TRE - § 9 à 13

Lecture pas à pas du Traité de la Réforme de l'Entendement. Utilisez s.v.p. la numérotation caillois pour indiquer le paragraphe que vous souhaitez discuter.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 02 sept. 2009, 20:04

Durtal a écrit :"LES IDEES DES CHOSES SINGULIERES AUTREMENT, DIT DES MANIERES, QUI N'EXISTENT PAS DOIVENT ETRE COMPRISES DANS L IDEE INFINIE DE DIEU DE MEME QUE LES ESSENCES FORMELLES DES CHOSES SINGULIERES, AUTREMENT DIT DES MANIERES, SONT CONTENUES DANS LES ATTRIBUTS DE DIEU".

P8 E2


L'on est prié de méditer là dessus.



Bonjour Durtal,

en effet, cette proposition est fondamentale pour ce dont nous discutons.

Spinoza précise immédiatement après ce qu'il faut comprendre ici par "n'existent pas". Cela signifie qu'elles n'existent pas dans le temps. Sont-elles pour autant potentielles et non plus actuelles? Non, parce que le fait même d'avoir toujours une essence formelle et une essence objective, même lorsqu'elles n'existent pas dans le temps, signifient qu'elles existent toujours, seulement ici il s'agit de ce que Spinoza appelle l'existence dans les attributs de Dieu tout court, et non plus l'existence en tant que durée.

C'est parce qu'il y a ces deux types d'existence dans le spinozisme qu'on est obligé de dire que les choses qui n'existent pas dans la durée n'ont tout de même pas une existence "potentielle" (en attendant qu'elles "s'actualisent" dans la durée), puisqu'elles existent déjà pleinement. C'est à ce type d'existence que Spinoza réfère lorsqu'il dit à plusieurs reprises qu'il appelle les choses "actuelles" de deux façons: d'une part en tant qu'elles existent dans la durée, d'autre part en tant qu'elle n'existent pas déjà ou plus dans la durée mais ont une essence formelle et objective éternelle, qui ne peut pas ne pas exister (en Dieu). C'est comprendre cette éternité ou cette actualité éternelle, si l'on veut, qui est la compréhension propre à l'état de béatitude. Cela ne signifie pas que l'existence dans le temps serait "hors Dieu" (cela n'est bien sûr pas le cas, puisque rien n'est hors Dieu chez Spinoza), cela signifie seulement que comprendre une existence dans le temps ne nous donne pas encore une idée adéquate de l'éternité de cette même essence singulière.

Cette proposition constitue donc l'un des arguments pro la thèse non A, c'est-à-dire pro la thèse qui dit qu'il n'y a pas de potentiel chez Spinoza. On est ici dans une argumentation que j'ai appelée ci-dessus de type 5. La thèse non A sera donc éventuellement refutée lorsque quelqu'un réussit à montrer en quoi l'interprétation que je viens de donner de cette proposition est fausse.
L.

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Messagepar Durtal » 02 sept. 2009, 21:02

Cet avertissement ne valait que pour ceux qui vivent dans le monde réel.

Bien entendu il n'a aucune valeur dans "l'autre monde" ( c'est à dire celui de Louisa), qui a déjà "effectué une infinité d'essences singulières" avant même d'avoir commencé à lire la première lettre du premier mot de la présente phrase , raison pour laquelle il parait assez difficile de concevoir qu'elle puisse "méditer" quoique ce soit.

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Messagepar hokousai » 02 sept. 2009, 21:31

chère louisa

cela signifie seulement que comprendre une existence dans le temps ne nous donne pas encore une idée adéquate de l'éternité de cette même essence singulière.


Savoir si une idée adéquate de l'éternité nous permet de comprendre une existence dans le temps .
Or c'est ça notre problème .

Revenons à la chose """ préface partie 4) par perfection .. l’essence d’une chose quelconque en tant quelle existe et opère de manière précise sans qu’il soi tenu compte de sa durée ."""""

On a une opération et une opération réitérable ( semble- t-il )et de plus précise nonobstant la variabilité des contextes dans la durée .

(à mes yeux )l’essence projette sur la durée la régularité d’une opération . Est-ce qu’on dit autre chose quand on parle de potentialité ?

La force qui l’a fait commencer d exister cela relève de la force (de la puissance en tant que force ) mais la particularité de l’opération ne relève pas de la force (mais je dirais dans l’en puissance d’opérer)

Autant les choses sont égales quant à la force qui les fait exister autant elles ne le sont pas dans l’opération .

Il peut bien ne pas y avoir d’ usure de la force d exister mais en revanche usure de l’opérativité .Opérer de manière précise éternellement c’est à la limite valable pour les horloges bien construites . Que Spinoza envisage un cosmos parent de la mécanique horlogère est à prouver

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Messagepar Louisa » 02 sept. 2009, 21:34

Durtal a écrit :Cet avertissement ne valait que pour ceux qui vivent dans le monde réel.

Bien entendu il n'a aucune valeur dans "l'autre monde" ( c'est à dire celui de Louisa), qui a déjà "effectué une infinité d'essences singulières" avant même d'avoir commencé à lire la première lettre du premier mot de la présente phrase , raison pour laquelle il parait assez difficile de concevoir qu'elle puisse "méditer" quoique ce soit.


Ceci en revanche tombe parfaitement dans la première catégorie d'arguments dont je viens de parler.

L'argument de type 1 consiste à dire que la thèse non A contredit ce que pense le sens commun ou ce que dit le langage courant (A), et doit par là même être absurde, donc ne peut être ce que dit Spinoza.

Pour une réponse à cet argument: voir ce que j'en dis à la page 4 ci-dessus.
L.

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Messagepar Louisa » 02 sept. 2009, 21:44

Hokousai a écrit :Savoir si une idée adéquate de l'éternité nous permet de comprendre une existence dans le temps .
Or c'est ça notre problème .


Cher Hokousai,

il se peut que cela est un problème pour vous, mais je crois que pour Spinoza ce problème est résolu: pour lui il faut apprendre à considérer les choses qui existent dans le temps sub specie aeternitatis, puisque c'est le seul moyen d'en avoir une idée adéquate.

Pour lui une idée vraie ne peut pas devenir fausse. Elle est donc nécessairement "stable", elle ne change pas sous l'aspect de la durée. Elle est donc nécessairement éternelle. Or notre essence singulière éternelle n'est rien d'autre que l'ensemble des idées adéquates qui composent notre Esprit. C'est pourquoi avoir une idée adéquate de cette essence éternelle signifie avoir une idée adéquate de la chose singulière en question. L'alternative est d'identifier une chose singulière à ces idées adéquates et inadéquates, et donc aussi à ses Passions. Or ces Passions sont éphémères, elles ne durent pas (heureusement). Et elles n'indiquent la nature de celui qui les subit que de manière confuse. Donc considérer une chose en tant qu'elle existe dans le temps risque de l'identifier à ce qui n'est pas vraiment elle, donc risque de fausser l'image que nous avons d'elle.
Bien cordialement,
L.

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Messagepar Durtal » 02 sept. 2009, 22:58

Louisa a écrit :
Durtal a écrit :Cet avertissement ne valait que pour ceux qui vivent dans le monde réel.

Bien entendu il n'a aucune valeur dans "l'autre monde" ( c'est à dire celui de Louisa), qui a déjà "effectué une infinité d'essences singulières" avant même d'avoir commencé à lire la première lettre du premier mot de la présente phrase , raison pour laquelle il parait assez difficile de concevoir qu'elle puisse "méditer" quoique ce soit.


Ceci en revanche tombe parfaitement dans la première catégorie d'arguments dont je viens de parler.

L'argument de type 1 consiste à dire que la thèse non A contredit ce que pense le sens commun ou ce que dit le langage courant (A), et doit par là même être absurde, donc ne peut être ce que dit Spinoza.

Pour une réponse à cet argument: voir ce que j'en dis à la page 4 ci-dessus.
L.


ça c'est vraiment magnifique .

N'importe quel taré, n'importe quel fou délirant, par exemple celui qui lirait les oeuvres de Spinoza comme une sorte de prophétie annonçant la domination prochaine du monde par les hommes lézards venus "d'ailleurs", pourrait disposer de toute objection à son encontre, avec ta merveilleuse recette. Il lui suffirait en effet de faire remarquer à son interlocuteur que ses objections ne sont fondées que sur son excessif attachement au "sens commun" lequel, ajouterait-il en bon dialecticien, n'a pas droit de cité quand on est "spinoziste"....


C'est sur, avec un argument pareil "on gagne à tous les coups".

Maintenant que faut-il dire ? qu'il y d'une part les propositions délirantes, d'autre part les propositions du décevant "sens commun" et enfin une troisième classe de propositions: les "propositions de Louisa" qui ne sont ni délirantes ni celles du sens commun parce qu'elle sont les seules "authentiquement Spinozistes" ?

Mais pourquoi diable devrais-je croire une chose pareille? Puisqu'il n'y a plus de critère indépendant que ta seule parole ! ( toute objection étant rejetée comme relevant de l'infamant "sens commun" et donc à ce titre non pertinente pour la discussion!)

Erreur pour erreur : si j'ai à choisir entre les deux, je préfère encore m'en remettre au "sens commun"qu'au jugement délirant d'un particulier (qui imagine des choses invraisemblables sur une doctrine philosophique parce qu'il comprend mal ce qu'elle dit)

D.

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Messagepar Louisa » 02 sept. 2009, 23:29

Durtal a écrit :Erreur pour erreur : si j'ai à choisir entre les deux, je préfère encore m'en remettre au "sens commun"qu'au jugement délirant d'un particulier (qui imagine des choses invraisemblables sur une doctrine philosophique parce qu'il comprend mal ce qu'elle dit)


oui bien sûr, pourquoi choisir le délirant? Il n'y a aucune raison pour le faire, et cela précisément parce que le délirant se définit par ce qui défie la raison, ce pour quoi il n'y a aucune raison.

Seulement, cela m'étonne que tu ne vois que le sens commun comme source de vérité. A mon avis c'est la raison même (ou le fait de raisonner un peu) qui permet de constater aussitôt que souvent le sens commun se trompe.

Longtemps le sens commun disait par exemple que la terre était plate. Aujourd'hui on sait que c'est faux. Et il suffit d'ouvrir n'importe quel livre de science pour voir que ce n'est pas la seule erreur qui a été commise par le sens commun. Le sens commun peut le cas échéant délirer aussi bien qu'un fou.

Encore faut-il pouvoir découvrir quand c'est le cas. La raison est un excellent moyen pour y arriver. Prenons par exemple une interprétation de Spinoza qui correspond très bien au sens commun, et une autre qui à certains égards s'y oppose. Ce serait peu raisonnable de déclarer l'une "délirante" et l'autre vraie simplement parce que l'une se base sur le sens commun et l'autre non. Pour pouvoir savoir laquelle est vraie et laquelle fausse, il faut analyser rationnellement les deux interprétations, essayer de bien comprendre ce que chacun est en train de dire, puis construire des arguments tout aussi rationnels (c'est-à-dire ne se basant que sur les règles de la logique et la capacité de n'importe qui de s'en servir) qui permettent de voir le lien nécessaire entre l'une des deux interprétations et le texte original.

C'est ce que nous sommes en train de faire ici. Tu trouveras un aperçu des arguments contre la thèse interprétative qui prétend pouvoir montrer rationnellement qu'il n'y a pas de potentiel chez Spinoza à la page 4 (je les ai séparé en 5 groupes différents, mais si tu en vois d'autres n'hésite pas à le signaler), alors que dans mon commentaire de l'E2P8 que tu viens de citer, tu trouveras une argumentation rationnelle pro l'interprétation que je suis en train de défendre.

Conclusion: ce n'est certainement pas parce qu'une thèse prend le contre-pied de ce que dit le sens commun à tel ou tel sujet, qu'elle est vraie. En général, en peut effectivement dire qu'il y a pas mal de chance qu'elle risque d'être assez délirante. Mais sachant que parfois c'est le sens commun qui se trompe, il vaut mieux ne pas se baser aveuglement sur lui non plus. Et c'est précisément la raison et l'argumentation rationnelle qui permet de faire le tri.

En ce qui concerne plus particulièrement cette discussion-ci: si tu trouves que les commentateurs d'aujourd'hui défendent une idée tout à fait invraisemblable lorsqu'ils prétendent qu'il n'y a pas de potentiel chez Spinoza, il faut tenir compte du fait qu'ils ne se limitent bien sûr pas à le dire, on trouve chez eux une argumentation très détaillée et très informée de tout ce qui a déjà pu être découvert au sujet du spinozisme (beaucoup plus détaillée que ce que je n'ai pu faire moi-même ici, bien sûr). Le fait même que c'est si argumenté signifie qu'on ne peut pas l'écarter a priori en se disant que puisque cela ne correspond pas au sens commun tous ces gens doivent être en train de délirer. A partir du moment où eux ils argumentent, c'est à ceux qui trouvent que leur thèse est invraisemblable de contre-argumenter (c'est-à-dire de bien peser chaque argument qu'ils donnent et de se demander dans quelle mesure il pourrait être vrai ou non et pourquoi). Il n'y a que cela, argumenter et contre-argumenter, qui peut empêcher que l'on sombre dans le délire. Juste affirmer le sens commun ou juste affirmer une thèse qui s'y oppose ne le permet pas.

Le choix n'est donc pas entre le sens commun et le délire, le choix est en réalité entre une thèse argumentée et une thèse affirmée sans argumentation. Dans ce deuxième cas, le délire n'est jamais à exclure, même lorsqu'il s'agit du sens commun. Dans le premier cas en revanche, on réduit la chance d'avoir à faire à un délire au stricte minimum. En même temps, c'est également l'argumentation qui permet de dépasser toute opinion purement particulière au sens de "personnelle": un argument n'est jamais vrai "parce que" tel ou tel personne l'a dit. Il n'est vrai que parce qu'il se base sur des prémisses acceptées par tous comme étant vraies, et parce qu'il découle avec une nécessité logique de ces prémisses. L'argumentation protège donc à la fois contre le délire et le "purement personnel".
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Messagepar bardamu » 02 sept. 2009, 23:34

Louisa a écrit :Est-ce que tu es d'accord avec tout ça?

Bonjour Louisa,
je ne suis pas du tout d'accord avec ça...
Tu reprends le schéma aristotélicien pour partir d'une matière (bois) et aller à une matière formée (table). Du point de vue spinozien, c'est partir d'une essence pour en faire une autre complètement hétérogène. Le bois se définit par ses fibres etc., la table par ses 4 pieds etc., et tout ceci n'a rien à voir l'un avec l'autre.

Je vais revenir à l'origine de la question.

On parle du Traité de la Réforme de l'Entendement, du passage qui évoque la recherche du souverain bien.
Spinoza part d'un état de malaise et se lance par ses propres forces à la recherche d'un souverain bien. Cela donnera l'Ethique, une voie de libération vers la Béatitude.

Je crois qu'on peut considérer que Sescho ne fait qu'exprimer ce qui, in fine, est la proposition de Spinoza pour le salut de l'homme : chaque homme est dans un état affaibli par rapport à ce qu'on peut en tant qu'homme, à ce qu'on est vraiment en tant qu'homme.
Ce que peut l'homme, c'est la béatitude par l'exercice de la raison, Spinoza en étant la preuve par l'exemple.

Maintenant, si on veut faire un peu de technique, parler d'essence, d'actualité etc., voilà comment je vois les choses :

1- essence selon l'éternité
2- essence dans l'existence, affectée à l'instant t
3- conatus : effort pour persévérer dans son être, effort qui n'est que l'essence actuelle, l'expression dans l'existence de l'essence selon l'éternité
4- essence dans l'existence libérée des affections : l'effort devient minimal, on vit librement ce que l'on est, reposé parce que dans l'état correspondant à son essence selon l'éternité

Le potentiel est l'essence selon l'éternité qui s'exprime comme force, comme effort dans l'existence pour être ce qu'elle est. Effort de résistance, de libération, d'extension, de développement dans la durée.

Je reprends l'exemple du ressort :

1- ressort de 10 cm au repos
2- ressort de 10 cm affecté, faisant 5 cm à l'instant t
3- conatus du ressort : il pousse pour que son expression dans l'existence corresponde à sa nature propre, pour trouver le repos (de l'âme ?) en se libérant des affections contraires
4- le ressort se libère, son essence dans l'existence correspond à son essence selon l'éternité

Le cas humain :

1- l'esprit en tant qu'expression de l'entendement infini
2- esprit affecté, confus, poussé de-ci de-là par l'imagination, les passions
3- conatus de l'esprit : en tant qu'entendement, il combat les passions, lutte pour que son expression dans l'existence corresponde à sa nature propre, pour trouver le repos en se libérant des affections contraires et en affirmant sa nature de partie de l'entendement infini ; il fait aussi effort pour se développer et affirmer autant d'entendement que possible :
4- l'esprit se libère, son essence dans l'existence correspond à son essence selon l'éternité, il est entendement, union mentale avec toute la nature

Donc :
- il n'y a pas de "finalité" autre que d'être dans la durée ce que l'on est selon l'éternité, que de vivre ce que l'on est ;

- il n'est pas question qu'une chose soit en germe dans une autre chose puisqu'on est toujours soi-même, une partie de l'entendement infini en tant qu'esprit, toute l'évolution possible concernant le fait que l'ordre de la nature tout entière fasse que dans la durée on vive plus ou moins ce que l'on est selon l'éternité, en fonction de l'exercice qu'on fait de notre raison, de la force intrinsèque de celle-ci et des conditions externes.

- ce Souverain Bien qui est d'être soi-même est renvoyé par Spinoza à la puissance de comprendre qui constitue la nature de l'esprit. L'homme est d'autant plus libre que son esprit est entendement. Spinoza invite les hommes à suivre leur nature d'être d'entendement, c'est-à-dire à emprunter la voie de la compréhension, à faire que la puissance de l'entendement mène à la liberté.

- l'essence particulière de chaque homme reste une essence d'homme en général ("humanae natura in genere", cf E1p8 scolie 2). Si les affects de l'ivrogne se distinguent de ceux du sage autant que leur essence se distingue, ils sont encore les affects d'une nature humaine. C'est pour cela que cette voie vers le Souverain Bien peut être communiqué aux autres hommes, c'est pour cela qu'il y a une sorte d'Homme Parfait (pour faire écho au "al-Insan al-kamil" d'Ibn Arabi) chez lequel tout l'esprit existe dans la durée comme dans l'éternité, pur entendement qui notamment ne connaît ni le bien ni le mal.

Questions sur ta position

> Je ne te vois pas parler de libération, des effets de l'effort de la raison, du cheminement que propose Spinoza pour le salut des hommes.

> Que signifie "persévérer dans son être" dès lors qu'on change d'essence à chaque instant ?
Est-ce à dire que les êtres échouent à chaque instant à persévérer ?
Distingues-tu entre l'essence selon l'éternité et l'essence affectée par autre chose dans l'instant ?
En fait, en ramenant l'essence à un état actuel, instantané, tu me sembles évacuer cet effort, le fait que l'essence actuelle est conatus et qu'en tant que telle elle dure.

> Et comment se fait-il que Spinoza parle de la nature humaine, de la nature de l'enfant, de l'ivrogne, du sage, si la singularité des essences ne concerne que le niveau d'un individu ?
Si c'est bien ce que tu fais pour nier la pertinence d'un discours sur l'homme en général, pourquoi ne pas descendre au niveau de la singularité cellulaire, moléculaire, atomique pour nier la pertinence d'un discours sur l'individu ? Pourquoi ne pas considérer tel homme particulier comme une abstraction faite à partir d'un ensemble de cellules et nier la pertinence de la notion d'humain particulier ?

P.S. : je n'ai pas repris ton message avec la typologie des arguments vu que je n'y retrouvais pas ma pensée.

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Messagepar Louisa » 03 sept. 2009, 00:01

Bardamu a écrit :4- l'esprit se libère, son essence dans l'existence correspond à son essence selon l'éternité, il est entendement, union mentale avec toute la nature


Bonjour Bardamu,

est-ce que la réponse que tu viens de donner se base essentiellement sur ma toute première réponse à ton message de hier? Si oui, je crois que je me suis exprimée beaucoup plus clairement dans les messages que j'ai écrits après (je crois que je n'ai tout à fait compris ce que tu voulais dire hier par ta référence au dictionnaire que ce matin, et non pas hier soir). Cela explique peut-être pourquoi j'ai l'impression que ce que tu viens de dire ne répond pas vraiment aux questions soulevées dans nos derniers messages (au sens où il me semble qu'on était déjà beaucoup plus loin que cela; ici tu ne sembles que reprendre l'idée qu'il y ait du potentiel chez Spinoza, et résumer ce que cela signifie, mais, en tout respect, il me semble que tout cela a déjà été dit quelques fois).

Si tu n'as pas le temps/l'envie/... de lire mes messages d'aujourd'hui, je ne peux que te renvoyer au livre de Pascal Sévérac. Il y montre à mes yeux de manière convaincante en quoi ce que tu dis ci-dessus est parfaitement cohérent avec la notion courante de potentiel, mais incompatible avec le spinozisme. Ce qu'il exprime ainsi sur le quart de couverture:

Pascal Sévérac a écrit :Pourquoi devenir actif? Et comment, dans une philosophie de la nécessité absolue, comprendre ce passage de la passivité à l'activité?
La thèse centrale de cet ouvrage est la suivante: le devenir actif chez Spinoza ne consiste pas à combler la béance entre une essence idéale et une existence réelle. La passivité ne peut être appréhendée comme scission entre soi et soi, et le devenir actif comme jonction de l'essence et de l'existence. Une telle vision équivaut à réintroduire en l'homme la transcendance, la finalité et la potentialité, que l'éthique spinoziste entreprend pourtant de congédier. Pour saisir la nécessité du devenir actif, il faut commencer par s'interroger sur le paradoxe de la joyeuse passivité: en tant que joie, elle est augmentation de la puissance; en tant que passivité, elle est négation de cette même puissance. Comment alors comprendre une telle négation de soi, sans recourir à la disjonction entre l'acte et la puissance?


Bien sûr, ci-dessus tu parles de l'"essence dans l'existence" et l'"essence selon l'éternité", mais je crois qu'on peut tout aussi bien dire ainsi ce que Sévérac désigne par existence et essence tout court.

A partir d'ici on peut faire différentes choses. Ou bien :
- tu lis tout de même encore mes messages d'aujourd'hui et dis ce que tu en penses (dans ce cas j'attends avant de donner un commentaire sur le message que tu viens d'envoyer)
- tu ne lis pas ces messages et on recommence à zéro, c'est-à-dire j'essaie de dire ce que je pense de ce que tu viens d'écrire maintenant
- tu préfères tout simplement maintenir l'idée d'une potentialité, et donc préfères lire Spinoza en supposant qu'il y ait du potentiel chez Spinoza, sans pouvoir/vouloir réfuter la thèse qui dit qu'il n'y en a pas. Dans ce cas cela ne sert à rien que j'essaie d'expliciter davantage cette thèse ou de l'argumenter. Je peux éventuellement encore une fois dire de manière succincte ce que je pense de ton dernier message (or si cela ne te parle pas lorsque je le fais dans tous les détails, de manière explicite, je ne crois pas que la chance est grande que tu vas comprendre davantage lorsque je ne dis la même chose qu'en des termes plus généraux; toujours est-il que l'on pourrait essayer).

En ce qui me concerne, c'est comme tu veux.
En tout cas merci déjà de tes derniers commentaires.
L.

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Messagepar Durtal » 03 sept. 2009, 00:11

On répète: l'objection "ceci est une affirmation du sens commun" n'est PAS une objection VALIDE.

Ce n'est PAS un argument

C'est tout.

D.


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