(was: Limites du spinozisme)

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
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Korto
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Messagepar Korto » 27 janv. 2008, 08:01

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hokousai
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Messagepar hokousai » 27 janv. 2008, 14:27

Carteron ! ah Carteron ....des qualités mais ......que de longueur . Ecrire ! encore écrire !
S'emmêler , se perdre ....ne jamais viser juste , avec précision , avec concision .

Epuisé , il a abandonné .

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sescho
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Messagepar sescho » 27 janv. 2008, 14:37

D’abord ce « papier » ruisselle de prétention. Envoyer à la poubelle toutes les définitions (!) et axiomes de Spinoza en deux temps trois mouvements ; rien que cela ! Comme Spinoza le dit, l’orgueil est la plus grave des ignorances. On peut mettre des pages de doctes « démonstrations », pour moi c’est cela qui est vrai…

Manifestement cet intervenant prend ses préjugés pour vérités établies, et corrélativement ses affirmations pour des démonstrations… Outre qu’il confond définition et proposition (même si je reconnais que l’usage de la définition E1D1 est discutable de ce point de vue.)

E1D1 (« Cause de soi ») : il s’agit d’un « cas limite », et c’est précisément pourquoi Spinoza se fend d’une définition. Ce qui existe par soi, soit est dit n’avoir pas de cause, soit, si l’on pose que tout a une cause, est dit être cause de soi. Dans ce second cas, c’est exactement comme lorsque l’on dit en Mathématique qu’un ensemble se contient lui-même. Ce qui est cause de soi ne peut s’anéantir : il existe nécessairement, ou autrement dit il est dans sa nature (essence) d’exister, donc l’existence appartient à son essence. Spinoza – qui procède par ordre et pose en général que l’essence précède l’existence : pour exister il faut que ce soit en tant que quelque chose - dit plus tard qu’il y a en fait identité entre essence et existence pour la substance (E1P20.) Je ne vois pas ce que l’intervenant réfute (et non seulement nie) dans ce cadre.

E1D2 (« chose finie en son genre. ») Si ce n’est le problème connu de la cause infinie aux êtres finis (qu’il souligne mais ne résout pas), le reste est basé sur des présupposés. (En passant, j’ai entendu un commentateur de Spinoza dans les Nouveaux chemins de la connaissance sur France Culture dire que selon lui il y a une distinction irréductible chez Spinoza entre Dieu Nature naturante et Nature naturée ; il a pris pour exemple l’Etendue non divisible). Lorsque l’intervenant dit qu’il n’y a pas de genre commun entre substance et êtres finis, il néglige l’attribut, par exemple l’Etendue pour les corps. « En son genre » pour Spinoza est une référence à l’attribut particulier considéré, et c’est à la nature de mode fini dans l’attribut considéré que Spinoza fait référence. Par ailleurs, il est très clair que, pour Spinoza, ce qui est clair et distinct est vrai. Donc l’ordre de l’entendement (au sens restreint : clair) suit l’ordre naturel. Je ne peux concevoir un corps sans l’étendue ; donc l’Etendue précède le corps dans l’ordre ontologique.

E1D3 (« substance ») : erreur de l’intervenant : on ne peut concevoir le « bleu » sans l’Etendue.

Bon j’arrête là car tout le reste est du même tonneau : des préjugés (contraires à la vision de Spinoza) pris comme acquis, et tout le reste n’est que pseudo-réfutation sur cette base, voilà tout ce qui nous est proposé (ou plutôt est proposé aux tenants inconditionnels des préjugés en question.)

Personnellement, je pense que tout est discutable dans ce que nous propose Spinoza, et il s’y trouve même selon moi des points critiquables. Mais vu le calibre de l’auteur, c’est autre chose que de la logorrhée qu’il faut mettre en face pour progresser réellement.


Cordialement


Serge
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Henrique
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Messagepar Henrique » 27 janv. 2008, 15:18

En effet, ou bien on se situe dans une démarche rationnelle et alors rien n'est sans cause ou bien on saute dans l'irrationnel et alors on peut à loisir prendre quelques évidences communes coupées de leur rationalité globale pour s'en servir contre cette même rationalité. Et une fois qu'on a renoncé à une rationalité stricte, tout et son contraire peut être affirmé ou nié.

Si, dans un cadre rationnel, le mot nature désigne l'essence de tout ce qui existe et ainsi la totalité même de toutes les essences, alors il n'existe rien en dehors de cette totalité pour la déterminer à être. La nature doit donc être cause de soi ou ne pas être. Supposer un Dieu transcendant comme cause de la nature ne change rien : il faut qu'il soit cause de soi pour pouvoir exister ou bien on ne fait que choisir de renoncer à la rationalité.

Par ailleurs, il peut y avoir des erreurs dans la confusion de choses différentes mais aussi dans la distinction de choses en fait identiques. Dire que Spinoza "confond" liberté et nécessité revient à supposer qu'il ne se rendrait pas compte de leur différence, or il connaît bien le préjugé commun selon lequel liberté et nécessité seraient opposés. Et là aussi, c'est une question de rationalité ou d'irrationalisme : ou tout ce qui existe a une cause ou certaines choses pourraient être sans cause. Dans la croyance au libre arbitre, on suppose une volonté qui se modifierait sans cause interne ou externe, autrement dit on croit au lieu de comprendre, si tant est que comprendre signifie raisonner. Si donc Spinoza identifie nécessité interne et liberté, par opposition à la nécessité externe des contraintes, c'est d'abord parce que sa préoccupation première n'est pas la satisfaction des illusions communes mais la compréhension des choses par leurs causes. Seul Dieu dans ce cadre est absolument libre, car l'homme en tant que tel ne saurait être cause de sa propre existence, mais en tant que mode ou expression de cette Substance, il peut au moyen de la raison participer de l'autodétermination divine.

Y voir un fatalisme témoigne d'une compréhension caricaturale maintes fois réfutée. Dans le déterminisme spinoziste, chaque cause est effective et agissante contrairement au fatalisme où quoiqu'on fasse, rien ne peut changer à ce que le "Destin" aurait prévu. Et y voir une simple mécanique ne laissant aucune place à la vie en tant que force de persévérer dans son être, là où une machine en tant que telle n'a aucune force interne de conservation et d'augmentation de sa matière et de sa forme, c'est encore une grossière ignorance de Spinoza et de toutes les critiques qu'il oppose à Descartes à ce sujet.

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Louisa
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Messagepar Louisa » 27 janv. 2008, 16:10

Bonjour Korto,

à mon sens ton message contient une erreur d'interprétation assez typique, en ce qui concerne les lecteurs de Spinoza (ou de n'importe quel philosophe). Je n'ai hélas pas trop le temps de développer ce que je veux dire par là maintenant (mes réponses aux autres sujets (Prigogine, 3e genre de connaissance, charte, privilège éventuel de l'esprit) arriveront quelque part début de la semaine prochaine)), donc en attendant juste ceci.

En effet, si d'une part Spinoza dit que tout est déterminé, comment comprendre que qui que ce soit (Dieu ou l'homme) peut néanmoins, selon ce même Spinoza, être libre?

Si tu cherches un peu sur ce site (voir partie "chercher" dans la charte), tu verras qu'il y a déjà eu un tas de discussions à ce sujet, précisément parce qu'il s'agit d'un problème qui ne peut que se poser, lors des premières lectures de l'Ethique. J'essayerai ici de rapidement résumer ce qui me semble être l'essentiel. On pourra éventuellement y revenir plus en détail plus tard.

A mes yeux le problème à notamment à voir avec la METHODE que l'on utilise pour lire de la philosophie. On peut opter pour une "vérification" du texte prenant ses propres idées/préjugés/vérités comme "norme du vrai", et alors en effet, le paradoxe que tu viens de signaler est criant. Car aujourd'hui, nous concevons tous spontanément la liberté comme étant essentiellement une ABSENCE de détermination. Ainsi dire que tout dans le monde est déterminé et qu'il existe une liberté (une liberté suprême, même) est tout à fait contradictoire. Cela est évident. Si alors on choisit pour la méthode de lecture de la philosophie que je viens de décrire, on se dit que l'idée que tout est déterminé ne peut être vraie, puisque d'une part nous "sentons" que nous sommes libres, et d'autre part la seule vraie liberté consiste dans l'indétermination.

Or que fait tout grand philosophe? Il ne fait que REdéfinir les concepts déjà existants, et cela en tenant compte d'un côté des nouveaux problèmes sociopolitiques qui se posent dans la société, et d'un autre côté des nouvelles découvertes scientifiques.

Ainsi au XVIIe on découvre la science dite "moderne". Que nous dit cette science? Que ... tout est déterminé. Ca, c'est très embêtant, parce que nous savons bien que la liberté humaine existe, mais nous avions longtemps cru qu'elle consiste en le libre arbitre, en la possibilité d'un choix. La liberté comme indétermination est donc, comme tu le dis, ce qui rend possible tout engagement réellement humain, tout sens de responsabilité etc. Bref, tout ce qu'on ne veut surtout pas rejeter, car c'est ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécu.

Spinoza s'est attaqué à ce dilemme, et a voulu trouver une MEILLEURE définition de la liberté que celle qui renvoie tout à l'indétermination, et cela simplement parce que si l'on se base sur les sciences modernes, c'est idée était devenue peu crédible.

Or une MEILLEURE définition, cela implique bel et bien que le but, c'est de sauvegarder entièrement ce qui fait que la vie humaine vaut d'être vécu. Il s'agit donc de sauver le sens de l'engagement humain, c'est-à-dire de la libre réflexion à des moments où de prime abord l'on ne sait pas quoi faire (ce qu'on appelle communément "choix"), et de la fermeté dans la décision une fois celle-ci prise. Que ceci coûte un effort est évident. Dès lors, le problème de Spinoza était: comment garder cela, une fois que l'on sait qu'aucun acte n'est sans cause, autrement dit que RIEN n'est indéterminé?

Sa solution: il faut expliquer autrement l'expérience qu'on a tous, quelques fois par jour, de devoir choisir et de devoir faire un effort de réflexion si par après on veut pouvoir assumer consciemment les conséquences de nos actes. Autrement que par l'idée d'un acte sans cause, je veux dire, donc par l'indétermination.

Tu vas peut-être me répondre: mais un acte libre, effectué sur base du libre arbitre, cela n'est pas du tout un acte SANS cause. Seulement, la cause de cet acte, c'est MOI, et personne d'autre.

En fait, il me semble que c'est exactement ce que Spinoza dit aussi. Un acte libre (ou un affect actif, comme il l'appelle, voir les définitions au début de l'E3), c'est un acte dont notre nature même est la cause, et qui n'a pas besoin d'une deuxième cause simultanée pour produire son effet.

Alors qu'est-ce que Spinoza a changé par rapport à la tradition qui définissait la liberté par le libre arbitre? Deux choses (enfin, beaucoup plus bien sûr, mais deux choses essentielles quant à ce qui nous intéresse ici):

1) la liberté n'est pas une CONDITION humaine, au sens où nous ne sommes pas libres à chaque moment de notre vie. La liberté ne caractérise que certains ACTES (on trouve la même idée (mutatis mutandis) chez Leibniz, par exemple).
L'avantage de cette idée: ainsi formulée, la liberté devient tout à fait compatible avec un monde entièrement déterminé (c'est-à-dire où chaque effet a une cause, autrement dit où seule la Nature entière n'a pas de cause (PS: si je ne m'abuse, Descartes le dit déjà: être cause de soi signifie en fait être SANS cause - mais je peux chercher les références si souhaité). Il ne faut donc pas que MOI, en tant qu'être humain particulier, je suis sans cause(s), ou que rien d'extérieur à moi ne cause des effets en moi (au contraire même, l'E5 va montrer que PLUS je suis causée par des choses extérieures, plus je peux augmenter ma liberté - à condition d'avoir compris comment y arriver). Il faut simplement que, PARFOIS, je pose UN acte dont je suis moi-même la cause. Dans ce cas-là, CET acte sera dit libre, et moi-même j'aurai un degré de liberté qui se définit par le fait même que j'ai posé cet acte. Si j'en pose quelques-uns, je serai donc PLUS libre que si je n'en pose qu'un seul. La liberté n'est donc plus quelque chose de donnée dès le début de la vie et toujours là (d'ailleurs, qui se sent à chaque moment de sa vie libre? Personne, non? C'est pourquoi cette idée d'une "condition humaine" qui serait libre est assez étrange, si l'on y réfléchit davantage). La liberté est quelque chose qui coûte un effort (en effet, réfléchir à les possibilités d'action et essayer de comprendre quelle action sera la meilleure ne se fait pas sans effort). Du coup, chaque fois qu'on réussit à le faire, on a GAGNÉ un peu de liberté. Dès lors, la liberté se conquit, et elle peut remarquablement augmenter dans notre vie, si nous nous y appliquons.

2) il faut oublier l'idée que la liberté consiste en le fait de ne pas vraiment trouver une cause extérieure et simultanée d'un effet qu'on produit comme "signe" de la liberté, car la science montre amplement que souvent quand nous ne trouvons aucune cause extérieure, il y en a tout de même une, mais nous l'ignorions. Ce n'est donc pas très pratique, ce genre de critère, car pas très fiable. Or il ne s'agit de rien d'autre que de notre liberté humaine. Bref, d'une chose BEAUCOUP trop importante pour s'en tenir à un critère peu fiable.

Par conséquent:

KORTO/Cateron a écrit :« VII. Une chose est libre quand elle existe par la seule nécessité de sa nature et n'est déterminée à agir que par soi-même ; une chose est nécessaire ou plutôt contrainte quand elle est déterminée par une autre chose à exister et à agir suivant une certaine loi déterminée. »

Ici on a la confusion entre la liberté et la nécessité. L’homme ne doit donc pas être libre puisqu’il n’est pas nécessaire par la seule force de sa nature, et pourtant il est substance, et en ce dernier sens il doit être libre !…Mais ici ne doit-on pas dire que seul le Dieu panthéistique de Spinoza est vraiment libre ?


en effet, seul Dieu est non pas "vraiment" mais "absolument" libre: seul lui ne peut QUE poser des actes libres. Il ne fait rien d'autre. Il ne peut PAS être causé par quelque chose hors de lui car par définition, il est tout ce qui existe.

C'est pourquoi la confusion que tu signales relève surtout d'une mécompréhension de la démarche spinoziste en tant que telle. Pour moi, comme déjà dit, il s'agit d'une erreur de METHODE: on PART de l'idée que la liberté ne peut QUE consister dans l'indétermination, et sur base de cela, on se heurte sans cesse à des paradoxes (chez Spinoza aussi bien que chez Leibniz, bref chez tous ceux qui définissent la liberté autrement).

Korto a écrit :…Mais on nous dit ensuite qu’une chose est nécessaire (ou plutôt « contrainte ») quand elle est déterminée par une autre à exister !…


en effet. Mais cela veut simplement dire que L'ACTE par lequel nous naissons dans cette vie, ne dépend pas de nous. Ce sont bel et bien nos parents qui nous créent, et pas le bébé lui-même. Mais cela n'empêche aucunement qu'une fois nés, nous pouvons apprendre à nous-mêmes poser des ACTES libres. Ce qui n'est pas contraint, dans ces cas, c'est la cause de cet acte, rien n'est "amené avec" (co-trahere) nous et qui n'est pas nous, quand nous posons cet acte.

Donc encore une fois: il faut bien tenir en l'esprit l'idée que la liberté ne concerne que certains actes, et non pas toute notre vie entière (être réveillé le matin par le réveil qui sonne n'est pas un acte libre, par exemple ... si l'on pouvait se réveiller à l'heure que l'on voulait, on n'aurait pas besoin de réveil, etc).


Korto a écrit :Mais comme on pose Dieu « nécessaire » comme collection de tous les attributs possibles, alors on dit aussi que puisqu’il est « nécessaire », il est « déterminé par une autre chose à exister et à agir suivant une certaine loi déterminée ».


cela serait réellement contradictoire avec le spinozisme. A ma connaissance, Spinoza ne le dit jamais (il dit exactement l'inverse, voir les premières propositions de l'E1 - on pourra les étudier plus en détail, si souhaité). As-tu une idée d'où ceci vient?
louisa

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Messagepar Louisa » 27 janv. 2008, 16:13

PS: mon message a croisé celui de Henrique ... désolée déjà pour ce qui dans le mien n'est qu'une répétition de ce qui vient d'être dit.
louisa

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clopez
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Messagepar clopez » 29 janv. 2008, 09:09

Ce message éta&it destiné à alimenter le débat sur l'enseignement bde la philo. Comme je ne retrouve pas ce forum, j'ai choisi celui-ci qui avait été égakement initié par Khorto

Avant tout, je tiens à remercier ceux qui ont réagi à ma contribution au forum sur l’enseignement de la philosophie. Mes propos étaient volontairement provocateurs. Mais, en aucun cas, ils n’étaient dictés par un quelconque ressentiment à l’égard de mes anciens camarades de la fac de philo. Ils étaient plus sérieux et plus travailleurs que moi. Ils ont réussi à décrocher le CAPES ou l’Agreg. Ce qui est à la fois juste et logique. Moi, à 20 ans, je n’avais nulle envie de devenir enseignant et j’étais bien trop « agité » pour me plier la discipline rigoureuse et spartiate qu’exige la préparation des concours. Je n’en ai as moins eu un parcours professionnel, certes chaotique, mais cependant riche et, ma foi, assez gratifiant. Donc, je ne regrette rien ! Par contre, il est vrai que je suis quelque peu agacé quand les philosophes patentés, ceux qui ont reçu « l’imprématur » de l’université, s’arrogent le monopole de la pensée et de la réflexion ! Je prends donc un malin plaisir à les provoquer !

Je voudrais maintenant revenir à cette fâcheuse tendance au « pédagogisme » que certains ont cru déceler dans mes propos et poser la question suivante : peut-on s’interroger et émettre la moindre allusion critique sur le contenu des cours, sur les méthodes d’apprentissage et sur le comportement des enseignants, sans se faire immédiatement taxer de démagogue ? Il semble en tout cas que ça soit difficile et que, dés lors qu’on soulève la question de l’intérêt d’un cours, on se retrouve vite diabolisé. Je suis moi même enseignant. Ce n’est pas mon activité principale et je n’enseigne pas la philo, mais j’ose espérer que ça me confère quand même un minimum de légitimité pour participer au débat.

J’enseigne à l’université et quand je suis devant mes étudiants, je ne joue pas à l’animateur du club Med, ni au prof copain ! Par contre, je m’attache toujours à jeter un pont entre les notions abstraites à partir desquelles peut s’ordonner un raisonnement logique et le quotidien le plus trivial auquel peuvent être confrontées les jeunes générations. J’espère ainsi seulement leur montrer que l’on ne peut pas prendre pour argent comptant des connaissances seulement fondées sur l’opinion et sur l’expérience immédiate. Bien qu’elles soient fausses, parcellaires ou dictées par un ordre économique qui nous dépasse, autrement dit qu’elles ne soient que des « idées inadéquates », elles n’en sont pas moins des connaissances. Ce n’est pas en les rejetant d’un simple revers de main, au nom d’un savoir immaculé, accessible au prix d’un effort méritoire aux seuls membres de l’Académie, qu’on suscitera l’intérêt des élèves ! Alors oui, dans mes cours, je tiens compte de ce que savent ou ne savent pas mes étudiants, de leurs opinions et de leurs représentations. Pas pour me faire aimer, ni pour les amuser. Mais pour mieux leur savonner les neurones ! Bref, tout le contraire du démagogue !
Bien sur, j’ai quelque peu forcé le trait en parlant de mes anciens condisciples devenus aujourd’hui prof de philo. Mais sur le fond, je persiste et je signe. Les enseignants de philo ne font que reproduire ce que leur a enseigné l’université. Comme elle, ils sont fascinés par l’abstraction et les édifices intellectuels alambiqués, au point parfois d’en oublier le réel. Ce réel si vulgaire, si « contingent » et si dérangeant que la parole vous donne néanmoins l’illusion de dominer et de comprendre. Mais trop souvent la parole s’égare. On peut à peu près tout dire, tout démontrer avec des mots. Même les élucubrations les plus improbables peuvent donner lieu à un raisonnement logique et sans faille. Malheureusement, les philosophes ne sont pas à l’abri de cette dérive d’un langage qui tourne le dos au réel et bascule dans une certaine forme de « sophisme »! Je crains que cette assertion ne soulève à nouveau quelques protestations indignées. Mais peut-être est-ce l’occasion d’ouvrir un nouveau débat sur ce piège du sophisme auquel les philosophes succombent bien souvent, sans même y prendre garde ? Encore que ce débat n’ait rien de nouveau et qu’il soit aussi ancien que la philosophie !

Mais comment peut-on accuser les enseignants de philo de sophistes ! S’ils l’étaient, les élèves seraient séduits et ne s’ennuieraient pas. Et c’est bien parce qu’ils se refusent à la facilité et la démagogie que se pose sans doute cette question de l’ennui pendant les cours de philo. J’entends bien l’objection et sans doute le terme de « sophisme » n’est-il pas le plus pertinent. Mais il n’empêche. Il y a bien un risque « d’abus de langage » et, si j’osais, je dirais même de « déni de réalité », dans lequel tombe trop souvent le discours philosophique. Et pas que lui d’ailleurs ! Il n’est qu’a rappeler quelques belles impostures intellectuelles pour s’en convaincre : L’atome n’existe pas ; un corps plus lourd que l’air ne peut pas voler ; les enfants autistes ne doivent leur maladie qu’à la maladresse de leurs parents ; le « grand soir » est inéluctable et libèrera enfin l’homme de ses chaines ; les « racailles des banlieues » sont porteuses d’un nouveau message révolutionnaire ! La liste, qui est loin d’être exhaustive, reste alimentée en permanence par les illusions d’une pensée qui se prend elle même pour fin. Mais justement, la philosophie ne devrait-elle pas nous aider à les repérer et à s’en méfier, ces impostures intellectuelles qui encombrent l’histoire de la pensée ! En tout cas, c’est ce que j’ai retenu de mes lectures buissonnières de Spinoza.

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Messagepar Faun » 29 janv. 2008, 11:16

Il est étrange que l'on se serve de l'argument de la liberté pour précisément dénier aux autres la liberté de penser. La défense du concept de liberté tendrait-elle à devenir le masque menteur du totalitarisme théocratique qui monte en Europe ?

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Messagepar Korto » 29 janv. 2008, 14:44

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Modifié en dernier par Korto le 03 févr. 2008, 01:36, modifié 1 fois.

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Messagepar Pej » 29 janv. 2008, 15:44

Korto a écrit :Cette formule pourrait être, à elle seule, une impasse-objection au spinozisme.


C'est un contresens absolu sur la pensée spinoziste. Par définition, une pensée éthique ou politique ne peut être à elle-même sa propre fin.


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