 13:09

à miam

« C'est évident et vous êtes de mauvaise foi. ""

Non

Mais si Spinoza pense ainsi que vous le supposez ,il ne rompt pas avec la théorie scolastique des facultés (le mental selon vous est une faculté d’ imaginer )
Spinoza a pourtant critiqué la compréhension de la volonté comme faculté ,inutilement semble t il .Les vielles fictions perdurent chez ses jeunes lecteurs .

désolé .
hks

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Messagepar Louisa » 06 oct. 2006, 14:06

Cher Hokusai,

hokusai a écrit :
"""""""""pour en conclure que dès lors pour Spinoza une idée non exprimée par le langage ne peut pas être adéquate, parce que dans ses textes, il dit exactement le contraire. """""""""""

je n'ai jamais dis ça
j"ai une idée du "rouge" qui est adéquate ( et ce n 'est pas maintenant que je le découvre ) ce que je vous dis est que je n’ai pas d' idée sans en avoir


ok, je veux bien accepter que vous n'avez jamais voulu dire que l'expression dans le langage soit pour vous la condition de l'adéquation d'une idée (dans ce cas je vous ai donc mal compris). Mais moi non plus je n'ai jamais voulu dire qu'on pourrait avoir une idée sans en avoir une. Je ne vois pas très bien pourquoi vous dites cela?

hokusai a écrit :je prétends (de plus ) que si je n’avais pas ( moi ) une idée du rouge ce n'est pas la lecture de Spinoza qui me la donnerait et même plus que si je n’avais pas d idée du rouge ou d’ autres choses au choix je ne comprendrais pas ce que idée signifie chez lui .


oui, d'accord, mais je ne vois pas trop où vous voulez en venir?

hokusai a écrit :Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas , je ne dis que des choses assez ordinaires ..


J'ai en effet compris que parfois vous prenez les mots dans leur sens ordinaire, même s'il s'agit de mots qui chez Spinoza sont des étiquettes pour un sens tout à fait spinoziste, qui n'a plus rien à voir avec le sens ordinaire. Il est clair qu'en soi il n'y a aucun problème avec cela, mais parfois il est difficile de savoir quand vous voulez/prétendez donner votre interprétation de ce qui serait selon vous le sens proprement spinoziste de l'un ou l'autre mot, et quand vous utilisez le mot juste dans son sens ordinaire.

hokusai a écrit :"""""""""Qu'appelez-vous l'expression d'une idée? Si vous voulez dire par là sa communication par le langage, """"""""""""""

Non l’expression d une idée ce n’est pas sa communication par le langage ,l expression de l’idée est la forme de l’idée et je soutiens que quand Spinoza se dit la définition 6 Par Dieu "j’entend un étant absolument infini "il n’a pas la même idée de Dieu que quand il ne se le dit pas .(estimez -vous que lui Spinoza le pense peut être le pense t-il mais pas moi )


ici p.e. il est difficile de bien comprendre ce que vous voulez dire, et cela pour la raison que je viens d'expliquer. Chez Spinoza, le mot 'forme' à un sens très précis, sens qui, pour autant que je l'ai compris, n'a rien à voir avec votre proposition ici de faire de l'expression langagière de l'idée la forme de l'idée. Libre à vous, bien sûr, de créer une autre conception et un autre sens des mots 'idée' et 'forme' que ceux qu'a inventés Spinoza, mais qu'alors dans la même phrase vous passez à une définition de Spinoza lui-même rend pour moi les choses un peu confuses.
Sinon ni Spinoza ni moi-même nions que langage peut être un instrument utile non seulement pour communiquer des idées mais aussi pour réfléchir. Mais je ne vois pas ce qui vous permet d'aller plus loin que ça. Il est également utile, pour mieux réfléchir, de discuter avec d'autres, d'écrire, de dessiner, et pour certains même de marcher. Un tas d'autres choses augmentent la faculté cognitive de penser (bien dormir, bien manger, ...). Tout cela aide à penser. Mais nulle part je ne vois chez Spinoza une affirmation qui permettrait de conclure que POUR SPINOZA le langage aurait un rôle plus grand dans la 'clarté' des idées que cela. Vous si? Et si oui, utilisez-vous le mot 'clarté' ici dans le sens ordinaire ou dans le sens proprement spinoziste?

hokusai a écrit :ça ce sont des idées personnelles antiplatoniciennes lesquelles exaspèrent le platonisme de certains .. (d’ accord je veux bien ) mais Spinoza peut explique par ailleurs que quand il a la bonne définition du cercle il a enfin une idée adéquate du cercle et pas avant


je ne sais pas trop à quoi vous voulez référer en parlant du platonisme, mais pourriez-vous indiquer l'endroit où il dit que pour avoir une idée adéquate il faut avoir d'abord une bonne définition?

hokusai a écrit :Une définition je regrette mais cela est dans la forme du langage.


c'est le 'est' dans votre phrase qui pose problème pour moi. Comment savoir ce qui 'est'? Comment savoir si la définition est dans la forme du langage ou non? Et si on ne sait pas comment le savoir, à quoi bon un tel genre d'énoncés? Je suppose en tout cas qu'ici vous parlez de votre propre conception du langage et de la définition et pas de Spinoza. Encore une fois: je n'ai aucun problème avec cela en soi, mais j'ai seulement un peu l'impression qu'à partir de ce moment-là, on peut dire tout et n'importe quoi. Je veux dire: à partir de ce moment-là on n'est plus dans le domaine de ce qui 'est', mais dans le domaine de nos conjectures personnelles, subjectives, non démontrées. Le domaine de l'opinion. Or dès le début de la philo, celle-ci a voulu se distinguer de l'opinion. Etes-vous d'accord avec cette distinction, ou trouvez-vous qu'elle n'a aucun sens, et si oui pourquoi?

hokusai a écrit :Il y aurait donc quand même parfois des idées adéquates ayant cette forme très particulière mais honnis du langage .


Pas chez Spinoza en tout cas. Le langage est corporel, l'idée est spirituelle. Et il n'y a pas de communication entre les attributs. Jamais on pourra donc concilier, il me semble, la conception de l'idée adéquate comme forme particulière du langage avec une conception spinoziste des notions d'idée, d'adéquation et de langage. Si vous croyez que si: comment faites-vous pour y arriver?

hokusai a écrit :Exercez- vous à faire des mathématiques sans rien écrire : sans symbole , sans chiffres et des équations à l’encre sympathique. Quelle mathématiques ferez- vous si vous ne manipulez que des idées sans formes ?


Dans le langage de Spinoza, la question serait: quelles mathématiques ferait-on sans usage des signes? Contrairement à ce que vous venez de dire, Spinoza ne voit pas le langage comme quelque chose d'honni. Au contraire, toute connaissance qui passe par le langage est selon lui une connaissance au sens propre du terme. A mes yeux il s'agit donc d'une théorie du langage qui tient absolument compte du pouvoir cognitif de ces moyens humains que sont les signes. Seulement, contrairement à ce que vous dites ci-dessus, l'adéquation (en tant que notion spinoziste) ne dépend pas du langage pour lui, car la connaissance du premier genre (celle qui passe par le langage) est une connaissance inadéquate. Les idées que nous avons par ce biais ne sont adéquates que du point de vue de Dieu, pas dans notre Esprit à nous.
En fin de compte, il me semble que cette conception est assez facilement traduisible en des termes de nos expériences quotidiennes, car effectivement, quelle 'adéquation' pourrait-il y avoir entre une suite de mots humains et une forme géométrie telle que le cercle? Le cerle n'a pas besoin de mots pour exister, il a une essence non-langagière. L'idée qu'EST le cercle exprime cette essence, mais sans passer par le langage, car le langage est un phénomène humain, qui n'a rien à voir avec le cercle en tant que tel.

Bref, je n'ai pas l'impression que Spinoza nie l'utilité de se servir de temps en temps de signes pour acquérir l'une ou l'autre connaissance. Là où vous vous distinguez de la pensée spinoziste, il me semble, c'est quand vous liez adéquation et langage. Pour Spinoza, cela est impossible. Et je n'ai pas encore trop compris comment ce lien pour vous pourrait être possible.

Autrement dit, sur ce point j'ai l'impression que Spinoza reformule ce que disait déjà Platon dans le Ménon, dans le passage de l'analogie de la route qui mène à Larisse. Selon Platon, il est très bien possible d'avoir une opinion vraie sur le chemin à suivre simplement en se basant sur l'ouï-dire. Ce n'est pas au niveau du contenu de l'idée qu'il faut chercher la différence entre connaissance et opinion vraie. C'est dans les caractéristiques de l'idée elle-même qu'il faut la chercher: a-t-elle été acquise par le biais de signes, ou par le biais de l'expérience? Si c'est seulement par des signes, il s'agit d'une opinion vraie, si c'est par expérience, il l'appelle 'connaissance'.
Quelle y est donc la différence entre connaissance et opinion vraie? Précisément ce qu'en dit Spinoza: elle réside dans la certitude qui accompagne cette idée. Si on l'a acquise par le biais de signes, sa vérité est moins sûre, il est plus facile de faire douter la personne qui la détient (quelqu'un d'autre peut être plus convaincant en expliquant qu'il faut aller dans le sens opposé, p.e., et on ne disposera d'aucun moyen indépendant de juger entre les deux chemins qui nous sont alors indiqués). En revanche, si on l'a acquise par expérience (si on a parcouru le chemin soi-même), on doutera beaucoup moins facilement. On SAIT que suivre ce chemin-ci conduit nécessairement à arriver à Larisse.
La connaissance est donc plus certaine. Chez Platon, cette certitude est associée au mot 'epistèmè', connaissance/science, et l'absence de cette certitude à celui de l'opinion ou de la 'doxa'. Spinoza développe un concept de la vérité bien différente de celui de Platon, et donc utilise d'autres mots pour le désigner (quoique dans l'E2P40sII il parle même littéralement d'opinion), mais ce qu'il veut dire par 'vérité' est très très proche de la distinction platonicienne quand il écrit en l'E2P49s: "Et par privation de certitude nous entendons la fausseté" (c'est d'ailleurs dans le même scolie qu'il dit qu'il faut bien distinguer les mots et les idées).

Résultat: une idée 'vraie' dans le sens spinoziste, donc nécessairement 'adéquate' au sens spinoziste, comporte un maximum de certitude, au sens spinoziste. Tant que nous en restons au niveau du langage, nos idées n'ont pas la certitude qu'elles ont quand on est au niveau de l'adéquation et de la vérité. Cela n'empêche que parfois le langage peut nous aider à former des idées vraies, et cela n'empêche même pas que le langage, accompagné d'autres expériences, peut parfois mener à des idées vraies. Mais le langage seul n'a pas la puissance d'obtenir cette certitude. Elle nous oblige à rester dans l'opinion. Opinion qui chez Platon peut être vraie mais ne sera jamais de l'ordre de la connaissance. Opinion qui chez Spinoza est toujours déjà de l'ordre de la connaissance mais ne pourra jamais être vraie. En cela, Platon et Spinoza ne se contredisent pas. Ils comprennent simplement autre chose par 'connaissance' et 'vrai'. Mais ils lient tous les deux la vérité à la certitude comme sa condition nécessaire, et ne donnent au langage qu'un statut secondaire.

hokusai a écrit :"""""""""""" les affections du Corps humain dont les idées représentes les corps extérieurs comme étant en notre présence, nous les appellerons des images des choses [...]. Et quand l'Esprit contemple les corps de cette façon, nous disons qu'il imagine". """"""""""""""

par exemple une image sur la rétine qui est une affection du corps est une image


dans le sens ordinaire du mot 'image': en effet. Dans le sens spinoziste il faut distinguer les images visuelles des images auditives, sensorielles etc. Chez Spinoza, le terme d'image n'est pas défini par son aspect visuel mais par le fait d'être une affection du Corps, sans plus.

hokusai a écrit : ou bien le touché d une face d’ un cube et l’esprit a une idée de cette image , il imagine .(je passe sur les problèmes ardus de la perception puisque mon opinion ne vous intéresse pas )


Etes-vous d'accord pour dire que dans ce cas, il ne s'agit pas d'une image visuelle?

hokusai a écrit :Quelle est la forme de cette idée ?

Quand vous aurez répondu à cette question PAR Spinoza je veux bien retirer mon allégation "d’image mentale ".


Le problème, c'est que j'ai l'impression que vous prenez la notion de 'forme' dans un sens non spinoziste. Vous croyez qu'une idée puisse prendre une forme langagière. Cela est évidemment tout à fait possible, mais si on postule (comme le fait Spinoza) que langage et idée sont deux choses absolument différentes, le Corps (et donc les mouvements corporels que sont les mots et les images) peut être l'OBJET de l'idée, mais pas la FORME de l'idée. Pour Spinoza (qui semble utiliser les notions de formel et d'objectif dans un sens issu de la Scolastique), toute chose a une essence formelle et une essence objective. L'idée étant elle aussi une chose, sa forme, chez Spinoza, n'est pas quelque chose de l'ordre du langage, mais ce par quoi une idée appartient à l'attribut de la Pensée. L'être formel d'une image concerne l'image en tant qu'elle appartient à l'Etendue. Forme et objet sont deux choses différentes, chez Spinoza.

Bernard Rousset explique cela d'une façon assez claire:
"Dans tous les cas, chez Descartes et Spinoza reprenant différemment le vocabulaire scolastique, (...), objectivus signifie toujours relatif à l'être en tant qu'objet, et s'oppose également, identiquement, à formalis, qui signifie constitutif de l'être propre d'un être, être d'une chose en tant que corps ou en tant qu'idée: il est évident que cette [sic] être formel n'est pas sa matière, ses matériaux ou ses éléments, mais son essence qui est la définition le caractérisant dans sa spécificité, ou au moins son individualité."

Sinon je ne comprends pas très bien pourquoi le fait que Spinoza dit que c'est l'Esprit qui imagine mais le Corps qui a des images ne vous oblige PAS en soi déjà d'abandonner la notion d'image mentale, du moins si vous voulez désigner par là l'une ou l'autre conception spinoziste?
Vous pouvez évidemment développer vous-mêmes une théorie de l'Esprit où vous préférez utiliser cette expression langagière, et alors lui donner une définition claire, et alors proposer une toute nouvelle façon de concevoir l'Esprit humain. Mais en attendant, qu'est-ce qui vous oblige de désigner certaines entités conçues PAR SPINOZA comme 'image mentale', quand lui il ne fait que sans cesse proposer une distinction entre le sens des mots 'image' et 'imaginer' telle qu'elle rend les images mentales impensables dans un système spinozistes? Comment les rendez-vous pensables, dans un tel système?

hokusai a écrit :Je vous le dis si Spinoza avait été musicien il aurait exprimé des idées dans sa musique et peut être même toute ses idées lesquelles à l ‘évidence (pour moi ) n’ auraient pas été les mêmes idées (pas les mêmes ) que celles qu’un philosophes peut exprimer en écrivant .


En tout cas les moyens d'expression sont si différentes que normalement nous n'essayons même pas d'exprimer une même idée dans les deux. Comment jouer sur une guitare l'idée de cause? Chaque moyen d'expression et donc de communication de ses idées ne permet que ce qui est exprimable par ce moyen. Cela n'oblige en rien de penser les idées comme étant déterminées par ce qui les exprime. Si Django Reinhardt est en train d'improviser et invente à un certain moment une note particulièrement originale et émouvante, est-ce que l'idée en soi est déterminée par le mouvement qu'était en train de faire son corps? Je ne vois pas en quoi pourquoi on devrait le penser comme ça (pendant qu'il joue, il pense à ses harmonies, à ce qu'il a déjà entendu et fait, aux idées que lui suggèrent ses collègues avec qui il joue etc.). Comme pour chaque pensée, plein de facteurs interviennent dans la formation d'une idée. La seule chose que Spinoza nous dit c'est: tout ce qui cause une idée doit être d'ordre Spirituel, tout ce qui cause un mouvement corporel, d'ordre corporel. Mais cela, ce n'est qu'une proposition de pensée. Libre à vous d'en proposer une autre, si vous voulez. Ce qui m'intéresse surtout, c'est de savoir si vous arrivez à faire passer votre conception comme spinoziste ou non, et si oui comment.

hokusai a écrit :IL y a de ma part une compréhension de Spinoza (que je ne trouve pas contredite chez lui )
ie : une idée a une forme , elle n’est pas donnée nécessairement adéquate . Certaines idées passent d’une forme confuse a une forme claire et distincte quand elles sont parlées ou écrites .


C'est pourtant assez simple je crois. Le langage parlé ou écrit fait partie de l'attribut de l'Etendue. Rien, de cet attribut, ne peut causer quoi que ce soit dans l'attribut de la Pensée. E2P5: "L'être formel des idées reconnaît pour cause Dieu, en tant seulement qu'on le considère comme chose pensante, et non en tant qu'ils s'explique par un autre attribut. C'est-à-dire, les idées tant des attributs de Dieu que des choses singulières reconnaissent pour cause efficiente non pas ce dont elles sont les idées, autrement dit les choses perçues, mais Dieu lui-même, en tant qu'il est chose pensante." Résultat: E2P6: "Les manières d'un attribut, quel qu'il soit, ont pour cause Dieu en tant seulement qu'on le considère sous l'attribut dont elles sont des manières, et non sous un autre."

Si le langage, parlé ou écrit, était capable de changer une idée confuse en idée claire, un mode ou une manière de l'attribut Etendue pourrait causer un effet dans un autre attribut, celui de la Pensée. Cela n'est pas possible chez Spinoza.
L'expérience que nous avons tous eu déjà maintes fois, que le fait d'écrire aide à penser, devra donc être retraduit autrement que tel que vous le faites jusqu'à présent si vous voulez la formuler dans un langage proprement spinoziste.
Cela ne me semble d'ailleurs pas être hypercompliqué à faire: nous savons que pour Spinoza, de chaque affection du Corps l'Esprit en forme une idée. De chaque mot que nous utilisons, en silence ou parlé, l'Esprit se forme donc une idée. En parlant, il y a donc constamment des changements au niveau de l'Esprit. Que cela fait changer certaines autres idées en tant qu'idées n'est en rien à exclure. Qu'en même temps, certaines idées deviennent plus claires et distinctes me semble tout à fait possible, dans un système spinoziste. La seule chose qui est impossible, c'est que la CAUSE de la clarté et de la distinction, et donc de la vérité d'une idée, c'est quelque chose d'ordre langagier.

hokusai a écrit :Je ne dis pas que c’est ce que DIT Spinoza de ce qu’il fait mais je vois ce qu’il FAIT . Ce qu’il fait il ne le voit pas nécessairement .Vous êtes un esprit libre il ne vous est pas interdit de le voir .


Pour moi, vous opposez tout simplement une autre théorie du langage à celle que propose Spinoza. Encore une fois, je n'ai aucun problème avec cela en soi. Libre à vous aussi d'utiliser cette théorie pour interpréter les actes de langage que Spinoza a commis en écrivant l'Ethique. Seulement, VOTRE interprétation du langage n'est pas celle que propose à penser Spinoza. Si vous êtes d'accord avec cela, alors je n'au plus aucun problème. Si vous n'êtes pas d'accord avec cela, si vous voyez donc un lien entre votre façon d'interpréter le lien langage-idées et celle que propose Spinoza, alors cela m'intéresse bien de savoir comment construire ce lien, parce que je ne le vois pas du tout. Pour moi, les deux s'excluent mutuellement.
Cordialement,
Louisa


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