"L'expérience" de Spinoza

Lecture pas à pas du Traité de la Réforme de l'Entendement. Utilisez s.v.p. la numérotation caillois pour indiquer le paragraphe que vous souhaitez discuter.
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chrisom8
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"L'expérience" de Spinoza

Messagepar chrisom8 » 24 oct. 2004, 17:22

Dans ce débat "animé" sur le début du TRE, j'aurais voulu ajouter une suggestion.

Dans ce texte, il me semble que ce n'est pas Spinoza qui parle. Il s'agirait plutôt d'un Homme commun qui aurait fait l'expérience de la futilité de certaines choses communes. Le style d'écriture du début est différent de celui de l'ensemble du texte.
Intrigué par cette question, je me suis renseigné... et ai découvert un texte de commentaire d'Appuhn sur la philosophie de Spinoza (désolé, je ne me souviens pas de la référence exacte et ne voudrais pas dire de bêtises, je rechercherais donc et vous enverrai l'exacte référence...) qui parlait justement de "l'incipit" du TRE. Ainsi il raconte l'histoire fictive d'un jeune homme nommé Bento qui découvrirait, par son expérience, que "tout ce qui arrive fréquemment dans la vie commune est vain et futile".
Connaissant la réputation d'Appuhn, mais manquant d'informations complémentaires critiques, je mets mon jugement en suspens, en "epoché", en attendant de plus amples informations.
Merci à tous de bien vouloir m'eclairer.

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Messagepar Miam » 28 oct. 2004, 16:00

C'est intéressant et étonnant. Dommage que tu ne puisses trouver la référence. D'une manière générale, les commentateurs s'opposent sur le caractère spontané ou conventionnel de l'amorce du TRE. Les premiers y voient une véritable "méditation", plus émouvante et plus personnelle encore que celle de Descartes. Les seconds la comparent avec un ramassis de lieux communs stoïciens.
Si ce qu'avance Apuhn est exact, il ne s'agirait ni d'une méditation authentique ni d'une imitation des anciens stoïciens qui, à ma connaissance (mais cela reste à vérifier) n'usent pas de cette façon d'un personnage. Spinoza utilise des personnages dans le dialogue du Court Traité, à l'instar d'une convention scientifico-littéraire de l'époque. Mais ici, de quoi s'agit-il? Ne convient-il pas avant tout de s'interroger sur la validité de "convention littéraire" (opposée à une convention qui serait scientifique et releverait d'une méthode) pour l'époque de spinoza. Le "more geometrico" de l'Ethique serait dès lors à la fois une convention littéraire et scientifique?

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Messagepar chrisom8 » 29 oct. 2004, 17:38

Le "more geometrico" de l'Ethique se construit selon la convention scientifique. Mais en effet, on peut, il me semble, y voir une convention littéraire. C'est cette dernière que Spinoza utilise au début du TRE, qui, à mon avis, devait être destiné à un plus large public (un peu comme le fut le Discours de la Methode de Descartes afin de mieux faire comprendre ses Méditations Métaphysiques). Même si une l'avancement dans la lecture de l'Ethique donne cette sensation étrange que le modèle géométrique s'efface et laisse place à une extase qui le depasse, Spinoza avait dû se rendre compte de la difficulté de cette tâche et s'était mis en tête d'écrire un texte plus facile d'accès, le TRE, amenant à la lecture de l'Ethique.

Pour en revenir au sujet principal, le début du TRE marque une rupture par rapport aux Méditations de Descartes.
Tout d'abord, par sa forme : Spinoza va très vite. On est loin du doute lent cartesien qui consiste à douter, à savoir si l'on peut douter, à savoir si l'on peut savoir douter... (en éxagérant évidemment, lol). Ce sont de courtes phrases qui donne rapidement le ton de l'oeuvre.
Puis, par le fond : Spinoza commence par "Après que l'experience m'eut appris". Il n'est nul besoin d'aller plus loin dans la citation. Spinoza part d'un constat qui le fait avancer, sans jamais reculer, mais seulement se délester des choses "vaines et futiles". Là encore, la démarche des Méditations est différente, puisque même si Descartes part d'un constat ("j'avais reçu quantité d'opinions tenues pour véritables"), celui ci lui sert pour le démonter afin d'utliser le "doute méthodique".

Enfin, je pense que l'opposition entre le TRE et les MM ci dessus démontrée permet, éventuellement, qu'il s'agit plutôt, à choisir, d'une démarche stoïcienne que cartésienne. Si l'opposition (pas vraiment dissimulée à mon sens) aux MM s'avérait exact, je pense que Spinoza aurait pris soin de changer également le narrateur qui est explicitement Descartes dans les MM (ca, on ne peut pas en douter!!! lol) et qui est justement une autre personne que l'auteur du livre dans le TRE, afin d'en enlever toute caractère "meditationnel".

Voilà. L'explication me semble simple et logique.
Quant à la référence du texte d'Appuhn, j'ai beaucoup de mal à la retrouver car c'était à la bibliotèque et je dois retrouver le livre exact.

En attendant ta réponse..
A bientôt!!

Bento

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Messagepar Miam » 07 nov. 2004, 15:03

:) Merci beaucoup. Vous avez un point de vue intéressant et assez proche du mien sur le sujet. J'espère pouvoir encore m'entretenir avec vous.

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Messagepar chrisom8 » 11 nov. 2004, 14:51

Ravi d'avoir pu répondre à votre question. :D

J'aimerais savoir ce que vous pensez sur un rapprochement possible de l'épicurisme et du stoïcisme.

Merci d'avance

Bento

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Messagepar chrisom8 » 15 nov. 2004, 19:31

Je voudrais également ajouter que le terme de "conatus", que Spinoza emploie est un mot d'origine stoïcienne. "Conor" signifie, en effet, en latin "s'efforcer de", et était un terme cher au stoïciens.

Si quelqu'un peut m'aider dans ce rapport, qu'il se manifeste.

Merci d'avance.

Bento

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Messagepar Miam » 17 nov. 2004, 12:16

Ah bon. Je pensais que "conatus" était emprunté à Hobbes. Je ne pense pas que le terme soit employé avant l'Ethique. S use alors de "vis" - force, il me semble. Mais je peux me tromper. Il s'agit de savoir si S use du terme "conatus" avant 1661. Car S a lu le Leviathan dans l' édition neerlandaise de 1661. Et "conatus" apparait dans le Leviathan. (Mais Spinoza avait sans doute déjà pris connaissance de la pensée antérieure de Hobbes au travers de résumés).
Enfin bon: la filiation que tu fais entre "conatus" et les stoïciens est-elle fondée sur le seul vocable "conatus"? Ou peux-tu montrer que Spinoza use de ce terme à l'instar des stoïciens ? Dans ce cas, il convient de chercher quelle est la signification spécifiquement stoïcienne de "conatus". Mais la signification hobbesienne me semble suffisante pour "remplir" les opérations du terme "conatus" chez Spinoza. Je vois plutôt l'influence stoïcienne sur le spinozisme comme une coloration "épocale" due au renouveau du stoïcisme au 17 è siècle, y compris par l'emprunt d'un vocabulaire et de genres littéraires spécifiques à cette école. L'influence du stoïcisme sur la morale de Descartes parait plus évidente et cazractéristique. Par ailleurs, on peut lire l'Ethique comme un traité épicurien beaucoup plus que stoïcien. En témoignent les nombreuses occurences de "rerum natura".

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Messagepar chrisom8 » 18 nov. 2004, 18:26

Je ne sais pas si Spinoza emploie le terme de "conatus" exactement dans le même sens que l'entendait les stoïciens.
Néanmoins, en homme de grande culture, Spinoza n'ignorait sans doute pas ce sens, et il n'est pas impossible qu'il l'ait utilisé de cette manière.
Ma remarque précédente était simplement une remarque qui pourrait rapprocher spinoziste et stoïcisme, et non une affirmation de ce rapprochment.

Amicalement.

Bento.

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Messagepar hokousai » 18 nov. 2004, 23:13

rep à MIam

""""""""""Car S a lu le Leviathan dans l' édition neerlandaise de ...."""""""

........................................................................................
La traduction du Léviathan (de la version en anglais ) en néerlandais, date de 1667.

Je ne peux vérifier si conatus figure dans la traduction néerlandaise traduite de l’anglais
(traduite de la version anglaise du Léviathan ,antérieure à la latine 1668(écrite en1667)

Je doute que conatus fut écrit en latin (plutôt une traduction néerlandaise de l’anglais :endeavour )


J’ignore ce que Spinoza a lu de Hobbes en 1661 peut être les Elementa philosphica(1647) (sa bibliothèque les contient.( donc en latin )
Il reste donc la solution de la présence de conatus dans Elementa philosophica .
Je ne les ai pas lu ne les possède pas ,.ne peux vérifier si conatus y figure .

en 1660( date présumée du court traité .) Spinoza parle d' amour naturel et non encore de conatus . Ce qu’il faudrait vérifier c’est la date d’ apparition de "conatus "chez Spinoza

…………………………………………… ;

Pour résume, en fait r peu importe d ‘où il tient le mot ,celui -ci est quand même assez bien défini par Spinoza ( ce mot et l’idée existent chez les stoÏciens ( cicéron ) et Spinoza a Sènèque dans sa bibliothèque
On retrouve l’idée( si pas le vocable) chez Augustin-Thomas d’ aquin -Duns Scot

hokousai

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Messagepar chrisom8 » 18 nov. 2004, 23:46

Merci des précisons que tu as apportées, mais pourrais tu nous donner plus précisement ton avis sur ce sujet...

Amicalement

Bento


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