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Messagepar alcore » 15 juin 2009, 19:28

PhiPhilo a écrit :. On ne voit pas très bien où est le problème, mais bon ...


Ben non, c'est sûr, c'est vous qui les inventez les problèmes. Vous commencez par nier l'évidence (l'ensemble vide existe); après quoi, vous vous sentez penaud, vous copiez une définition du dico, vous vous cahcez derrière votre petit doigt en disant que c'est les autres, les méchants !

Décidément, ils sont nombreux à ne pas être sortis du bac à sable.

La poudre aux yeux n'éblouit que les aveugles.
Heureux ceux qui sont intègres dans leur voie. (Ps.119)

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Messagepar alcore » 15 juin 2009, 19:37

[quote="PhiPhilo]

Stratégie caractéristique de celui qui a tout compris des règles du jeu d'échecs : refaire le même coup que l'adversaire. Echec et mat assuré.

...[/quote]

Et pourquoi ne vous contentez pas du jeu d'échec, vous pourriez y atteindre un niveau presque aussi misérable que celui de votre connaissance de Kant !

L"intuition sensible opposée au syllogisme. N'importe quoi !
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Un peu de matière à penser

Messagepar bardamu » 15 juin 2009, 21:31

Après ce nouveau round de "discussion" extrêmement enrichissant, je me permets de donner un peu de matière à penser issu des sciences de l'information et de la communication.

Extrait de LE PSEUDONYME SUR INTERNET,
Une nomination située au carrefour de l'anonymat et de la sphère privée
:
Marcienne Martin a écrit :p.43
Ceci m'amène à l'hypothèse suivante : si le patronyme et le prénom sont soumis à la loi, dans le cadre d'une société structurée, et que le surnom et le pseudonyme se réalisent au sein de groupes informels, la typologie de l'anthroponyme, considérée dans sa structure syntaxico-sémantique et à travers des pratiques sociales spécifiques, ne serait-elle pas corrélée à la stabilité ou à l'instabilité du groupe, et plus spécifiquement à la pérennité ou à la labilité de la structure sociale ?
Le pseudonyme et l'inscription sociale sont en règle générale deux concepts antinomiques. En effet le pseudonyme est une manière de sortir d'un groupe social en prenant une fausse identité. Dans cette situation l'individu se situe dans un espace marginal, où il est à la fois un autre et lui-même. Au contraire, dans cet espace dialogique qu'est le média Internet, la règle est précisément le choix obligatoire, pour accéder à l'espace de discussion, d'un pseudonyme qui sera l'identité sociale sous laquelle l'internaute se présentera. Dans cette société virtuelle composée d'individus issus de géographies et de cultures différentes, c'est le «je» qui se nomme afin d'être reconnu et accepté par l'autre, contrairement aux sociétés de type traditionnel où c'est l'autre qui nomme le "Je".

p.50
Dans cet espace hybride qui rassemble groupes et individus, il semblerait que certains «savoirs communs, tels que l'histoire du groupe ou les représentations afférentes aux groupes sociaux et à leurs relations» soient actualisées (Chauchat,1999,p.14). En effet, deux éléments qui sont au carrefour et de l'identité du sujet et de ses relations avec l'autre, soit la nomination et les règles de politesse, sont transposées comme telles sur l'Internet.

Parallèlement au transfert de pratiques sociales de la société réelle vers cette société dite «numérique», nous constatons également une transposition de certaines représentations sociales existant dans la société civile vs l'Internet. Ceci dit, il semblerait donc que ce transfert de représentations sociales initialise des mécanismes de socialisation. Selon Hogue, Lévesque et Morin: «C'est par ce processus qu'ils [les individus] apprennent les comportements qu'on attend d'eux et font leurs, les normes et les valeurs qui les sous-tendent»(1988,p.29).

En effet, à travers l'analyse des différentes pratiques initialisées sur l'Internet, c'est bien d'adaptation qu'il s'agit : adaptation, d'une part à un espace social dans lequel l'autre est perçu dans sa seule altérité et, d'autre part à des distances proxémiques réduites à celles de l'espace physique existant entre l'usager et son ordinateur. Ce processus génère une transformation des représentations sociales transférées sur l'Internet : à l'identité officielle va se substituer le pseudonyme, et quant aux règles de politesse, qui font écho aux distances proxémiques analysées par Hall, elles prendront un tour uniforme.
(...)
Les individus communiquent «en aveugle», bien que cet autre, situé aux antipodes, semble proche, à portée de souris, pourrait-on dire. En effet, ce que le locuteur perçoit de son vis-à-vis, c'est le texte qui s'affiche à l'écran et une identité déclinée à travers un pseudonyme. On pourrait ajouter que, d'une manière symbolique, la distance proxémique initialisée à ce niveau est du type «distance personnelle proche», car située entre 45cm et 125cm (Hall, 1966, p.150 et 151).
(...)
Or, la typologie des distances proxémiques, telles que présentées et décrites par Hall, n'a plus cours sur l'espace de l'Internet. Ce dernier prend le statut d'espace symbolique dans lequel interviennent des interlocuteurs dont la présence est traduite par leur identification à des pseudonymes. J'ajouterai que ces anthroponymes portent la charge symbolique de l'identité de l'internaute. Car, comme le souligne Chauchat : «L'identité est sociale parce que le même type d'expériences déclenche le même type de processus et de mécanismes identitaires et parce qu'elle est ancrée dans un univers symbolique »(1999, p.14 et 15). Cette assertion corroborerait l'hypothèse selon laquelle le sujet social déplacerait des praxis d'un type de société à un autre ; pour ce, il procéderait aux modifications nécessaires à l'adaptation à ce nouveau milieu. Dans le cas présent, il s'agit du passage du mécanisme de construction de l'identité officielle, soit les patronymes et prénoms, à celui de la nomination officieuse via l'inscription pseudonymique.


Ce bouquin est issu d'une thèse. On voit assez vite que l'auteur est linguiste et elle ne traite que d'un cadre assez général de l'usage du pseudonyme (la conversation libre sans typologie des forums), mais au moins on y parle de conditions concrètes d'échange, des dynamiques, des processus, du passage des pratiques sociales à internet etc. et aussi, d'ailleurs, de choses toutes bêtes comme l'impossibilité technique de gérer l'homonymie (ben oui, à la base c'est à ça que servent les identifiants/pseudonymes...).

Pour quelques données statistiques qu'elle donne (faible échantillon) :
à la question de savoir pourquoi un internaute a changé de pseudonyme, 16% disent que c'est pour changer leur image, 12% pour mettre en valeur un trait de leur personnalité ou une qualité particulière, 19% pour qu'il se démarque des pseudonymes habituels et 50% pour une autre raison (3% de sans avis, pour les petits malins qui auraient remarqué que ça ne fait pas 100%).
Parmi les autres raisons, non prévue par l'auteur, elle a isolé :
> l'adaptabilité : capacité à choisir un pseudonyme selon les lieux de discussion
> personnalisation : changement pour l'adapter à son goût
> transfert d'usage : prend en compte des praxis de la société réelle transposées sur internet comme les surnoms utilisés par l'entourage de l'internaute et utilisés comme pseudonyme
> utilisation d'internet : changement en raison de problèmes techniques ; après un petit calcul de ma part, environ 7% changent de pseudo pour des raisons d'homonymie

Deux remarques :
> si la règle est le pseudonyme, ceux qui ne l'adoptent pas sont en quelque sorte les "marginaux" de ce monde. D'où ma remarque plus haut comme quoi ceux qui donnaient leur identité réelle sur les forums grand public, c'est-à-dire ceux les forums sans filtre par spécialisation thématique ou caractère privé du forum, étaient bien souvent à "surveiller" par les modérateurs ;

> l'usage du pseudonyme demande à chacun de se nommer et on peut concevoir que la plupart des gens cherchent à traduire quelque chose d'eux dans ce choix. C'est ce qui apparaît dans les statistiques. A ce titre, le pseudonyme est moins un masque qu'un révélateur. Bien entendu, la construction symbolique a une tendance narcissique et on mettra plutôt en avant les qualités que les défauts. Autre argument en faveur de cet investissement dans cette "personnalité internet" : 50% des interviewés n'ont jamais changé de pseudonyme, utilisent le même en divers lieu, notamment pour être reconnus.

Ma conclusion :

les forums internet mettent en place un dispositif nouveau où le proche et le lointain se confondent, où la dynamique sociale s'élabore sans règle préalable avec un mélange des codes culturels (géographiques, ethniques, de genre, de classe sociale etc.), où les places de chacun se déterminent à l'usage, autour de praxis.
Avant d'être un lieu d'expérience intellectuelle, un forum est un lieu d'expérience psycho-sociale, d'expérience humaine, un lieu où se révèlent les aptitudes sociales des uns et des autres, leur aptitude à faire société.
Comme dans tout lieu d'échange humain, avant de pouvoir faire preuve d'intelligence au sens intellectualiste, il faut faire preuve d'intelligence sociale. On ne pense pas en groupe si on ne comprend pas où on est, avec qui on est, comment on doit parler à l'autre.
Conseil : commencer par les parties III et IV de l'Ethique pour comprendre l'humain et passer ensuite aux I et II pour montrer combien on est intelligent et savant (la partie V est réservée à l'élite 8-) ).


Au passage, extrait de cet article :
Jacqueline Nadel a écrit :Le terme de « théorie de l'esprit » (theory of Mind) désigne l'aptitude à inférer que les conduites sont induites par des états mentaux : il y a théorie parce que des prédictions doivent être formulées qui permettent de tester des hypothèses concernant des inobservables, et il s'agit d'une théorie de l'esprit puisque les inobservables inférés sont des états mentaux.
La méthodologie utilisée pour prédire et comprendre les conduites est sous-tendue par une théorie psychologique naïve de la structure et du fonctionnement de l'esprit. Nous utilisons cette théorie psychologique naïve dans nos interactions sociales au même titre que nous pratiquons au quotidien une physique naïve appliquée à nos interactions avec les objets. La clé de la distinction entre ces deux cas d'épistémologie naïve réside dans la causalité qui leur est applicable: causalité spatio-temporelle de type Michotte dans un cas, intentionnalité ou « agentivité » (« agency ») dans l'autre. Dans sa théorie des objets autogérés (« self-propelled »), Premack (1990) fait cette distinction fondamentale.
L’une des grandes avancées de cette nouvelle définition des compétences sociales, est de rendre caduques les distinctions traditionnelles entre le cognitif, l’émotionnel et le social et de placer au premier rang des bénéfices évolutionnaires de l’espèce humaine ses capacités de lecture mentale (Baron-Cohen, 1995/1998).


P.S. : tout ce qui est souligné l'est de mon fait, bien entendu.

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Messagepar hokousai » 15 juin 2009, 23:10

Conseil : commencer par les parties III et IV de l'Ethique pour comprendre l'humain et passer ensuite aux I et II pour montrer combien on est intelligent et savant (la partie V est réservée à l'élite )


j' aime montrer combien je suis intelligent et savant .. j'ai que ça à faire ..

les premières pages de partie 3 sont largement référées aux parties antérieures .( les premières pages certes mais les suivantes aussi)

bref
Modifié en dernier par hokousai le 16 juin 2009, 15:18, modifié 1 fois.

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Louisa
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Messagepar Louisa » 16 juin 2009, 04:52

Phiphilo a écrit :
Louisa a écrit :
1. MAJEURE:
pour qu'il y ait de la philosophie, il faut un dialogue permanent au cours duquel chaque participant manifeste des arguments qui font partie de sa personnalité objective et non d'une personnalité fantasmée.

2. MINEURE:
internet encourage et favorise les personnalités fantasmées.

3. CONCLUSION:
il ne peut y avoir de la philosophie sur internet.

Comme vous le constaterez aisément vous-même, ce syllogisme n'est pas vraiment valide. Si l'on accepte la majeure comme étant vraie (ce qui est mon cas), la conclusion devrait être "sur internet on risque davantage de ne pas avoir de la philosophie que dans des dialogues moins "virtuelles"" (forme: "il existe des x qui ne sont pas y"). On voit mal comment arriver ainsi à votre thèse initiale, qui va beaucoup plus loin: "en général, on ne peut pas penser sur internet" (forme: "la majorité des x sont des non y"). La conclusion valide de ce syllogisme ne dit rien d'autre que qu'il est plus difficile de penser sur internet qu'ailleurs, et non pas qu'il est impossible.


Aïe ... vous ne semblez pas très à l'aise avec la logique formelle. La structure de mon argument est : 1 - pour qu'une règle R puisse s'appliquer en tant que règle (c'est-à-dire hôs épi to polu, comme dit Aristote, "en règle générale"), il faut qu'une condition C soit satisfaite ; 2- la condition C n'est pas satisfaite ; 3 - donc la règle R ne peut s'appliquer en tant que règle. C'est ce que je veux dire lorsque je conclus "en général, on ne peut pas penser philosophiquement sur internet". "En général" (hôs épi to polu) : il se peut, exceptionnellement, qu'il y ait des échanges philosophiques sur un forum internet, mais les conditions nécessaires pour que cela devienne une règle générale et non une exception ne sont pas réunies.


j'avoue que je ne vois guère la différence entre la forme du raisonnement que vous proposez et celle que je viens de donner. Votre condition C est effectivement ce que ci-dessus j'ai appelé la mineure. Il faut juste tenir compte du fait que la majeure a comme forme "si x alors y". Alors vous verrez aisément que votre mineure, la condition C, n'est en théorie effectivement rien d'autre que x (si x alors y, non x, donc non y).

Le problème que j'ai essayé de signaler, c'est qu'en réalité, les deux x dans ce raisonnement ne sont pas identiques. Dans la majeure, x est "un argument donné doit faire partie de l'identité objective de celui qui l'avance, et non pas d'une identité fantasmée". Cependant, dans la mineure telle que vous la formulez, x devient: "sur internet, la construction d'une identité fantasmée est plus facile que dans la vie non virtuelle".

Le fait que sur internet cette construction est plus facile que dans la vie réelle (ce avec quoi je suis d'accord), n'implique en rien que "en général", celui qui argumente sur internet se construit une identité fantasmée et utilise des arguments qui ne font pas partie de son identité objective, vous voyez? Vous opérez là une généralisation qui ne se justifie pas sur base de la forme du raisonnement, et pour laquelle, si je vous ai bien compris, vous n'avez pour l'instant pas encore donné d'arguments non plus. Il s'agit juste d'une opinion de votre part, opinion que je respecte bien sûr, mais pour laquelle il me faudrait plus de preuves ou d'arguments avant de pouvoir comprendre en quoi elle serait objectivement valide ou vraie.

En guise d'illustration du problème formel que je viens de montrer:

on pourrait prendre comme MAJEURE :

"s'il ne pleut pas, alors je pourrai me promener dehors sans parapluie sans être mouillé"

et comme MINEURE:

"il y a des nuages"

Si formellement votre raisonnement était correcte, le conclusion serait "je serai mouillé". Alors que le fait qu'il y ait des nuages ne dit rien d'autre que qu'il est possible qu'il va pleuvoir (et donc que je serai mouillé).

Autrement dit: pour moi votre raisonnement confond la modalité de la nécessité et celle de la possibilité. Il faudrait pouvoir démontrer en quoi il est nécessaire de se construire une identité fantasmée (donc de n'utiliser que des arguments auxquels en réalité on ne croît pas) lorsqu'on discute en utilisant un pseudo, alors que vous ne faites que rappeler que celui qui utilise un pseudo a la possibilité de mentir.

Phiphilo a écrit :
Louisa a écrit :
Si oui: cela signifie qu'il faudrait pouvoir donner des preuves quant aux "intentions" de la majorité de vos interlocuteurs. C'est pourquoi j'ai dit qu'à mes yeux vous "psychologisez" le débat, au lieu de s'en tenir à des arguments qui ne portent que sur le texte même (en l'occurrence, le texte spinoziste, qui en principe est ici le sujet de toute conversation). On n'est plus dans le développement de concepts ici, on est dans l'examen de l'âme même de son interlocuteur. Vous n'êtes pas le premier avec qui je discute de ce sujet sur ce forum, mais je ne peux que répéter que je ne vois pas en quoi de telles interrogations pourraient être pertinentes lorsqu'il s'agit de savoir ce que le texte spinoziste dit réellement.


Citation:
Le corps humain est la meilleure image de l’âme humaine. (Wittgenstein, Recherches Philosophiques, II)

Citation:
L’Esprit et le Corps sont une seule et même chose, conçue tantôt sous l’attribut du Corps, tantôt sous l’attribut de la Pensée. (Spinoza, Éthique, III, 2)


on pourrait remarquer que penser le rapport du corps à l'âme comme étant celui d'une "image" est fort différent que de le penser comme étant deux modes qui expriment une seule et même chose, mais laissons cela un instant de côté. Je suppose que vous voulez dire qu'il y a une sorte de "symétrie" entre le corps et l'âme. Soit. En quoi est-ce que cela permettrait de vérifier la thèse que dès qu'on écrit sous un pseudo, on n'utilise en général que des arguments auxquels en réalité on ne croît pas? Lorsqu'on écrit en utilisant un pseudo, on écrit toujours avec le même corps, non? Si vous supposez une symétrie entre corps et âme, il faudrait plutôt dire que l'âme aussi reste la même, non?

Phiphilo a écrit :
Louisa a écrit :
Pour moi, ce que Platon dit ici relève du simple bon sens. Donc oui, spontanément j'aurais tendance à être d'accord avec ceci. Mais cela veut dire quoi? Ne faudrait-il pas dire que ceux qui adhèrent à ce que Platon dit ici, croient en une idée qui risque de rendre votre thèse plus faible? Car Platon ne dit-il pas que l'une des choses qui empêchent le dialogue philosophique (ou plutôt, puisqu'il ne précise pas, le véritable dialogue tout court - on pourrait de nouveau penser à Habermas), c'est le fait de ne pas chercher la vérité, et de ne converser que pour éviter d'être réfuté? Si oui, on a ici l'idée que ce qui entrave tout véritable dialogue est propre au fait concret des passions humaines, ce qui est ce que j'essaie de dire depuis quelque temps. On ne voit pas très bien en quoi le problème qui nous concerne ici (utiliser un pseudo ou non) aurait quelque chose à voir avec ce que dénonce, à raison, Platon?


Citation:
Quelle impression mes accusateurs ont faite sur vous, Athéniens, je l'ignore. Pour moi, en écoutant mes accusateurs, j’ai presque oublié qui je suis tant leurs discours étaient persuasifs. Et pourtant, je puis l'assurer, ils n'ont pas dit un seul mot de vrai. (Platon, Apologie de Socrate, 17a)

Autrement dit, "je ne peux pas faire de philosophie, je ne peux pas défendre la vérité si je ne sais pas qui je suis".


ok. Mais quel est le lien entre cette thèse ("si je ne sais pas qui je suis, je ne peux pas faire de la philosophie") et la thèse dont nous discutons ("si j'utilise un pseudo, je me forge nécessairement une fausse identité")? Celui qui choisit de se créer une fausse identité, ne saurait-il pas que c'est ce qu'il est en train de faire? Oublierait-il qu'il utilise un pseudo? Si c'est effectivement ce que vous pensez, je ne peux que réitérer mon étonnement. Comment pourrais-je oublier qu'en écrivant sur ce forum sous le nom de "Louisa", je ne donne pas à mes interlocuteurs les moyens de m'identifier dans mon identité objective, c'est-à-dire comment pourrais-je oublier que je n'utilise qu'un pseudo .. ? Comment pourrais-je du coup commencer à croire que ma vie réelle ne se passe pas dans les 23 heures par jour où je travaille pour gagner ma vie, où je vais dîner avec mon ami etc., mais bien plutôt dans la seule heure par jour où j'essaie de réfléchir aux problèmes conceptuels que je rencontre sur des sites comme celui-ci et où je m'engage dans une discussion directe avec les auteurs qui proposent ces problèmes? Bref, je m'en excuse, mais je crains que je sois encore assez loin de comprendre où vous voulez en venir.

Phiphilo a écrit :
Louisa a écrit :
Autrement dit: si sur ce forum certains gens ont pu dire explicitement qu'ils préfèrent y rencontrer des interlocuteurs qui pensent comme eux et craignent ceux qui pensent qu'il faut réfuter leurs idées, le problème dont il s'agit a trait à, si l'on suit Platon, la nature humaine elle-même, plutôt que d'être causé par l'un ou l'autre aspect du "moyen technique" par lequel passe la conversation, non?


Certainement pas. Cf. sur ce sujet François Châtelet, Platon, particulièrement les ch. I et II.


disons qu'entendre directement de vous comment vous interprétez Châtelet qui interprète Platon à ce sujet me serait sans doute plus utile que de (re)lire moi-même une partie de ce livre (si vous lisez Platon différemment que moi, la chance est grande que vous lisiez également un commentateur de Platon différemment que moi; par conséquent il vaut mieux s'en tenir à une clarification du texte originale, non?). Il s'agit ici d'une simple explication de texte, donc d'une comparaison argumentée entre votre façon de lire l'extrait de Platon que vous nous avez donné, et la mienne. Si vous pensez que je le lis mal, pourquoi ne pas me dire tout simplement en quoi et pourquoi?

Phiphilo a écrit :
Louisa a écrit :Or justement, si l'on est intellectuellement honnête, ne faudrait-il pas reconnaître qu'être précis en philosophie est extrêmement difficile, demande des années de travail et d'exercices, et ne s'obtient que progressivement? Si oui, je crois qu'on doit dire que sur ce forum, la majorité des intervenants - moi-même y compris - n'en est qu'au stade de la "formation", de "l'initation", de la tentative d'apprendre à être plus précis, sans plus. Ce qu'on espère obtenir en écrivant sur ce forum, c'est que le fait même de soumettre nos idées à d'autres gens qui s'intéressent au même sujet va nous permettre de ou obliger à préciser davantage, et donc à apprendre davantage. Sans plus.


Raison de plus pour admettre qu'il y a des gens qui en savent plus que vous sur un sujet donné et qui vous font donc l'honneur de vous corriger, le cas échéant.


absolument!

Encore doivent-ils prendre le temps de me montrer les raisons précises pour lesquelles ils pensent avoir mieux compris que moi, non ... ?

C'est là que, en tout respect et de votre position sociale et du fait que vous avez choisi de la dévoiler (alors que je suppose qu'entre-temps vous avez bien compris que sur un forum public de philosophie "en général" on a tendance à se méfier de ceux qui se présentent en tant que "professeur en philosophie", puisque cela risque d'être utilisé par après comme simple argument d'autorité), votre manière d'intervenir dans le débat m'étonne un peu. Vous argumentez, bien sûr, mais la plupart du temps, j'ai l'impression que vous présupposez déjà que votre interlocuteur cherche tout sauf la vérité, et que donc cela ne vaut pas la peine d'argumenter vraiment en détail, jusqu'à ce que celui qui selon vous se trompe ait réellement compris pourquoi c'est vous qui avez raison et non pas lui.

C'est là aussi que je crois que l'usage des pseudos nous montre tout autre chose que ce que vous en dites, chose qui vient d'être suggéré notamment par les extraits de thèse publiés par Bardamu ci-dessus. C'est que dans la vie réelle, il faut "gagner" son identité, il faut la construire. N'est pas professeur de philosophie qui le veut, par exemple. Il faut passer un tas d'épreuves, et il faut acquérir sa crédibilité auprès un tas de gens, avant que la société ne vous donne ce titre et donc cette identité objective.

Or, en ce sens précis, un forum électronique fonctionne exactement de la même façon. Pour que l'on associe au nom utilisé par un interlocuteur (que ce soit son nom objective ou un pseudo n'y change strictement rien) une identité x ou y, il faut que cet interlocuteur réussisse à montrer, dans son comportement réel sur le forum, qu'il dispose des qualités que l'on associe en principe à telle ou telle identité. Si par exemple quelqu'un du nom x se présente en disant qu'il s'intéresse à la philosophie de Spinoza, alors qu'en réalité (c'est-à-dire dans la réalité virtuelle qu'est le forum) tout ce qu'il en dit est tellement contraire à ce que la majorité des intervenants et des commentateurs attitrés en disent, il pourrait s'imaginer autant qu'il le veut qu'il s'intéresse réellement à Spinoza, jamais il n'obtiendra une reconnaissance objective, sur le forum, d'une telle "identité". Autrement dit: même sur un forum, le principe de réalité est inévitablement présent. La différence entre réalité et fantasme se fait de manière collective, sociale, en interageant avec d'autres gens, et jamais tout seul!

Ce qui signifie, inversément, que simplement dire que l'on n'est prof de philosophie ne suffit pas non plus pour y recevoir une réelle reconnaissance "virtuelle" de cette identité. On sait tous qu'il existent de bons et de mauvais professeurs. Les bons, ce sont ceux qui ont un véritable talent pédagogique, c'est-à-dire qui ont beaucoup de patience, qui s'il le faut savent ré-expliquer mille fois et toujours différemment, qui ne vont jamais ridiculiser ceux qui ne savent pas encore autant qu'eux mais qui croient réellement en les possibilités d'apprendre et d'évoluer de leurs élèves, et surtout qui font preuve d'une grande connaissance réelle. C'est dire que pour obtenir une telle identité "virtuelle", il faut faire pas mal de choses. Celui qui ne les fait pas, qu'il utilise un pseudo ou non, qu'il rappelle qu'en dehors du forum il est prof de philo ou non, il n'y sera jamais reconnu comme "professeur". C'est cela, je crains, la "réalité" d'un forum "virtuel".

Pour illustrer cela autrement encore: prenons par exemple la manière dont le site américain www.huffingtonpost.com s'occupe des élections iraniennes. On sait que pour l'instant et depuis quelques jours les téléphones mobiles y sont coupés, que les rédactions des médias officiels sont occupés par des fonctionnaires qui passent à la censure tout ce qui est écrit ou diffusé, et que les journalistes étrangers sont sans cesse harnaqués et même, pour la plupart, renvoyés à l'aéroport. Dès lors, comment obtenir des infos fiables de ce qui s'y passe? Le Huffington Post se sert du seul moyen de communication que les autorités iraniennes n'ont pas réussi à bloquer: Twitter. Or justement, sur Twitter on utilise souvent un pseudo. Comment savoir si ce qu'un jeune iranien envoie en tant que "tweets" est vrai ou non? Si l'on suivait votre thèse, du fait même qu'il utilise un pseudo, il faudrait dire qu'il ment (votre fameuse hypothèse de la condition C).

Or à mon sens il se fait que là aussi, tout comme sur ce forum, la situation est beaucoup plus compliquée. Il y en a qui mentent, bien sûr. Mais Marc Ambinder, par exemple, explique sur son site comment faire pour savoir si ce que tel ou tel pseudo raconte de la situation au Téhéran y arrive réellement ou non. Résultat: les iraniens ont demandé aux responsables de Twitter de ne pas faire ce soir l'entretien habituel, qui rend l'accès à Twitter impossible pendant quelque temps, et cela précisément pour pouvoir continuer à s'organiser réellement entre eux et faire circuler de l'information (heureusement, les responsables de Twitter viennent d'y consentir!).

C'est dire que l'usage d'un pseudo en réalité n'entrave pas du tout par principe la qualité de la communication. Il faut juste passer à un autre moyen de "vérifier" ce que quelqu'un dit que dans la vie "non virtuelle", c'est tout. D'ailleurs, on pourrait aussi rappeler que Twitter fait précisément partie de ce qu'on appelle en anglais les "social networks", et cela non sans raison, car justement, malgré le fait qu'on y utilise un pseudo, on y construit réellement de véritables réseaux sociaux. Et donc des identités sociales. Donc des identités réelles, je dirais, non?

Conclusion: l'internet, en tant que moyen de communication, est tout autant un moyen de "socialiser" et donc de construire des identités réelles (car socialisées et ainsi "vérifiées") que les activités sociales qui utilisent d'autres moyens de communication (même si, bien sûr, il est plus facile de jouer un rôle sur internet que dans la vie réelle; on est bien d'accord là-dessus).

Phiphilo a écrit :Sauf que, pour admettre que quelqu'un en sait plus que moi, il faut préalablement admettre l'imperfection de mon moi, et non la fuir dans une identité fantasmée !


oui bien sûr, le problème n'est pas là, le problème c'est que vous prétendez qu'en général, dès qu'on utilise un pseudo, on va en même temps commencer à se construire une identité fantasmée. C'est ce lien causal ou logique qui à mon sens est faux, ou qu'il faudrait pouvoir démontrer avant que je puisse voir en quoi je me trompe.

Phiphilo a écrit :
Louisa a écrit :
Enfin, votre soupçon d'absence d'"honnêteté intellectuelle" à mes yeux est risqué: sur quoi se base-t-il? Sur le fait même que ce que d'autres écrivent ici pour vous est tellement choquant que vous ne parvenez pas à imaginer que les auteurs de tels énoncés croient réellement à la vérité de ce qu'ils disent? Si oui: j'ai moi-même été déjà trop sujette à de tels soupçons non fondés sur ce forum pour pouvoir croire en leur efficacité ou vérité. Il se fait que nous avons tous tendance à croire que ceux qui pensent radicalement différemment que nous ne peuvent tout de même pas réellement adhérer à ce qu'ils disent, donc spontanément, la solution la plus facile est de supposer qu'ils mentent, tout simplement (comme le dit Platon ci-dessus: cela nous permet de ne pas se sentir contraint d'essayer de réellement réfuter leurs idées, ou de devoir admettre que nos évidences sont peut-être réfutables). Or, comme déjà dit, pour moi ce genre de soupçon est aux antipodes d'une attitude véritablement philosophique, qui implique que l'on est prêt à mettre en question avant tout ce qui nous semble être évident et allant de soi (Socrate a-t-il fait autre chose?). D'où la citation de l'E2P47 scolie dans mon message précédent.


Citation:
Le désir de s’unir aux autres par les liens de l’amitié, quand il possède un Esprit qui se gouverne par la Raison, je le nomme honnêteté, et l’honnête est pour moi ce qui est l’objet des louanges des hommes que la Raison gouverne, comme le malhonnête est ce qui est contraire à la formation de l’amitié. (Spinoza, Ethique, IV, 37)

En ce sens, ceux que je qualifie de "malhonnêtes" n'ont, manifestement, aucun désir de fonder une communauté de pensée philosophique. Ils ne font aucun effort pour comprendre mais réagissent aux posts de manière contingente en fonction de ce qu'ils imaginent leur être utile ou nuisible à leur personnalité fantasmée.


je crois que d'un point de vue spinoziste, tout homme est doté de la raison (puisqu'il dit qu'elle appartient à la "nature humaine"). Seulement, on ne s'en sert qu'en fonction du degré de puissance qu'on a, c'est-à-dire en fonction du degré de puissance de penser que l'on a à tel ou tel moment de sa vie. En ce sens on peut dire de tout et n'importe qui qu'il est "malhonnête", car cela ne revient qu'à dire que le verre est à moitié (voire plus, ou moins) vide. Or la Liberté spinoziste (et donc l'augmentation de la puissance de penser) consiste (notamment) bien plutôt à se concentrer sur l'essence singulière des gens, ce qui signifie qu'il faut pouvoir apprendre à se dire que le verre est à moitié rempli.

Spinoza, dans l'E5P10 scolie a écrit :Mais il faut remarquer qu'en ordonnant nos pensées et nos images nous devons toujours prêter attention à ce qu'il y a de bon dans chaque chose, afin qu'ainsi ce soit toujours un affect de Joie qui nous détermine à agir.
Par ex., si quelqu'un voit qu'il recherche trop la Gloire, qu'il pense à son usage correct, et à quelle fin il faut la rechercher, et par quels moyens il peut l'acquérir; mais non à son abus, ou à sa vanité, ou A L'INCONSTANCE DES HOMMES, ni aux autres choses de ce genre, auxquelles nul ne pense sans chagrin; CAR C'EST PAR DE TELLES PENSEES QUE LES PLUS AMBITIEUX SE DESOLENT LE PLUS, quand ils désespèrent d'accéder à l'honneur qu'ils ambitionnent; et, alors qu'ils vomissent la Colère, ils veulent avoir l'air sage. ET IL EST DONC CERTAIN QUE LES PLUS DESIREUX DE GLOIRE SONT CEUX QUI CRIENT LE PLUS FORT CONTRE SON ABUS ET CONTRE LA VANITE DU MONDE. Et cela n'est pas propre aux ambitieux, mais commun à tous ceux à qui la fortune est adverse et qui ont l'âme impuissante. Car l'avare, quand il est pauvre, ne cesse également de parler de l'abus de l'argent et des vices des riches; par où il ne fait rien que s'affliger lui-même, et montrer aux autres que ce n'est pas seulement sa pauvreté, mais également les richesses des autres, qu'il a du mal à supporter.(...)
QUI DONC S'EMPLOIE, ET PAR SEUL AMOUR DE LA LIBERTE, à maîtriser ses affects et ses appétits, S'EFFORCERA, autant qu'il peut, de connaître les vertus et leurs causes, et de s'emplir l'âme du contentement qui naît de leur vraie connaissance; ET DE CONTEMPLER LE MOINS POSSIBLE LES VICES DES HOMMES, AINSI QUE DE DENIGRER LES HOMMES et de tirer contentement d'une fausse espèce de liberté. Et qui observera diligemment cela (et en effet ce n'est pas difficile) et s'y exercera, oui, en très peu de temps il pourra diriger la plupart de ses actions sous l'empire de la raison.


Autrement dit, je crois que Spinoza prétend avoir trouvé un remède tout à fait efficace à la "diminution de la puissance de penser" que l'on peut subir lorsqu'on discute avec des gens dont de prime abord on ne voit que les vices, remède qui consiste précisément à renverser entièrement un tel mouvement, pour pouvoir, avec un peu d'exercice, voir sa puissance de penser augmenter en discutant avec des gens de (présuméee) faible puissance. Non?

Phiphilo a écrit :
Louisa a écrit :
Je crois qu'il est très important de distinguer le spinozisme du comportement quotidien et concret de Spinoza. Le spinozisme est un ensemble supposé cohérent de concepts. La vie de Spinoza est comme toute vie humaine un ensemble d'Actions et de Passions (comme il le dit lui-même dans l'E4P4 corollaire: "De là suit que l'homme, nécessairement, est toujours sujet aux passions, qu'il suit de l'ordre de la Nature et lui obéit, et qu'il s'y adapte autant que l'exige la nature des choses."). A mon sens il est indéniable que dans sa correspondance, Spinoza nous montre qu'il est un homme dans tous les sens du mot, c'est-à-dire qu'il est lui aussi sujet aux passions.


Cf. supra s'agissant de la distinction entre le corps et la pensée (autrement dit les "concepts" et la "vie").


désolée, mais il va falloir expliciter votre idée si vous voulez que j'en comprenne la pertinence/vérité/... .

Phiphilo a écrit :
Louisa a écrit :
Dans sa réponse à Blyenbergh, Spinoza dit essentiellement que si le monde aurait été autre qu'il ne l'est, si Blyenbergh avait une puissance de penser beaucoup plus grande que celle qu'il n'a, alors il aurait compris que sa déduction en vérité n'est pas valide. Or le spinozisme montre bien en quoi il est tout à fait vain d'avoir recours à de telles pensées, puisque le monde spinoziste est déterminé une fois pour toutes, donc espérer que Blyenbergh aurait pu avoir mieux compris n'est rien d'autre qu'une idée inadéquate, une passion. Par conséquent, dans cette lettre Spinoza nous montre son impatience devant l'incompréhension de son interlocuteur. Mais sa philosophie nous montre en quoi une telle impatience relève bel et bien des passions humaines, au lieu d'être une idée adéquate. Le philosophe spinoziste, en revanche, c'est celui qui sait appliquer le spinozisme à des cas concrets, dans sa vie réelle (au lieu de se servir des passions de l'homme concret qu'était Spinoza pour répéter les mêmes passions). Et alors comment oublier l'E2P47 scolie? Comment ne pas tenir compte du fait que pour le spinozisme, la seule attitude adéquate face à l'incompréhension et face aux passions des autres, c'est d'essayer de comprendre ce qui est vrai là-dedans, au lieu de les dénoncer et déplorer, et c'est de pratiquer la "charité", c'est-à-dire de faire maximalement effort pour que toujours plus de gens comprennent ce qu'on pense soi-même être vrai ... ???


C'est exactement ce que je dis. C'est pourquoi

Citation:
il est évident que la vérité ne peut être tolérante, qu'elle n'admet ni compromis ni restriction, que la recherche considère tous les domaines de l'activité humaine comme les siens propres et qu'il lui faut devenir inexorablement critique lorsqu'une autre puissance veut en confisquer une part pour elle-même. (Freud, Nouvelles Conférences sur la Psychanalyse)


oui, tout à fait d'accord.
L.

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Messagepar Louisa » 16 juin 2009, 16:43

(puisque le message suivant a été posté dans un fil de discussion où le sujet ne portait pas directement sur la possibilité de penser sur internet, je le recopie ici)

Phiphilo a écrit :Vous voyez, ma chère Louisa, ce qu'on trouve dans les forums prétendument philosohiques ?


Bonjour Philippe,

votre question m'étonne.

1. Cela fait quelques années que je fréquente les forums qui se veulent philosophiques, donc oui, je sais parfaitement qu'on y trouve de temps en temps deux interlocuteurs qui semblent réellement s'intéresser à s'insulter mutuellement en public, et cela parfois, comme c'est aussi le cas maintenant, en se servant de plusieurs fils de discussion à la fois.

2. Comme je vous ai dit dans mon avant-dernier message dans le fil "penser sur internet", l'extrait que vous nous avez donné de Platon dit à mes yeux littéralement que s'insulter fait partie des activités auxquelles hélas les hommes se livrent régulièrement, dans la vie réelle. Chacun sait que cette "passion" fait entièrement partie de la nature humaine.

Dès lors, je ne vois pas en quoi il était nécessaire de nous montrer qu'il est possible d'utiliser un nom qui réfère réellement à son identité objective et de néanmoins multiplier les messages d'insultes. La thèse dont nous discutons dans le fil "penser sur internet" et qu'il s'agit de démontrer n'est pas "il est possible de s'insulter sur internet", mais bien plutôt "il n'est pas possible de penser sur internet".

J'espère donc que vous allez trouver le temps de reprendre cette discussion, et de me dire ce que vous pensez de la distinction entre le possible et le nécessaire que j'ai essayé d'établir.

En vous remerciant par avance,
L.

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Messagepar bardamu » 16 juin 2009, 17:24

hokousai a écrit :
Conseil : commencer par les parties III et IV de l'Ethique pour comprendre l'humain et passer ensuite aux I et II pour montrer combien on est intelligent et savant (la partie V est réservée à l'élite )


j' aime montrer combien je suis intelligent et savant .. j'ai que ça à faire ..

les premières pages de partie 3 sont largement référées aux parties antérieures .( les premières pages certes mais les suivantes aussi)

bref

Bonjour Hokousai,
c'était de l''humour"...
ça voulait dire : avant de pouvoir discuter intelligemment sur un forum, il faut d'abord pouvoir discuter, c'est-à-dire comprendre les autres, leurs affects, leurs modes de communication, leurs déterminations diverses etc.
Et l'analyse de ces choses là, on la trouve plutôt dans les parties III et IV de l'Ethique que les autres.
Je suppose qu'il sera évident pour tous que la pensée est bête lorsqu'elle est agit par les passions et que les passions sont d'autant plus fortes qu'on ne comprend pas celles qui nous agitent ni celles qui agitent l'autre.
Somme toute, rien que de très banal : de grands intellectuels peuvent devenir très cons lorsqu'ils s'excitent.

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Messagepar PhiPhilo » 16 juin 2009, 18:15

Bon. Reprenons une dernière fois. On ne peut pas faire de la philosophie sans conscience de soi. Platon et Hegel l'ont abondamment montré. Spinoza conclut même l'Ethique en soulignant que la conscience de soi, celle de Dieu et celle des choses, c'est tout un :
Ex quibus apparet, quantum Sapiens polleat, potiorque sit ignaro, qui solâ libidine agitur. Ignarus enim, praeterquam quod à causis externis, multis modis agitatur, nec unquam verâ animi acquiescentiâ potitur, vivit praeterea sui, et Dei, et rerum quasi inscius, et simulac pati desinit, simul etiam esse desinit. Cùm contrà sapiens, quatenus ut talis consideratur, vix animo movetur ; sed sui, et Dei, et rerum aeternâ quâdam necessitate conscius, nunquam esse desinit ; sed semper verâ animi acquiescentiâ potitur. Si jam via, quam ad haec ducere ostendi, perardua videatur, inveniri tamen potest. Et sanè arduum debet esse, quod adeò rarò reperitur. Quî enim posset fieri, si salus in promptu esset, et sine magno labore reperiri posset, ut ab omnibus ferè negligeretur ? Sed omnia praeclara tam difficilia, quàm rara sunt. (V, 42, schol)
Autant dire que cette condition de conscience de soi est, au moins nécessaire, peut-être même nécessaire et suffisante, pour philosopher. Or, il est manifeste que nombre de ceux qui prétendent se livrer à l'activité philosophique ne satisfont pas cette condition. Soit parce qu'ils n'ont pas vraiment choisi de s'y livrer (c'est le cas parfois, hélas, des lycéens des classes terminales), soit parce qu'ils l'ont choisi mais en sous-estimant la difficulté qu'il y a à s'assumer comme personne.

En effet, faire de la philosophie, ce n'est pas, comme le croient certains, participer à une conversation de salon : un sujet, un verbe, un compliment. Il ne s'agit pas, d'"échanger" des arguments, mais de prendre un risque : celui de la contradiction. La contradiction minimale étant celle qui consiste à partir de la doxa, du sens commun dont chacun d'entre nous est porteur, nolens volens pour prendre conscience qu'il y a quelque chose qui ne va pas là-dedans :
Un problème philosophique est toujours de la forme ‘je ne m’y reconnais pas’. (Wittgenstein, Recherches Philosophiques, §123)
D'où, première difficulté : pour faire de la philosophie, il faut admettre au minimum que l'opinion dont on est le représentant à l'instant t entre en contradiction avec l'analyse de l'opinion à l'instant t+n Mais, deuxième difficulté, une telle prise de conscience tiendrait du miracle si elle n'était pas provoquée par une deuxième contradiction, plus fondamentale encore : si ce que je crois à l'instant t est indiscutablement mien, ce à quoi j'adhère à l'instant t+n n'est pas encore mien. Car c'est autrui, sa conversation, sa lecture, son étude, qui m'a fourni l'occasion et la possibilité de ce changement de point de vue. La deuxième difficulté consiste donc à considérer autrui comme un autre soi-même, pour parler comme Aristote, plus précisément, à considérer que c'est autrui, en tant que différent de moi-même, qui va me fournir les outils conceptuels qui vont attaquer la doxa dont je suis porteur.

Or ces deux difficultés (ne plus croire en t+n ce que je croyais en t ; admettre l'irruption de l'autre en moi-même) seraient dissolvantes pour mon identité personnelle si elles n'étaient dépassées, justement dans une forme d'identité qui englobe et assume cette opposition dialectique. C'est cette forme d'identité que Paul Ricoeur appelle "l'identité narrative" :
Le pas décisif en direction d'une conception narrative de l'identité personnelle est fait lorsque l'on passe de l'action au personnage. Est personnage celui qui fait l'action dans le récit. [...] Le récit construit l'identité du personnage, qu'on peut appeler son identité narrative, en construisant celle de l'histoire racontée. C'est l'identité de l'histoire qui fait l'identité du personnage. (Ricoeur, Soi-même comme un Autre, vi, souligné par moi)
Ce que veut dire Ricoeur, influencé en cela par la conception arendtienne de l'identité de celui qui agit, c'est que la pluralité des actes, la diversité des états mentaux n'est pas nécessairement la preuve, comme le pensait Hume, d'une 'absence d'identité personnelle :
Lorsque je pénètre le plus intimement dans ce que j’appelle moi-même, je tombe toujours sur une perception parti­culière […] ; je ne parviens jamais, à aucun moment, à me saisir ‘moi-même’ sans une perception [...], nous ne sommes qu’un faisceau ou une collection de perceptions différentes qui se succèdent avec une rapidité inconcevable et sont dans un flux et un mouvement perpétuel. (Hume, Traité de la Nature Humaine, I, iv, 6)
Ce qui va unifier le divers des expériences et des actes, le transcendantal, pour parler comme Kant, cela va être le récit que l'on va ffaire de moi-même. En ce sens, mon identité personnelle n'est, au fond, que l'histoire dont je suis le personnage central.

Sauf que le personnage, dans toute histoire, dans tout récit, possède un nom propre qui est, en quelque sorte, le raccourci de l'histoire (d'où la tendance, dans les récits, qu'ils soient biographiques ou fictifs, à l'éponymie du personnage au titre) :
La continuation de la même existence préserve l’identité de l’individu sous l’identité de nom. (Locke, Essai Philoso­phique concernant l’Entendement Humain, II, xxvii, 29)
Ce que dit Locke, qui, contrairement à Hume, développe une conception nominaliste quoique non sceptique de l'identité personnelle, c'est : "pour tout x, si x est dit être la même personne, alors x=A", A étant appelé le nom propre de x. Notons que si x n'était pas une personne, nous aurions aussi besoin d'un nom propre pour l'identifier en dépit de ses éventuelles modifications d'aspect. Mais la différence entre le nom propre "la Tour Eiffel" et le nom propre "Paul Ricoeur", c'est que ce dernier, en ce qu'il est le raccourci de l'histoire d'un personnage, va permettre à ce personnage de prendre conscience de soi en se racontant sa propre histoire. Donc, la converse de la conception lockienne sus-mentionnée est : "s'il existe un x tel que x=A, que x=A', et que A est différent de A', alors x ne peut pas être dit la même personne". Intuitivement, cela se comprend aisément : si x est identifié par deux noms différents, c'est qu'on trace de x deux schémas narratifs différents. C'est même exactement pour cela qu'il est parfois utile de changer de nom lorsqu'on entend se dépouiller d'une histoire dont on ne veut plus. A fortiori lorsque c'est x lui-même qui décide de changer de nom (on appelle cette opération "prendre un pseudonyme"), qu'il s'en rende compte ou non, c'est qu'il entend changer le récit de soi-même.

L'opération de prise de pseudonyme n'est, en soi, nullement condamnable, ni même problématique. Si Boris Vian n'était pas devenu Vernon Sullivan, si Louis Ferdinand Auguste Destouches n'était pas devenu Céline, si Romain Gary n'était pas devenu Emile Ajar, la perte en eût été inestimable pour notre patrimoine littéraire. De même, lorsque quelqu'un décide, de son propre chef, de changer d'identité après une conversion religieuse ou après un mariage, le changement de nom comme symbole d'un changement de vie n'a rien de particulièrement choquant. Le problème surgit lorsqu'il s'agit de faire de la philosophie : comment celui qui a (mettons) deux noms propres (un "aléthonyme" A et un pseudonyme A') peut-il d'une part modifier sa croyance, d'autre part accepter l'irruption de l'autre en lui-même, procédures dont on a dit supra qu'elles constituent le fond même de la démarche philosophique ? Car, dans ce cas là, rien n'empêche d'attribuer la pensée en t à A et la pensée en t+n à A'. Exemple : je pense, en t, que l'inégalité parmi les hommes est naturelle ; puis, en t+n, la lecture de Rousseau m'a convaincu qu'il n'en était rien. Sauf que c'est mon second moi (nommé A') qui est convaincu par Rousseau, tandis que mon premier moi (nommé A) continue à croire que (et à me comporter comme si) l'inégalité est naturelle. Imaginons qu'un interlocuteur désire me pousser dans mes retranchements et s'assurer que j'assume les conséquences de la thèse de Rousseau à laquelle je prétends adhérer. De deux choses l'une : ou bien je vais abandonner la confrontation que j'estimerai ne plus me concerner (elle concerne A' et pas A, je me réfugie dans ce que Sartre appelle "la mauvaise foi"), ou bien je vais l'assumer dans l'incohérence et l'angoisse la plus totale (j'ai l'impression que mon histoire A' commence à contaminer mon histoire A, ce que je refuse à tout prix). Dans un cas je me répandrai en arguments superficiels. Dans l'autre je serai agressif, et d'autant plus agressif que mon pseudonyme (du grec pseudès qui veut dire "mensonger", ne l'oublions pas) sera plus flatteur en ce qu'il connotera un personnage plus connu et respecté (à cet égard, le choix de "pseudos" tels "Hokusai", "Durtal", "Bardamu" et quelques autres en dit long sur le désir inconscient de certains de s'identifier à des héros). Dans tous les cas, ma pensée sera affectée par cette double identité et ne sera pas disponible pour philosopher.

Ma thèse est, à cet égard, que le pseudonymat, en encourageant la Ichspaltung, la fragmentation du moi, rend impossible, en règle générale, la pratique philosophique. C'est pourquoi il n'y a pas plus de philosophie sur "Spinozaetnous" (et sur les autres forums prétendument "philosophiques", bien entendu) que de beurre en branche ! Certes, il arrive qu'exceptionnellement, ce soit le cas, mais le dialogue ne dure jamais très longtemps, faute d'être assumé par des personnalités cohérentes. Et un fragment de dialogue n'est pas un dialogue. La faute ne repose d'ailleurs pas sur les participants, mais sur une techno-structure qui ne sécrète que des relations virtuelles et détermine de la Ichspaltung. Voyez-vous, je suis professeur de philosophie et je n'ai jamais, je dis bien jamais, rencontré chez l'un quelconque de mes élèves ou étudiants (dont certains n'étaient pourtant pas prédestinés à l'exercice de la philosophie) un comportement qui ressemblât, de près ou de loin, aux comportements pathologiques rencontrés sur ce forum. Même avec mes élèves les plus difficiles de classes technologiques, j'ai toujours réussi, tant bien que mal, à les faire lire, à les faire disserter, à les faire dialoguer. Mais je n'y suis pour rien. Tous mes collègues en font autant. Simplement les quatre murs d'une classe et la relation directe maître-élève favorisent la construction d'une identité cohérente et, partant, l'exercice de la pensée. La relation virtuelle via clavier, écran et pseudonyme, non.
Modifié en dernier par PhiPhilo le 16 juin 2009, 19:30, modifié 1 fois.

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Messagepar 8 » 16 juin 2009, 18:23

Je suis tout a fait d'accord avec Bardamu, dans philosophie il y a sagesse.
Chers Philphilo, Alcore bien que tres pointus sur les questions ontologique je vous trouve minable d'un point de vue pratique.
Avec Palestine et Israel en fin de message pourquoi ne pas aller faire un tour sur des forum politique au lieu de vous agresser avec des arguments ontologiques.
La philosophie de Spinoza n'est-elle pas avant tout une philosophie tournée vers la puissance de la joie et je vous trouve bien ridicule a manipuler des concepts avec tant d'agressivité.
Au moins Korto avait de l'esprit ce qui n'est meme pas votre cas

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Messagepar alcore » 16 juin 2009, 22:35

8 a écrit :Je suis tout a fait d'accord avec Bardamu, dans philosophie il y a sagesse.
Chers Philphilo, Alcore bien que tres pointus sur les questions ontologique je vous trouve minable d'un point de vue pratique.
Avec Palestine et Israel en fin de message pourquoi ne pas aller faire un tour sur des forum politique au lieu de vous agresser avec des arguments ontologiques.
La philosophie de Spinoza n'est-elle pas avant tout une philosophie tournée vers la puissance de la joie et je vous trouve bien ridicule a manipuler des concepts avec tant d'agressivité.
Au moins Korto avait de l'esprit ce qui n'est meme pas votre cas


parfaitement d'accord!


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