tre §1 (de l'expérience au désir de la joie)

Lecture pas à pas du Traité de la Réforme de l'Entendement. Utilisez s.v.p. la numérotation caillois pour indiquer le paragraphe que vous souhaitez discuter.
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Faun
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Messagepar Faun » 08 avr. 2007, 12:46

Enegoid a écrit :Donc des hommes artificiels ? Non. Pas des hommes, même artificiels, car le problème est justement de remplacer les hommes. Donc des robots avec des corps artificiels construits (plastique etc. par exemple, mais surtout de l’électronique pour déterminer une logique de comportement ou appliquer des règles).


Simple problème de vocabulaire, disons androïdes si vous préférez.

La mécanique du corps ne pose pas de problème. Il faut examiner ce qui pourrait tenir lieu d’ »esprit » (ce que je ne ferais pas maintenant, par paresse). Notons cependant que ces robots doivent être capables de produire de nouveaux robots, car même bien entretenu, chaque robot a une durée de vie finie. Ce qui pose problème, car ils pourraient seulement reproduire les mêmes. Système figé.


En effet la machine autoréparatrice ne peut pas concevoir autre chose qu'elle même, ni évoluer naturellement. C'est pourquoi il faut que les hommes les contrôlent et les dirigent, et au besoin les modifient, en modifiant le programme de production et de réparation. Ce ne sera pas Matrix où les robots seraient intelligents et pourraient se modifier eux-mêmes. L'intelligence est la vertu de l'homme, aucun robot n'en sera jamais pourvu. Tout au plus peut on imiter le fonctionnement de la raison (second genre de connaissance), mais les affects, les passions, et l'intuition me semble à jamais hors de portée des robots.

(J’insiste sur l’idée de corps artificiel, car si les corps de ces robots avaient les mêmes caractéristiques que les corps humains ils auraient aussi, en bonne logique spinozienne, les mêmes idées. Nous serions revenus au point de départ.)


Il ne s'agit pas de reproduire des corps humains, composés de sang, d'os etc. mais de produire des corps qui soient capable des mêmes actions que les corps humains, bien que composés de métal, de plastique ou autre.

Il y a bien d’autres manières de réfléchir la dessus. Par exemple : pour fabriquer l’ensemble des robots il faut avoir prévu leur comportement dans l’ensemble des occurrences d’événements qui peuvent se produire dans le monde. Ensemble d’événements infini. Et pour concevoir cet ensemble d’événements infini, il faudrait que nous les hommes disposions d’un esprit qui ressemblerait beaucoup à un esprit divin (qui n’est pas à notre disposition, n’est-ce pas ?).


Cela ne me semble pas nécessaire. On peut très bien imaginer un programme de base qui puisse se perfectionner en fonction des évènements rencontrés. Il me semble que beaucoup de recherches actuelles vont dans ce sens. De plus les automates sont en théorie capable de tout ce dont un corps humain est capable, et donc aucun n'a de fonction précise et prédéterminée. Ce sont les hommes qui les contrôlent et leur ordonne d'accomplir telle action plutôt que telle autre.

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Messagepar Enegoid » 09 avr. 2007, 11:45

Vous sortez de votre hypothèse initiale : les machines permettront un jour la fin du travail, évitant ainsi à l’humanité de demander à certains de ses membres de vivre dans des conditions peu compatibles avec la recherche de la béatitude suprême.

En effet, vous dites :

"C'est pourquoi il faut que les hommes les contrôlent et les dirigent, et au besoin les modifient, en modifiant le programme de production et de réparation"

Donc il faudra que des hommes produisent du logiciel, donc il faudra que des hommes travaillent. Ce qui est contraire à l'hypothèse initiale.

Vous dites également :

"On peut très bien imaginer un programme de base qui puisse se perfectionner en fonction des évènements rencontrés".

On peut toujours imaginer. Mais, ici aussi nous sortons de l’hypothèse. En effet, si le logiciel commence à produire lui-même ses propres évolutions, nous en perdons le contrôle. Songez que, déjà aujourd’hui, avec des règles entièrement écrites à l’avance, il arrive fréquemment que l’on dise « c’est la faute de l’ordinateur ». Alors imaginez (oui !) ce qui se passera le jour où des machines décideront elles-mêmes de leurs propres réponses aux événements imprévus.
Et si, dans votre idée, ce sont les hommes qui font évoluer, on revient, en la renforçant, à l'objection précédente.

Pour finir, vous sentez bien vous-même en citant Matrix, qu’il faut se méfier de l’univers magique des « machines intelligentes ». Il faut s’en méfier, selon moi car il masque la persistance des contraintes spatiales et temporelles. Par exemple imaginez (oui !) un accident de train et vos robots chargés d’aller libérer les corps humains, et pas entièrement programmés pour débloquer la porte des wc qui est coincée dans le deuxième wagon…Les électrons de l’informatique ne suppriment pas la mécanique des corps.

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Messagepar guidel76 » 09 avr. 2007, 15:08

Enegoid a écrit :Vous sortez de votre hypothèse initiale : les machines permettront un jour la fin du travail, évitant ainsi à l’humanité de demander à certains de ses membres de vivre dans des conditions peu compatibles avec la recherche de la béatitude suprême.


Hello... J'ai rapidement lu le débat qui précède (d'abord, chapeau ! pour cette interprétation.... très moderne du TRE :D ). Et il me semble que si pose un problème, c'est que vous semblez ne pas être d'accord sur le sens et la "valeur" du travail. Je ne crois pas qu'il faille à tout prix viser la fin du travail. Il n'est absolument pas incompatible avec la recherche de la béatitude suprême (Spinoza ne travaillait-il pas ?).
Par contre, ce dont il faut à tout prix sortir, c'est bien d'une relation au travail et d'une organisation sociale largement dominées pas la passion, les affects et l'imagination. L'argent, les biens matériels, sont souvent voulus pour eux-mêmes parce que "c'est la mode" (je crois que Spinoza appelle cela l'émulation). Pour les obtenir, on ne voit guère qu'une manière de faire : travailler. Sauf que tous les emplois ne mènent pas à l'obtention de ces biens, que ça encourage la colère, la haine, la jalousie, etc. Là, alors, effectivement, dans ces conditions, le travail est plutôt à bannir...
Enfin, bref.. je vais pas me lancer dans une critique sociale en bonne et due forme, je crois que ça pourrait prendre des pages, et du temps (c'est de l'argent, faut que je fasse gaffe), et surtout je pense qu'on peut résumer l'idée principale : c'est pas une question liée au travail lui-même, c'est un problème lié à une société qui s'organise selon un régime passionnel, qui ne fait que ça, et qui attribue des valeurs au hasard des circonstances, imaginant les choses plutôt que ne les connaissant. Rien que le travail... il ne possède évidemment pas de valeur intrinsèque, en soi, pas plus que le reste : il n'y a, sous le régime du désir "éclairé" par l'imagination que du pour-soi travesti en "en soi". Or, tant qu'on continuera à prendre et à faire prendre les vessies du travail à la chaine pour les lanternes du travail libérateur, on n'en sortira pas.

Alors, machine ou pas, du travail devra toujours être fourni. Reste à savoir pour quoi, au nom de quoi, et de quel genre exactement. Et il me semble qu'on aurait tout à gagner de tenter une relecture de Marx éclairé par Spinoza, un peu à la manière dont Marcuse fait se rejoindre psychanalyse et marxisme pour réfléchir à ce qui se passe... Mais il semblerait à vue de nez que si on pouvait dégager Marx et ses "sectateurs" de leurs idées inadéquates concernant la valeur en soi du travail, on aurait déjà fait un pas intéressant en direction d'une possible, quoique encore théorique, refondation sociale.

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Messagepar Faun » 09 avr. 2007, 19:49

guidel76 a écrit :
Alors, machine ou pas, du travail devra toujours être fourni. Reste à savoir pour quoi, au nom de quoi, et de quel genre exactement.


Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous venez de dire. Le travail n'est rien d'autre qu'un effort pour faire ce qui est nécessaire à la vie et à sa conservation, et l'effort n'est rien d'autre que l'essence de l'homme. Donc vivre est un travail permanent. Les problèmes sont ailleurs, notamment dans le fait de faire effort non pas pour la collectivité en général, c'est à dire pour tous les hommes, mais pour le profit d'un seul patron ou d'un petit nombre de patrons (exploitation), et dans le fait d'instaurer un système monétaire et marchand qui pervertit la relation naturelle de l'échange, du don et de la prise. C'est tellement évident que cela ne choque plus personne, et pourtant. La relation naturelle de l'échange consiste dans le fait de donner et de prendre. Or quand je donne, je perd quelque chose, et quand je prend, je gagne quelque chose. L'argent inverse le sens de la relation, et fait que celui qui donne, c'est à dire vend, gagne en réalité plus que ce qu'il donne, et que celui qui prend, c'est à dire achète, perd en réalité plus qu'il ne prend. C'est en ce sens que l'argent instaure un système d'injustice légale, qui transforme les marchands en voleurs par définition.

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Messagepar guidel76 » 10 avr. 2007, 00:37

Faun a écrit : L'argent inverse le sens de la relation, et fait que celui qui donne, c'est à dire vend, gagne en réalité plus que ce qu'il donne, et que celui qui prend, c'est à dire achète, perd en réalité plus qu'il ne prend. C'est en ce sens que l'argent instaure un système d'injustice légale, qui transforme les marchands en voleurs par définition.


Je ne crois pas que le problème puisse se situer à ce niveau là... théoriquement, le marchand ne gagne pas plus qu'il ne donne, puisque, outre la marchandise, il donne en plus ce qui lui fut nécessaire pour accomplir une tâche que le client ne pouvait ou voulait accomplir - à la manière des marchands du Moyen-Age qui traversaient l'Europe du nord au sud pour les draperies et les épices, par exemple.
Ce pourquoi j'aurais tendance que ce n'est pas en tant que tel l'argent qui instaure un certain rapport, mais plutôt la déconnexion de l'argent de sa fonction naturelle d'intermédiaire commode. Ou plus précisément, le fait que ce qui n'a qu'une valeur d'échange finisse par se trouver investi d'une valeur d'usage. Et c'est là qu'on peut, à mon sens, retrouver Spinoza qui nous montre bien comment se construisent les valeurs "passionnelles", et comment au passage la raison peut venir jouer comme "mauvaise foi", à la manière sartrienne, pour justifier ce genre d'aberrations après-coup. Ce qui est en jeu, c'est l'imagination, seule maîtresse à bord. Disons que j'y vois surtout là un effet du manque de lucidité natif de l'homme...

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Messagepar Amstel » 10 avr. 2007, 04:28

Oui, mais il me semble aussi que le problème ne se trouve pas seulement dans l'échange en soi mais dans la communication qui tourne autour de l'échange. En effet, le marchand ne présente pas son produit tel qu'il est en verité mais tel qu'il se présente dans l'imaginaire du consommateur. Par conséquent, la valeur ajoutée est à la mesure de la crédulité du consommateur et de la fourberie du marchand.

Le marchand ne vend pas une automobile, c'est-à-dire un outil pour se rendre d'un point A à un point B. Il vend un objet pour séduire, pour se glorifier, un symbole de réussite sociale. Nous retrouvons ici la triade de Spinoza: sensualité, gloire et richesse.

Si le philosophe cherche à nous élever vers le deuxième et le troisième genre de connaissance, le marchand amène son prochain à penser et à se maintenir dans le premier genre. La societé de consommation c'est le triomphe de la bêtise.
Modifié en dernier par Amstel le 10 avr. 2007, 13:14, modifié 1 fois.

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Messagepar guidel76 » 10 avr. 2007, 10:48

Amstel a écrit :Oui, mais il me semble aussi que le problème ne se trouve pas seulement dans l'échange en soi mais dans la communication qui tourne autour de l'échange. En effet, le marchand ne présente pas son produit tel qu'il est en verité mais tel qu'il se présente dans l'imaginaire du consommateur. Par conséquent, la valeur ajoutée est à la mesure de la crédulité du consommateur et de la fourberie du marchand.

Le marchand ne vend pas une automobile, c'est-à-dire un outil pour se rendre d'un point A à un point B. Il vend un objet pour séduire, pour se glorifier, un symbole de réussite sociale. Nous retrouvons ici la triade de Spinoza: sensualité, gloire et richesse.

Si le philosophe cherche à nous élever vers le deuxième et le troisième genre de connaissance, le marchand amène son prochain à penser et à se maintenir dans le premier genre. La societé de consommation c'est le triomphe de la bétise.


C'est exactement ce que je voulais dire quand je faisais référence au rôle de l'imagination. C'est ce que je pointais quand j'indiquais la question de la construction des valeurs.

De fait, le marchand, lui même pris dans le premier genre de connaissance, construit toute son activité autour des valeurs qui sont les siennes, et dont il a du reste du mal à comprendre qu'on puisse ne pas les partager. Comme vous dites, c'est le triomphe de la bêtise, encouragé par la joie (passive) qui accompagne toute consommation, et qui explique qu'on s'accroche au système...

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Messagepar Enegoid » 10 avr. 2007, 12:35

Je vais faire gros.

On perçoit dans vos textes de la haine (contre les marchands, la monnaie, etc.), de la tristesse (devant le triomphe de la bêtise), des affects, donc, à contenir en bon spinozistes, et à remplacer par des affections de joie nées de la connaissance des choses qui vous affectent, cad provenant d'idées adéquates de la monnaie, des marchands, du travail etc.

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Messagepar Faun » 10 avr. 2007, 19:34

Enegoid a écrit :
On perçoit dans vos textes de la haine (contre les marchands, la monnaie, etc.), de la tristesse (devant le triomphe de la bêtise), des affects, donc, à contenir en bon spinozistes, et à remplacer par des affections de joie nées de la connaissance des choses qui vous affectent, cad provenant d'idées adéquates de la monnaie, des marchands, du travail etc.


En bon spinoziste (ce qui reste à démontrer), il n'y a que la haine envers les hommes qui soit mauvaise.

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Messagepar Enegoid » 10 avr. 2007, 20:46

"La haine n'est rien d'autre que la tristesse accompagnée de l'idée d'une cause extérieure"

ET3 p13 scolie

"Ainsi voyons-nous qu'il arrive facilement qu'un homme ait... de la chose qu'il hait une opinion moins bonne qu'il n'est juste"
ET3 p26 scolie


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