Être - Conscience - Béatitude : Lavelle et autres.

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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sescho
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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar sescho » 12 nov. 2014, 09:54

En passant, avant de répondre au dernier message d'Hokousai, au sujet de Fichte (qu’effectivement Lavelle ne rejoint pas, en tant que pure expression de l’idéalisme), une reprise de quelques extraits de Lavelle (qui sont loin d’être sans intérêt – mais c’est peu ou prou tout Lavelle qui est ainsi... – sur le reste du sujet : )

Lavelle a écrit :
De l’Etre :

Toutefois cette position moyenne qui devait satisfaire tant d’esprits modérés ne pouvait pas être maintenue. Le privilège du sujet qui avait été si bien marqué quand il s’agissait de la connaissance de l’objet ne pouvait pas être aussitôt restreint sous le prétexte qu’il ne répondait plus à cette idée d’un objet absolu avec lequel on voulait identifier l’être, dès que l’objet de représentation avait démontré son caractère relatif. Et Kant lui-même, au delà du monde de la connaissance, découvrait dans le sujet une activité non-formelle, ou qui du moins par sa forme même se donnait à elle-même sa propre matière et s’avérait, dans l’ordre pratique, comme créatrice d’elle-même et de ses propres déterminations. Or n’avions-nous pas affaire ici à une coïncidence de l’acte du sujet avec son être même, alors que la connaissance le mettait toujours en face d’un donné qui lui était jusqu’à un certain point étranger et auquel il ne pouvait imposer qu’une unité proprement représentative ? Telles sont les considérations qui expliquent la formation de la doctrine de Fichte qui est sans doute le modèle le plus parfait de l’idéalisme, [288] c’est-à-dire de toute doctrine qui, identifiant l’être avec le sujet, tend à montrer que l’objet représenté n’est rien de plus que le produit d’une activité subjective.

De l’intimité spirituelle :

15. — Dirons-nous alors que, ne sachant rien de l’objet tel qu’il est en soi au delà de la représentation, et cette expression même d’objet en soi n’ayant pas de sens, puisque la propriété même par laquelle l’objet se définit, c’est de nous être présenté du dehors, ou comme nous le disons inexactement, représenté, il ne nous reste pas d’autre issue que de considérer son existence comme résidant dans une activité qui nous est étrangère et qui, en venant rencontrer la nôtre, la contraint à s’incliner devant une présence qui n’est pas la sienne et que nous nommons la présence d’un objet ? C’est ainsi que la chose en soi de Kant, qui ne peut pas être une chose, ou le choc de Fichte n’évoquent rien de plus qu’une activité que nous n’exerçons pas et que nous ne pouvons que subir.

Introduction à l’Ontologie :

66. — On comprend maintenant la signification que l’on peut donner à la liberté nouménale dans le kantisme. Loin de reprocher à Kant d’avoir mis la liberté au delà du monde des phénomènes, il faudrait dire au contraire que c’est en effet dans la liberté en tant qu’elle trouve en elle sa propre raison d’être et se décide indépendamment de tous les motifs sensibles que nous rencontrons l’être véritable. Et c’est sans doute la gloire de Fichte d’avoir découvert que c’était là sinon la pensée consciente et avouée de Kant, du moins le sens le plus profond de la distinction essentielle qu’il avait établie entre un entendement qui organise l’expérience des choses et une raison qui dicte ses lois à l’action. Or si l’on accorde à une telle distinction une signification ontologique, on voit aussitôt comment l’être et le bien deviennent deux notions inséparables l’une de l’autre. Cependant on ne peut justifier leur corrélation qu’à condition d’infléchir le kantisme dans une direction toute différente de celle qu’il a suivie, c’est-à-dire à condition :

1° De reconnaître que cette liberté transphénoménale, qui n’a reçu encore aucune détermination, est aussi transindividuelle comme le moi de Fichte, bien qu’elle soit la source commune dans laquelle tous les individus puisent les déterminations qui fondent leur existence ;

2° De ne point craindre de créer ainsi un divorce [87] irrémissible entre cette volonté absolue et la volonté de l’individu, puisque celle-ci se constitue en elle grâce à un acte qui en participe. Kant au contraire ne pouvait pas faire autrement, en situant au sein de la conscience individuelle l’antinomie de la volonté pure et de la volonté réelle, que de voir entre elles une opposition radicale et de chercher à la résoudre par un coup de force, c’est-à-dire en obligeant la volonté pure à imposer sa propre loi intérieure à la volonté réelle sous la forme d’un commandement qui est le devoir. Alors il est naturel que la notion même du bien soit éliminée, comme si elle devait subordonner la volonté à une fin qui lui serait extérieure. Mais les choses se passent tout autrement si la volonté individuelle participe à la volonté pure, comme cela est nécessaire sans doute pour qu’elle puisse écouter sa voix. ...

Manuel de méthodologie dialectique :

PROP. LXXVIII. — On peut appliquer le mot « soi » au sujet absolu comme le mot « moi » au sujet psychologique et le mot « je » au sujet transcendantal.

Il est difficile, comme l’a fait Fichte, de réserver le mot de « je » pour la conscience absolue, car le « je » réside précisément dans le rapport des trois modes de la conscience et c’est pour cela qu’il convient d’une manière privilégiée au sujet transcendantal. Sans doute on peut dire qu’au moment où la conscience psychologique devient un objet pour la conscience transcendantale (grâce à une opération qui est artificielle et illégitime, puisque, si c’était un objet véritable, il cesserait aussi d’être un sujet), le sujet psychologique pourrait porter le nom de « moi ». Mais puis-je parler alors du « je » de la conscience absolue ? J’en fais aussi un objet dès que je m’aperçois que je tends vers lui sans coïncider avec lui. Je puis donc l’appeler un « soi » pour montrer qu’il fonde le « moi » psychologique et le « je » transcendantal. Mais il ne faut pas oublier que c’est parce qu’il est un sujet concret et unique, et non point un sujet en général comme le sujet transcendantal, qu’il constitue par l’intermédiaire du « je » transcendantal la condition de possibilité de tous les « moi » particuliers.

(Plus général, dans un article – très intéressé et intéressant – sur Husserl, dont les Méditations cartésiennes - conférences de 1929 à Paris - viennent d’être traduites en Français) :

Panorama des doctrines philosophiques :

L’ouvrage de Husserl paraîtra peut-être extrêmement aride. Ses premières recherches avaient porté [154] sur des problèmes de logique pure : elles répondaient à une exigence essentielle de son esprit. D’autre part, il y a chez lui une aversion extraordinaire à l’égard de la psychologie, de telle sorte que le lecteur français, pour qui le mot de conscience évoque aussitôt l’intimité émouvante du moi individuel, se trouve à la fois surpris et dérouté par cette théorie d’une conscience qui n’est la conscience de personne et qui contient les conditions impersonnelles de toute expérience psychologique comme de toute expérience physique. A cet égard, la conscience de Husserl demeure parente du sujet de Kant, du moi de Fichte, ou de l’Esprit de Hegel ; elle est très éloignée de cette vie intérieure qu’ont essayé de saisir un Pascal ou un Maine de Biran, et dans laquelle chacun de nous fait d’abord l’épreuve de son existence séparée avant de découvrir le principe universel qui lui donne la force et la lumière : la réalité du moi particulier n’est ni pour Husserl ni pour aucun philosophe allemand le terme initial et le centre mobile de la méditation ; elle est toujours à leurs yeux une forme d’existence dérivée et qui a besoin d’être retrouvée. ...

(J’ajoute : )

De l’Acte :

Fichte dit : « Nous n’agissons que parce que nous connaissons ; mais nous connaissons parce que notre destinée est d’agir ». Seulement nous savons bien que les rapports de la connaissance et de l’action sont plus subtils ; car on peut dire aussi que toute action est un appel au réel, une demande de connaissances nouvelles, et que ce que nous cherchons toujours à travers l’action, c’est une connaissance que nous ne pouvons obtenir autrement et qui est la seule fin que nous puissions nous proposer, puisqu’elle est la seule que nous puissions posséder. Il s’institue donc un cercle au cours de notre vie entre la représentation et l’action qui ne cessent de se nourrir l’une l’autre et de rendre possible le progrès de notre vie personnelle, jusqu’au moment où, dans ces éclairs de lumière qui se produisent parfois au sommet de notre conscience, la contemplation et l’action ne font plus qu’un. Car l’action conduite jusqu’à son dernier terme et, pour ainsi dire, jusqu’à son point de perfection, ne doit plus pouvoir être distinguée de la contemplation. Mais le rapport de l’action et de la contemplation nous montre d’une manière particulièrement saisissante le caractère essentiel de la vie de l’esprit qui, dans tous les domaines, cherche notre union avec la totalité de l’Etre et doit toujours nous mettre en présence, pour que notre personnalité elle-même puisse se constituer, d’un intervalle qui tour à tour se creuse et s’abolit.
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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar sescho » 12 nov. 2014, 11:51

Vu la portée des questions soulevées, une simple contribution à la première... :

hokousai a écrit : ... je pense qu'on ne peut pas s' exprimer clairement sur la conscience que Dieu a de lui même. Spinoza affirme que Dieu se connait lui même.
Mais on ne peut pas transférer la conscience que l'homme a, sur Dieu .
Dieu n'est pas un sujet au sens où un sujet peu ou prou est individualisé . Et là on trouve une barrière qui est l' Ego .
La conscience est une pure positivité certes mais posée comme existant, c'est à dire déterminée par autre chose, qui est l' Etre.
Or Dieu n'est pas déterminé par autre chose.
On parle souvent de "champ de conscience" en extrapolant de la conscience de l' homme sur une conscience anonyme / impersonnelle/infinie.
Je pense qu'on ne peut rien savoir ce que serait la "conscience" de Dieu

Je dirais déjà : commençons par définir Dieu (que Dieu puisse être défini est déjà très contestable en soi, mais si on veut en parler, il faut bien.) Dieu c’est l’existence même, le « il y a » très concret en toute chose... en acte. On peut dire aussi que c’est l’Être, mais là on introduit quand-même un risque subreptice : celui de faire de Dieu un objet. Or Dieu, c’est aussi – et même d’abord pour le sujet qui est précisément et nécessairement en train de considérer tout cela – l’être du sujet. Or l’être du sujet est acte : en aucun cas un objet. C’est pourquoi on doit être extrêmement circonspect quand on objective le sujet pour en parler, en oubliant le sujet qui l’objective... Dès que l’on commence à considérer que ce ne sont plus des mots approximativement descriptifs – des pointeurs seulement – mais que le sujet (réel, pas le concept) a per se un caractère objectif, on est dans l’erreur, et l’auto-dégradation tout en même temps. Si l’on veut mettre l’accent sur le sujet - assez légitimement il faut bien le dire, car l’origine de toutes ces considérations et de toutes les autres est bien le sujet – alors Dieu est Acte pur (Energie cosmique, Energie vitale, Mouvement, ...). Là il n’est tout simplement pas objectivable, et de même en général puisque l’Acte ne peut être de toute façon nié...

« Être » tend à se marier plutôt à la (re)présentation et « Acte » à la volonté. La (re)présentation a quelque chose de passif : les choses se présentent à nous sans engager à proprement parler notre volonté : elles ne nous demandent pas notre avis. D’un autre côté, il s’agit bien quand-même d’un Acte qui s’exprime par le sujet. C’est d’ailleurs pourquoi la présence à soi-même consiste dans un geste qui fait abstraction de l’objet en tant qu’objet pour se situer dans l’acte qui le présente lui-même : alors le sujet en quelque sorte se dissout simultanément (mais la relation sujet-objet est quand-même toujours là...) pour se confondre avec l’Être. La conscience « pure » (faut-il y associer « réflexive » ?) apparaît comme un recentrage de la conscience (de quelque chose) vers son propre principe, découvrant le « sujet pur », qui est alors ressenti comme impersonnel. Elle est consciente d’elle-même, consciente d’être consciente d’elle-même, etc. à l’infini. Quelque part, là, l’Acte se voit lui-même quand-même... l’Acte a rejoint l’Être...

Bref...

Dieu n’a pas : Dieu est. Donc, Dieu est-il conscience ? C’est une question très difficile, car Dieu et la conscience de Dieu ne peuvent faire qu’un puisque c’est le sujet qui le voit, et qu’il ne peut sortir de lui-même... sauf que le sujet n’existe pas sans l’objet, qu’il sait bien parfaitement être autre quelque part...

A la base conscience = révélation des corps. Donc l’être révélé ce sont les corps, et par abstraction des corps (une pensée, intercalée, déjà...) : la Matière. Dieu est il Matière ? (On voit bien en passant toute la grande force de cohérence qui se trouve derrière le parallélisme chez Spinoza ; et pourtant il ne tient pas l’examen...)

Les deux et ni l’une ni l’autre : Dieu est (Dieu = EST) c’est tout. (YHVH : je suis EST) Spinoza ne fait qu’une très légère erreur avec le parallélisme : vouloir quand-même séparer (à la suite de Descartes malgré les grands amendements qu’il apporte) tout en les plaçant au niveau de l’Être même, Être-Pensé et Être-Etendu... Autrement dit de les avoir placés au niveau de la Nature naturante, au lieu de le faire au niveau de la Nature naturée.

Donc, il apparaît, pour l'instant du moins, que je suis très en phase avec Hokousai.


Un autre point secondaire en passant :

hokousai a écrit :mais Lavelle me semble modéré et conciliant, genre de "la voie du milieu" ... :) )

Oui, à condition d’ajouter immédiatement que cela n’a en même temps rien à voir avec un quelconque « goût du compromis » mais est uniquement guidé par le pur souci de vérité.

Mais c'est vrai qu'il est globalement positif, et relève en conséquence autant dans une démarche ce qu'il y a de juste (de fait ou dans l'intention) que ce qui est erroné. Au-delà, il place tout cela dans un contexte plus vaste, totalement positif, de la conscience à la recherche d'elle-même. Tout le contraire de la dilatation d'un point particulier pour le monter en opposition radicale et irréductible, gonfler le tout, etc. (alors même qu'éventuellement on a manqué la compréhension juste de tout le reste, à commencer par les prémisses premières...) Je ne crois pas qu'on puisse le regretter en quoi que ce soit de manière très générale.

La Nature étant évidemment une et intègre per se, on ne va peut-être pas continuer infiniment à opposer le matérialisme à l’idéalisme, chacun d’eux au panthéisme, etc. ...
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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar hokousai » 12 nov. 2014, 15:34

à Sescho

Sescho a écrit :sauf que le sujet n’existe pas sans l’objet
,

c'est ça mon problème .

Je ne dis pas que la conscience ne soit pas objet .
La conscience est déterminée part l' Etre. Etre est pour elle une détermination. Il faut qu'elle soit ( être ). Condition sine qua non .
Elle est un "effet "dans la Nature .

Mais Un effet (ou un acte) signé par une présence .
C'est sa présence qui nous la signale et elle est en cette présence .

Ce n'est pas la présence qui la détermine. La présence est plutôt lié à la puissance d agir. Je veux dire que la puissance de conscience est relative à la nature de l'individué . Nous avons nous homme une puissance de poser dans la présence, une puissance limitée et variable, ce qui se remarque dans le fait que nous avons des niveaux de conscience et puis un niveau maximal de conscience et pas au delà. Un niveau de conscience maximal vers lequel nous tendons.

La présence me semble donc déterminée .
Il me semble que par volonté je ne puisse accéder à plus de conscience qu'il m'est possible . Là je n'ai pas de liberté .
Je suis mobilisé plus ou moins par la nécessité de l'acte.
J' ai le conatus qu'il faut, celui qui est nécessaire.
Certains niveaux de conscience ne demandent pas d' EGO.( s'il en est un du moins n'apparait-il pas clairement dans des états de conscience inattentive à soi-même)

Mais il existe un état de conscience qui en demande un. C 'est à dire qu'il y a constitution d' un Ego.
Cet Ego n'a pas d' objet. Au sens ou l'objet est extérieur à ce qui le pose.
Donc c'est l' EGO mon problème ( pas la conscience intentionnelle).

La conscience claire d' être ici maintenant n'est pas une conscience de n'importe quel objet du monde ou de n'importe quelle idée sur le monde ou de pensées intérieures ordinaires.
Cette conscience est ramenée réflexivement à moi -même comme Ego. Ce procès réflexif n'est pas factice.

C' est pour moi le seul état de conscience clair lequel devrait donc intéresser la philosophie au premier chef.
En place de cela , on me dit ( pas vous ) que le MOI est une illusion, ou bien une somme de sensations, une production alignable sur celle des objets du monde . Au mieux un épiphénomène un peu étrange des productions ordinaires du monde … une "émanation" …vertu dormitive qui n'explique rien du tout .

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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar sescho » 12 nov. 2014, 21:56

Cher Hokousai, avant que de répondre personnellement à vos derniers écrits – mais comme nous rodons autour du cœur du cœur, c'est pas facile... :) – je propose à nouveau quelques extraits de Lavelle en rapport (mais quelque part c’est toujours le cas) avec le sujet.

Lavelle devrait être votre homme : dans la haute philosophie morale / spiritualité, avec Steve Jourdain en tandem (en esprit), il est des rares à affirmer haut et fort ce « droit » fondamental et immédiat de dire Moi (ce que vous appelez l’Ego, me semble-t-il, au rebours de l’usage actuel le plus fréquent, qui désigne par-là au contraire le « petit moi », pseudo-objet et fruit frelaté du Mental.) Il faut dire que ce sont des hommes de lignée occidentale, alors qu’actuellement tout le reste est porté par des lignées orientales (toutes données comme panthéismes naturalistes par Lavelle.) Maintenant, il n’y a qu’une espèce humaine, et ses plus grands esprits évoluent forcément partout autour du même cœur. Lavelle utilise de par lui « Soi » (qui suppose l’être en soi et par soi), comme le vedanta de son côté dans le même sens. Car il semblerait quand-même que, partout, plus on remonte à la pureté du sujet, moins en fait on trouve un individu (encore moins une personne : le masque), et plus en fait on trouve Dieu ; et inversement... atman = brahman... Il se pourrait bien qu’il n’y ait pas de différence du tout entre le Soi (ultime, sans objet) en question et l’Être-Acte, en fait, Dieu étant donc la plus haute possibilité de l’Homme. Mais résidant dans le Soi vivant, l’individu peut exprimer toutes ses particularités, et ainsi faire l’union parfaite de Dieu et de son mode, et le droit de dire « Moi » dans toutes ses acceptions légitimes. L'approche de ceci pourrait en outre ne pouvoir être qu'asymptotique.

Mais, pour la détente, j'ai une (bonne) question : dans l'advaïta vedanta, on trouve chez le très célèbre et très respecté Ramana Maharshi, mais encore chez des références aussi élevées en Occident que Jean Klein et Eric Baret, une "assimilation" de la conscience pure avec le sommeil profond (sans rêve.) Ce n'est pas ce qui me vient d'emblée pour caractériser la vie consciente... Mais c'est quand-même la vie... La question est : est-ce que j'existe dans le sommeil profond ? :-)

Lavelle a écrit :La conscience de soi :

La conscience de soi est donc une présence à soi et au monde, une présence de tous les instants : plus je suis présent à moi-même, plus je suis présent au monde ; là où cesse la conscience de soi, je vis dans une perpétuelle absence. Elle est un dialogue de soi avec soi, avec les choses, avec les autres êtres et avec Dieu. Et dans ce dialogue, je ne sais plus si c’est moi qui me réponds à moi-même ou si je reçois une réponse silencieuse de tout ce qui est. Je suis toujours au dedans de moi-même et toujours au dehors : à mesure que j’avance davantage, la ligne de séparation entre le dedans et le dehors ne cesse de s’effacer et de se reformer. On croit trop aisément qu’il est facile d’établir une frontière rigoureuse entre ce qui est moi et ce qui n’est pas moi. Mais qui oserait dire : jusque là c’est moi, et non point au delà ? Cette frontière est indéfiniment variable et indéfiniment extensible suivant la direction et la puissance de l’attention ou de l’amour. Je sens à chaque instant et dans une suite ininterrompue d’oscillations le [XX] monde qui s’agrandit ou qui se rétrécit pour moi, qui tantôt m’accueille et tantôt m’abandonne.
Rien ici ne se trouve d’avance fixé, arrêté ou circonscrit. Car la conscience de ce que je suis, c’est la conscience de ce que je puis être, d’une puissance sans cesse en action et qui ne réussit jamais à s’épuiser. De cette puissance, la conscience me permet de disposer dans le miracle de l’instant. Il n’y a pas ici connaissance d’une chose donnée, mais seulement lucidité dans l’exercice d’une activité dont le jeu ne peut jamais être suspendu. Elle n’est donc pas comme la vision d’un paysage qui s’offrirait du dehors au regard, mais comme un paysage qui naîtrait de l’acte même du regard. La conscience de soi est une réflexion sur soi, mais c’est une réflexion qui, au lieu de supposer l’objet auquel elle s’applique, l’engendre en s’y appliquant.

...

Le propre de la conscience, c’est de rompre l’unité du monde et d’opposer un être qui dit Moi, au Tout dont il fait partie : dans cet intervalle qui les sépare, elle produit l’incessante communication qui les unit, elle insinue à la fois la pensée, l’action et la vie. Mais la conscience, qui produit tous ces mouvements, est condamnée à les laisser inachevés ; aussi y a-t-il toujours en elle une maladresse, un malaise, une inquiétude et même une souffrance. Telle est la punition de la faute originelle, c’est-à-dire de la séparation. Mais la conscience est aussi le principe de toute rédemption, puisqu’elle permet une imitation de Dieu et [4] un retour à lui. Seulement les progrès qu’elle accomplit, les joies qu’elle éprouve ne pourraient se consommer que par sa disparition.

...

Penser, c’est avoir conscience de soi, [8] c’est se posséder soi-même. Mais il n’y a pas de différence entre l’acte par lequel je me connais et l’acte par lequel je me crée. De même que la fécondité de l’acte providentiel ne cesse de produire dans le monde des êtres nouveaux, je ne cesse aussi de produire en moi de nouveaux états par l’acte de mon attention : ainsi, grâce à l’opération de la conscience, je me crée moi-même comme Dieu crée le monde.
Qu’est-ce en effet que le moi, sinon ce que chacun connaît de lui-même ? Je ne puis rien m’attribuer de ce que j’ignore : cela appartient à un être auquel je suis uni, mais dont je ne puis identifier les mouvements avec moi tant qu’ils ne sont pas devenus pour moi un objet de connaissance et d’assentiment. Ainsi, il n’y a d’âme que pour celui qui connaît son âme et qui, en la connaissant, la fait être. Et demander de se connaître, ce n’est pas supposer que l’on est avant de se connaître, comme les choses sont avant que le regard s’y applique : le propre de la connaissance de nous-même, c’est précisément de nous faire.

...

En Dieu l’acte de la connaissance est parfait parce qu’il ne se distingue pas de l’acte même de la création. Quant à nous, nous ne sommes que les spectateurs du monde créé et nous ne pouvons que contempler son existence et sa nature. Cependant, à mesure que la connaissance s’approfondit, le monde nous devient plus présent ; mais ce n’est point par son image, qui s’efface peu à peu, c’est par son action qui nous pénètre davantage. Dira-t-on alors que la [39] conscience est détruite ? Il semble plutôt qu’elle change de nature. Elle obtient une sorte de surplus ; elle est moins éclairée, mais plus éclairante puisqu’elle tend à s’unir au principe même qui dispense la lumière. La distinction entre le réel et elle s’abolit, non plus dans une identité immobile, mais dans une vivante communion. Elle participe à la puissance créatrice ; l’activité qu’elle exerce imite celle qui règne dans l’univers, y répond et la prolonge.

...

De l’Etre :

Or, il est facile de voir que rien de ce qui est objet ou chose n’a de sens autrement que par rapport à un sujet qui le pense comme extérieur à lui, bien qu’il ne soit actualisé que par lui, ce qui est justement le sens que nous donnons au mot apparence ou phénomène. Quant à ce sujet lui-même, il réside dans l’acte intérieur qu’il accomplit et que l’on ne [17] peut pas réduire à la pensée d’un objet ou d’une chose, car le propre de cet acte, c’est d’engager l’existence même du moi, c’est de la faire être dans une opération qu’il lui faut accomplir et sans laquelle il ne serait rien, par laquelle il dispose du oui et du non, que l’on peut définir comme étant sa liberté, qui fait de lui à chaque instant le premier commencement de lui-même, et porte le nom de pensée dès qu’elle s’applique à quelque objet pour se le représenter et le nom de volonté dès qu’elle s’applique à lui pour le modifier. Encore est-il vrai que cet objet ne cesse de le dépasser et que le moi ne réussit jamais à le réduire à sa propre opération, qui, dans l’ordre intellectuel, garde toujours un contenu perceptif ou conceptuel et, dans l’ordre volontaire, ne parvient jamais à pousser la modification jusqu’à l’infini, c’est-à-dire à en faire une création.
Cet acte intérieur est inséparable à la fois de l’initiative qui le met en jeu et de la conscience qui l’éclaire. C’est là seulement où il s’exerce que nous pouvons dire moi. Il est notre être même au point où il se fonde sans qu’il nous soit possible de le récuser. Il est véritablement un absolu qui n’est l’apparence ou le phénomène de rien. Son essence est de se produire lui-même avant de produire aucun effet, qui doit être considéré comme extérieur à lui et comme étant la marque à la fois de sa manifestation et de sa limitation, bien plutôt que de sa puissance et de sa fécondité. Et la philosophie commence là où précisément l’être cesse d’être confondu avec l’objet, mais s’identifie avec cet acte intérieur et invisible et qui est tel qu’il faut seulement l’accomplir pour qu’il soit.

...

La dissociation entre l’entendement et la volonté est la condition à la fois de la naissance de la conscience et de l’exercice de la liberté.

...

De l’intimité spirituelle :

Il faut donc cesser d’opposer l’Être à la Pensée et de définir l’Être comme une ligne de visée pour une pensée qui, placée pour ainsi dire hors de lui, ne réussirait jamais qu’à s’en donner le spectacle, et par conséquent le manquerait toujours. Il faut, au contraire, regarder la pensée comme intérieure à l’Être puisque, hors de lui, il n’y a rien ; c’est en lui qu’elle s’établit, qu’elle ne cesse de se mouvoir et de se nourrir ; elle est dans l’Être comme l’Être est en elle. Aussi dans sa propre intimité, c’est l’intimité même de l’Être qui nous devient présente ; c’est à cette intimité que la conscience nous fait participer. Mais nous savons bien que le moi n’est pas le tout de l’Être ; et c’est pour cela que le monde nous apparaît comme un spectacle qui n’aura jamais fini de nous dépasser et de nous émerveiller. Seulement il n’y aurait pas de spectacle sans l’être secret et intime du spectateur. Et un spectacle ne peut subsister tout seul, comme le soutiennent les matérialistes, c’est-à-dire indépendamment de celui qui le regarde et de celui qui le joue. Et il n’a même de sens que pour créer entre eux une communication. Cette communication va nous révéler un nouvel aspect de l’Absolu, qui n’est point seulement Être, mais Acte, ce qui va nous permettre de comprendre l’apparition et la signification de l’univers matériel et de la diversité des consciences.

...

B. — On voit donc comment le nom d’Acte, que nous substituons maintenant au nom d’Être, nous permet de faire un pas en avant dans la conception des rapports entre la conscience finie et l’intimité infinie. Si on se borne à dire que l’être qui m’est propre est un être que je reçois, qui n’est point coextensif à l’Être total, mais qui [27] pourtant n’est point hétérogène par rapport à lui, l’unité du tout est sauvegardée, mais le panthéisme nous menace. Cependant, cet être n’est mon être qu’à condition que je puisse en disposer et, pour ainsi dire, me le donner à moi-même. A ce moment-là, mon être devient intérieur à moi-même : il se confond avec l’acte par lequel je me crée. Mais cette intériorité n’est jamais parfaite : car je suis un être double, qui, jusqu’au cœur de lui-même, trouve un objet dont il se sépare et qui demeure extérieur à lui. Il n’y a que l’Être total pour lequel il n’y ait rien en lui qui soit hors de lui. C’est en pénétrant en lui que je pénètre en moi, mais sans parvenir jamais à épuiser son ipséité infinie.
Le même rapport apparaîtra avec plus de clarté encore si je considère dans sa pure essence l’acte même par lequel je dis moi. Cet acte n’est jamais pur de toute passivité. Le monde même des phénomènes témoigne de sa limitation : et la complexité, la richesse croissante de ce monde phénoménal, manifeste dans cette limitation une variété d’aspects, une fécondité de renouvellement qui nous montrent qu’elle est elle-même, si l’on peut dire, d’une abondance sans mesure. C’est qu’ici déjà notre limitation fait éclater de toutes parts l’infinité de ce qui nous dépasse.
Il y a plus : cet acte est moi, mais sans que je puisse pourtant considérer comme mienne la puissance même qu’il met en œuvre. Le moi trouve devant lui une possibilité qui exprime pour ainsi dire l’être même qui lui est proposé, mais qui ne devient son être propre que par la disposition même qu’il en fait. Seulement, dans la vie personnelle du moi, c’est cette disposition qui est tout. Dès lors, si l’Être total enveloppe en lui tous les êtres particuliers, l’Acte infini, qui est une liberté pure, ne peut devenir un acte participé que s’il donne à toutes les consciences la faculté de se séparer de lui pour se constituer elles-mêmes grâce à un acte qui leur est propre.

...

VI. — Il est temps maintenant d’approfondir le rapport entre l’acte réflexif et l’acte créateur ; c’est seulement en cherchant comment ils se lient et comment ils s’opposent que nous parviendrons à comprendre l’insertion de notre individu dans le tout dont il fait partie et à pénétrer dans le mystère de la participation. Considérons de nouveau ce caractère d’inversion ou de retour qui est l’essence de l’acte réflexif. Il semble qu’il ne puisse jamais se poser seul. Il est une reprise de quelque chose qui jusque-là existait sans nous et qui ne le pourra maintenant qu’avec nous. C’est dans cette reprise que la conscience se forme ; et c’est cette reprise qui dépend de nous. Dès que notre activité fléchit, la conscience s’obscurcit : la nature et l’instinct recommencent à nous envahir. Mais ce sont les oscillations de notre volonté attentive qui marquent les différents degrés de notre participation à l’être et à la vie. Nous assistons alors à la naissance de l’esprit dont nous sentons bien qu’il n’est rien que par une opération qu’il nous faut accomplir, bien que cette opération ne trouve en nous ni la source de sa possibilité, ni la perfection qui lui donne son achèvement : et c’est pour cela que l’esprit ne paraît en nous [42] que par son opposition à la matière dont il nous délivre, mais avec laquelle il ne rompt jamais. Chacun de nous accorde davantage à la matière ou davantage à l’esprit et la ligne de démarcation qui les sépare ne passe pas par les mêmes points chez les différents êtres. Il est juste que ce soit notre liberté qui la trace selon la manière dont nous en usons, selon que nous préférons agir ou pâtir.

...

Depuis le XVIle siècle la réflexion philosophique considère comme sa démarche inaugurale, et même comme sa démarche constitutive, présente et impliquée dans toutes ses démarches particulières, celle que Descartes définit par les deux traits de feu du « Je pense, donc je suis », qui nous introduisent du même coup à la fois dans la conscience et dans l’existence. Mais le Cogito ne se borne pas, comme on le croit souvent, à poser la primauté du moi pensant pour en faire l’arbitre et l’étalon de la réalité : il nous met en présence d’une double participation du moi à la pensée et de la pensée à l’Être, ou plutôt du moi à l’Être par le moyen de la pensée, qui ne reçoit tout son sens qu’au moment où l’argument ontologique nous montre, dans l’infinité de l’Être qui se produit lui-même éternellement, le fondement réel de la participation, c’est-à-dire de l’acte de notre pensée, et par conséquent de son être même.

...

Le propre de la dialectique de la conscience, c’est précisément de définir les différentes formes de l’intervalle et de montrer comment elles suffisent à caractériser tous les modes de notre activité représentative et pratique, tous nos succès et tous nos échecs. Or nous pouvons, semble-t-il, distinguer trois types principaux d’intervalle dont tous les autres sont des spécifications : d’abord, l’intervalle entre l’acte et la donnée à l’intérieur duquel la puissance entre en jeu et la participation commence à se réaliser ; puis sa forme objective, qui est l’intervalle spatio-temporel, à l’intérieur duquel se constitue l’univers ; enfin, sa forme subjective, qui est l’intervalle entre l’entendement et le vouloir à l’intérieur duquel se constitue notre conscience personnelle.

...

V. — Mais il y a en nous une activité qui ne s’exerce qu’avec notre consentement, qui est toujours initiative et premier commencement, qui ne dépend que d’elle seule, qui est le type même d’une activité qui s’engendre elle-même ou qui n’existe que par soi, qui produit sa propre lumière, puisque c’est par son exercice que la conscience se constitue, qui enfin n’est le phénomène de rien, puisque toute sa réalité s’épuise dans son propre jeu et qu’il n’y a de phénomène que par rapport à elle. Nous la nommons la liberté : et la liberté est la seule réalité métaphysique authentique. La métaphysique est une science de la liberté et des conditions de son exercice.

...

Introduction à l’Ontologie :

Mais si l’être à sa racine est acte, c’est-à-dire intérieur à soi, s’il est un soi, qui est aussi un par soi, il est évident qu’il y a identité entre l’être et sa [VIII] propre justification. De là l’impossibilité de détacher l’ontologie de l’axiologie. Or ce n’est pas par hasard que la philosophie classique avait rapproché au point de les confondre les deux notions d’être et de bien, que les contemporains ne parviennent pas à séparer la notion d’existence de la notion de valeur, et qu’il est impossible d’évoquer la réalité sans la confronter avec l’idéal qu’elle contredit. C’est que la conscience est indivisiblement intellect et vouloir et qu’il est impossible à l’intellect de porter aucune affirmation sur un des modes de l’être sans assigner à celui-ci un caractère qui en fait en même temps un objet du vouloir : déjà, dans la perception la plus simple, l’objet qui s’offre à notre attention dessine en quelque sorte l’intérêt qu’elle y prend.
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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar hokousai » 12 nov. 2014, 23:27

Je conçois que nous soyons amené à envisager diverses formes de conscience . Mais je me concentre en fait sur une forme et peut -être parce qu'elle renvoie à un état que je pense commun (partagé ou ordinaire .. au sens où Descartes estimait que tout un chacun comprenait ce qu'il voulait dire" par je pense" ).

ce que dit Lavelle par exemple ne renvoie pas tpujours à du commun .
Lavelle a écrit :Je suis toujours au dedans de moi-même et toujours au dehors : à mesure que j’avance davantage, la ligne de séparation entre le dedans et le dehors ne cesse de s’effacer et de se reformer. On croit trop aisément qu’il est facile d’établir une frontière rigoureuse entre ce qui est moi et ce qui n’est pas moi. Mais qui oserait dire : jusque là c’est moi, et non point au delà ? Cette frontière est indéfiniment variable et indéfiniment extensible suivant la direction et la puissance de l’attention ou de l’amour.

Il y a des expériences de conscience qui ne sont pas communes et difficilement communicables de ce fait.
Je pense (c'est un exemple) à "la vision sans tête" que propose Douglas Harding. Je pense à la conscience sous hallucinogènes… Rien que la conscience que nous avons dans le rêve dépasse mon propos.

L' expansion de la question est donc certes possible.
Mais je le redis, de mon point de vue, je ne vois pas d'états de consciences supérieures ( ou plus parfaites ) qui exclut ne pas y être en tant que sujet. Ou bien ce serait la conscience de Dieu, ce dont j' ai dit que je ne pouvais pas la comprendre.
………………………………………………………….
Je reviens donc à plus circonscrit (et qui me pose déjà bien des difficultés )
Je ne quitte pas le fil de réflexion sur liberté déterminisme en fait.

C' est la dilution théorique du MOI qui est un problème.
Son existence est contesté , Il n'existe pas sinon comme idée imaginaire, et surtout pas comme centre de décision. Surtout pas comme autonome, comme centre autonome de décision.

Le système est vu comme une structure sans centres de décision . Plus exactement sans décision . C'est le problème le plus important du Spinozisme et Il est sous- entendu dès la distinction des chose finies (individuées ).

La solution est le conatus .
Le conatus n 'explique pas la finitude mais constate l' effort (Spinoza constate l' effort ).
On est ramené à la conscience de l'effort . Et a des prises de décision . Il y a prise de décision d 'une " essence" au sens de celle que j' ai en acte .

Il n' y a que dans dans l' essence consciente renvoyant à l'Ego que je connais l'effort pour perdurer.
Spinoza ne dit pas autre chose que nous sommes conscient de l' effort. Cet état de conscience claire est donc le seul état où s 'exprime un conatus .
( je peux avoir des idées claires comme des confuses je suis clairement conscient de les avoir )
Ce n'est ni un état factice ni une imagination.

C' est bien au contraire l'état le plus parfait de la volonté. Plus que cela, c'est le seul état où la volonté apparait . Et le seul état (de conscience) où la volonté apparait il faudrait qu'il soit imaginaire .
Or sans l' Ego cet état n'existe plus .

Ce qu 'on ne voit pas dans la théorie de l'automate spirituel c'est le rôle, la fonction, l'utilité de l 'EGO . Plutôt que d' en supposer on élimine l' EGO ( comme étant une fiction).
On élimine l 'Ego c'est à dire qu'on élimine la conscience tout simplement. Tout pourrait fonctionner à l'identique sans elle . Elle ne sert à rien .
Et l 'homme est compris comme un automate spirituel ( et encore heureux qu'on lui conserve ce " spirituel ") :wink:

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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar hokousai » 12 nov. 2014, 23:30

Excusez le ton un peu polémique ... j' ai apprécié les textes de Lavelle.

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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar sescho » 13 nov. 2014, 20:18

Une contribution, un peu en vrac mais je pense quand-même compréhensible... Je reprendrai en plus bref, et plus direct.

hokousai a écrit :Je ne me placais pas là dans l'intentionnalité là ( conscience de quelque chose ).

Si tant est qu’on soit autorisé à séparer l’intentionnalité de la conscience. Lavelle me semble dire que ce n’est pas (totalement) possible.

hokousai a écrit :...un état de la conscience est "égoïque". C' est je dirais celui que nous considérons comme le plus parfait . Donc nous tendons à la conscience réflexive . MOI devant Dieu .
Pas moi perdu en Dieu tel que je ne me verrai plus comme conscient de cette vision là .
Auquel cas il n'y aurait plus de vision du tout. Mais sans même parler de Moi devant Dieu .Tout simplement la conscience la plus claire à laquelle nous tendons ....est égoïque ( celle d'un ego )

Il me semble que la réponse c’est que Dieu et les modes de Dieu (« modes d’Être »), ce n’est pas un schéma objectif (auquel cas il n’a aucune valeur, puisque Dieu ne peut pas être objectif alors qu’il inclut le sujet...) : c’est la structure de la conscience elle-même... Dieu n’est pas un objet ; c’est pourquoi il est dangereux de le nommer. « Moi perdu en Dieu », cela veut dire « Moi perdu dans l’existence » (dans l’Être, qui recouvre tout étant, réel ou possible.) Cela sonne bizarre, quand-même.

Si nous partons de la double incorrection consistant à isoler le sujet après en avoir fait en premier lieu un objet, il est bien clair qu’il ne peut rien connaître à part lui-même ; en fait il ne peut rien connaître du tout (et c’est le début du CT), puisque pour connaître il faut être extérieur en quelque part à ce qu’on connaît (rétablissement de l’objet...). Co-naissance. C’est pareil pour la vision. Note : on pourrait tenter d’objecter : mais connaître c’est être (ce qui est affirmé par la haute spiritualité), mais ce serait là une pirouette en ce qu’elle poserait ici non pas une identité entre connaître et être, mais l’être conscient sans aucun connaître, ce qui m’apparaît aberrant (même si conscience et connaissance sont distinguées par les auteurs.)
Il ne peut pas concevoir plus grand que lui non plus, puisqu’il est à lui-même sa seule référence : donc pas de Dieu qui tienne. Bref, on tombe dans des apories à n’en plus finir.

Donc, on ne PEUT PAS concevoir de sujet sans objet, ni concevoir Dieu sans le sujet qui le conçoit et qu’il englobe pourtant, et donc sans les deux autres : c’est impossible. Et comme c’est de toute façon, dans tous les cas, forcément le sujet qui considère tout cela, c’est forcément en s’approchant du pur sujet qu’on trouve Dieu ; mais alors... il est impersonnel, infini, éternel.

La conscience racine de l’homme en question et Dieu ne peuvent faire qu’un ; rien d’autre n’est admissible logiquement. Si maintenant, comme déjà dit, on passe à l’objet qui est corrélatif, alors la conscience est conscience des corps comme étant : la conscience est le révélateur, mais la révélation c’est que les étants sont les corps ; en glissant sur le problème du passage à la Matière / Etendue (comme déjà noté, « la Matière » suppose une abstraction des corps, et donc une pensée pure), Dieu ne peut faire qu’un avec l’Etendue.

Nous venons semble-t-il de justifier successivement l’idéalisme, le matérialisme, et, en les associant en les superposant, le parallélisme des attributs de Spinoza...

Si on ne peut pas avoir conscience de Dieu, il faut tuer Dieu : c’est une illusion. Mais ce n’est pas possible, car Dieu est au contraire la seule évidence pure, immédiate, très concrète : « il-y-a. » Toutefois, à nouveau, cet « il-y-a » porte une connotation « objet », comme plus ou moins « Etre », et se réfère donc plutôt au monde comme (re)présentation ; plutôt passif. L’autre face, c’est le sujet, « je suis », l’Acte, et le monde comme volonté ; plutôt actif. « Moi devant Dieu » c’est le passif de la chose, « Moi Dieu » c’est l’actif.

Et à la croisée des deux, il y a « je suis il-y-a » ; c’est précisément le nom qu’on donne à Dieu, YHVH...

Pas de « je suis » sans « il-y-a ». Pas de sujet sans objet. C’est l’objet qui me révèle et me limite en même temps, entraînant que l’Être est plus grand que moi. Et comment le sujet fait-il la différence entre l’objet et lui (car ce n’est pas aussi évident qu’il peut le paraître) : selon moi, c’est nécessairement en faisant la différence entre ce qui dépend de sa volonté et ce qui n’en dépend pas ; ce qui en passant introduit la puissance motrice, passablement occultée jusqu’à présent. Lavelle semble donc avoir de bien hautes raisons de dire que c’est l’intervalle entre la (re)présentation et la volonté qui fonde le sujet...

Le sujet s’approche de lui-même en abstrayant les formes (modes en tant que ceci et cela) comme manifestations du il-y-a qui les enveloppe toutes (l’Etendue se rapproche...) ; se faisant, il apure en lui cet acte fondamental qui le fait (il fait un mouvement vers lui-même, sans pour autant éliminer l’objet) : être révélation active de il-y-a, ou plus simplement être il-y-a.

Note : même si la contemplation est une action, et sans doute l’action la plus représentative du sujet pur, je trouve quand-même que la puissance motrice (l’action) n’est pas assez présente dans ce qui précède. Cette force vitale, et avant même qu'elle ait des effets... C’est vrai que le panthéisme penche vers l’objet, et peut se lier ainsi à l’orientation naturelle, mais évidemment très partielle, de la Physique. La phrase colossale de Desjardins/Prajnanpad dit bien « intérieurement : activement passif ; extérieurement : passivement actif » ( 1) passif = réceptif, « écoute » ; 2) l’action se déroule spontanément, sans volontarisme ni but, mais pas sans raison.) Il y a les deux, et c’est juste. On peut y voir aussi l’association intime du yin et du yang. D’ailleurs le côté « individuel » vient bien de l’intimité absolue de la volonté, et c’est bien ce qui différentie les individus... A reconsidérer... Par ailleurs, comment prendre conscience d’un acte pur, qui n’est en aucune façon un objet ? Par ses effets objectifs ? Ou on n’en prend jamais conscience, en fait ? A cela c’est sûr Lavelle répond dans les grandes largeurs... A voir (il y a déjà des éléments dans les citations ci-dessus)...

Mais cela n’est sans doute pas tout : ce pur « je suis » qui s’égale à « il-y-a », même impersonnel, atemporel (éternel), etc., est encore la Nature naturée, saguna brahman. En amont encore : la nature naturante, nirguna brahman,... et la manifestation (pour un extérieur en état de veille, forcément) pourrait en être... le sommeil profond : rien ! Pas le néant : un vide plein de potentiel. Un acte sans action, même pas objectivable indirectement par ses effets. Notre nature première serait : rien !

On comprend que Ramana Maharshi ait si souvent simplement répondu à un questionneur de s’interroger plutôt sur « qui pose la question... » :-)
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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar sescho » 13 nov. 2014, 23:10

Un point saisi en passant, hors d’œuvre :

hokousai a écrit : Il y a des expériences de conscience qui ne sont pas communes et difficilement communicables de ce fait.
Je pense (c'est un exemple) à "la vision sans tête" que propose Douglas Harding. Je pense à la conscience sous hallucinogènes… Rien que la conscience que nous avons dans le rêve dépasse mon propos.

Déjà, soyons clair : nous voyageons en compagnie d'étants humains exceptionnels, et la Métaphysique (dont l'Ontologie fait partie au premier chef) rigoureuse est le domaine philosophique qui leur correspond. On ne peut pas à la fois rester dans la conscience ordinaire (qui comprend - de fait, sinon dans les dires - la croyance au libre-arbitre, l'orgueil et la culpabilité, l'accusation et la victimisation, la haine et l'amour égotique, l'espoir et la crainte, le passé et le futur, le succès et l'échec, le but à atteindre, etc., etc.) et avoir connaissance intuitive directe, non-verbalisée - la vie même - de cela. Selon toute information, l'éveil (rarissime en tant qu'acte renouvelé en permanence) à la vérité ultime n'a que peu de rapport avec la conscience ordinaire (voir plus haut), sans pour autant rien remettre en cause de la vie commune naturelle (bien au contraire : tout y est riche.) Et la Métaphysique (qui est une représentation rationnelle de la vie profonde même) suit forcément. Il est par ailleurs bien précisé que ce ne sont pas des expériences (temporaires), ni même des états (cela c'est déjà de l'objet, plus du sujet.)

Mais le point c'est au sujet de la "vision sans tête" de Douglas Harding (une référence sérieuse en haute spiritualité.) La "vision sans tête" c'est le vécu de ce que pointe la phrase (notamment, et encore, Desjardins/Prajnanpad) : ultimement, il n'y a plus de spectateur, il n'y a plus que le spectacle (en substance.) C'est très facile à relier à ce que j'ai dit plus haut : je suis il-y-a, et c'est impersonnel je suis = il-y-a, et comme ce n'est pas personnel, il reste "il-y-a". Il y a un parallèle chez Lavelle, que la seule chose qui ne peut être éclairée, c'est la lumière (ou quelque chose du genre.) Cet autre parallèle avec la "vision sans tête" (qui n'a rien à voir avec des hallucinations ; c'est au contraire la conscience commune qui est une hallucination...) se comprend très bien à partir de la vision réelle : la seule chose qui (assurément) ne peut être vue, c'est l’œil qui voit (il n'est vu que par un extérieur, ou le truchement objectivant d'un miroir, etc.), c'est le sujet. Donc si j'élimine la connaissance rapportée et objectivante qui ne sert à rien sinon à m'empoisonner la vue et la vie, autrement dit, si je ne pense pas que c'est mon œil (moi) qui voit, alors il ne reste que la vision. Et c'est cela qui est le véritable je...

Mais comme l'a remarqué Franck Terreaux, le problème de "homme sans tête", c'est que cela froisse l'évidence objective la plus banale. Et il a monté et mis en ligne une petite vidéo sans prétention cinématographique, mais qui explique cela de façon ludique très simplement : https://www.youtube.com/watch?v=8vXI2VGHlV4
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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar hokousai » 13 nov. 2014, 23:18

à Sescho

Si tant est qu’on soit autorisé à séparer l’intentionnalité de la conscience. Lavelle me semble dire que ce n’est pas (totalement) possible.


Le langage nous trompe dans la mesure où on dit le plus souvent "je suis conscient de ( qq chose )"… encore qu'on puisse dire "je suis conscient"( point ).
Mais je ne veux pas masquer la question et me cacher derrière le langage.

Bien évidemment , je ne suis pas désincarné , ni hors du monde. Donc j ai conscience de quelque chose .
Spinoza dit que L'esprit est l'idée mais pas l' idée de qq chose qui n'existe pas .
C est avoir une idée présente à l'esprit et une idée de qq chose ( le corps ).

je distingue simplement le fait d'apparaître de cette idée, je le distingue de l' idée. Le fait d apparaître comme présence. Ce qui de mon point de vue est important comme question. M' apparaitre comme présence est une question. Tout simplement : je ne m'apparais pas hier ou demain .
Et c'est une question que souvent Spinoza effleure quand il parle de poser dans la présence mais qu'il n'a pas vraiment thématisée.
A moins que cette présence puisse révéler l'éternité.

Je suis donc amené à théoriser une conscience pure ( et sans doute pas à l'éprouver comme pure )… sinon à méditer ( au sens oriental) sur la présence pure .
.......

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Re: Clinamen, atomisme et liberté

Messagepar hokousai » 13 nov. 2014, 23:52

Mais le point c'est au sujet de la "vision sans tête" de Douglas Harding

Là j' ai un vrai problème de fond.

L'Expérience en question, plus ou moins aisée ...produit un état mental particulier qu'on peut assimiler à de la non séparabilité.

Mais supposons là sans vision. Sans tête mais aussi sans vision ( c'est à dire les yeux fermés, mais aussi les oreilles, l'odorat, le touché... enfin bref in fine sans corps ... Encore faudrait-il que mon corps ne me cause aucune souffrance ou plaisir en ces moments là .

Cette expérience là serait très heureuse ( je ne sais trouver le mot ), comme l' expérience de l' hypnose est très heureuse.
Sans corps, ni extérieurs, ni intérieurs , c'est à dire effectivement sans Ego, mais sans présence non plus de quoi que ce soit .
Je n' y suis plus en fait. Et quand je n'y suis vraiment plus, je ne suis ni heureux ni malheureux, je n'éprouve plus rien du tout .

Et je me demande si alors l analogie ne peut pas se faire avec l'inconscience . Car il me semble que sortant de cette absorption, je m'en réveille ( ou plutôt ) je me réveille.


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