Spinozisme et sexualité

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
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Faun
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Spinozisme et sexualité

Messagepar Faun » 26 avr. 2007, 13:52

Henrique a écrit :
(Au passage, je demanderai quand même à Faun où il voit que toute sexualité serait chez Spinoza "confusion", "égarement du coeur et de l'esprit" mais cela mériterait peut-être un nouveau sujet.)



C'est que la sexualité met en relation des corps et des images de corps, et des images partielles la plupart du temps, c'est à dire qu'elle met en jeu des passions par le biais de l'imagination. Et l'idée de notre corps, de celui du partenaire sexuel, sont des idées tout a fait confuses, comme le montre Spinoza dans le livre 2 de l'Ethique. Par suite de ces idées confuses ne peuvent suivre que d'autre idées confuses, comme le sont les idées de plaisir sexuel, d'orgasme, etc. Spinoza oppose non pas la chasteté à la sexualié, mais l'amitié. Car l'amitié entre deux hommes, ou entre deux femmes, etc. se fonde sur les idées adéquates qui constituent l'intellect. C'est un désir de l'union des intellects, ou des Esprits, et non un désir de l'union des corps, selon la définition de la lubricité dans le livre 4. C'est ce que dit Deleuze quand il explique que la sexualité est du domaine de l'équivoque, qu'il n'y a pas de sexualité univoque.

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Messagepar Vagabond » 26 avr. 2007, 17:58

Faun,

Vous dites que le desir, dans ce cas sexuel,

naît de l'amour, c'est à dire d'une joie accompagnée de l'idée d'une cause extérieure, c'est donc d'une idée, ou d'une image que l'esprit contemple, que naît le désir, et non d'une conformation particulière du corps.


J'ai une premiere question: Spinoza ne pensait-il pas que l'affection de l'ame est simultanee a l'affection du corps? (E3P10, E3P11S)

J'ai une seconde question reliee a ce que vous ecrivez ensuite:

C'est que la sexualité met en relation des corps et des images de corps, et des images partielles la plupart du temps, c'est à dire qu'elle met en jeu des passions par le biais de l'imagination. Et l'idée de notre corps, de celui du partenaire sexuel, sont des idées tout a fait confuses, comme le montre Spinoza dans le livre 2 de l'Ethique.


Mais donc ceci signifie que les idees confuses peuvent tout de meme etre associees a des joies, "une passion par laquelle l'âme passe à une perfection plus grande", n'est-ce pas? D'ou la grande difference entre Spinoza et une doctrine moraliste.

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Re: Spinozisme et sexualité

Messagepar Pourquoipas » 27 avr. 2007, 07:01

Faun a écrit :(...)
Spinoza oppose non pas la chasteté à la sexualié, mais l'amitié.

Et ceci c'est apocryphe ?

Spinoza, en Ethique III, 56, scol., a écrit :(...) Donc ces affects [gourmandise, ivrognerie, libido, avarice, ambition], en tant qu'on les distingue par l'objet seul auquel on les rapporte, n'ont pas de contraires. Car la tempérance que nous opposons habituellement à la gourmandise, la sobriété à l'ivrognerie, et enfin la chasteté à la libido, ne sont pas des affects, autrement dit des passions ; mais indiquent la puissance de l'âme qui domine [moderari, empêcher d'avoir de l'excès] ces affects.


Encore une louche :

Spinoza, en Ethique III, 59, scol., a écrit :(...) Et par générosité j'entends le désir par lequel chacun s'efforce, sous la dictée de la raison, d'aider les autres humains et de se lier à eux d'amitié. (...)


Je ne vois là, en prenant les termes mêmes de l'Ethique, aucune opposition entre la sexualité et l'amitié. Il faut et il suffit que l'une et l'autre soient sans excès. Qu'on me comprenne bien : je ne dis pas que c'est facile, je dis que ce n'est pas contradictoire dès lors que nous ne sommes ni passifs ni passionnés.

Faun a écrit :C'est ce que dit Deleuze quand il explique que la sexualité est du domaine de l'équivoque, qu'il n'y a pas de sexualité univoque.

Cela n'est rien moins que clair. On peut avoir une explication ? ou plutôt des références, j'irai voir par moi-même.

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Re: Spinozisme et sexualité

Messagepar Faun » 27 avr. 2007, 09:19

Pourquoipas a écrit :
Spinoza, en Ethique III, 56, scol., a écrit :(...) Donc ces affects [gourmandise, ivrognerie, libido, avarice, ambition], en tant qu'on les distingue par l'objet seul auquel on les rapporte, n'ont pas de contraires. Car la tempérance que nous opposons habituellement à la gourmandise, la sobriété à l'ivrognerie, et enfin la chasteté à la libido, ne sont pas des affects, autrement dit des passions ; mais indiquent la puissance de l'âme qui domine [moderari, empêcher d'avoir de l'excès] ces affects.


Ce texte contient des mots que l'on ne retrouve jamais dans les listes des vertus spinozistes, je pense qu'il s'agit là d'une simple référence au discours moral chrétien habituel, qu'il ne nie pas, mais qui ne reflète pas sa véritable pensée. N'oubliez pas que pour Spinoza les affects ne peuvent être contrariés que par d'autres affects, remplacés. Or l'absence de sexualité, l'absence de gourmandise, etc. ne sont rien de positifs, et ne sont donc pas des affects.

Je ne vois là, en prenant les termes mêmes de l'Ethique, aucune opposition entre la sexualité et l'amitié. Il faut et il suffit que l'une et l'autre soient sans excès. Qu'on me comprenne bien : je ne dis pas que c'est facile, je dis que ce n'est pas contradictoire dès lors que nous ne sommes ni passifs ni passionnés.


Je ne pense pas qu'il puisse exister une sexualité active, c'est à dire qui naît de la puissance de comprendre, de l'intellect : le désir sexuel naît toujours d'une image, et non d'un concept.
Et l'amitié, puisqu'elle naît de l'intellect, dans la définition de Spinoza, ne peut jamais être excessive.
Quand je dis que l'amour naît toujours d'une image, c'est au sens de l'imagination spinoziste : on aime la beauté d'un visage, d'une main, etc. mais aussi l'odeur d'une peau, d'une chevelure, etc. ou le son d'une voix, le bruit de la soie sur les jambes, etc, ou bien un geste de la main, d'une démarche, etc. Beautés partielles, fétichisme.

Cela n'est rien moins que clair. On peut avoir une explication ? ou plutôt des références, j'irai voir par moi-même.


Deleuze a écrit :"Spinoza est un positiviste parce qu'il oppose l'expression et le signe: Dieu exprime, les modes expriment, les attributs expriment. Pourquoi? En langage logique, on dira que le signe est toujours équivoque, il y a une équivocité du signe, c'est à dire que le signe signifie, mais qu'il signifie en plusieurs sens. Par opposition l'expression est uniquement et complètement univoque: il n'y a qu'un seul sens de l'expression, c'est le sens suivant lequel les rapports se composent."


http://www.webdeleuze.com/php/texte.php ... a&langue=1

Sur l'amour :

http://www.webdeleuze.com/php/texte.php ... a&langue=1

Deleuze a écrit :C’est que pour lui, la sexualité est inséparable de l’obscurité des signes. Si il y avait une sexualité univoque, à ça, il serait complètement pour, c’est pas, il n’est pas contre la sexualité, si vous pouviez tirer et vivre dans la sexualité des expressions univoques, il vous dirait : “Allez-y, c’est ça qu’il faut faire.” Mais voilà, il se trouve, a-t-il tort ou a-t-il raison ? Y a-t-il des amours univoques ? Il semblerait plutôt, et il semble que l’on soit allé tout à fait dans ce sens que loin de découvrir des ressources d’univocité dans la sexualité, on a au contraire laissé proliférer l’équivocité du sexuel et que ça été une des plus belle réussite de la psychanalyse de développer en tout sens l’extraordinaire équivocité du sexuel.


http://www.univ-paris8.fr/deleuze/artic ... article=26


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