Spinoza signale aussi si je me souviens bien le livre de Josué, appelé ainsi parce qu'il aurait été écrit par Josué, et qui explique à la fin dans quelles circonstances Josué meurt !
Alors que les rabbins et chefs de la communauté juive d'Amsterdam lui demandaient d'abjurer ses opinions contraires à la religion, Spinoza écrivit à 23 ans un mémoire, aujourd'hui perdu, dans lequel il démontrait par point que ce n'était pas lui qui se trompait mais ceux qui l'accusaient d'impiété. Ce qui bien sûr précipita son excommunication. Certains historiens pensent que ce mémoire servira de base au TTP.
La question du point de départ de la philosophie de Spinoza est intéressante : est-ce qu'il y aurait un déclic à partir duquel tout le reste découle et sans lequel le spinozisme n'aurait pas été ce que nous en connaissons ?
Je pense que ce déclic, Spinoza en parle lui-même sans le dater précisément, au début du Traité de l'amendement de l'intellect : d'abord l'expérience de la vanité de toutes choses dont
l'Ecclesiaste avait parlé depuis longtemps. Et en même temps, ce sentiment de vanité révèle une aspiration infinie à un bien éternel faisant écho à cette parole de Salomon : "Dieu a mis aussi dans leur cœur l'éternité". Ensuite, il se trouve que le jeune Spinoza était assez doué tant dans l'art d'interpréter les textes sacrés que dans les matières démonstratives, grâce notamment aux leçons de Van den Ende. C'est ce qui lui permettra d'avoir ce déclic que le 11ème paragraphe du TIE décrit en ces termes : "Seulement je voyais que mon esprit, en se tournant vers ces pensées, se détournait des passions et méditait sérieusement une règle nouvelle ; et ce fut pour moi une grande consolation ; car je compris ainsi que ces maux n'étaient pas de ceux qu'aucun remède ne peut guérir. Et bien que, dans le commencement, ces moments fussent rares et de courte durée, cependant, à mesure que la nature du vrai bien me fut mieux connue, ils devinrent et plus longs et plus fréquents".
Pour moi donc, Spinoza a eu le cran de relire de façon radicalement critique des textes comme le Pentateuque, alors que tout autour de lui l'incitait à se soumettre à l'autorité de ces textes, parce ce qu'il avait trouvé en lui-même une source de satisfaction qui le rendait autonome par rapport à toutes les autorités extérieures, une source de joie intérieure assez puissante pour supplanter l'espoir d'une vie après la mort et surpasser la crainte inculquée depuis la plus tendre enfance de se retrouver seul, exclu de sa famille, de sa communauté et de la vie même. L'interprétation rationnelle du texte sacré me semble donc une conséquence plutôt qu'une cause. Toutefois, en découvrant une à une les incohérences bibliques du point de vue simplement logique ou théorique pour finalement mettre en lumière la cohérence pratique, essentiellement politique, de ces textes, Spinoza a pu être régulièrement conforté dans la voie qu'il avait été conduit à choisir.