Conscience et conscience de soi

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar sescho » 03 janv. 2015, 14:18

Je prends ces sujets difficiles par sous-thèmes successifs, en espérant que nous ressouderons le tout in fine... :)

hokousai a écrit :Je veux bien intégrer le MOi dans une chaine de causalité comme un mode de la substance mais ce n' est pas ainsi que je me comprends en première instance comme Moi . SI j 'élude la première instance je passe à côté du Moi et le ramène au statut de représentation, un objet que j' observerais. Mais dans l'observation se conserve le MOI qui observe et je n'ai pas avancé .

Ce n'est pas une question de "théorie" dans tous les cas : si la "première instance" est un ressenti immédiat, qui se comprend par lui-même, elle est donc... substance. On ne doit ni ne peut séparer les deux, juste analyser de quoi il s'agit, si toutefois c'est possible. Donc la question ici est : de quelle nature est cette "première instance" ? Je vois mal qu'on place le Moi en aval de la Conscience et qu'on dise tout en même temps qu'il est au-dessus de la Conscience... Donc, ce Moi-en-première-instance est-il véritablement première instance, ou non ? Peut-on ressentir un "Moi" sans que ce Moi entre dans la Conscience ? Si non, la première instance est la Conscience, et s'il y a aussi Moi en première instance, c'est que "Moi = Conscience"...

Par ailleurs, rappelons que c'est une erreur (grave) que de séparer la substance de ses modes. On peut très bien ne percevoir que des choses singulières, et pourtant en abstraire immédiatement, automatiquement, la substance dont elles procèdent. On voit bien poindre à ce stade que la substance se confond avec la perception "il y a", c'est-à-dire avec... la Conscience, qui en propre est continue, infinie et intemporelle...

On se demande en outre ce que pourrait bien vouloir dire "conscience" même sans qu'elle soit conscience d'elle-même par sa nature immédiate. Et même comment pourrait-elle être conscience sans être conscience de quelque chose qui se distingue en quelque part d'elle-même (con-science, con-naissance.)

Sinon, à nouveau, il faut impérativement expliciter ce que l'on entend par "Conscience".

hokousai a écrit :De mon point de vue je ne peux prendre consciente de ce voir que si c'est MOi qui voit. Non que voyant je sois inconscient, certes non, mais que voyant je peux être conscient mais ne pas avoir conscience que je vois .

Hum... "Voir", comme dit Spinoza, ce n'est pas une image peinte dans le cerveau, mais cela implique un voyant (sujet) et un vu (objet), et donc la Conscience. Si c'est juste une image peinte, je vois mal où la notion de "Moi" pourrait trouver la moindre justification, et celle de Conscience itou : il n'y a plus aucune relation distinguée. "Il y a" suppose plus qu'une image. Sinon il faut attribuer la conscience à un mur en face d'un arbre, et réciproquement, et de même pour tout : une pierre collée contre une autre (à moins qu'on refuse de les séparer, etc.)

Au contraire, le voir réel s'identifie au Moi et donc à la Conscience.

hokousai a écrit :Le déplacement du problème est exprimé par : "Ça voit" (forme impersonnelle)
ou plus radical :"il se voit un monde" ou "un monde apparait". Effectivement une certaine forme de conscience peut être dites ainsi.

Je suis "il y a" (l'Être) : c'est la base de la Conscience et du Moi... Mais en même temps, simultanément, l'Être est plus grand que Moi : la Conscience (impersonnelle) est plus grande en Droit que la conscience personnelle et la contient...
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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar sescho » 03 janv. 2015, 15:03

hokousai a écrit :Est- ce que le monde apparait sans moi?
SI vous répondez affirmativement alors le monde est en quelque sorte dans la lumière d' une présence ( actuelle ) objective .(indépendante de sujets conscients du présent actuel ).

Je réponds par la négative (et parler d'un sujet qui ne serait pas vous est une trivialité : il n'y a qu'un sujet réellement perçu pour moi : moi.) Il n'y a pas de présentation s'il n'y a pas de "présentateur." Le monde EST ("objectivement" si l'on veut user de ce terme sous ce sens, moi-même étant compris dedans) mais n'apparaît pas sans moi, sous quelque forme que ce soit, donc.

hokousai a écrit :Dans le présent le monde est comme en arrêt. L'image du monde est plus ou moins stable .On dit qu'on a là le monde réel /actuel.

Je dirais que le monde est en mouvement aussi bien qu'en repos (le mouvement même n'a pas de sens s'il est imaginé comme chaos absolu, ce qui équivaut à rien du tout.) Le présent ne se distingue pas de ce qui est. Tout le monde le prend bien comme cela.

Pour moi, ce qui a bien moins de probabilité d'être solide, c'est le temps... Il y a sens du rythme et de la séquence (avant et après), c'est vrai, mais j'admets néanmoins très bien avec Spinoza que le temps ne se distingue pas d'un rapport de mouvements. Il n'y a ni passé, ni avenir, ni instant présent, ni succession d'instants : il y a mémoire, imagination et conscience du mouvement MAINTENANT. Et MAINTENANT c'est juste MAINTENANT : il n'y a pas de succession dans le MAINTENANT. C'est la Conscience même de ce qui est, en fait. Donc ceci correspond au 1) dans ce que vous proposez, mais sans "arrêt", et bien avec mouvement.

hokousai a écrit :2) Deux « maintenants » différents et c’est le cas du mien et du vôtre qui ne voient pas le même monde, sont-ils simultanés contenus dans un présent plus vaste et objectif ? Lequel engloberait l’ état actuel infini des choses ( mais présentes/actuelles )

Il n'y a pas deux "maintenant", car la Conscience est unique (impersonnelle, infinie, intemporelle.)
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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar sescho » 03 janv. 2015, 17:04

hokousai a écrit :Ce qui ne veux donc pas dire que le JE n'est pas quelque part à un autre niveau et il l'est, c'est évident, quand je me dis que "je contemple ". Ce qui n' est pas poser une thèse sur la substantialité du" je ". Pas plus que de voir un arbre est poser une thèse sur la substantialité de l'arbre.

Desjardins / Prajnanpad disent bien : non pas "je regarde l'arbre" mais "l'arbre est regardé". Donc c'est bien là la question effectivement sur la table : la formule "je contemple" est-elle si justifiée naturellement que cela ?

Pour la substantialité, voir ci-dessus. Il s'agit juste de savoir ce qui est absolument premier, et comment le second s'insère dans le premier... Si on dit que le moi se justifie de lui-même, primitivement, immédiatement, c'est qu'il est substantiel, par simple définition : il s'explique par lui-même et par rien d'autre. Poser le "je" comme évident par lui-même est automatiquement poser la substantialité du "je". L'équivalent objet n'est pas l'arbre, mais là l’Étendue.

La question qui vient derrière c'est : j'accorde d'être (le "se pose là") tant à moi qu'aux objets. Comment dans ces conditions le Moi pourrait-il être antérieur à l'Être ?! Si j'appelle Conscience l'affirmation de l'être, cette question devient : comment le Moi pourrait-il être antérieur à la Conscience ?

Comment puis-je séparer de moi ce qui apparaît dans "ma" conscience ?

hokousai a écrit :
Ruyer a écrit :Le domaine visuel et la conscience en général est domaine mien parce qu’il est ici..


Ne pas déjà dire qu'il est mien avant qu'il ne le soit ( c'est à dire endossé par un JE )
Donc plutôt dire: Le domaine visuel et la conscience en général est domaine parce qu’il est ici.

Je crois que Ruyer veut dire que c'est l'espace qui introduit l'élément de séparation entre le sujet et l'objet, et que c'est donc lui qui crée le "je". Autrement dit, c'est le point de vue localisé dans l'espace qui selon lui induit le "je."

Pour moi, il faut que je sache que ce que je vois ne répond pas (mouvement) à ma volonté pour que la différentiation sujet-objet se fasse. Ceci nous renvoie bien comme le veut Lavelle vers l'Acte.

hokousai a écrit :
Ruyer a écrit :Il n’est pas ici parce qu’il serait vu par moi qui serait un ici abstrait et a priori.


Là on a une causalité ou plutôt un déni de causalité.

Une causalité que personnellement je ne mets pas ainsi.
C' est à dire que je ne dis pas que le monde est là parce qu'il serait vu par moi. Mais qu'il est vu
1) parce qu'il est ici ( donc éventuellement visible )
2) parce qu'il est vu par moi .
Deux causes.
Mais la seconde ( le "Je" ) est essentielle. Car c'est la conscience qui arrête un maintenant. Ce n'est pas le monde qui s' arrête.
Et la conscience que je peux perdre par moment c'est bien celle d' un individu ( moi ).

Là je crois que Ruyer veut signifier non pas qu'il n'y a pas de moi, mais qu'il n'y a pas de moi-a-priori qui voit (cela c'est le sujet transcendantal.) Ceci rejoint ce que nous avons déjà admis, savoir que le sujet ne se révèle QUE dans la relation sujet-objet. J'ajoute qu'il y a donc forcément lien sujet-objet, et ce lien est Dieu... Dieu, Soi et les choses sont indissociables et "se révèlent" par une seule et même opération...

Ceci ne me semble pas contradictoire avec ce que vous en dites :

1) Le monde EST (objectivement, même en faisant abstraction de la présentation subjective, donc.)
2) Le monde EST en même temps que le sujet EST, parce que rien ne peut affirmer l'être qu'un sujet (ce qui ne contredit pas pour autant le 1) : sans sujet il n'y a rien pour concevoir quoi que ce soit, pas même un monde existant sans sujet pour le voir...)

Conscience = maintenant.

Sans conscience pour moi il n'y a pas d'individu (et il n'y a d'individu que pour un sujet.) Il n'y a pas de "je" qui perd conscience : il n'y a tout simplement pas de "je" sans conscience. Et l'éthique admet ainsi les comas profonds (jugés) irréversibles. C'est pourquoi je tends aussi à contester qu'il y ait un "moi" dans le sommeil profond (un des grands sujets de l'Advaïta...)


P.S. Je ferais ici une nouvelle fois une remarque générale qui me semble très importante, et explique je pense un certain nombre de mécompréhensions graves entre Orient et Occident : déjà il ne faut pas confondre le sujet réel et un pseudo-sujet / pseudo-objet fantoche (le "petit moi") imaginativement surimposé dessus (ce qui est universellement répandu, et dont la détection demande donc beaucoup de discernement.) Il peut y avoir un "faisant"' distinguable en quelque part mais pas pour autant de "faiseur", auteur distinguable absolu, associé. De surcroît, le sujet pur est acte, objectivable en rien. Dans le même ordre, on ne peut pas assimiler Conscience et Intelligence avec la pensée compulsive et affective. En outre, il faut faire la discrimination entre vivre une chose et disserter de cette chose comme objet théorique ; le vrai sujet c'est moi intuitif et rien d'autre ; le sujet théorique qu'on oppose à l'objet et aux "autres sujets" c'est de l'élaboration mentale. Etc.

C'est pourquoi Franck Terreaux dit que la question "Qui suis-je" doit être inversée : Suis qui-je ? Cela ne veut rien dire pris brut, et c'est parfait car d'une part cela fait vaciller le mental, d'autre part montre le bug dans la formule consacrée : une fois que j'ai dit "suis", je n'ai pas besoin de rajouter "qui ?", et la réponse "je" n'a donc aucun sens...
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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar hokousai » 03 janv. 2015, 18:11

mais qu'il n'y a pas de moi-a-priori qui voit


Non mais ça d'accord : je ne vois pas avant de voir.

Mais antérieurement ( et pas nécessairement compris dans une temporalité fluante ) il y a bien quelque chose qui produit. Je ne nait pas ex nihilo.
Qui produit et qui ne produit pas de l' impersonnel ( ou pas uniquement ).
Si j'étais toujours dans la vison béatifique impersonnelle, évidemment qu'il n''y aurait plus de problème du JE du tout . Mais ce n'est pas le cas.

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar hokousai » 04 janv. 2015, 00:00

Je réponds plus amplement à ce qui précédait ( je ne reviens pas pour le moment sur Ruyer )


Je vois mal qu'on place le Moi en aval de la Conscience et qu'on dise tout en même temps qu'il est au-dessus de la Conscience... Donc, ce Moi-en-première-instance est-il véritablement première instance, ou non ? Peut-on ressentir un "Moi" sans que ce Moi entre dans la Conscience ? Si non, la première instance est la Conscience, et s'il y a aussi Moi en première instance, c'est que "Moi = Conscience"...


Je vous ai dit
mais ce n' est pas ainsi que je me comprends en première instance comme Moi .


Ce qui veux dire que je ne me comprends pas en première instance comme intégré dans une chaîne de causalités dont le MOI serait un effet.
Vos considérations ( légitimes ) relèvent de l’analyse du ressenti en première instance.
Je ne suis pas certain qu’en première instance ce soit la conscience d 'avoir conscience qui prime.
Je suis même convaincu du contraire. On a un MOI avant d’ avoir conscience qu' on a conscience de l’avoir.

Ce n’est que l’analyse qui logiquement conduit à dire que sans conscience il n’y a pas de MOI du tout.
C’ est à dire à partir du moment ou le MOI est érigé en problème (philosophique ).
………………

Sinon, à nouveau, il faut impérativement expliciter ce que l'on entend par "Conscience".


Je comprends par là une présence , l’affirmation dune présence. L’ état où je pourrais répondre à la question:" et maintenant ?"
Ce qui veux dire’ que je peux répondre soit que j' y suis, soit que j ‘y étais… enfin bref qu il apparaissait quelque chose de présent.
………………..

Il n'y a pas deux "maintenant", car la Conscience est unique (impersonnelle, infinie, intemporelle.)


Non là je diverge. Je ne parle jamais de LA conscience (universelle ) mais de la mienne ( et de celle d’autrui que je peux présumer analogue de forme à la mienne).
L’ état de conscience n’est pas continu ni égal en qualité . Les états qui sont miens ne sont pas simultanés avec ceux d’autrui.

amicalement

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar hokousai » 04 janv. 2015, 18:05

Il faut bien comprendre que je défends une position internaliste ( opposée donc à l'externalisme du structuralisme, ou à celui d' un certain marxisme ou à Deleuze )
Je m'oppose donc aux interprétations externalistes du spinozisme. Je pars de l'intériorité.


Spinoza a écrit :Scolie de la proposition 29/2)
Je dis expressément que l'âme humaine n'a point une connaissance adéquate d'elle-même, ni de son corps, ni des corps extérieurs, mais seulement une connaissance confuse, toutes les fois qu'elle perçoit les choses dans l'ordre commun de la nature ; par où j'entends, toutes les fois qu'elle est déterminée extérieurement par le cours fortuit des choses à apercevoir ceci ou cela, et non pas toutes les fois qu'elle est déterminée intérieurement, c'est-à-dire par l'intuition simultanée de plusieurs choses, à comprendre leurs convenances, leurs différences et leurs oppositions ; car chaque fois qu'elle est ainsi disposée intérieurement de telle et telle façon, elle aperçoit les choses clairement et distinctement, comme je le montrerai tout à l'heure.

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar sescho » 05 janv. 2015, 08:35

hokousai a écrit :... je ne me comprends pas en première instance comme intégré dans une chaîne de causalités dont le MOI serait un effet.

Moi non plus : dans mon esprit nous ne sommes pas encore descendu à ce niveau (qui inclut non seulement ce qui m'arrive ou que je produis dans les faits, mais même les caractéristiques personnelles plus constantes.) La question est juste de savoir ce qu'est ce Moi primitif qui s'impose avant tout, et aussi ce qu'est la Conscience, et la relation entre les deux. Le reste ci-dessus vient seulement en aval.

Vous dites, pour la Conscience :

hokousai a écrit :Je comprends par là une présence , l’affirmation dune présence. L’ état où je pourrais répondre à la question:" et maintenant ?"
Ce qui veux dire’ que je peux répondre soit que j' y suis, soit que j ‘y étais… enfin bref qu il apparaissait quelque chose de présent.

Si je vous comprends bien, pour vous Conscience = Il-y-a ! (Présence.) Si c'est bien cela, cela me convient très bien.

En outre, ce il-y-a ! suppose pour vous le Moi. Cela me convient aussi, mais si et seulement si c’est "en simultané" : la Conscience est donnée en même temps que le Moi.

Mais il y a quand même dans cette "simultanéité" un ordre ontologique. Je vois mal qu’on conçoive le Moi sans l’identifier peu ou prou au Sujet. Je vois mal aussi qu’on le conçoive sans la Conscience, alors qu’il est conscience de soi...

Le Moi étant Sujet implique l'Objet, et aussi l'Être (il-y-a !) qui englobe tout le monde, et qui s’identifie à la Conscience.

Moi apparaît donc - de façon paradoxale de premier abord - être en premier lieu ontologique la pleine conscience à un titre au moins, de quelque chose dans lequel il est immergé et qui le dépasse : l'Être, impersonnel. Tout en même temps, sans séparation possible, il voit les manières d'Être, qui s'opposent en quelque part, dans l'Être qui les réunit. C’est le A > A paradoxal de Jourdain...

La réserve que j’émets in fine c’est que le Sujet est acte, et pas objectivable. Il n’est pas que présentation mais aussi volonté, et même quelque part la présentation même relève de la volonté. Mais s'il n'y a pas conscience de la volonté, ceci ne peut constituer un Moi. "Conscience de l'effort..."

hokousai a écrit :Je ne parle jamais de LA conscience (universelle ) mais de la mienne ( et de celle d’autrui que je peux présumer analogue de forme à la mienne).
L’ état de conscience n’est pas continu ni égal en qualité . Les états qui sont miens ne sont pas simultanés avec ceux d’autrui.

C’est exactement le même problème que précédemment : vous placez le Moi sans, et avant, la Conscience. Vous "identifiez" Moi sans conscience de Moi...

La Conscience pure étant ressentie (ce n’est pas une notion générale, c’est directement vu comme cela) impersonnelle, c’est tout naturellement qu’elle est dite universelle, de même que n’incluant pas de temps, ni de limites, qu’elle est aussi dite infinie et éternelle. Les états de conscience sont DANS la conscience, mais pas la Conscience même.
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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar sescho » 05 janv. 2015, 09:39

hokousai a écrit :Il faut bien comprendre que je défends une position internaliste ( opposée donc à l'externalisme du structuralisme, ou à celui d' un certain marxisme ou à Deleuze )
Je m'oppose donc aux interprétations externalistes du spinozisme. Je pars de l'intériorité.


Spinoza a écrit :Scolie de la proposition 29/2)
Je dis expressément que l'âme humaine n'a point une connaissance adéquate d'elle-même, ni de son corps, ni des corps extérieurs, mais seulement une connaissance confuse, toutes les fois qu'elle perçoit les choses dans l'ordre commun de la nature ; par où j'entends, toutes les fois qu'elle est déterminée extérieurement par le cours fortuit des choses à apercevoir ceci ou cela, et non pas toutes les fois qu'elle est déterminée intérieurement, c'est-à-dire par l'intuition simultanée de plusieurs choses, à comprendre leurs convenances, leurs différences et leurs oppositions ; car chaque fois qu'elle est ainsi disposée intérieurement de telle et telle façon, elle aperçoit les choses clairement et distinctement, comme je le montrerai tout à l'heure.

Oui, c'est très conforme à Spinoza, qui dans l'extrait s'annonce comme hyper-rationaliste. Mais Spinoza dit bien aussi que cet intérieur est révélé par l'interaction avec l'extérieur (nous étions d'accord ensemble sur ce point), qui aboutit d'abord aux notions communes (axiomes) : révélations intérieures (intègres en l'Homme comme en Dieu) de vérités universelles (et donc à ce titre ni intérieures ni extérieures mais divines.) L'exercice de la Logique et surtout la saisie immédiate, intuitive, des Lois, enrichit cela sans limite visible ("infini en Droit".)

Il apparaît bien chez Spinoza qu'il s'agit dans le développement / l'expression de la Raison d'une causalité strictement intérieure (qui ne dépend que de l'essence propre de l'Homme, c'est-à-dire dont il est cause adéquate.) Ceci est confirmé (alors même qu'aussi relativisé) par E4P4 (et encore par E4P20 et n suivantes, et aussi E2P45S, etc.) Rappelons qu'en outre dans E2P48, la "volonté" en cause n'intègre très explicitement pas le désir, mais seulement l'affirmation contenue dans l'idée (ce sera le contraire dans E3P9 et suivantes.)

Mais je rappellerais qu'il faut faire très attention chez Spinoza à la distinction entre causalité immanente (Raison) - "englobante", "en poupées russes" ou "gigognes" - et causalité transitive (E1P28), comme vous l'avez implicitement souligné vous-même en opposant l'analytique au ressenti immédiat. Chez Spinoza la seconde domine dans l’Étendue, mais la première domine dans la Pensée ; comme déjà dit, E2P9 est la clef. On pourrait ainsi devoir distinguer un enchaînement de type rationnel (ontologique), strictement interne, de l'apparition ou la disparition d'une certaine idée dans le temps - si toutefois elle n'est pas permanente, bien sûr -, plus difficilement justifiable de même...

Par ailleurs, même exprimé individuellement et dans le monde seulement, cela n'a rien de personnel : la Raison est universelle (la même pour tous les hommes, donc, et essence (propre) de l'Homme.) Mais je vous accorde à nouveau que cette ontologie analytique n'implique pas pour autant que le côté individuel est supprimé : si tout cela est simultané...

En outre, Spinoza place implicitement Dieu au-dessus des notions communes par - outre E1D6, bien sûr, E2P45-46, ... - E2P47 (même tout en disant dans le scholie que "tous les hommes n’ont pas une connaissance également claire de Dieu et des notions communes").


P.S. Au seul endroit où le terme « cause intérieure » devait (le contexte le montre très clairement) apparaître explicitement, savoir E3P30S pour la vanité et la honte ... une erreur a substitué « extérieure » à « intérieure. » Mais même avec la correction, il ne s’agit que de « l’idée d’une cause intérieure », ce qui n’est pas suffisant pour en faire une réalité...

Mais il reste bien (citons encore avec E4P4 : E3D1-2, E3P1, E4AppCh2, E5P31, ...) que Spinoza admet des changements se comprenant uniquement par l'essence propre de l'Homme, et on peut y rapporter le désir actif en général, peu ou prou (E3P58-59). En quoi cela ne contredit pas E3P4 et Dm (voire E1P28 et E2P9) reste cependant un point effectivement à préciser de mon point de vue, comme vous le vouliez.
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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar hokousai » 05 janv. 2015, 22:41

C’est exactement le même problème que précédemment : vous placez le Moi sans, et avant, la Conscience. Vous "identifiez" Moi sans conscience de Moi...


Non je ne crois pas.
Si je n'ai pas conscience, il n'y a pas de MOI. EN revanche je crois qu'il y a un individu ( un organisme individué ) qui prend conscience et conséquemment qu'il y a alors un MOI.
( et pas pour tous les organisme individués ... je ne sais cela que pour moi et disons l' homme )
.......................................
En outre, ce il-y-a ! suppose pour vous le Moi. Cela me convient aussi, mais si et seulement si c’est "en simultané" : la Conscience est donnée en même temps que le Moi.


Non la conscience est avant le MOI. Avant de me saisir comme MOI je m'éveille du sommeil par exemple. Je suis conscient de la présence de ma chambre meublée maintenant et plus ou moins vaguement de mon corps. Le plus ou moins vaguement est important.
Ce que je voulais dire par
hokousai a écrit :Je ne suis pas certain qu’en première instance ce soit la conscience d 'avoir conscience qui prime.
Je suis même convaincu du contraire. On a un MOI avant d’ avoir conscience qu' on a conscience de l’avoir.
UN moi, par MOI clairement conscient de lui même. UN moi vague.

Pour résumer : Le il y a suppose un individu ( un organisme ) conscient ( éveillé ) qui n'est pas d' emblée un MOI conscient de lui même.

Mais la concience claire du MOI est bien évidemment simultanée avec elle même .
............................

La réserve que j’émets in fine c’est que le Sujet est acte, et pas objectivable. Il n’est pas que présentation mais aussi volonté, et même quelque part la présentation même relève de la volonté. Mais s'il n'y a pas conscience de la volonté, ceci ne peut constituer un Moi. "Conscience de l'effort..."


Vous faites référence implicite et peut- être sans le savoir(?) à un philosophe que j' aime beaucoup Maine de Biran .
............................

La Conscience pure étant ressentie (ce n’est pas une notion générale, c’est directement vu comme cela) impersonnelle, c’est tout naturellement qu’elle est dite universelle, de même que n’incluant pas de temps, ni de limites, qu’elle est aussi dite infinie et éternelle. Les états de conscience sont DANS la conscience, mais pas la Conscience même.


Oui d'accord, mais je substantifie pas la conscience.

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar hokousai » 05 janv. 2015, 22:48

Je vous réponds plusieurs fois par NON. Ce n'est pas que je sois en désaccord profond avec vous . C'est que je veux être bien compris. :)
Cela dit ma dernière phrase est pour moi importante : je ne substantifie pas la conscience.
Je pense que l'advaita vedanta la substantifie.

J 'aurais tendance à voir la conscience comme un mode infini immédiat de la pensée.


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