Spinoza et les sciences sociales

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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aldum
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Messagepar aldum » 27 août 2010, 17:15

QueSaitOn a écrit :
Ne peut on dire que le système économique est une "chose" au sens de EIIdef7:




un système, économique ou politique , est une « chose singulière »comme une autre et soumise comme telle au conatus; la référence que vous faites à ce que d'aucuns (dont je suis) considèrent comme des abus manifestes du système productif dominant, est une illustration de la puissance qu'a le conatus à tendanciellement s'exprimer sans limite; on peut y voir la main du diable, alors qu'il s'agit d'un phénomène tout aussi « naturel » que le reste (sans contraintes, sans règles, sans lois ou personne pour les faire appliquer, tout individu, humain ou système, même le mieux intentionné, dilatera sa puissance jusqu'à constituer la plus insupportable tyrannie) la tentation est forte de considérer tel ou tel système pervers « par nature » , comme on le fait spontanément pour les humains, mais c'est confondre l'excès et la chose; la limite pour les humains, en attendant l'heureux jour où ils se placeront tous « sous la conduite de la raison », ne peut être fixée, dans une démocratie, que par des règles; idem pour un système économique; c'est pour avoir cru, assez sottement d'ailleurs, qu'un système pouvait trouver en soi le principe de sa propre limitation (idée chère au pragmatisme anglo-saxon, et qui constitue un effet d'aubaine pour quantité d'individus - foin d'angélisme-) que nous sommes dans cette situation, pour beaucoup insupportable; mais encore une fois, vouloir à ce titre liquider un système, dont ce n'est pas ici le lieu d'énumérer aussi les vertus, c'est confondre l'excès et la chose; les démocraties ont, en droit, la puissance d'imposer les réformes nécessaires; pas besoin pour ça d'être « révolutionnaire », sauf si on tient absolument, bien sûr, à échanger une tyrannie contre une autre.

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AUgustindercrois
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Messagepar AUgustindercrois » 28 août 2010, 08:55

Juste un truc, les amis: pour voir un film social, économique, et ultra spinoziste. Cleveland vs Wall Street. On y voit, immédiatement, l'articulation de l'individuel et du collectif, de l'affect et de la raison.
ET aussi, les raisons pour lesquelles, en vertu du principe "mêmes causes, mêmes effets", nous allons vivre une seconde crise bien plus forte que la première :twisted:

http://blog.mondediplo.net/2010-05-18-E ... Depression

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Miam
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Messagepar Miam » 28 août 2010, 21:10

Je ne vois pas où Spinoza affirme qu'un système économique est un individu au sens où tous concourent au même effet. Ni même un système politique. Si un système politique était un individu où chacun concoure au même effet, pourquoi Spinoza s'est-il évertué dans le Traité politique à concevoir les conditions de conservation de plusieurs systèmes politiques parce qu'il peuvent toujours être renversés par la multitude ? Il en va de même a fortiori pour un système économique.

Si le système libéral est, de par son existence même, un individu dont chaque élément concoure au même effet, pourquoi n'en serait-il pas de même du système féodal ou du système esclavagiste ? Pourtant ceux-ci ont disparu. Et qu'est-ce qui, alors, fait la supériorité du système libéral ?

Il faut quand même être culotté pour affirmer que dans le système libéral, chacun concoure au même effet. Il n'y a donc aucun conflit ? Aucune guerre ? Aucune "concurrence" (précisément) ni guerre économique entre les entreprises ?

Vous croyez vraiment que le type qui travaille pour pouvoir vivre parce qu'il n'a pas le choix et celui qui a choisi de créer une entreprise - non pour seulement vivre décemment - mais seulement pour accumuler des moyens de paiement, concourent tous deux à un même effet ?

Si oui alors il faut interdire immédiatement tous les syndicats et tous les partis politiques non libéraux comme s'ils étaient constitués de personnes délirantes.
Si oui alors on peut aussi bien revenir au féodalisme ou à l'esclavagisme puisque cela revient au même.

Il résulte de cela que l'affirmation de Quesaiton ne prouve qu'une chose : la parenté entre la conception qu'un système économique est par soi éternel et les bonnes vieilles idées fascistes.

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aldum
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Messagepar aldum » 29 août 2010, 11:14

où voulez-vous en venir ? démontrer que l'appartenance à un système, constituant « chose singulière », repose sur un libre choix ? qu'au motif que beaucoup de travailleurs salariés le sont à leur corps défendant, parce qu'il faut bien vivre, ils ne constituent pas les parties d'un système, d'une chose singulière, concourant à la réalisation d'une même action ? mais le critère d'appartenance ne repose par sur la libre participation: il est fonctionnel, et rien d'autre! Tous les salariés au sein du système libéral, ou d'un autre, (et comme tout « entrepreneur » dans le même système) « concourent objectivement, par leur activité même, à « une même action »; ils concourent de facto, et où voyez-vous que cela implique la concorde ?

Où aurais-je prétendu que les syndicats font partie du système ? Ils constituent une autre « chose singulière » où les parties « concourent à une même action » ; le fait que les parties -les hommes qui constituent cette chose singulière-là- participent souvent aussi du système de production, ne change rien à la définition: ils participent, alternativement, à l'un et l'autre système antagonistes;

en quoi la « guerre » interne au système de production -entre entreprises p.ex;- lui porte-t-elle atteinte en tant que tel ? En quoi cela prouve-t-il l'absurdité de l'affirmation du système comme constituant chose singulière contribuant à....? mais la compétition, la guerre comme vous dites, est au contraire le ressort du système; quand une entreprise en absorbe une autre, elle en devient généralement plus forte, par la rationalisation induite, en renforçant aussi le système lui-même;

il va de soi que ce que j'écris ne se veut que descriptif, et ne constitue pas, loin s'en faut, une apologie !

vos arguments sont d'ordinaire assez puissants, à tout le moins les assénez-vous avec assez de force, pour que vous évitiez la référence au « fascisme » de votre contradicteur, lieu-commun éculé mais toujours en service, ici ou là, lorsqu'il s'agit, au plus vite et sans appel, de révoquer en indignité quiconque ose avancer une théorie « déviante »;
je suis convaincu que vous aurez plaisir à vous rappeler la définition que donnait le cher Alain du fasciste ( Alain que je cite de mémoire, tant il est difficile de retrouver des références exactes dans son oeuvre profuse, mais sans trop le trahir) :

« le fasciste est souvent un honnête homme, et sincère; seulement, il s'est à ce point convaincu de détenir, sur toutes choses, une vérité absolue, qu'il en est devenu tout à fait incapable de supporter l'expression d'une idée contraire, et prêt à tout pour empêcher sa manifestation »...

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Messagepar AUgustindercrois » 29 août 2010, 15:02

Selon la définition d'Alain, Spinoza serait- il fasciste? Non, car Spinoza a trouvé le moyen de convenir avec les stulti. Il sait se taire au bon moment. ;op

La colère et l'intolérance sont des affects négatifs dont se défie le spinozophile, qui s'efforce de convenir avec chacun sur la vérité.

Cher Aldum, le système capitaliste est - il démocratique? Non. Les gens qui travaillent n'ont pas leur mot à dire sur leur entreprise, pour l'immense majorité. On leur donne le droit de voter tous les cinq ans, et leur droit est immédiatement confisqué.

Ce n'est pas le sens de la démocratie; or Spinoza s'engage pour la démocratie.

Si tu es démocrate, tu ne peux nier ce raisonnement, et je serais heureux que tu le réfutes!
Amitié

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Messagepar Miam » 29 août 2010, 18:58

Chez Spinoza cela implique la concorde, précisément...
Et si vous lisez bien je ne vous ai jamais traité de fasciste.
Au contraire, j'ai écrit que vous aviez prouvé quelque chose.

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Messagepar aldum » 30 août 2010, 13:57

je prétendais simplement qu'un système, pour convenir avec la conception spinozienne d' « une chose singulière » devait présenter un caractère de cohésion, que cette cohésion soit le fruit de la « concorde » (ce que nous souhaitons vous et moi) ou pas; cette cohésion pouvant quelquefois, malheureusement, être obtenue par un rapport de forces entre les parties au sein même de la chose en question;
si vous m'indiquez où, précisément, dans le texte, trouver que ma lecture est fautive, je reconnaitrai publiquement et sans la moindre difficulté que vous aviez raison.

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Messagepar aldum » 30 août 2010, 14:21

Augustindercrois a écrit :Cher Aldum, le système capitaliste est - il démocratique? Non. Les gens qui travaillent n'ont pas leur mot à dire sur leur entreprise, pour l'immense majorité. On leur donne le droit de voter tous les cinq ans, et leur droit est immédiatement confisqué.

Ce n'est pas le sens de la démocratie; or Spinoza s'engage pour la démocratie.

Si tu es démocrate, tu ne peux nier ce raisonnement, et je serais heureux que tu le réfutes!




je ne suis pas certain que vous seriez aussi heureux que ça si je le réfutais...
...mais soyez sans inquiétude, je n'ai jamais entretenu un aussi sot projet, tant je suis d'accord avec vous sur ce point.

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Messagepar Miam » 30 août 2010, 14:45

Ethique IV, 37 scolie 2 :

"Chacun existe par le droit suprême de la Nature, et conséquemment chacun fait par le droit suprême de la Nature ce qui suit de la nécessité de sa propre nature ; et ainsi chacun juge par le droit suprême de la Nature quelle chose est bonne, quelle mauvaise, ou avise à son intérêt suivant sa complexion (Prop. 19 et 20), se venge (Coroll. 2 de la Prop. 40, p. III) et s'efforce de conserver ce qu'il aime, de détruire ce qu'il a en haine (Prop. 28, p. III). Que si les hommes vivaient sous la conduite de la Raison, chacun posséderait le droit qui lui appartient (Coroll. 1 de la Prop. 35), sans aucun dommage pour autrui. Mais comme les hommes sont soumis à des affections (Coroll. de la Prop. 4) qui surpassent de beaucoup leur puissance ou l'humaine vertu (Prop. 6), ils sont traînés en divers sens (Prop. 33) et sont contraires les uns aux autres (Prop. 34), alors qu'ils ont besoin d'un secours mutuel (Scolie de la Prop. 35). Afin donc que les hommes puissent vivre dans la concorde et être en aide les uns aux autres, il est nécessaire qu'ils renoncent à leur droit naturel et s'assurent les uns aux autres qu'ils ne feront rien qui puisse donner lieu à un dommage pour autrui. En quelle condition cela est possible, à savoir que les hommes, nécessairement soumis aux affections (Coroll. de la Prop. 4), inconstants et changeants (Prop. 33), puissent se donner cette assurance mutuelle et avoir foi les uns dans les autres, cela se voit par la Proposition 7 de cette Partie et la Proposition 39 de la troisième."

Où l'on voit que l'institution même de la société suppose la notion de concorde...

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Messagepar Pourquoipas » 30 août 2010, 17:09

AUgustindercrois a écrit :(...)
Cher Aldum, le système capitaliste est - il démocratique? Non. Les gens qui travaillent n'ont pas leur mot à dire sur leur entreprise, pour l'immense majorité. On leur donne le droit de voter tous les cinq ans, et leur droit est immédiatement confisqué.
(...)


Salut à tous,

Je vais, pour une fois, parler un peu d'un cas concret : le mien. Je me représente, à la fin de cette année comme délégué du personnel dans l'une des entreprises qui m'emploient, élections qui ont lieu tous les quatre ans. Je suppose donc, Augustin, quand tu parles de cinq ans que tu fais allusion aux élections politiques nationales (présidentielles et parlementaires).

Et là, je peux te dire que ma lecture de base et utile n'est pas le Traité politique, mais le Code du travail, qui varie d'année en année (notamment en 2007 et 2008), et qui donne bien du fil à retordre, vu les jurisprudences. Et que, effectivement, la marge de manoeuvre est très réduite : parfois que d'efforts fournis pour obtenir une fort maigre augmentation de salaire ou un licenciement correct ! Que d'efforts pour obtenir un document, ou négocier verbalement un contrat, qui améliorerait tant soit peu la situation des travailleurs ! Et je ne suis pas dans une entreprise des plus dures, loin de là ! (Et donc ma situation n'est pas parmi les plus dramatiques ni difficiles.) Et là, le jeu des et sur les affects m'est d'un grand secours... (il m'arrive parfois de penser à telle ou telle proposition de Spinoza en pleine réunion un peu difficile entre direction et, délégués). Mais à la béatitude et au salut, dans ces moments-là, non !

Sans parler des contacts parfois (et même souvent) difficiles avec mon propre syndicat et sa direction, sinon mes collègues co-délégués, que parfois je trouve aussi trop complaisants avec le pouvoir et politique, et patronal... Etc. Etc. D'autant plus que les syndicats ne sont plus en position de force (c'est bien fini les années post-68...) et cette foutue crise qui sert de prétexte aux patrons ! Sans parler des ruses et des stratégies (disons "à la Machiavel") à trouver pour ne serait-ce qu'être réélu !

Tout cela pour dire que l'exercice de la démocratie in concreto (car il existe : mal et pas assez, mais dans nos pays, oui) est une autre paire de manches que les longues dissertations, fort passionnantes et même parfois inspirantes dans le concret, par ailleurs !

Je me demande, Augustin, ce que tu veux dire exactement quand tu dis que ce droit est immédiatement "confisqué" ? Ce n'est pas tout à fait vrai...

Et cela vaut pour toute association, ne serait-ce qu'une association de locataires.
Etc. (En espérant ne pas être sorti du sujet.)

Portez-vous bien
PP


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