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hokousai
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Messagepar hokousai » 13 juin 2009, 00:30

à Phiphilo

Lorsqu'un GM ou un GMI y fait une rare et courte apparition, les internautes se battent pour solliciter ses conseils. Tandis que, sur ce forum prétendument philosophique, lorsque quelque "spécialiste" ose relever quelque incongruité,


Vous confondez deux domaines et précisément un qui a des règles et un qui n’en a pas .
Car si on joue aux échecs en respectant les règles on ne joue pas d'emblée au philosophe en respectant les règles universelle d’un jeu de société .( sinon énoncez moi les règles )
On peut certes dans certains cercles respecter les règles dictées par tel philosophe , c’est un comportement sectoriel lequel ne définit pas l’essence de la philosophie .
.
On peut à la limite respecter le travail de réflexion de tel ou tel reconnu grand philosophe encore que des plus humbles peuvent nous séduire .

Les meilleurs ont pourtant montré comment ils convient de s’ opposer aux règlements précédemment établis et c’est ce qui fait d’ailleurs l’intérêt de leurs innovations .Cet esprit de contradiction est largement répandu .
Descartes écrit des règles que Spinoza s’empresse d’amender .

..........................................................................

Vous pouvez me citer Peano ou me rectifier si je le cite mal ,certes, mais vous ne pouvez tout spécialiste que vous soyez , m’imposer de suivre Péano (c’est un exemple ). Votre spécialisation est là sans effets .

Aucun spécialiste de qui que ce soit n’est spécialiste de ma propre pensée (excusez moi mais c’ est elle qui m’intéresse ),certainement pas plus que moi même .

En conclusion :en tant que spécialiste vous ne présentez qu 'un intérêt épisodique .

hokousai

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Messagepar PhiPhilo » 13 juin 2009, 08:16

bardamu a écrit :C'est la faute à Badiou... alcore ne pourrait-il pas tenir exactement le même discours, publiquement, si il avait le statut de professeur des universités ? [...] Sa définition d'un ouvert me semble particulière et passer des ensembles ouverts à l'essence du marché me laisse songeur. Je me demande ce que ça peut donner auprès d'étudiants n'ayant pas de notions de math. Qui va juger que ce que dit alcore est plus abscons que ce que dit Badiou ? Et est-ce que l'engagement de alcore est moins sincère que celui de Badiou même si son usage des mathématiques est approximatif ?
C'est du foutage de gueule ! Comme l'écrit ironiquement Pascal,
l'exemple de la chasteté d'Alexandre n'a pas fait tant de continents que celui de son ivrognerie a fait d'intempérants. Il n'est pas honteux de n'être pas aussi vertueux que lui, et il semble excusable de n'être pas plus vicieux que lui. On croit n'être pas tout à fait dans les vices du commun des hommes quand on se voit dans les vices de ces grands hommes. (Pascal, Pensées, B103)
C'est bizarre, mais je n'ai pas senti, auprès de l'auteur sus-visé de la ratatouille mathématico-pataphysique sus-incriminée, le même engagement que chez Alain Badiou auprès de la défense de l'hypothèse communiste, ni la même connaissance approfondie de Wittgenstein, par exemple !

Durtal a écrit :Votre problème l’ami est que toute votre histoire est une grossière pétition de principe. C’est vous qui confondez les deux choses.
Réaction infantile et régressive ... comme d'habitude. "C'est pas moi qui confond, c'est vous ... c'est pas moi ... c'est l'autre". Et gnagnagna ... et gnagnagna ...

Durtal a écrit :Mais il n’était peut être pas besoin de remuer pour cela Ricœur, Wittgenstein, Hegel, Kant, Descartes, Arendt, Camus…et tous les autres….
Oui ... surtout quand on ne les connaît pas ! C'est ce que rétorquent triomphalement mes (mauvais) élèves lorsqu'ils n'ont rien d'autre à dire.

Louisa a écrit :Votre thèse est alors: le fait même d'utiliser un pseudonyme (ce qui devient bien évidemment inévitable dès que l'on veut se lancer dans une activité collective ou sociale de manière anonyme) IMPLIQUE NECESSAIREMENT (du moins "en général") que celui qui l'utilise va s'inventer une toute nouvelle identité, une identité dont il sait qu'elle est fausse.
C'est exactement cela. Le fait de choisir une identité en commençant par choisir un nom est la négation de la règle la plus fondamentale de la sociabilité humaine : dans toutes les civilisations, c'est la société qui vous identifie et qui vous nomme. Lorsqu'un individu se choisit un nom (faux) et une identité (fausse), il montre par là qu'il entend se créer son propre monde fantasmé conforme au principe de plaisir et échapper ainsi à ce qu'Arendt appelle "le monde commun" conforme à ce que Freud nomme "le principe de réalité". C'est ainsi que fonctionne l'imagination, et cela peut donner des résultats artistiques remarquables. Mais je doute fort que l'on puisse faire de la science, de la politique, du sport, de la philosophie, etc. avec une personnalité fantasmée.

Louisa a écrit :Et c'est là que j'ai toujours des problèmes à vous suivre. Pourquoi serait-il faux de dire que "en général", un forum électronique de philosophie attire avant tout des gens qui s'intéressent réellement à la philosophie?
Parce que, comme le fait remarquer ironiquement Descartes,
le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ; car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n'ont point coutume d'en désirer plus qu'ils en ont. (Descartes, Discours de la Méthode, i)
et que, comme le souligne Bourdieu,
le philosophe adopte un rapport distant et distinctif aux mots et aux choses [...]. La conquête du regard souverain qui voit loin, au sens spatial mais aussi temporel [...] a pour contrepartie un divorce intellectualiste entre l’intellect perçu comme supérieur et le corps tenu pour inférieur.(Bourdieu, Méditations Pascaliennes, i)
Bref, dans notre culture occidentale de souche gréco-latine, il est socialement très valorisant de se prétendre philosophe. Il y a donc un enjeu non négligeable, lorsque l'on désire échapper au principe de réalité, à feindre de s'intéresser à la philosophie en ne s'intéressant proprement qu'à son moi fantasmé.
Nous voulons vivre dans l’idée des autres d’une vie imaginaire et nous nous efforçons pour cela de paraître, aussi nous travaillons incessamment à embellir et conserver notre être imaginaire et négligeons le véritable. (Pascal, Pensées, B147)


Louisa a écrit :D'ailleurs, toute "discussion rationnelle" (Habermas) et même toute pensée ne commencent-t-elles pas par la présupposition que rien ne soit évident, et que tout est toujours à repenser? N'est-ce pas là que la "véritable" pratique philosophique ou pensée a son origine et sa condition de possibilité?
Non. Contra negantem principia, non est disputandum. Je crois que la formule est de Schopenhauer.

Louisa a écrit :Par conséquent, en ce qui me concerne pour l'instant j'ai le même problème avec votre thèse qu'avec celle que Bouveresse semble défendre au sujet de la pratique de la philosophie en général: on risque de n'admettre a priori qu'une seule conception de la pratique philosophique (la sienne), et d'évacuer la difficile question de la diversité factuelle en passant illico à des arguments qui "psychologisent" le débat (on suppose alors que sa propre conception de la pratique philosophique ne relève que du "bon sens" ou est "évidemment" la meilleure, et on "explique" le fait que d'autres ne sont pas d'accord là-dessus en présumant pour cette raison même qu'ils doivent manquer cruellement, eux, de ce même "bon sens", être "arrogant", "prétentieux" etc.).
La notion d'identité personnelle est un problème philosophique, non un concept psychologique.

hokousai a écrit :Je ne pense pas que les mathématiciens soient nécessairement les mieux placés pour comprendre les entiers naturels.
Bien sûr ... les ignorants sont forcément mieux placés.

hokousai a écrit :Vous confondez deux domaines et précisément un qui a des règles et un qui n’en a pas . Car si on joue aux échecs en respectant les règles on ne joue pas d'emblée au philosophe en respectant les règles universelle d’un jeu de société .( sinon énoncez moi les règles )
Ben voyons : vous ne les connaissez pas, donc elles n'existent pas ! En fait c'est beaucoup plus simple qu'au jeu d'échecs. Il n'y a que deux règles, d'ailleurs très souples, à respecter. D'une part, il faut respecter les normes formelles de l'argumentation :
Ces vérités [de la philosophie] me paraissent, si je peux dire, tenir l’une à l’autre et former toute une chaîne. Et, si je peux dire, ces vérités sont enchaînées les unes aux autres au moyen d’arguments de fer et de diamant [...] des arguments que tu ne vas pas pouvoir rompre, ni toi, ni quelqu’un d’autre, encore plus impétueux que toi. (Platon, Gorgias, 509a)
D'autre part, il faut se référer aux autres philosophes :
Une pensée socialement reconnue comme philosophique est une pensée qui implique la référence au champ des prises de position philosophiques (Bourdieu, l’Ontologie Politique de Martin Heidegger, i)
Mais admettre et respecter des règles, s'est ce soumettre au principe de réalité. Le principe de plaisir dit au contraire : moi, je veux atteindre la fin sans en passer par les moyens nécessaires pour l'atteindre ... sinon je fais un gros caprice !

hokousai a écrit :Vous pouvez me citer Peano ou me rectifier si je le cite mal ,certes, mais vous ne pouvez tout spécialiste que vous soyez , m’imposer de suivre Péano (c’est un exemple ). Votre spécialisation est là sans effets . Aucun spécialiste de qui que ce soit n’est spécialiste de ma propre pensée (excusez moi mais c’ est elle qui m’intéresse ),certainement pas plus que moi même .
Tiens, qu'est-ce que je disais ...

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Messagepar hokousai » 13 juin 2009, 13:46

à phiphilo

Je ne pense pas que les mathématiciens soient nécessairement les mieux placés pour comprendre les entiers naturels.


Je n'ai pas dis non plus que les ignorants me semblaient les mieux placés.En l'occurence l 'axiome de Péano ne peut intéresser que ceux qui se satisfont de ce genre d explication. A tout le moins qui voient dans cet axiome une explication ..

""""""""""La représentation des entiers sous-jacente dans l'arithmétique de Peano est la représentation la plus primitive et la plus naturelle, celle des entiers unaires.""""""""""" c'est bien ce qu'il faut expliquer et qui ne l'est pas .
............................................................

Sur les règles

Et si moi je préféré Protagoras à Platon , vous pouvez toujours me caporaliser sans frais mais sans effets .

Voila bien qu'il y aurait des règles formelles de l'argumentation , mais mon ami ce ne sont pas les règles de l'argumentation que je juge c'est l'argumentation elle même .

Voila un Wittgensteinien qui croit à la porté ontologique de la logique .
Pour Wittgenstein l'obéissance aux règles est référée aux jeux de langage et pas l'inverse .
les règles sont subordonnée ( des ingrédient )du jeu de langage que je joue .
.............................................................
Tiens, qu'est-ce que je disais ...


Vous anticipiez donc sur ma formulation , je n'avais pas remarqué, mais si vous l 'affirmez .

Argumentes donc, de quelque façon ,en évitant celle qui consiste à citer tous azimuts des autorités qui n'en sont pas pour moi .

....................................................................

"""Une pensée socialement reconnue comme philosophique est une pensée qui implique la référence au champ des prises de position philosophiques""

Bourdieu est ici le Mr jourdain de la tautologie .

Une pensée socialement reconnue comme x est une pensée qui implique la référence au champ x où on la reconnait .
Ce qui est une apologie banale de la congratulation réciproque des élites .


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Messagepar Durtal » 13 juin 2009, 21:38

Philophilo a écrit :
Bref, dans notre culture occidentale de souche gréco-latine, il est socialement très valorisant de se prétendre philosophe. Il y a donc un enjeu non négligeable, lorsque l'on désire échapper au principe de réalité, à feindre de s'intéresser à la philosophie en ne s'intéressant proprement qu'à son moi fantasmé.


Amusant...

Qui passe son temps à beugler ici qu'il est "prof de philo"?

D.

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Messagepar hokousai » 14 juin 2009, 02:21

pour répondre à l'emporte pièce

je ne pense pas qu'il soit encore si valorisant de se présenter comme philosophe..

Après tout, ceux qui le sont ( de profession) ne peuvent ( nolens volens )guère faire autrement .

On soupçonne souvent qu 'ils préférerait bien se présenter ( ou l'être ) comme spécialistes d' une quelconque science humaine ou d'économie , ou que sais- je qui les marquerait dans un des champs médiatiques honorés sur la place médiatique

.... enfin bref pas avec ce statut de philosophe ( à la limite celui d'intellectuel est moins dévalué )

Ne sont reconnus que quelque personnalités ***, nommément reconnues et acceptées au vue des preuves de la pertinence de leur propos, à chacun d' en juger , l étiquette ne suffit plus .

***( Onfray, Serres ou Finkelkraut par exemple ne cacheraient pas leurs facultés d' origine , personne ne se soucie de savoir exactement d' où ils proviennent ) en l'occurrence seul le premier a un cursus philosophique pur .(sans école navale par exemple )

Que penser du parcours de Marcel Gauchet ...ou de celui de feu Revel agrégé de philosophie quelque peu atypique ...?

Les cartes sont brouillées, l' habit ne fait plus le moine et c'est très bien comme ça .

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Messagepar Louisa » 14 juin 2009, 06:49

Phiphilo a écrit :
Louisa a écrit :
Votre thèse est alors: le fait même d'utiliser un pseudonyme (ce qui devient bien évidemment inévitable dès que l'on veut se lancer dans une activité collective ou sociale de manière anonyme) IMPLIQUE NECESSAIREMENT (du moins "en général") que celui qui l'utilise va s'inventer une toute nouvelle identité, une identité dont il sait qu'elle est fausse.


C'est exactement cela. Le fait de choisir une identité en commençant par choisir un nom est la négation de la règle la plus fondamentale de la sociabilité humaine : dans toutes les civilisations, c'est la société qui vous identifie et qui vous nomme. Lorsqu'un individu se choisit un nom (faux) et une identité (fausse), il montre par là qu'il entend se créer son propre monde fantasmé conforme au principe de plaisir et échapper ainsi à ce qu'Arendt appelle "le monde commun" conforme à ce que Freud nomme "le principe de réalité". C'est ainsi que fonctionne l'imagination, et cela peut donner des résultats artistiques remarquables. Mais je doute fort que l'on puisse faire de la science, de la politique, du sport, de la philosophie, etc. avec une personnalité fantasmée.


Pour l'instant, j'ai tendance à penser que l'on peut choisir un nouveau nom pour un tas de raisons différentes, dont la volonté d'échapper à l'une ou l'autre réalité n'est qu'une, sans plus. Lorsqu'un artiste choisit un nom d'artiste, serait-ce pour créer un monde fantasmé? Si oui, ne faut-il pas dire que ce monde fantasmé n'existe pas encore juste en se donnant un nom d'artiste, qu'il faut encore que la société, ou une partie de la société, l'accepte et l'utilise de fait, avant que ce nom ne soit capable de "créer" tout un nouveau monde (alors qu'une fois accepté comme artiste, le nom aura réellement un statut officiel dans le monde réel)?

De même, un chômeur qui fait en même temps des études et ne sait pas tout payer avec l'allocation de chômage seule, peut commencer un travail en noir et le faire en utilisant un pseudo. Il le fera dès qu'il s'agit d'un travail où son nom est souvent mentionné en public et relié à son travail (sinon il court le risque d'être reconnu par les institutions de contrôle et donc de perdre à la fois allocation de chômage et les moyens de faire des études).

C'est ce qui me fait penser qu'utiliser un pseudo sur un forum électronique n'est pas encore suffisant pour se créer réellement une nouvelle identité. Je suis d'accord pour dire que toute identité, quelque part, est sociale ou n'est pas (cfr. la définition de l'homme comme animal sociale mentionnée par Spinoza). A mes yeux cela signifie notamment que être "accepté" en tant que "personne qui s'intéresse réellement à la philosophie" sur un forum électronique ne se fait que lorsque ce qu'on fait sur ce forum correspond à certains critères. Peu d'intervenants sur un tel forum s'amusent à faire des recherches pour savoir qui sont les autres intervenants dans la vie hors forum. On juge les personnes sur base de leurs interventions, sans plus. Et on va s'engager dans une discussion avec un tel ou un tel sur base de ce qu'il écrit concernant la philosophie, et non pas sur base du nom qu'il utilise.

D'ailleurs, prenons mon cas: "Louisa" est-ce mon vrai prénom ou non? Quelle différence cela ferait-il si je vous disais que oui c'est mon vrai nom, ou non, en réalité je m'appelle "Louise", ou "Nathalie", ou si j'y ajoutais mon nom de famille? Est-ce que cela rendrait ce que j'écris plus ou moins "philosophique"? Ainsi quelqu'un qui n'a rien à dire par rapport à la philosophie qui intéresse d'autres personnes qui s'intéressent à la philosophie, à mon avis sera vite négligé sur un forum, qu'il soit électronique ou non, et cela indépendamment du nom qu'il utilise. Raison pour laquelle il me semble que le vrai problème est ailleurs: qu'appelle-t-on "philosopher" et pourquoi?

Phiphilo a écrit :
Louisa a écrit :
Et c'est là que j'ai toujours des problèmes à vous suivre. Pourquoi serait-il faux de dire que "en général", un forum électronique de philosophie attire avant tout des gens qui s'intéressent réellement à la philosophie?


Parce que, comme le fait remarquer ironiquement Descartes,

Citation:
le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ; car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n'ont point coutume d'en désirer plus qu'ils en ont. (Descartes, Discours de la Méthode, i)

et que, comme le souligne Bourdieu,

Citation:
le philosophe adopte un rapport distant et distinctif aux mots et aux choses [...]. La conquête du regard souverain qui voit loin, au sens spatial mais aussi temporel [...] a pour contrepartie un divorce intellectualiste entre l’intellect perçu comme supérieur et le corps tenu pour inférieur.(Bourdieu, Méditations Pascaliennes, i)

Bref, dans notre culture occidentale de souche gréco-latine, il est socialement très valorisant de se prétendre philosophe. Il y a donc un enjeu non négligeable, lorsque l'on désire échapper au principe de réalité, à feindre de s'intéresser à la philosophie en ne s'intéressant proprement qu'à son moi fantasmé.


je reviens sur l'usage de citations ci-dessous. Quant à la "valeur sociale" du philosophe: elle est certes toujours assez considérable, aujourd'hui, mais je ne crois pas que l'on puisse nier que cela ne soit le cas que dans certains milieux sociaux très précis.

Or je suppose qu'ici vous ne voulez pas forcément parler du philosophe "diplômé", mais de n'importe qui qui prétend s'y connaître en matière de philosophie, ou s'y connaître suffisamment pour se permettre de "donner des leçons" à d'autres simplement parce que ces autres ne sont pas d'accord avec lui et parce qu'il a lu un peu de philosophie, sans plus.

Si je vous ai bien compris, l'idée serait alors de dire que ces gens parfois n'ont qu'une connaissance très faible de ce que c'est que la philosophie ou philosopher, mais s'imaginent le savoir mieux que certains autres, imagination qui peut perdurer précisément parce que grâce à l'usage du pseudo, ces gens jamais ne sont obligés de se présenter dans la vie réelle en tant que "expert en philosophie", et donc jamais ne rencontrent une situation réelle permettant de leur faire comprendre l'ampleur réelle de leur connaissance. Autrement dit, dans la vie réelle, il serait beaucoup plus difficile de se faire passer pour quelqu'un qui s'y connaît en matière de philosophie (en tant que "professionnel" ou en tant qu'"autodidacte") qu'ailleurs. Ou plutôt: en le rendant impossible d'être "reconnu" dans son identité "civile" (grâce à l'usage du pseudo), on évite des "sanctions réelles" lorsqu'on prétend être (et y croît soi-même) ce que de fait on n'est pas. Du coup, le "fantasme" ne rencontre aucun obstacle, et devient permanent.

Si c'est cela ce que vous voulez dire: ok, d'accord, c'est-à-dire je ne crois pas que cela soit faux, au sens où il est certain que cela arrive réellement, parfois. Mais j'avoue que je ne comprends pas encore vraiment pourquoi vous semblez proposer ceci comme "explication générale" de ce qui se passe sur les forums électroniques consacrés à la philosophie. Voici ce qui pour moi pose problème là-dedans:

- on peut très bien utiliser son vrai nom sur un forum, et ne jamais être "sanctionné" dans la vie réelle non plus; il suffit que l'on vit dans un milieu social où l'on ne fréquente pas trop les lieux de la "haute philosophie" (sans ironie) pour que toutes les "gaffes" qu'on fait sur tel ou tel forum passent inaperçues dans sa propre vie réelle.
- à mon sens il y a de nombreux philosophes "diplômés" qui n'ont jamais appris à vraiment philosopher; si ce qu'ils disent sur des forums virtuels est lu par leurs pairs, personne dans leur entourage réel ne sera choquée, puisqu'on y partage ses conceptions de ce que c'est que la philosophie.
- utiliser un pseudo pour énoncer certaines idées sur un forum, et ne pas être respecté (au sens de: ne pas recevoir des réponses argumentées) par les intervenants qu'on admire soi-même, constitue à mon sens "réellement" une sanction, du point de vue de celui qui utilise le pseudo, c'est-à-dire est réellement vécu ainsi.

C'est la raison pour laquelle je crois que la véritable cause du problème (car on est bien d'accord pour dire qu'il y a un problème) est in fine à chercher au sein même de la "philosophie professionnelle": c'est elle qui n'apprend pas suffisamment à ses étudiants ce qu'est la "vraie" philosophie, et qui n'informe pas suffisamment les non philosophes. Autrement dit, les "bons" restent trop dans leur tour d'ivoire, et ne sont trop souvent, même à l'université, qu'une minorité, incapables d'empêcher des collègues de "pourrir" l'esprit des étudiants. Ou - puisque vous aimez les citations - comme le disait déjà Platon:

Platon, dans la République VII, 535c a écrit :Si la philosophie est aujourd'hui frappée de déshonneur, c'est qu'on s'y attache sans en être digne; car il faudrait que s'y attachent non des bâtards, mais des fils légitimes.


Je ne peux donc qu'être d'accord avec Schopenhauer (il suffit de remplacer "professeurs de religion" par "le sens commun") lorsqu'il dit:

Schopenhauer, dans Au-delà de la philosophie universitaire a écrit :Avant tout, un gouvernement ne rémunérera pas des gens pour contredire, directement ou indirectement, ce qu'il faut proclamer du haut de toutes les chaires par des milliers de prêtres ou de professeurs de religion nommés par lui; un tel procédé, dans la mesure où il aurait de l'effet, rendrait nécessairement inefficace l'organisation première. (...). De là ce principe: improbant secus docentes ("ils blâment ceux qui enseignent autre chose qu'eux"). Cette circonstance fait que les philosophes universitaires se trouvent dans une situation toute particulière, dont on peut révéler enfin une bonne fois le secret public. Les professeurs de toutes les autres sciences ont pour seule obligation d'enseigner, en fonction de leurs forces et dans la mesure du possible, ce qui est vrai et exact; c'est seulement dans le cas des professeurs de philosophie qu'il faut comprendre la chose cum grano salis. (...) On voit par là que, dans la philosophie universitaire, la vérité n'occupe qu'une position secondaire et doit, si nécessaire, s'écarter pour laisser place à une autre qualité. Cela donc distingue la philosophie des universités de toutes les autres sciences qui y font l'objet d'un enseignement.


Si ceci est vraie, on ne peut que constater que nous avons aujourd'hui toujours besoin d'une philosophia militans, d'une philosophie qui s'occupe tout autant de ses "relations publiques" que de la qualité de son enseignement là où elle s'enseigne. Or sur un forum public, nomen est omen, n'importe qui qui un beau jour a ouvert un livre de philosophie peut venir raconter son expérience. C'est même explicitement le but d'un forum comme celui-ci. Ce qui à mes yeux correspond parfaitement à la vocation pédagogique qui se trouve au coeur même du concept du salut spinoziste. Seulement, cela signifie que lorsqu'on s'y rend il vaut mieux s'attendre à y rencontrer tout et n'importe quoi (puisque même à de nombreuses universités, c'est le cas), au lieu de ... s'imaginer que c'est là, dans l'espace public, que l'on va rencontrer ce que même dans les hauts lieux de la philosophie on ne rencontre que trop rarement, non ... ?

Phiphilo a écrit :Citation:
Nous voulons vivre dans l’idée des autres d’une vie imaginaire et nous nous efforçons pour cela de paraître, aussi nous travaillons incessamment à embellir et conserver notre être imaginaire et négligeons le véritable. (Pascal, Pensées, B147)


Disons qu'à ce sujet je préfère Spinoza, lui qui rappelle que "la Gloire ne répugne pas à la raison, mais peut en naître" (E4P58). Car à mon avis, c'est de deux choses l'une: ou bien l'on adopte une "anthropologie" qui se base sur l'idée que l'homme est essentiellement un être social, mais alors ce que d'autres pensent de nous constituera toujours partiellement mais non moins essentiellement notre identité, ou bien on conçoit les individus humains comme des atomes, qui ont une essence totalement indépendante des relations qu'ils ont avec les autres hommes, essence "authentique", que l'on peut alors trahir ou non.

Ainsi, dans le spinozisme, le problème n'est pas que l'on cherche tous, sans exception, la Gloire (ou contraire, à l'opposé de Pascal, Spinoza l'appelle "le souverain bien, que chacun aime", raison pour laquelle il dira dans le scolie de l'E5P36 que la Liberté ou le salut, ce n'est rien d'autre que ce que l'Ecriture déjà appelait la "Gloire"!!), le problème est qu'on a tendance, aussi longtemps qu'on n'a pas encore acquis une certaine "puissance de penser", d'aller à la recherche de ce que Spinoza appelle dans le scolie de la même proposition des "Gloires vaines". Il s'agit là d'une "satisfaction de soi-même qui n'est alimentée que par l'opinion du vulgaire".

Or sur un "forum public", on peut s'attendre à rencontrer quelques "vulgaires". A mon sens c'est la raison pour laquelle ceux qui ne sont pas encore très "philosophe" risquent de ne pas s'en rendre compte en fréquentant de tels forums: par définition, ils chercheront avant tout l'opinion et l'approbation de leurs pairs, c'est-à-dire de ceux qui pensent comme eux. Qu'ils utilisent un pseudo n'y change rien du tout: il suffit de lire que quelqu'un est d'accord avec eux pour que leur ego en soit flatté, et pour qu'ils s'imaginent davantage être réellement philosophe. Mais justement, pour moi cela renforce l'idée que l'usage du pseudo dans ce cas n'y change pas grand-chose: car c'est bien sa propre identité réelle qu'on s'imaginera louée lorsque on cherche sur un forum public l'approbation du "vulgaire" ou de celui qui semble penser comme on pense soi-même. Bref, je crains que le problème soit beaucoup plus vaste que le simple aspect "technique" de l'usage d'un pseudo, et qu'accepter que la Gloire (ou du moins un certain type de Gloire), c'est le suprême bien de l'homme nous oblige à le poser en d'autres termes que ceux de par exemple Pascal ci-dessus.

Phiphilo a écrit :
Louisa a écrit :
D'ailleurs, toute "discussion rationnelle" (Habermas) et même toute pensée ne commencent-t-elles pas par la présupposition que rien ne soit évident, et que tout est toujours à repenser? N'est-ce pas là que la "véritable" pratique philosophique ou pensée a son origine et sa condition de possibilité?


Non. Contra negantem principia, non est disputandum. Je crois que la formule est de Schopenhauer.


Je dirais plutôt, lorsqu'il s'agit d'éviter la discussion: des goûts et des couleurs on ne discute pas, de la philosophie il faut discuter, car il est hautement probable qu'elle sera encore longtemps mal comprise, aussi bien par "le vulgaire" que par le type de professeur d'université auquel réfère Schopenhauer.

Phiphilo a écrit :
Louisa a écrit :
Par conséquent, en ce qui me concerne pour l'instant j'ai le même problème avec votre thèse qu'avec celle que Bouveresse semble défendre au sujet de la pratique de la philosophie en général: on risque de n'admettre a priori qu'une seule conception de la pratique philosophique (la sienne), et d'évacuer la difficile question de la diversité factuelle en passant illico à des arguments qui "psychologisent" le débat (on suppose alors que sa propre conception de la pratique philosophique ne relève que du "bon sens" ou est "évidemment" la meilleure, et on "explique" le fait que d'autres ne sont pas d'accord là-dessus en présumant pour cette raison même qu'ils doivent manquer cruellement, eux, de ce même "bon sens", être "arrogant", "prétentieux" etc.).


La notion d'identité personnelle est un problème philosophique, non un concept psychologique.


certes. Mais remarquons qu'on n'en parle plus, depuis quelque temps. La discussion se concentre sur la question de savoir quelles sont les intentions réelles de la majorité des intervenants sur un forum comme celui-ci, autrement dit on est dans le pur débat d'opinions, et non plus dans le développement de concepts, non?

Phiphilo a écrit :
hokousai a écrit :
Vous confondez deux domaines et précisément un qui a des règles et un qui n’en a pas . Car si on joue aux échecs en respectant les règles on ne joue pas d'emblée au philosophe en respectant les règles universelle d’un jeu de société .( sinon énoncez moi les règles )


Ben voyons : vous ne les connaissez pas, donc elles n'existent pas ! En fait c'est beaucoup plus simple qu'au jeu d'échecs. Il n'y a que deux règles, d'ailleurs très souples, à respecter. D'une part, il faut respecter les normes formelles de l'argumentation :

Citation:
Ces vérités [de la philosophie] me paraissent, si je peux dire, tenir l’une à l’autre et former toute une chaîne. Et, si je peux dire, ces vérités sont enchaînées les unes aux autres au moyen d’arguments de fer et de diamant [...] des arguments que tu ne vas pas pouvoir rompre, ni toi, ni quelqu’un d’autre, encore plus impétueux que toi. (Platon, Gorgias, 509a)

D'autre part, il faut se référer aux autres philosophes :

Citation:
Une pensée socialement reconnue comme philosophique est une pensée qui implique la référence au champ des prises de position philosophiques (Bourdieu, l’Ontologie Politique de Martin Heidegger)

Mais admettre et respecter des règles, s'est ce soumettre au principe de réalité. Le principe de plaisir dit au contraire : moi, je veux atteindre la fin sans en passer par les moyens nécessaires pour l'atteindre ... sinon je fais un gros caprice !


A mon avis, c'est plus compliqué que cela. Que faire de Carnap, par exemple, lui qui trouvait que tout ce qui lui précédait n'était pas de la philosophie car de la "métaphysique"? On pourrait dire qu'il continuait néanmoins à citer des philosophes et à argumenter, et que donc cela "prouve" qu'il est un vrai philosophe. Il se fait que je suis d'accord, bien sûr, pour dire que Carnap était un philosophe, et un grand, mais cela non pas parce qu'il a réussi, simplement "formellement", à argumenter et à citer de temps en temps d'autres philosophes. Les citations ne prouvent qu'une chose: qu'on a lu d'autres philosophes. Elles ne garantissent en aucune façon que l'on ait lu ces philosophes de manière proprement philosophique, ni que l'on va faire un usage proprement philosophique de ce qu'ils ont dit.

C'est là, encore une fois, que pour moi le Platon tel que le "dévoile" Monique Dixsaut est très intéressant: si pour Platon la philosophie consiste à faire bouger la pensée, simplement citer un grand philosophe ne garantit en rien qu'on est en train de faire bouger sa pensée. On peut citer un philosophe lorsqu'il y a moyen d'interpréter l'une ou l'autre phrase, isolée de son contexte, d'une telle façon que ce philosophe semble partager notre opinion, et alors on ne l'utilise qu'en tant qu'argument d'autorité, sans plus.

Ceci étant dit, je suis tout à fait d'accord pour dire qu'une connaissance approfondie de l'histoire de la philosophie est tout à fait essentielle si l'on veut apprendre soi-même à philosopher ou prétendre être philosophe (autodidacte ou diplômé). Seulement, pouvoir citer plein d'auteurs c'est avant tout montrer qu'on les a lus. C'est déjà quelque chose, bien sûr. Mais si on ne les a lu que pour y chercher ce qu'on pense déjà soi-même, on n'a pas fait bouger sa propre pensée, on n'a pas "philosophé" en les lisant, on n'a pas "pensé par soi-même". Avoir lu les grands philosophes est donc une conditio sine qua non, mais non pas une condition suffisante.

Vous y ajoutez l'idée qu'il faut argumenter en utilisant des "arguments de fer et de diamant". De nouveau, tout à fait d'accord. Seulement, utiliser un tel type d'arguments n'est pas seulement ce à quoi aspirent les vrais philosophes, c'est également l'idéal des scientifiques, des avocats, des professeurs etc. Ce n'est donc pas ce qui permet de décrire la singularité de la philosophie. Donc cela ne suffit pas.

C'est pourquoi je crois que Bouveresse a raison de dire que:

Bouveresse, dans Qu'appellent-ils "penser"? a écrit :Il faudrait, bien entendu, être tout à fait naïf pour croire que l'ignorance de la science ou le manque total de sérieux et la désinvolture avec lesquels sont traités certains de ses résultats constituent la source principale de la mauvaise philosophie. Les sources de la mauvaise philosophie sont en réalité beaucoup plus nombreuses, beaucoup plus plus diversifiées et probablement aussi beaucoup plus triviales que cela. Au nombre d'entre elles figure, bien entendu, en premier lieu le besoin de prestige et de pouvoir. Et, comme dirait Musil, écrire d'une façon qui fait si sérieux qu'un non-mathématicien se persuade immédiatement que seul un mathématicien peut parler ainsi, n'est qu'un des nombreux moyens d'obtenir le prestige et le pouvoir que l'on cherche. Ce moyen peut jouer à certains moments un rôle tout à fait privilégié, comme cela a été le cas, par exemple, à l'époque structuraliste. Mais il y en a malheureusement beaucoup d'autres, qui ne sont pas plus respectables, même s'ils sont généralement très respectés.
Il est clair, en tout cas, que, comme le remarquait déjà Musil, ce ne sont pas de simples bévues occasionnelles et pardonnables qui sont en cause dans l'affaire Sokal, mais bel et bien un mode de pensée et un style de pensée, qui plaisent à notre époque et passent même pour spécialement profonds. C'est là que réside, en fait, le véritable problème que soulève cette affaire et c'est aussi, je dois le dire, ce qui me rend pessimiste sur les effets positifs qu'elle pourrait avoir à court ou à long terme. On aimerait croire qu'elle suscitera une prise de conscience et un examen de conscience salutaires chez les intéressés et ceux qui auraient envie de les imiter. Mais je ne vois personnellement pas beaucoup de raisons pour que cela soit effectivement le cas. Combattre des erreurs est une chose, combattre un style de pensée qui a réussi à ce point à s'imposer comme exemplaire en est une autre.


Si l'on veut combattre les philosophies des auteurs mis en question par Sokal et Bricmont, on doit savoir qu'il faudra combattre des "styles de pensée". Je dirais: des conceptions de ce que c'est que philosopher (on pourrait penser à Deleuze, qui dans les Dialogues avec Claire Parnet dit que c'est le fait d'inventer son propre style qui fait le philosophe, ou qui dit dans Qu'est-ce que la philosophie? que chaque philosophe invente une nouvelle "image" de ce que c'est que la philosophie).

Bien sûr, il est important de respecter les règles de la logique. Mais souvenons-nous du statut que par exemple Spinoza accorde à la logique: elle n'est qu'une simple "gymnastique" pour l'esprit (E5, préface). A mon sens, cela signifie que lorsqu'on rencontre des idées qui de prime abord nous semblent être contradictoires, adopter une attitude philosophique signifie être prêt à mettre en question les présupposés qui sont à la base de cette impression de contradiction. Car comme l'a déjà dit Heidegger:

Heidegger, dans Sein und Zeit, Einleitung, KI, §2 a écrit :Formale Einwände, wie die im Bezirk der Prinzipienforschung jederzeit leicht anzuführende Argumentation auf den "Zirkel im Beweis", sind bei Erwägungen über konkrete Wege des Untersuchens immer steril. Für das Sachverständnis tragen sie nichts aus und hemmen das Vordringen in das Feld der Untersuchung.


Je ne maîtrise pas suffisamment le français pour pouvoir traduire ceci correctement, mais pour ceux qui ne lisent pas l'allemand, voici ce qui à mes yeux est "l'essentiel": des objections formelles sont toujours stériles lorsqu'il s'agit d'essayer de se frayer un chemin dans un domaine de recherche concret, elles en empêchent plutôt le progrès. Est-ce à dire qu'on peut laisser de côté la logique? Non! Comme le montrera Heidegger dans le paragraphe suivant, le problème n'est pas qu'il faudrait admettre un genre d'"arrière-monde" où la logique ne vaudrait plus, le problème c'est qu'on a tendance à voir des contradictions qui en réalité n'en sont pas. On ne les voit que parce qu'on s'en tient à ses propres préjugés, au lieu de repenser à fond ce qu'on croyait être évident.

On pourrait rappeler Spinoza qui dans le scolie de l'E2P47 dit que "la plupart des erreurs consistent seulement en ceci que nous n'appliquons pas correctement les noms aux choses. Car lorsque quelqu'un dit que les lignes qu'on mène du centre d'un cercle à sa circonférence sont inégales, c'est à coup sûr que, par cercle, il entend, du moins à ce moment-là, autre chose que les Mathématiciens. De même, lorsque les hommes se trompent dans un calcul, c'est qu'ils ont dans l'esprit d'autres nombres que ceux qu'ils ont sur le papier. Et donc si tu regardes leur Esprit, ils ne se trompent pas, assurément; pourtant ils semblent se tromper, parce que nous pensons qu'ils ont dans l'esprit les nombres qui sont sur le papier. (...) Et c'est de là que naissent la plupart des controverses, à savoir, de ce que les hommes n'expliquent pas correctement leur pensée, ou bien de ce qu'ils interprètent mals la pensée d'autrui. Car en vérité, alors même qu'ils se contredisent au plus haut degré, ils pensent ou bien la même chose ou bien à des choses différentes, si bien que ce qu'ils pensent être chez autrui erreurs et absurdités n'en sont pas."

Pour moi cette idée est très intéressante: elle nous invite à essayer de comprendre la logique derrière les idées que d'autres nous proposent et qui de prime abord nous semblent être fausses, au lieu de "psychologiser" (comme le fait sans cesse Bouveresse, notamment dans l'article cité) ou de déplorer/mépriser/... . Si un "vulgaire" parle de philosophie, et dit des choses qui nous semblent être absurdes, l'attitude "spinoziste" n'est-elle pas de se demander comment il faut lire ces propos afin de pouvoir en ressentir la vérité? Au lieu de se dire que "lu par les yeux d'un philosophe aguerri", cela "ne veut rien dire", et donc ne peut qu'illustrer l'arrogance, l'ignorance, l'orgueil, ... de l''auteur en question ... ?
L.

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Messagepar PhiPhilo » 14 juin 2009, 09:01

Louisa a écrit :Si je vous ai bien compris, l'idée serait alors de dire que ces gens parfois n'ont qu'une connaissance très faible de ce que c'est que la philosophie ou philosopher, mais s'imaginent le savoir mieux que certains autres, imagination qui peut perdurer précisément parce que grâce à l'usage du pseudo, ces gens jamais ne sont obligés de se présenter dans la vie réelle en tant que "expert en philosophie", et donc jamais ne rencontrent une situation réelle permettant de leur faire comprendre l'ampleur réelle de leur connaissance. Autrement dit, dans la vie réelle, il serait beaucoup plus difficile de se faire passer pour quelqu'un qui s'y connaît en matière de philosophie (en tant que "professionnel" ou en tant qu'"autodidacte") qu'ailleurs. Ou plutôt: en le rendant impossible d'être "reconnu" dans son identité "civile" (grâce à l'usage du pseudo), on évite des "sanctions réelles" lorsqu'on prétend être (et y croît soi-même) ce que de fait on n'est pas. Du coup, le "fantasme" ne rencontre aucun obstacle, et devient permanent.

Si c'est cela ce que vous voulez dire: ok, d'accord, c'est-à-dire je ne crois pas que cela soit faux, au sens où il est certain que cela arrive réellement, parfois. Mais j'avoue que je ne comprends pas encore vraiment pourquoi vous semblez proposer ceci comme "explication générale" de ce qui se passe sur les forums électroniques consacrés à la philosophie.
Je dis et je répète qu'il ne peut y avoir de philosophie que dans et par un dialogue permanent au cours duquel chaque participant manifeste des arguments qui font partie de sa personnalité objective et non d'une personnalité fantasmée, ce que pourtant Internet encourage et favorise :
Tu as, je pense, Gorgias, assisté comme moi à bien des disputes, et tu y as sans doute remarqué une chose, savoir que, sur quelque sujet que les hommes entreprennent de converser, ils ont bien de la peine à fixer, de part et d'autre leurs idées, et à terminer l'entretien, après s'être instruits et avoir instruit les autres. Mais s'élève-t-il entre eux quelque controverse, et l'un prétend-il que l'autre parle avec peu de justesse ou de clarté ? ils se fâchent, et s'imaginent que c'est par envie qu'on les contredit, qu'on parle pour disputer, et non pour éclaircir le sujet. Quelques-uns finissent par les injures les plus grossières, et se séparent après avoir dit et entendu des personnalités si odieuses, que les assistants se veulent du mal de s'être trouvés présents à de pareilles conversations. A quel propos te préviens-je là-dessus? C'est qu'il me paraît que tu ne parles point à présent d'une manière conséquente, ni bien assortie à ce que tu as dit précédemment sur la rhétorique; et j'appréhende, si je te réfute, que tu n'ailles te mettre dans l'esprit que mon intention n'est pas de disputer sur la chose même, pour l'éclaircir, mais contre toi. Si tu es donc du même caractère que moi, je t'interrogerai avec plaisir; sinon, je n'irai pas plus loin. Mais quel est mon caractère? Je suis de ces gens qui aiment qu'on les réfute, lorsqu'ils ne disent pas la vérité, qui aiment aussi à réfuter les autres, quand ils s'écartent du vrai, et qui, du reste, ne prennent pas moins de plaisir à se voir réfutés qu'à réfuter. Je tiens en effet pour un bien d'autant plus grand d'être réfuté, qu'il est véritablement plus avantageux d'être délivré du plus grand des maux, que d'en délivrer un autre; et je ne connais, pour l'homme, aucun mal égal à celui d'avoir des idées fausses sur la matière que nous traitons. Si donc tu m'assures que tu es dans les mêmes dispositions que moi, continuons la conversation; ou, si tu crois devoir la laisser là, j'y consens, terminons ici l'entretien. (Platon, Gorgias, 457c-458b)


Louisa a écrit :puisque vous aimez les citations
Je n'aime pas les citations. J'aime la précision et l'honnêteté intellectuelle qui font cruellement défaut sur ce forum prétendument "philosophique". C'est pourquoi je maintiens que la rigueur argumentative (précision) et la référence permanente (honnêteté intellectuelle) au "champ" philosophique (pour parler comme Bourdieu), sont des conditions nécessaires pour philosopher. Aussi, votre remarque
Louisa a écrit :Que faire de Carnap, par exemple, lui qui trouvait que tout ce qui lui précédait n'était pas de la philosophie car de la "métaphysique"? On pourrait dire qu'il continuait néanmoins à citer des philosophes et à argumenter, et que donc cela "prouve" qu'il est un vrai philosophe. Il se fait que je suis d'accord, bien sûr, pour dire que Carnap était un philosophe, et un grand, mais cela non pas parce qu'il a réussi, simplement "formellement", à argumenter et à citer de temps en temps d'autres philosophes. Les citations ne prouvent qu'une chose: qu'on a lu d'autres philosophes. Elles ne garantissent en aucune façon que l'on ait lu ces philosophes de manière proprement philosophique, ni que l'on va faire un usage proprement philosophique de ce qu'ils ont dit.
est-elle purement sophistique. Nul n'a jamais prétendu qu'une condition nécessaire fût suffisante : il ne suffit pas de connaître les règles du jeu d'échecs pour être un bon joueur, mais l'ignorance des règles vous interdit nécessairement d'y jouer !

Et lorsque le dialogue philosophique au sens sus-mentionné s'avère impossible, je ne sache pas que le philosophe n'eût d'autre recours que de souffrir stoïquement la diminution de sa puissance de penser. L'exemple de Spinoza est, à cet égard, significatif qui finit par rétorquer à ce butor de Blyenbergh :
Si, de plus, vous aviez eu égard à la nature humaine et à la nature du décret divin, telle que je l’ai expliquée dans l’Appendice et si vous aviez su comment une déduction devait être conduite avant d’en venir à la conclusion, vous n’auriez pas imprudemment dit qu’une opinion telle que la mienne conduisait à faire de nous des êtres semblables à des troncs d’arbres, etc., et vous ne m’auriez pas attribué tant d’absurdités qui n’ont d’existence que dans votre imagination. (Spinoza, lettre XXI, 28 janvier 1665)
Modifié en dernier par PhiPhilo le 14 juin 2009, 18:59, modifié 1 fois.

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Messagepar PhiPhilo » 14 juin 2009, 18:55

Durtal a écrit :
Philophilo a écrit :
Bref, dans notre culture occidentale de souche gréco-latine, il est socialement très valorisant de se prétendre philosophe. Il y a donc un enjeu non négligeable, lorsque l'on désire échapper au principe de réalité, à feindre de s'intéresser à la philosophie en ne s'intéressant proprement qu'à son moi fantasmé.


Amusant...

Qui passe son temps à beugler ici qu'il est "prof de philo"?

D.
Mais JE SUIS professeur de philosophie, camarade, ne vous déplaise ! Et vous pas ! Ce n'est pas un fantasme. C'est LA REALITE.

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Messagepar Louisa » 15 juin 2009, 05:01

Phiphilo a écrit :
Louisa a écrit :
Si je vous ai bien compris, l'idée serait alors de dire que ces gens parfois n'ont qu'une connaissance très faible de ce que c'est que la philosophie ou philosopher, mais s'imaginent le savoir mieux que certains autres, imagination qui peut perdurer précisément parce que grâce à l'usage du pseudo, ces gens jamais ne sont obligés de se présenter dans la vie réelle en tant que "expert en philosophie", et donc jamais ne rencontrent une situation réelle permettant de leur faire comprendre l'ampleur réelle de leur connaissance. Autrement dit, dans la vie réelle, il serait beaucoup plus difficile de se faire passer pour quelqu'un qui s'y connaît en matière de philosophie (en tant que "professionnel" ou en tant qu'"autodidacte") qu'ailleurs. Ou plutôt: en le rendant impossible d'être "reconnu" dans son identité "civile" (grâce à l'usage du pseudo), on évite des "sanctions réelles" lorsqu'on prétend être (et y croît soi-même) ce que de fait on n'est pas. Du coup, le "fantasme" ne rencontre aucun obstacle, et devient permanent.

Si c'est cela ce que vous voulez dire: ok, d'accord, c'est-à-dire je ne crois pas que cela soit faux, au sens où il est certain que cela arrive réellement, parfois. Mais j'avoue que je ne comprends pas encore vraiment pourquoi vous semblez proposer ceci comme "explication générale" de ce qui se passe sur les forums électroniques consacrés à la philosophie.


Je dis et je répète qu'il ne peut y avoir de philosophie que dans et par un dialogue permanent au cours duquel chaque participant manifeste des arguments qui font partie de sa personnalité objective et non d'une personnalité fantasmée, ce que pourtant Internet encourage et favorise :


Puisque la citation ci-dessous ne parle pas d'internet et que ceci est l'essence même de votre thèse, je me permets d'en discuter par après, pour m'en tenir d'abord à la thèse elle-même.

Si j'essaie d'en dégager la structure formelle, on obtient:

1. MAJEURE:
pour qu'il y ait de la philosophie, il faut un dialogue permanent au cours duquel chaque participant manifeste des arguments qui font partie de sa personnalité objective et non d'une personnalité fantasmée.

2. MINEURE:
internet encourage et favorise les personnalités fantasmées.

3. CONCLUSION:
il ne peut y avoir de la philosophie sur internet.

Comme vous le constaterez aisément vous-même, ce syllogisme n'est pas vraiment valide. Si l'on accepte la majeure comme étant vraie (ce qui est mon cas), la conclusion devrait être "sur internet on risque davantage de ne pas avoir de la philosophie que dans des dialogues moins "virtuelles"" (forme: "il existe des x qui ne sont pas y"). On voit mal comment arriver ainsi à votre thèse initiale, qui va beaucoup plus loin: "en général, on ne peut pas penser sur internet" (forme: "la majorité des x sont des non y"). La conclusion valide de ce syllogisme ne dit rien d'autre que qu'il est plus difficile de penser sur internet qu'ailleurs, et non pas qu'il est impossible.

Ce qu'on peut conclure de la majeure, en revanche, c'est que lorsque les arguments qu'on utilise ne font pas partie de sa personnalité objective (c'est-à-dire lorsqu'on utilise des arguments qu'on ne serait pas prêt à défendre "publiquement", en son propre nom), alors - et seulement alors - un véritable dialogue philosophique et donc philosopher à deux est impossible.

Ce qui signifie que pour arriver à votre conclusion, il faudrait montrer non pas qu'il est possible de non seulement utiliser un pseudo sur internet, mais aussi de créer en même temps une identité fausse (ce qui, je suppose que vous en conviendrez, sont deux choses différentes, alors que je suis tout à fait d'accord pour dire qu'effectivement, les deux sont possibles), il faut montrer une thèse beaucoup plus forte: qu'il n'est pas possible d'utiliser des arguments qui font partie de sa personnalité objective lorsqu'on écrit sous un pseudo. Cela, pour autant que je vous aie compris, vous ne le montrez pas (car dans ce cas il faudrait par exemple montrer que tout ce que je vous écris est en général l'inverse de ce que je crois être vrai ... puisque je n'écris qu'en utilisant un prénom, ce qui ne permet pas de repérer mon "identité objective").

Or je viens de vous rappelez que dans mon cas - et dans le cas d'autres intervenants que je connais personnellement - en réalité il n'y a jamais eu usage d'arguments qui ne font pas partie de l'identité objective. C'est donc mon expérience personnelle qui à mes yeux réfute cette thèse. Ce qui implique que dans le pire des cas, cette expérience n'est que l'exception qui confirme la règle, mais alors c'est toujours à vous de donner des arguments pro cette règle, c'est-à-dire de donner des éléments qui nous permettent de comprendre pourquoi en général lorsqu'on discute sur internet, "on" aurait tendance à favoriser des arguments en lesquels au fond, "réellement", on ne croît pas, au lieu de simplement dire ce qu'on pense effectivement, non? Si oui: cela signifie qu'il faudrait pouvoir donner des preuves quant aux "intentions" de la majorité de vos interlocuteurs. C'est pourquoi j'ai dit qu'à mes yeux vous "psychologisez" le débat, au lieu de s'en tenir à des arguments qui ne portent que sur le texte même (en l'occurrence, le texte spinoziste, qui en principe est ici le sujet de toute conversation). On n'est plus dans le développement de concepts ici, on est dans l'examen de l'âme même de son interlocuteur. Vous n'êtes pas le premier avec qui je discute de ce sujet sur ce forum, mais je ne peux que répéter que je ne vois pas en quoi de telles interrogations pourraient être pertinentes lorsqu'il s'agit de savoir ce que le texte spinoziste dit réellement.

Phiphilo a écrit :Citation:
Tu as, je pense, Gorgias, assisté comme moi à bien des disputes, et tu y as sans doute remarqué une chose, savoir que, sur quelque sujet que les hommes entreprennent de converser, ils ont bien de la peine à fixer, de part et d'autre leurs idées, et à terminer l'entretien, après s'être instruits et avoir instruit les autres. Mais s'élève-t-il entre eux quelque controverse, et l'un prétend-il que l'autre parle avec peu de justesse ou de clarté ? ils se fâchent, et s'imaginent que c'est par envie qu'on les contredit, qu'on parle pour disputer, et non pour éclaircir le sujet. Quelques-uns finissent par les injures les plus grossières, et se séparent après avoir dit et entendu des personnalités si odieuses, que les assistants se veulent du mal de s'être trouvés présents à de pareilles conversations. A quel propos te préviens-je là-dessus? C'est qu'il me paraît que tu ne parles point à présent d'une manière conséquente, ni bien assortie à ce que tu as dit précédemment sur la rhétorique; et j'appréhende, si je te réfute, que tu n'ailles te mettre dans l'esprit que mon intention n'est pas de disputer sur la chose même, pour l'éclaircir, mais contre toi. Si tu es donc du même caractère que moi, je t'interrogerai avec plaisir; sinon, je n'irai pas plus loin. Mais quel est mon caractère? Je suis de ces gens qui aiment qu'on les réfute, lorsqu'ils ne disent pas la vérité, qui aiment aussi à réfuter les autres, quand ils s'écartent du vrai, et qui, du reste, ne prennent pas moins de plaisir à se voir réfutés qu'à réfuter. Je tiens en effet pour un bien d'autant plus grand d'être réfuté, qu'il est véritablement plus avantageux d'être délivré du plus grand des maux, que d'en délivrer un autre; et je ne connais, pour l'homme, aucun mal égal à celui d'avoir des idées fausses sur la matière que nous traitons. Si donc tu m'assures que tu es dans les mêmes dispositions que moi, continuons la conversation; ou, si tu crois devoir la laisser là, j'y consens, terminons ici l'entretien. (Platon, Gorgias, 457c-458b)


pour moi, ce que Platon dit ici relève du simple bon sens. Donc oui, spontanément j'aurais tendance à être d'accord avec ceci. Mais cela veut dire quoi? Ne faudrait-il pas dire que ceux qui adhèrent à ce que Platon dit ici, croient en une idée qui risque de rendre votre thèse plus faible? Car Platon ne dit-il pas que l'une des choses qui empêchent le dialogue philosophique (ou plutôt, puisqu'il ne précise pas, le véritable dialogue tout court - on pourrait de nouveau penser à Habermas), c'est le fait de ne pas chercher la vérité, et de ne converser que pour éviter d'être réfuté? Et ne dit-il pas que craindre la réfutation est une "passion" qui en général est beaucoup plus répandue que le désir de chercher la vérité et donc aussi, le cas échéant, plus répandue que le désir de valoriser davantage la véritable réfutation de ses idées que d'essayer de les imposer à tout prix?

Si oui, on a ici l'idée que ce qui entrave tout véritable dialogue est propre au fait concret des passions humaines, ce qui est ce que j'essaie de dire depuis quelque temps. On ne voit pas très bien en quoi le problème qui nous concerne ici (utiliser un pseudo ou non) aurait quelque chose à voir avec ce que dénonce, à raison, Platon?

Autrement dit: si sur ce forum certains gens ont pu dire explicitement qu'ils préfèrent y rencontrer des interlocuteurs qui pensent comme eux et craignent ceux qui pensent qu'il faut réfuter leurs idées, le problème dont il s'agit a trait à, si l'on suit Platon, la nature humaine elle-même, plutôt que d'être causé par l'un ou l'autre aspect du "moyen technique" par lequel passe la conversation, non?

Bref, pour moi cette citation va plutôt dans mon sens, au lieu de renforcer votre thèse (seulement, je suppose que vous serez d'accord pour dire que ce n'est pas parce que Platon l'a dit que c'est vrai, donc en ce sens précis je ne vois pas très bien ce qu'une telle citation pourrait apporter à la discussion, en termes de véritables arguments), non?

Phiphilo a écrit :
Louisa a écrit :
puisque vous aimez les citations


Je n'aime pas les citations. J'aime la précision et l'honnêteté intellectuelle qui font cruellement défaut sur ce forum prétendument "philosophique". C'est pourquoi je maintiens que la rigueur argumentative (précision) et la référence permanente (honnêteté intellectuelle) au "champ" philosophique (pour parler comme Bourdieu), sont des conditions nécessaires pour philosopher.


Comme vous le dites ci-dessous: ce sont des conditions nécessaires mais pas suffisantes, nous sommes donc d'accord là-dessus (ce que je n'avais pas encore compris en lisant votre message précédent, d'où ma remarque concernant Carnap; merci donc de cette précision).

Or justement, si l'on est intellectuellement honnête, ne faudrait-il pas reconnaître qu'être précis en philosophie est extrêmement difficile, demande des années de travail et d'exercices, et ne s'obtient que progressivement?

Si oui, je crois qu'on doit dire que sur ce forum, la majorité des intervenants - moi-même y compris - n'en est qu'au stade de la "formation", de "l'initation", de la tentative d'apprendre à être plus précis, sans plus. Ce qu'on espère obtenir en écrivant sur ce forum, c'est que le fait même de soumettre nos idées à d'autres gens qui s'intéressent au même sujet va nous permettre de ou obliger à préciser davantage, et donc à apprendre davantage. Sans plus.

Enfin, votre soupçon d'absence d'"honnêteté intellectuelle" à mes yeux est risqué: sur quoi se base-t-il? Sur le fait même que ce que d'autres écrivent ici pour vous est tellement choquant que vous ne parvenez pas à imaginer que les auteurs de tels énoncés croient réellement à la vérité de ce qu'ils disent? Si oui: j'ai moi-même été déjà trop sujette à de tels soupçons non fondés sur ce forum pour pouvoir croire en leur efficacité ou vérité. Il se fait que nous avons tous tendance à croire que ceux qui pensent radicalement différemment que nous ne peuvent tout de même pas réellement adhérer à ce qu'ils disent, donc spontanément, la solution la plus facile est de supposer qu'ils mentent, tout simplement (comme le dit Platon ci-dessus: cela nous permet de ne pas se sentir contraint d'essayer de réellement réfuter leurs idées, ou de devoir admettre que nos évidences sont peut-être réfutables). Or, comme déjà dit, pour moi ce genre de soupçon est aux antipodes d'une attitude véritablement philosophique, qui implique que l'on est prêt à mettre en question avant tout ce qui nous semble être évident et allant de soi (Socrate a-t-il fait autre chose?). D'où la citation de l'E2P47 scolie dans mon message précédent.

Phiphilo a écrit :
Aussi, votre remarque

Louisa a écrit :
Que faire de Carnap, par exemple, lui qui trouvait que tout ce qui lui précédait n'était pas de la philosophie car de la "métaphysique"? On pourrait dire qu'il continuait néanmoins à citer des philosophes et à argumenter, et que donc cela "prouve" qu'il est un vrai philosophe. Il se fait que je suis d'accord, bien sûr, pour dire que Carnap était un philosophe, et un grand, mais cela non pas parce qu'il a réussi, simplement "formellement", à argumenter et à citer de temps en temps d'autres philosophes. Les citations ne prouvent qu'une chose: qu'on a lu d'autres philosophes. Elles ne garantissent en aucune façon que l'on ait lu ces philosophes de manière proprement philosophique, ni que l'on va faire un usage proprement philosophique de ce qu'ils ont dit.


est-elle purement sophistique. Nul n'a jamais prétendu qu'une condition nécessaire fût suffisante : il ne suffit pas de connaître les règles du jeu d'échecs pour être un bon joueur, mais l'ignorance des règles vous interdit nécessairement d'y jouer !


je ne dirais pas que cette remarque est purement "sophistique". Elle témoigne simplement du fait que je vous avais mal compris, sans plus.

Phiphilo a écrit :Et lorsque le dialogue philosophique au sens sus-mentionné s'avère impossible, je ne sache pas que le philosophe n'eût d'autre recours que de souffrir stoïquement la diminution de sa puissance de penser. L'exemple de Spinoza est, à cet égard, significatif qui finit par rétorquer à ce butor de Blyenbergh :

Citation:
Si, de plus, vous aviez eu égard à la nature humaine et à la nature du décret divin, telle que je l’ai expliquée dans l’Appendice et si vous aviez su comment une déduction devait être conduite avant d’en venir à la conclusion, vous n’auriez pas imprudemment dit qu’une opinion telle que la mienne conduisait à faire de nous des êtres semblables à des troncs d’arbres, etc., et vous ne m’auriez pas attribué tant d’absurdités qui n’ont d’existence que dans votre imagination. (Spinoza, lettre XXI, 28 janvier 1665)


je crois qu'il est très important de distinguer le spinozisme du comportement quotidien et concret de Spinoza. Le spinozisme est un ensemble supposé cohérent de concepts. La vie de Spinoza est comme toute vie humaine un ensemble d'Actions et de Passions (comme il le dit lui-même dans l'E4P4 corollaire: "De là suit que l'homme, nécessairement, est toujours sujet aux passions, qu'il suit de l'ordre de la Nature et lui obéit, et qu'il s'y adapte autant que l'exige la nature des choses."). A mon sens il est indéniable que dans sa correspondance, Spinoza nous montre qu'il est un homme dans tous les sens du mot, c'est-à-dire qu'il est lui aussi sujet aux passions.

Dans sa réponse à Blyenbergh, Spinoza dit essentiellement que si le monde aurait été autre qu'il ne l'est, si Blyenbergh avait une puissance de penser beaucoup plus grande que celle qu'il n'a, alors il aurait compris que sa déduction en vérité n'est pas valide. Or le spinozisme montre bien en quoi il est tout à fait vain d'avoir recours à de telles pensées, puisque le monde spinoziste est déterminé une fois pour toutes, donc espérer que Blyenbergh aurait pu avoir mieux compris n'est rien d'autre qu'une idée inadéquate, une passion. Par conséquent, dans cette lettre Spinoza nous montre son impatience devant l'incompréhension de son interlocuteur. Mais sa philosophie nous montre en quoi une telle impatience relève bel et bien des passions humaines, au lieu d'être une idée adéquate.

Le philosophe spinoziste, en revanche, c'est celui qui sait appliquer le spinozisme à des cas concrets, dans sa vie réelle (au lieu de se servir des passions de l'homme concret qu'était Spinoza pour répéter les mêmes passions). Et alors comment oublier l'E2P47 scolie? Comment ne pas tenir compte du fait que pour le spinozisme, la seule attitude adéquate face à l'incompréhension et face aux passions des autres, c'est d'essayer de comprendre ce qui est vrai là-dedans, au lieu de les dénoncer et déplorer, et c'est de pratiquer la "charité", c'est-à-dire de faire maximalement effort pour que toujours plus de gens comprennent ce qu'on pense soi-même être vrai ... ???

Autrement dit, comment justifier, d'un point de vue spinoziste, l'idée que face à l'incompréhension ou la faible puissance de penser d'un interlocuteur, il faudrait abdiquer, plus même, il faudrait assister à une diminution de sa propre puissance de penser ... ??? Le philosophe n'est-il pas toujours davantage philosophe, du point de vue spinoziste, dans la mesure où il sait transformer des situations dans lesquelles il pâtit en des situations "pensées", c'est-à-dire où il sait agir, autrement dit comprendre, donc augmenter sa puissance de penser ... ?
L.

PhiPhilo
persévère dans sa puissance d'être ici
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Messagepar PhiPhilo » 15 juin 2009, 07:20

Louisa a écrit :1. MAJEURE:
pour qu'il y ait de la philosophie, il faut un dialogue permanent au cours duquel chaque participant manifeste des arguments qui font partie de sa personnalité objective et non d'une personnalité fantasmée.

2. MINEURE:
internet encourage et favorise les personnalités fantasmées.

3. CONCLUSION:
il ne peut y avoir de la philosophie sur internet.

Comme vous le constaterez aisément vous-même, ce syllogisme n'est pas vraiment valide. Si l'on accepte la majeure comme étant vraie (ce qui est mon cas), la conclusion devrait être "sur internet on risque davantage de ne pas avoir de la philosophie que dans des dialogues moins "virtuelles"" (forme: "il existe des x qui ne sont pas y"). On voit mal comment arriver ainsi à votre thèse initiale, qui va beaucoup plus loin: "en général, on ne peut pas penser sur internet" (forme: "la majorité des x sont des non y"). La conclusion valide de ce syllogisme ne dit rien d'autre que qu'il est plus difficile de penser sur internet qu'ailleurs, et non pas qu'il est impossible.
Aïe ... vous ne semblez pas très à l'aise avec la logique formelle. La structure de mon argument est : 1 - pour qu'une règle R puisse s'appliquer en tant que règle (c'est-à-dire hôs épi to polu, comme dit Aristote, "en règle générale"), il faut qu'une condition C soit satisfaite ; 2- la condition C n'est pas satisfaite ; 3 - donc la règle R ne peut s'appliquer en tant que règle. C'est ce que je veux dire lorsque je conclus "en général, on ne peut pas penser philosophiquement sur internet". "En général" (hôs épi to polu) : il se peut, exceptionnellement, qu'il y ait des échanges philosophiques sur un forum internet, mais les conditions nécessaires pour que cela devienne une règle générale et non une exception ne sont pas réunies.


Louisa a écrit :Ce qu'on peut conclure de la majeure, en revanche, c'est que lorsque les arguments qu'on utilise ne font pas partie de sa personnalité objective (c'est-à-dire lorsqu'on utilise des arguments qu'on ne serait pas prêt à défendre "publiquement", en son propre nom), alors - et seulement alors - un véritable dialogue philosophique et donc philosopher à deux est impossible. Ce qui signifie que pour arriver à votre conclusion, il faudrait montrer non pas qu'il est possible de non seulement utiliser un pseudo sur internet, mais aussi de créer en même temps une identité fausse (ce qui, je suppose que vous en conviendrez, sont deux choses différentes, alors que je suis tout à fait d'accord pour dire qu'effectivement, les deux sont possibles), il faut montrer une thèse beaucoup plus forte: qu'il n'est pas possible d'utiliser des arguments qui font partie de sa personnalité objective lorsqu'on écrit sous un pseudo. Cela, pour autant que je vous aie compris, vous ne le montrez pas (car dans ce cas il faudrait par exemple montrer que tout ce que je vous écris est en général l'inverse de ce que je crois être vrai ... puisque je n'écris qu'en utilisant un prénom, ce qui ne permet pas de repérer mon "identité objective"). Or je viens de vous rappelez que dans mon cas - et dans le cas d'autres intervenants que je connais personnellement - en réalité il n'y a jamais eu usage d'arguments qui ne font pas partie de l'identité objective. C'est donc mon expérience personnelle qui à mes yeux réfute cette thèse. Ce qui implique que dans le pire des cas, cette expérience n'est que l'exception qui confirme la règle, mais alors c'est toujours à vous de donner des arguments pro cette règle, c'est-à-dire de donner des éléments qui nous permettent de comprendre pourquoi en général lorsqu'on discute sur internet, "on" aurait tendance à favoriser des arguments en lesquels au fond, "réellement", on ne croît pas, au lieu de simplement dire ce qu'on pense effectivement, non?
cf. supra.

Louisa a écrit :Si oui: cela signifie qu'il faudrait pouvoir donner des preuves quant aux "intentions" de la majorité de vos interlocuteurs. C'est pourquoi j'ai dit qu'à mes yeux vous "psychologisez" le débat, au lieu de s'en tenir à des arguments qui ne portent que sur le texte même (en l'occurrence, le texte spinoziste, qui en principe est ici le sujet de toute conversation). On n'est plus dans le développement de concepts ici, on est dans l'examen de l'âme même de son interlocuteur. Vous n'êtes pas le premier avec qui je discute de ce sujet sur ce forum, mais je ne peux que répéter que je ne vois pas en quoi de telles interrogations pourraient être pertinentes lorsqu'il s'agit de savoir ce que le texte spinoziste dit réellement.
Le corps humain est la meilleure image de l’âme humaine. (Wittgenstein, Recherches Philosophiques, II)
L’Esprit et le Corps sont une seule et même chose, conçue tantôt sous l’attribut du Corps, tantôt sous l’attribut de la Pensée. (Spinoza, Éthique, III, 2)


Louisa a écrit :Pour moi, ce que Platon dit ici relève du simple bon sens. Donc oui, spontanément j'aurais tendance à être d'accord avec ceci. Mais cela veut dire quoi? Ne faudrait-il pas dire que ceux qui adhèrent à ce que Platon dit ici, croient en une idée qui risque de rendre votre thèse plus faible? Car Platon ne dit-il pas que l'une des choses qui empêchent le dialogue philosophique (ou plutôt, puisqu'il ne précise pas, le véritable dialogue tout court - on pourrait de nouveau penser à Habermas), c'est le fait de ne pas chercher la vérité, et de ne converser que pour éviter d'être réfuté? Si oui, on a ici l'idée que ce qui entrave tout véritable dialogue est propre au fait concret des passions humaines, ce qui est ce que j'essaie de dire depuis quelque temps. On ne voit pas très bien en quoi le problème qui nous concerne ici (utiliser un pseudo ou non) aurait quelque chose à voir avec ce que dénonce, à raison, Platon?
Quelle impression mes accusateurs ont faite sur vous, Athéniens, je l'ignore. Pour moi, en écoutant mes accusateurs, j’ai presque oublié qui je suis tant leurs discours étaient persuasifs. Et pourtant, je puis l'assurer, ils n'ont pas dit un seul mot de vrai. (Platon, Apologie de Socrate, 17a)
Autrement dit, "je ne peux pas faire de philosophie, je ne peux pas défendre la vérité si je ne sais pas qui je suis".

Louisa a écrit :Autrement dit: si sur ce forum certains gens ont pu dire explicitement qu'ils préfèrent y rencontrer des interlocuteurs qui pensent comme eux et craignent ceux qui pensent qu'il faut réfuter leurs idées, le problème dont il s'agit a trait à, si l'on suit Platon, la nature humaine elle-même, plutôt que d'être causé par l'un ou l'autre aspect du "moyen technique" par lequel passe la conversation, non?
Certainement pas. Cf. sur ce sujet François Châtelet, Platon, particulièrement les ch. I et II.

Louisa a écrit :Or justement, si l'on est intellectuellement honnête, ne faudrait-il pas reconnaître qu'être précis en philosophie est extrêmement difficile, demande des années de travail et d'exercices, et ne s'obtient que progressivement? Si oui, je crois qu'on doit dire que sur ce forum, la majorité des intervenants - moi-même y compris - n'en est qu'au stade de la "formation", de "l'initation", de la tentative d'apprendre à être plus précis, sans plus. Ce qu'on espère obtenir en écrivant sur ce forum, c'est que le fait même de soumettre nos idées à d'autres gens qui s'intéressent au même sujet va nous permettre de ou obliger à préciser davantage, et donc à apprendre davantage. Sans plus.
Raison de plus pour admettre qu'il y a des gens qui en savent plus que vous sur un sujet donné et qui vous font donc l'honneur de vous corriger, le cas échéant. Sauf que, pour admettre que quelqu'un en sait plus que moi, il faut préalablement admettre l'imperfection de mon moi, et non la fuir dans une identité fantasmée !

Louisa a écrit :Enfin, votre soupçon d'absence d'"honnêteté intellectuelle" à mes yeux est risqué: sur quoi se base-t-il? Sur le fait même que ce que d'autres écrivent ici pour vous est tellement choquant que vous ne parvenez pas à imaginer que les auteurs de tels énoncés croient réellement à la vérité de ce qu'ils disent? Si oui: j'ai moi-même été déjà trop sujette à de tels soupçons non fondés sur ce forum pour pouvoir croire en leur efficacité ou vérité. Il se fait que nous avons tous tendance à croire que ceux qui pensent radicalement différemment que nous ne peuvent tout de même pas réellement adhérer à ce qu'ils disent, donc spontanément, la solution la plus facile est de supposer qu'ils mentent, tout simplement (comme le dit Platon ci-dessus: cela nous permet de ne pas se sentir contraint d'essayer de réellement réfuter leurs idées, ou de devoir admettre que nos évidences sont peut-être réfutables). Or, comme déjà dit, pour moi ce genre de soupçon est aux antipodes d'une attitude véritablement philosophique, qui implique que l'on est prêt à mettre en question avant tout ce qui nous semble être évident et allant de soi (Socrate a-t-il fait autre chose?). D'où la citation de l'E2P47 scolie dans mon message précédent.
Le désir de s’unir aux autres par les liens de l’amitié, quand il possède un Esprit qui se gouverne par la Raison, je le nomme honnêteté, et l’honnête est pour moi ce qui est l’objet des louanges des hommes que la Raison gouverne, comme le malhonnête est ce qui est contraire à la formation de l’amitié. (Spinoza, Ethique, IV, 37)
En ce sens, ceux que je qualifie de "malhonnêtes" n'ont, manifestement, aucun désir de fonder une communauté de pensée philosophique. Ils ne font aucun effort pour comprendre mais réagissent aux posts de manière contingente en fonction de ce qu'ils imaginent leur être utile ou nuisible à leur personnalité fantasmée.

Louisa a écrit :Je crois qu'il est très important de distinguer le spinozisme du comportement quotidien et concret de Spinoza. Le spinozisme est un ensemble supposé cohérent de concepts. La vie de Spinoza est comme toute vie humaine un ensemble d'Actions et de Passions (comme il le dit lui-même dans l'E4P4 corollaire: "De là suit que l'homme, nécessairement, est toujours sujet aux passions, qu'il suit de l'ordre de la Nature et lui obéit, et qu'il s'y adapte autant que l'exige la nature des choses."). A mon sens il est indéniable que dans sa correspondance, Spinoza nous montre qu'il est un homme dans tous les sens du mot, c'est-à-dire qu'il est lui aussi sujet aux passions.
Cf. supra s'agissant de la distinction entre le corps et la pensée (autrement dit les "concepts" et la "vie").

Louisa a écrit :Dans sa réponse à Blyenbergh, Spinoza dit essentiellement que si le monde aurait été autre qu'il ne l'est, si Blyenbergh avait une puissance de penser beaucoup plus grande que celle qu'il n'a, alors il aurait compris que sa déduction en vérité n'est pas valide. Or le spinozisme montre bien en quoi il est tout à fait vain d'avoir recours à de telles pensées, puisque le monde spinoziste est déterminé une fois pour toutes, donc espérer que Blyenbergh aurait pu avoir mieux compris n'est rien d'autre qu'une idée inadéquate, une passion. Par conséquent, dans cette lettre Spinoza nous montre son impatience devant l'incompréhension de son interlocuteur. Mais sa philosophie nous montre en quoi une telle impatience relève bel et bien des passions humaines, au lieu d'être une idée adéquate. Le philosophe spinoziste, en revanche, c'est celui qui sait appliquer le spinozisme à des cas concrets, dans sa vie réelle (au lieu de se servir des passions de l'homme concret qu'était Spinoza pour répéter les mêmes passions). Et alors comment oublier l'E2P47 scolie? Comment ne pas tenir compte du fait que pour le spinozisme, la seule attitude adéquate face à l'incompréhension et face aux passions des autres, c'est d'essayer de comprendre ce qui est vrai là-dedans, au lieu de les dénoncer et déplorer, et c'est de pratiquer la "charité", c'est-à-dire de faire maximalement effort pour que toujours plus de gens comprennent ce qu'on pense soi-même être vrai ... ???
C'est exactement ce que je dis. C'est pourquoi
il est évident que la vérité ne peut être tolérante, qu'elle n'admet ni compromis ni restriction, que la recherche considère tous les domaines de l'activité humaine comme les siens propres et qu'il lui faut devenir inexorablement critique lorsqu'une autre puissance veut en confisquer une part pour elle-même. (Freud, Nouvelles Conférences sur la Psychanalyse)


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