vers Schopenhauer

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
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steph38
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vers Schopenhauer

Messagepar steph38 » 21 mars 2008, 14:56

Sachant que Spinoza a exercé une influence forte sur les idées de Schopenhauer, il était tentant de découvrir sa philosophie, baignée principalement dans le kantisme. Si on prend en compte aussi l'influence des philosophies orientales (Buddhisme et Hindouisme), la synthèse en un "système organique" (Le monde) offre une vision ontologique et éthique très intéressante pour qui suit de près ce forum.

Cependant, alors que j'ai été happé par l'Ethique de Spinoza (le "dieu" spinoziste, paradigme d'affirmation du Désir, la puissance, le développement des genres de connaissance 2 & 3 pour éliminer les troubles causés par l'imagination du genre 1), il me semble qu'il est "suicidaire" de coller à l'Ethique de Schopenhaurer, dont l'idée fondamentale est le déni du Conatus ambiance pessimisme. L'extinction du désir par les 4 nobles vérités / 8-fold path boudhiste est tout l'inverse !

Mon questionnement principal n'est pas lié à une comparaison entre l'ontologie et la connaissance (cadre "idées inadéquates/adéquates" versus "cadre noumène inaccessible/phénomènes illusoires"), mais sur la possibilité pratique de s'élancer sur la piste Schopenhauer à partir d'une culture spinoziste : comment adhérer ? y a-t-il une compréhension autre que celle de la décroissance continue de la puissance d'agir ? éthique concrète résultante ? en gros faut-il se lancer dans une lecture du pavé de Schopenhauer que pour une raison académique/scolaire, et non pas pratique ?

Merci
Stéphane

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Schopenhauer pratique...

Messagepar ShBJ » 27 mars 2008, 13:03

A steph38, salut !

Je n'entends de ton intervention sur les relations entre Spinoza et Schopenhauer que la question qui la clôt : convient-il de lire Le Monde comme volonté et comme représentation autrement que pour briller dans les salons, c'est-à-dire dans le cadre d'une visée pratique ? - et l'influence, voire la filiation, que tu supposes entre les deux...

1) On ne peut plus clairement, l'éthique de Schopenhauer ne mène à rien d'autre qu'à la négation du vouloir vivre, à supposer qu'elle se puisse atteindre, ce dont je doute fort (il n'est que de constater les échecs que représentent, de l'aveu implicite de Schopenhauer même, l'art et la compassion universelle). Pas la peine de lire Le Monde, donc, si tu es dores et déjà engagé dans une voie spinoziste, sauf pour la dose d'humour qu'il contient, et qui concourt à augmenter la puissance d'agir, ou pour le comprendre comme objet intellectuel, ce qui manifestera la puissance propre de ton intellect, comme le ferait la résolution d'un problème de mathématique sans application pratique.

2) Je ne vois pourtant pas en quoi il s'agit d'une décroissance (quel terme affreux... on se croirait chez des altermondialistes) de la puissance d'agir : sans nier tout ce qui sépare les deux penseurs, et mutatis mutandis, il me semble que Schopenhauer aurait pu écrire Ethique, V, 41, scolie et V, 42. Simplement, sa description du désir est telle (voir l'identification du besoin et de la douleur, Le Monde, § 58) qu'aucune autre solution que celle qu'il propose ne lui semble envisageable pour augmenter la puissance en vérité, autrement dit ne plus dépendre des appétits lubriques - voir à ce propos les aphorismes de Par-delà bien et mal consacrés au concept de vouloir vivre, où Nietzsche revient à une conception spinoziste.

3) En fait de filiation, je ne connais guère que le passage de l'essai sur le libre arbitre où Schopenhauer invoque (au milieu de tant d'autres) la figure de Spinoza, de façon fort scolaire.

4) En revanche, il me semble que la confrontation des deux auteurs nécessite d'abord et avant tout la lecture de La Quadruple racine du principe de raison suffisante, où Schopenhauer attaque explicitement Spinoza, lui reprochant la confusion de la cause et de la raison (voir e.g. Ethique I, 11, autrement) et donc, fondamentalement, sa définition même de l'essence (de Dieu d'abord, cette monstruosité de la cause de soi, Münchhausen se tirant par la tresse du marécage où il est embourbé, - des choses singulières ensuite, dont les effets sont également identifiées à des propriétés). Nulle lecture sérieuse de Spinoza ne saurait, ce me semble, en faire l'économie.

5) Par ailleurs, faudrait voir à ne pas confondre noumène et chose en soi. Mais ça n'a guère d'importance pour ce qui t'intéresse.

Tiens-toi en joie bonne et contentement serein.

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Messagepar hokousai » 30 mars 2008, 01:58

5) Par ailleurs, faudrait voir à ne pas confondre noumène et chose en soi.


Vu de très près peut -être , mais à une certaine distance on le peut très bien . Distinguons donc l' indistinguable .

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Messagepar Enegoid » 30 mars 2008, 12:25

Bonjour ShBj,
cette monstruosité de la cause de soi, Münchhausen se tirant par la tresse du marécage où il est embourbé


J’ai lu, grâce à votre réponse à Stef38, ce que disait Schopenhauer sur la confusion, chez Spi, entre la notion de conséquence logique et la notion de cause. Très éclairant, très clair. Merci à vous.

L’ironie sur le concept de cause de soi (Münchhausen) est-elle la vôtre ou bien est-elle empruntée à Schopenhauer ?
Il me semble que ce concept, qui effectivement fait penser au baron qui se tire par les cheveux, ne mérite pas tant d’opprobre : pour la simple raison que l’esprit humain n’en a pas d’autre à sa disposition quand il considère l’idée de Dieu. A moins de tomber de Charybde en Scylla avec la régression à l’infini, qui n’est pas plus satisfaisante.

Bien à vous

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Messagepar sescho » 30 mars 2008, 12:31

Cher Hokousai,

La remarque de notre très pertinent ShBJ m'a moi-aussi interpellé (vu que je ne faisais pas non plus grande différence entre les deux...) En faisant quelque recherche sur le sujet, je suis tombé sur un excellent et fort aimable message :

http://philia.online.fr/courrier/courri ... id_art=050

Je laisse chacun apprécier, mais je ne doute pas que ShBJ ait de sérieuses raisons d'écrire cela ; il prendra peut-être la peine de nous indiquer en quoi...

Je note en passant que dans ledit message l'auteur identifie naturellement les Idées (avec un grand "I") ou Formes platoniciennes avec les Essences...


Amicalement


Serge
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Messagepar Enegoid » 30 mars 2008, 12:38

...(suite de mon précédent message)

Je ne vois pas trop la différence qu'il y a à considérer Dieu comme cause (au sens de cause externe) du monde, ou comme cause logique. Même si Dieu est cause externe du monde, on est quand même conduit à le considérer comme cause (logique, issue de sa définition) de lui-même.

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Messagepar hokousai » 30 mars 2008, 15:51

cher Serge


je n’ai pas trop envie de m’investir dans cette histoire de noumènes .
Kant tente de distinguer dans l’indistinguable
1) en parlant de chose en soi
2) en essayent de montrer que noumène et chose en soi ce n’est pas du point de vue de la critique la même chose .

Le texte auquel vous renvoyé est intéressant
Je remarque néanmoins qu’il entretient l’ ambigüité :

( parlant de Kant je cite votre lien ) En d'autres termes, Kant estime que Platon n'a pas fait la preuve de la possibilité de l'intuition intellectuelle parce qu'il ne le pouvait pas : nous avons sans doute l'idée de la réalité telle qu'elle est en elle-même (= le monde des choses en soi), et cette idée est précisément l'idée de noumène, mais cette réalité nous est inaccessible.

Là (dans ce commentaire ) les deux idée sont une seule .Or ce n’est pas le point de vue de Kant . La confusion même chez les mieux informé se fait très facilement (ou bien par désir de résumer , je ne sais car l'auteur m 'a l'air compétent )

or il me semble (pour faire ultra vite ) que pour Kant l’idée de noumène est vide alors que l’idée de chose en soi est possible ( elle n’est pas illégitime, elle est positive et pleine ).

l’idée de noumène n’est pas l’idée de la réalité telle qu’elle est en soi (chose en soi ) , mais l’idée de ce qui pourrait être opposé aux phénomène , c’est à dire l’idée de la chose donnée à une intuition mais qui ne serait pas l’intuition sensible (de telles choses s’appelleraient des noumènes )

Le concept de noumène est vide de réalité objective et sert à marquer une limite .
nous n’avons même pas le concept d’une intuition possible par laquelle des objets pourraient nous être donnés en dehors du champ de la sensibilité .

(mais si Shbj veut commenter ses distinctions ...ou celles de kant ......)

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Chose en soi et noumène...

Messagepar ShBJ » 30 mars 2008, 17:18

A hokousai, salut !

Complètement d'accord avec les distinctions que vous reprenez à Kant, et que vous exposez avec clarté - je n'ai rien à y ajouter. Le texte le plus clair, à ma connaissance, sur la distinction, et le passage de la chose en soi de l'esthétique transcendantale à la position par l'entendement même du concept de noumène dans l'analytique transcendantale, se situe à la page 312 de la deuxième édition de la Critique de la raison pure.

Pour ce qui est de Schopenhauer, la distinction kantienne entre noumène et chose en soi devient plus importante, dans la mesure où Schopenhauer affirme que nous avons accès à la chose en soi (identifiée à la volonté), mais pas pour autant, ça va de soi, que nous puissions remplir un noumène avec une intuition.

Bien à vous.
Modifié en dernier par ShBJ le 30 mars 2008, 17:28, modifié 1 fois.

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Messagepar sescho » 30 mars 2008, 17:28

Cher Hokousai,

Ce que vous en dites me semble clair.

Pour Platon, les intelligibles sont d'abord les valeurs comme le Bien, etc. qui ne sont pas des choses singulières, mais passons. Dans un contexte spinoziste, j'aurais tendance à ramener le tout à la question des essences (Formes), ou plutôt des essences objectives, appartenant à la Pensée, la chose dont il est question pouvant être un Corps. Ne sont-elles pas finalement ces "noumènes" potentiels?

La question qui se pose alors est : "pouvons-nous avoir des idées adéquates des choses singulières ?" Je dis que Spinoza y répond implicitement mais clairement : "non" (mais je ne vais pas relancer ici une nouvelle fois ce débat...) A la question "pouvons-nous avoir des idées en dehors de l'expérience ?" ; pour moi Spinoza dit de même clairement "non." Mais à la question "pouvons-nous cependant avoir des idées adéquates ?" Spinoza dit "oui" (mais ce ne sont pas des idées de choses singulières : elles proviennent des notions communes - ou axiomes universels, qui s'imposent de soi dans l'expérience -, et du raisonnement, dont les aboutissements ultimement se subliment en science intuitive, dans l'expérience à nouveau.)

Un peu de provoc. : finalement, avec quelques sujets à développer comme celui du Temps et de l'Espace, la décidabilité de quelques positions métaphysiques, ... Kant n'aurait-il pas gagné son temps à s'inscrire dans la démarche de Spinoza ?


Amicalement


Serge
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Messagepar steph38 » 30 mars 2008, 22:09

salut!

à Enegoid,
L’ironie sur le concept de cause de soi (Münchhausen) est-elle la vôtre ou bien est-elle empruntée à Schopenhauer ?


Ayant démarré la lecture du Monde comme Volonté et comme Représentation afin de comprendre cette philosophie et trouver des convergences, enrichissements, et/ou progrès par rapport au système de Spinoza, j'ai l'extrait qui répond à ta question :

L'image est utilisée par Schopenhauer dans le Monde (chap 7), dans sa critique des matérialistes :

"le dernier résultat si péniblement acquis, la connaissance, était déjà implicitement contenu dans la donnée première du système (...). Le dernier anneau apparaît inopinément comme le point d'attache du premier; c'est une chaîne circulaire, et le matérialiste ressemble au baron de Münchhausen qui, se débattant dans l'eau, monté sur son cheval, l'enlève avec ses jambes et s'enlève lui-même par la queue de sa perruque ramenée en avant".


à tous,
En bref, étant non philosophe de formation, je trouve la lecture des oeuvres de Schopenhauer assez accessible (voire pédagogique). Et une source pas si éloignée de Spinoza en terme de morale; cf les notions de courage et de générosité dans :
http://classiques.uqac.ca/classiques/shopenhauer_arthur/Ethique_droit_et_politique/Ethique_droit_politique.pdf

Des exemples et critiques formatrices des philosophies antérieures, et une vision du monde qui permet de dés|espérer du monde en prenant garde à l'illusion qui cache les choses en soi (situées derrière la barrière de nos représentations, quoi)...

ciao
Stéphane


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