Spinoza, merci pour les lunettes

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Snark
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Spinoza, merci pour les lunettes

Messagepar Snark » 30 mai 2007, 19:17

Deleuze comparait le pouvoir du spinozisme à un "balai de sorcière"... Plus médérément, il a agit sur moi comme une bouée de sauvetage. Il m'as permis de ne plus menfoncer. Des profondeurs diaboliques à la terre, c'est moins qu'un balai de sorcière qui permet de voler... Mais c'est quand mm gigantesque!
Je ne décrirai pas mon expérience... Seulement: le spinozisme m'as empêché de coulé dans une période fort difficile. Est-ce qu'un psychologue ou psychanalyste en aurait fait autant? Je ne le crois pas.

Je viens donc ici pour prolonger ma passion pour sa philosophie. Je ne connais pas d'autres philosophes. Tous les connaitre me semble (pour l'instant du moins) inutile. Le spinozisme a-t-il seulement des failles?

En tout cas, je crois fermement que la philosophie nest bonne qu'à enrichir la vie... Et je crois qu'elle nest pas du tout la vie. Un temps, jai voulu étudier en philosophie, mais je me suis vite aperçue qu'elle était à côté, de la vie... Tout ce qui est "ré-flexion" nest pas production directe et pure... càd création intense.

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Re: Spinoza, merci pour les lunettes

Messagepar sescho » 30 mai 2007, 22:02

Snark a écrit :Je viens donc ici pour prolonger ma passion pour sa philosophie. Je ne connais pas d'autres philosophes. Tous les connaitre me semble (pour l'instant du moins) inutile. Le spinozisme a-t-il seulement des failles?

Pour ce qui est des autres philosophes (en Philosophie morale), il y en a à mon avis d'excellents (Sénèque, Montaigne, Krishnamurti, Dalaï Lama, par exemple, pour n'en citer que très peu) mais Spinoza est clairement selon moi au sommet. Des failles ? Tout juste des fissures (dans la logique, dans certains concepts comme le "parallélisme") sans aucun risque pour la solidité de l'ensemble selon moi.

Snark a écrit :En tout cas, je crois fermement que la philosophie n'est bonne qu'à enrichir la vie... Et je crois qu'elle nest pas du tout la vie. Un temps, jai voulu étudier en philosophie, mais je me suis vite aperçue qu'elle était à côté, de la vie... Tout ce qui est "ré-flexion" n'est pas production directe et pure... càd création intense.

C'est bien ce qu'enseignent les sages, y compris philosophes (c'est particulièrement indiqué dans la Philosophie morale ; on peut dire aussi - mais c'est la même chose - que la philosophie aboutie est uniquement celle qui est vécue, bien au-delà de ses antécédents réflexifs.) Philosophie = amour de la sagesse. C'est bien tout le "secret" de la connaissance intuitive (du 3ème genre.)

Amicalement
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Messagepar DGsu » 31 mai 2007, 14:13

Merci snark ( :wink: à ce bon et grand Carroll) pour ce message encourageant pour tous ceux qui traversent un jour une mauvaise période, qui sont découragés, qui on du mal à accepter que la vie n'a aucun sens et pour qui Spinoza est en effet un véritable maître à penser, ou plutôt au sens deleuzien une machine à penser la joie! Amitiés. DG :D
"Ceux qui ne bougent pas ne sentent pas leurs chaînes." Rosa Luxemburg

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Messagepar Snark » 01 juin 2007, 03:11

D'abord merci pour vos réponses.

bonjour Sescho,
à propos des philosophes que vous estimez excellents, jen connais un seul, et je ne suis pas d'accord avec vous... À mon avis, la seule valeur philosophique des Essais de Montaigne (du moins de ce que jen ai lu, le dernier chapitre du tome 3) réside dans le désir qu'ils suscitent d'imiter le genre de l'essai pour... se connaitre soi-mm. Que fait Montaigne? Il pense la manière dont les choses l'affectent, en distinguant les choses qui lui sont bonnes des choses qui lui sont mauvaises et en cherchant des solutions à des problèmes personnels. Entre son expérience et sa raison, il chemine... Cette entreprise, ne vaut-il pas mieux la faire soi-même? Communiquer ce désir est selon moi la vraie valeur de ses textes... et dès que ce celui-là est né, jai les ai laissé tombé... 8O Bon leur valeur littéraire est indéniable, je les reprendrai un jour. (bref je pense que Montaigne est un bon medecin pour lui-mm et c tout)
En ce qui concerne le 3ième genre de connaissance, son "secret", dites-vous, est qu'elle délaisse les "antécédents réflexifs" pour vivre directe et pure ... :unsure: hum... je n'ai jamais bien compris ce qu'était le 3ième genre de connaissance. La dernière partie de l'Éthique, malgré 2 relectures, est tjs opaque. J'aimerais bien en voir des illustrations... Ce que jai lu de plus concret à son sujet est la dernière page des Cours de Deleuze. Et, euh... une connaissance mystique? se fondre dans les choses? Ze vois pas. :?

À DGsu
"S'il souriait davantage, les coins de sa bouche pourraient bien se rejoindre par derriè!re, pensa-t-elle, et alors je me demande ce qu'il arriverait à sa tête ! Elle tomberait, j'en ai bien peur !" (De l'autre côté du miroir)

Ouais Spinoza peut être un "sauveur" pour ceux qui sont tombés du Ciel :)

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Louisa
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Messagepar Louisa » 01 juin 2007, 14:47

Snark a écrit :En tout cas, je crois fermement que la philosophie nest bonne qu'à enrichir la vie... Et je crois qu'elle nest pas du tout la vie. Un temps, jai voulu étudier en philosophie, mais je me suis vite aperçue qu'elle était à côté, de la vie... Tout ce qui est "ré-flexion" nest pas production directe et pure... càd création intense.


A mon avis croire que la philosophie est essentiellement 'ré-flexion' est une grande erreur. La philosophie est tout sauf un jeu de miroir. La philosophie ne réfléchit pas, elle pense. Elle comprend. Et comprendre, comme le dit Spinoza, ce n'est pas percevoir de façon passive, c'est avant tout agir, être actif. Bien sûr, comme le dit Deleuze, elle n'est pas la seule activité humaine qui sollicite la pensée. Comme l'écrivait Van Gogh dans sa lettre 531 du 1er septembre 1888:

Ah! mon cher frère, quelquefois je sais tellement bien ce que je veux. Je peux bien dans la vie et dans la peinture aussi me passer de bon Dieu, mais je ne puis pas, moi souffrant, me passer de quelque chose plus grand que moi, qui est ma vie, la puissance de créer. Et si frustré dans cette puissance physiquement, on cherche à créer des pensées au lieu d'enfants, on est par là bien dans l'humanité pourtant.


La philosophie, les sciences, l'art, ce sont de différentes manières de PENSER, et surtout pas de ré-fléchir. Comme le dit Deleuze: ce qui les rend différent les unes des autres, ce sont les formes qu'elles pensent, les formes avec lesquelles elles pensent. Or pour chacune, penser une nouvelle forme, qui répond à un nouveau besoin, c'est bel et bien CRÉER. Comme il le dit par rapport à Whitehead: il s'agit parfois même d'une création 'libre et sauvage', tout comme Leibniz ne cesse d'inventer les 'principes' les plus fous, principes qui chacun ne sont rien d'autre que des 'cris'.

Alors bien sûr que de premier abord, les formes créées par les philosophes, c'est-à-dire les concepts, peuvent avoir l'air abstrait. On n'est pas d'office sensible à n'importe quelle idée. Il faut bien qu'il y ait une affiliation entre ses propres 'formes de vie' et tel ou tel concept avant que celui-ci puisse nous parler, c'est-à-dire nous rendre la vie plus intense, plus vivante, plus puissante. C'est bien pourquoi il me semble qu'en philosophie, le plus difficile, c'est l'entrée, l'entrée en philosophie. Car il faut tomber, par 'rencontre fortuite avec la nature', sur précisément ce philosophe ou ce prof de philosophie qui pense des concepts dont on a à ce moment de sa vie besoin, soi-même. Ce n'est que dans ce cas qu'il ne faut pas avoir appris tout un métier de philosophe pour sentir le pouls du concept en question.

Chez certains c'est Spinoza qui peut déclencher cet effet, chez d'autres c'est un autre philosophe. Mais ne croyez-vous pas que l'Ethique pe est une création absolument inouïe, une invention de concepts tout à fait géniale? Si oui, je crois que pour pouvoir apprendre à devenir sensible à d'autres concepts, non spinozistes, il faut bien d'abord comprendre en quoi bien lire Spinoza demande tout autre chose que de 'ré-fléchir', ou comme le dit Deleuze, il faut bien comprendre à quel problème, à quel besoin les concepts spinozistes répondent. Au vôtre, très clairement, mais quel était ce besoin plus précisément? Pourquoi les concepts spinozistes vous parlent-ils, et d'autres concepts pas (encore)? Autrement dit: quel était le problème conceptuel qui implicitement vous souciait? Qui vous empêchait de devenir plus puissant, plus Joyeux? A mon sens, c'est quand on sait un peu répondre pour soi-même à ce type de questions, que l'on peut se lancer dans l'apprentissage de l'application de ces mêmes questions à d'autres philosophes.

Bref, pour sentir la vie, la puissance créatrice dans n'importe quelle 'grande' philosophie, il faut d'abord apprendre à chercher le problème, le besoin qu'avait ce philosophe et auxquels les concepts qu'il a créés répondent. Et besoin dans le sens le plus 'terre à terre': besoin vital, besoin viscéral. Aucun philosophe (comme aucun artiste) ne réussit à créer une grande oeuvre sans avoir un tel besoin.

Or, pourrait-on dire, à quoi bon de s'intéresser aux besoins des autres? Ne suffit-il pas de rencontrer ce philosophe qui partageait mon propre besoin, en de s'en tenir là? C'est toujours possible, et peut-être qu'avoir ressenti le coup d'éclair qu'un concept ou une philosophie spécifique peut provoquer en soi est déjà beaucoup, est une chance qui n'est déjà pas donné à tout le monde. Mais je crois que si Spinoza a écrit tout un livre dans le but de démontrer la thèse que, comme l'indique déjà le titre, la liberté de philosopher est tout à fait nécessaire pour la société humaine, et sa suppression entraîne inévitablement "la ruine et de la paix et de toute ferveur", c'est que la philosophie en tant que telle a une fonction importante dans la société, et donc aussi pour chaque homme individuellement. Quel est le rôle de la philosophie? Platon l'a déjà dit: pouvoir se libérer des Opinions pour avoir accès aux Idées. Qu'est-ce à dire? Les Opinions, ce sont les idées qui nous sont inculquées par notre éducation, notre culture, l'époque dans laquelle nous vivons, le milieu social dans lequel nous construisons notre vie, etc. Ces Opinions sont des idées qui structurent notre personnalité, notre façon de réagir face à des problèmes, notre façon d'essayer de devenir heureux. La philosophie a comme première tâche d'apprendre à devenir sensible à cet aspect purement conceptuel de la vie. Ou en des termes spinozistes: à devenir sensible à l'attribut de la Pensée, au fait même que nous en sommes des modifications, et que nous sommes constamment affectés par des idées. Opinions ou idées inadéquates la plupart du temps. Dans un deuxième temps, la philosophie est là pour remplacer ces opinions ou idées inadéquates par des Idées, dit Platon, ou des idées vraies dit Spinoza. Mais justement, ces idées vraies, il faut bien que quelqu'un les crée. Elles - contrairement à certains hommes - ne tombent PAS du ciel, comme le dit Deleuze. Et l'art de la création de concepts demande tout autant de 'métier', de technique, d'apprivoisonnement des grandes oeuvres etc que l'art de la création de 'percepts et affects', soit les formes des domaines artistiques à proprement parler.

Si donc vous dites que la philosophie est tout bonne pour enrichir la vie, mais qu'elle n'est pas la vie, je dirais qu'elle n'est pas plus ou moins la vie que l'art ou les sciences ou toute autre activité humaine 'd'appropriation de savoir concernant la perfection', comme le dit Platon dans Le Sophiste. Mais si pour Spinoza l'homme se définit par une union précise d'un Corps et d'un Esprit, et si cet Esprit n'est rien d'autre qu'une idée, l'idée du Corps, alors je crois qu'il est impossible de penser en des termes spinozistes et de reléguer tout ce qui concerne les idées dans l'un ou l'autre cimetière poussiéreux, objets d'études passionnants pour les archéologues mais non pas 'la vraie vie'. Nous SOMMES des idées, nous humains (mais aussi la pierre), les idées nous font vivre, et c'est bien pourquoi il vaut mieux de temps en temps s'en occuper un peu, voire en créer de nouvelles si les idées actuelles ne conviennent pas aux besoins ... . C'est à mon sens ce qu'ont fait tous les grands philosophes. Et c'est bien parce que leurs Idées (c'est-à-dire leurs créations) entre-temps font, dans certains cas, déjà partie des 'Opinions', et dominent notre vie parfois à notre insu et à notre désavantage, que l'histoire de la philosophie est une source de savoir et un terrain de travail tout à fait fondamental pour celui qui aujourd'hui veut créer lui-même des concepts, voire pour tout un chacun qui essaie de penser au lieu de subir ou de simplement ré-fléchir des idées.
Cordialement,
louisa.

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Messagepar Snark » 02 juin 2007, 19:53

D’abord merci pour ce beau txt à la fois limpide et fascinant qui éclairci nombre d’idées auparavant obscure dans ma caboche…

1. Votre txt m’amène à nuancer mon propos…
« Comme le dit Deleuze: ce qui les rend différent les unes des autres, ce sont les formes qu'elles pensent, les formes avec lesquelles elles pensent. »
D’accord, oui, mais la philosophie, contrairement à l’art, a un but précis : comprendre. Elle essaie de faire voir ce qui se joue derrière notre manière de penser conditionnée par les Opinions, pour nous en libérer,etc. Et… voilà, ce but, n’est-ce pas une sorte de limite? L’artiste n’essaie pas de comprendre, il tente de produire, ne regarde pas en arrière pour « marcher avec » l’expérience et s’en inspirer pour fabriquer des concepts, mais désorganise son corps, ou se fait un « noir organisé » (Redon) pour faire jaillir de nouvelles idées, idées qui n’ont rien à voir avec rien d’autres qu’elles-mm, et le noir. Le domaine de la création artistique, qui n’a pas de but fixe, me semble beaucoup plus vrai, pur et près du jaillissement que la philosophie qui n’essaie que de comprendre. Ainsi donc, le philosophe n’est p-ê pas « à coté de la vie », comme je le disais, mais il en est, de loin, moins près… Pour le dire en les termes de Spinoza, l’artiste, lui qui trouve la félicité dans ce stade « où la pensée en désordre reflue devant les décharges envahissantes de la matière », où « penser n’est plus », car nous pénétrons « dans ce coudoiement naturel des forces qui composent la réalité, afin d’en tirer un corps qu’aucune tempête ne pourra plus entamer. » (je cite Van Gogh ou le suicidé de la société, d'Artaud), me semble bien plus « près » de l’infini que le philosophe…

Bon, je ne suis peut-être pas clair… Mais moi je sentirai tjs que l’art est plus vivant que la philosophie.
Je vais essayer d’être plus clair. La matière à penser du philosophe est l'expérience, ce qui se passe, alors que celle de l’artiste, il ne le sait pas d’avance… c’est ce qui jaillit de lui-même, ce qui arrive en lui-même dans le monde qu'il se fait et dans l’instant… C’est tjs ce jaillissement, alors que le philosophe pense à des problèmes plus facilement déterminables et fixe, moins évanescent et mouvant. C’est cette distance entre le philosophe et l,expérience qui m’a fait hooreur et qui m’as poussé à choisir l’art, l'authenticité, plutôt que la philo.

2. Cela dit, la philosophie est sans aucun doute essentielle à l’humain. Grâce à vous, j’adhère sans aucune réserve à cette thèse.
Et ce que vous dites sur les concepts est captivant. Vous m’avez appris beaucoup de choses sur le rapport entre « l’humain pas philosophe » et la philosophie… et cela avec une admirable clarté… merci!

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Messagepar Enegoid » 02 juin 2007, 23:00

C'est quelqu'un cette Louisa !

Un peu bavarde, parfois, mais si...enthousiasmante (transport divin).

Bravo à tous les deux.


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