Promeneuse

Espace pour se présenter : qui êtes vous (ou pensez vous être) ? Comment avez vous découvert Spinoza ? Qu'est-ce qui vous intéresse chez lui plus particulièrement ? et tout ce qu'il vous conviendra de dire pour permettre de mieux se connaître.
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carroll
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Promeneuse

Messagepar carroll » 03 févr. 2011, 21:17

Bonjour à tous,

ce site, j'y viens de temps en temps seulement, en promeneuse. Pourtant, un vieux volume de Spinoza dans l'édition de la Pléiade traîne toujours dans la maison, jamais à la même place, et rarement dans la bibliothèque !

J'ai eu une vie pas très simple. J'ai connu Spinoza petit à petit - le nom, puis ce que j'en entendais dire, puis je me suis enhardie, j'ai acheté le livre dont j'ai parlé plus haut. J'ai hésité, puis j'ai commencé par l'Ethique. Je l'ai lue lentement, en quatre mois environ, à une période de ma vie où tout vacillait sur ses bases. J'ai eu une impression étrange et agréable du reste, celle d'être remise doucement, amicalement, sur les rails. Depuis, je dis, même si ça peut paraître bizarre, que bien sûr, j'avais suivi une psychothérapie, mais que l'Ethique a terminé le boulot !! J'en lisais une page chaque soir, et dans ce moment troublé de ma vie où le sommeil aurait pu me fuir, ce livre me rassérénait, comme un ami bienveillant.

Je lui garde une gratitude qui durera, et j'en ai conservé une espèce de quiétude, qui ne se confond pas avec un lâcher-prise total, loin de là ! Une quiétude active, vigilante.

Depuis, il m'accompagne. Dernièrement, un homme que je connais bien - mon supérieur hiérarchique - a voulu me pousser à la colère, pour me contrôler ensuite. Il m'est venu en tête, au moment où il le faisait, un passage de l'Ethique sur les liens entre la haine et la colère. Cela a suffi pour que cet homme perde tout crédit à mes yeux, et tout pouvoir sur moi. Il le sait, et s'abstient maintenant.

Disons que Spinoza m'a aidée, entre autres, à considérer les rapports humains sous un autre angle, je ne sais pas bien expliquer pourquoi. Le rapport de forces semble tout à coup bien dérisoire, et plutôt l'expression d'une faiblesse que d'une force, justement.

Je lis le reste de l'oeuvre de Spinoza petit à petit. En ce moment, c'est le Traité de la Réforme de l'Entendement. Le petit livre rouge et or se promène dans la maison... Tiens, il est à côté de moi au moment où j'écris ces mots ! Il est d'un homme sage (ou d'une femme sage :lol: ) d'apprécier à leur juste mesure les plaisirs que la vie offre, et puisque l'oeuvre de Spinoza en est un pour moi, je savoure tranquillement - comme un bon vin qu'on partage avec un ami cher !

Bien à vous.

Carroll

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Joie Naturelle
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Re: Promeneuse

Messagepar Joie Naturelle » 04 févr. 2011, 21:47

carroll a écrit :Je l'ai lue lentement, en quatre mois environ, à une période de ma vie où tout vacillait sur ses bases. J'ai eu une impression étrange et agréable du reste, celle d'être remise doucement, amicalement, sur les rails.


Bonjour,

Il en va de Spinoza comme de Bach. On y revient lorsqu'on a besoin d'absolu, de réconfort et de paix intérieure. Lorsque la vie devenue trop dure nous pousse jusqu'à l'extrême désespoir. C'est pourquoi ces deux-là brillent au firmament par le sublime de leur oeuvre. Ils aident les êtres à supporter l'existence, à devenir des hommes sereinement libres, et à aimer la mort en même temps qu'à aimer la vie.

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sescho
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Messagepar sescho » 06 févr. 2011, 10:30

C'est un témoignage intéressant, important même oserais-je dire. C'est bien de cela qu'il s'agit pour l'essentiel, de toute évidence quand l'imagination n'obscurcit pas trop la vision, avec Spinoza.

La plus haute Sagesse est portée par Spinoza. Même selon la méthode des mathématiciens - démarche honnête et complète quant à l'essentiel mais pas forcément facile -, cela transparaît à qui a des oreilles pour entendre.

Juste une remarque : non seulement le lâcher-prise n'est pas contraire à la vigilance, mais il va obligatoirement avec (sinon ce n'est plus du lâcher-prise mais de l'engourdissement.) Le lâcher-prise c'est accepter pleinement les faits, et conjointement les acceuillir pleinement, dans un total esprit d'ouverture, en tant que faits, quels qu'ils soient. C'est à dire en négatif : ne rien ajouter à cela ; ce qui "devrait être" au lieu de ce qui est - refus de ce qui est, au fond -, ou le désir passif qui emporte - en particulier l'orgueil, qui est le désir immodéré de se voir grand (ce qui n'est pas du tout l'Amour d'être), etc.

Ce qui reste lorsqu'on a fait cesser tous ces bruits assourdissants, ce n'est pas le néant, mais la vigilance, précisément : la seule perception de l'être. Ce n'est pas non plus ni l'approbation de persistance future, ni - donc - l'inaction, alors même qu'on lui donne parfois le nom de "non-agir." L'action est immédiate, à la fois avec une direction précise - un but visé - avec recherche d'efficacité et en même temps en accueillant, à nouveau, le résultat - "échec" ou "succès" - comme tout autre fait (autre expression du lâcher-prise, ou du "non-attachement", qui n'est pas de l'indifférence mais au contraire la véritable communion avec ce qui est.)

Tout cela, vigueur (connaissance intuitive) et générosité, sont les désirs actifs (qui ne se manifestent pas avec l'émotion des désirs passifs) selon Spinoza. La (véritable, intuitive) connaissance de Dieu - dans lequel tout ce qui est est, et qui ne peut souffrir d'aucune "imperfection", d'aucune "négation" ; sinon ce n'est pas Dieu, substance en premier lieu, qui est en soi, conçue par soi, et donc éternelle - implique immédiatement le lâcher-prise, etc.


Amicalement

Serge

PS : Par ailleurs, la mort ne s'oppose pas à la vie (elle en fait partie), mais à la naissance. Il est très important de redresser ce paradigme.
Connais-toi toi-même.

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Messagepar carroll » 07 févr. 2011, 21:11

Bonsoir à tous,

Merci, Serge, pour ces remarques qui m'encouragent. Il semble toutefois que j'aie mal choisi le terme de lâcher-prise, que j'entendais dans un sens beaucoup plus absolu et littéral, pour ainsi dire - donc négatif (au sens où on se laisserait porter par les événements, et où on les subirait.) A vous lire, ce qui s'est mis en place en moi au fur et à mesure de ma lecture de l'Ethique, puis depuis cette première lecture, ressemble au lâcher-prise tel que vous le décrivez - ce que j'ai appelé une "quiétude vigilante" et active devant les événements. Il me semble que la philosophie de Spinoza tend à responsabiliser l'être humain face à ses actes, et que la lucidité est un des plus beaux cadeaux que Spinoza nous fait.

Le parallèle entre Bach et Spinoza me semble tout à fait juste. Entre l'Ethique et l'Art de la Fugue ...?

Merci pour vos réactions.

Bien à vous,

Carole


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