Conscience et conscience de soi

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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hokousai
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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar hokousai » 02 juin 2016, 19:08

La lecture de "matière et mémoire" me semble indispensable à un deleuzien. :)

aldo
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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar aldo » 02 juin 2016, 19:33

hokousai a écrit :Matière et mémoire de Bergson est non résumable ( texte difficile et très important )

C'est dire que nous saisissons, dans l'acte de la perception, quelque chose
qui dépasse la perception même, sans que cependant l'univers matériel diffère
ou se distingue essentiellement de la représentation que nous en avons. En un
sens, ma perception m'est bien intérieure, puisqu'elle contracte en un moment
unique de ma durée ce qui se répartirait, en soi, sur un nombre incalculable de
moments. Mais si vous supprimez ma conscience, l'univers matériel subsiste
tel qu'il était
: seulement, comme vous avez fait abstraction de ce rythme
particulier de durée qui était la condition de mon action sur les choses, ces
choses rentrent en elles-mêmes pour se scander en autant de moments que la
science en distingue, et les qualités sensibles, sans s'évanouir, s'étendent et se
délayent dans une durée incomparablement plus divisée. La matière se résout
ainsi en ébranlements sans nombre, tous liés dans une continuité ininterrompue,
tous solidaires entre eux, et qui courent en tous sens comme autant de
frissons. -
Reliez les uns aux autres, en un mot, les objets discontinus de votre
expérience journalière ; résolvez ensuite la continuité immobile de leurs
qualités en ébranlements sur place ; attachez-vous à ces mouvements en vous
dégageant de l'espace divisible qui les sous-tend pour n'en plus considérer que
la mobilité, cet acte indivisé que votre conscience saisit dans les mouvements
que vous exécutez vous-même : vous obtiendrez de la matière une vision
fatigante peut-être pour votre imagination, mais pure, et débarrassée de ce que
les exigences de la vie vous y font ajouter dans la perception extérieure.
-

Henri Bergson, Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit. (1939) page 124


http://classiques.uqac.ca/classiques/bergson_henri/matiere_et_memoire/matiere_et_memoire.pdf il me semble que Deleuze s'efforce de suivre l 'idée de Bergson
vous obtiendrez de la matière une vision
fatigante peut-être pour votre imagination, mais pure,


C'est à dire imaginer le monde qui si vous supprimez ma conscience, l'univers matériel subsiste
tel qu'il était

J'avoue concéder que c'est avec une discrétion absolue que tu es passé subrepticement des objets de le pensée dont je parlais à la matière, au monde matériel.
(c'est sûr que les chats et les arbres n'ont pas besoin de la conscience d'Hokousai ou d'Aldo pour exister, pas plus qu'ils n'ont besoin d'être "objectivés" hum hum)
T'es un grand malin, Hokousai... :enfin:

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar hokousai » 03 juin 2016, 13:17

Bergson a écrit :Mais si vous supprimez ma conscience, l'univers matériel subsiste
tel qu'il était
Je ne suis pas du tout certain que si on supprimait la conscience l' univers subsisterait tel qu'il était .Chez Bergson la conscience semble superfétatoire.
Bon là j' exagère :wink: .

texte de Bergson sur la conscience


« Qui dit esprit dit, avant tout, conscience. Mais, qu'est ce que la conscience ? Vous pensez bien que je ne vais pas définir une chose aussi concrète, aussi constamment présente à l'expérience de chacun de nous. Mais sans donner de la conscience une définition qui serait moins claire qu'elle, je puis la caractériser par son trait le plus apparent: conscience signifie d'abord mémoire. La mémoire peut manquer d'ampleur: elle peut n'embrasser qu'une faible partie du passé; elle peut ne tenir que ce qui vient d'arriver; mais la mémoire est là, ou bien alors la conscience n'y est pas. Une conscience qui ne conserverait rien de son passé, qui s'oublierait sans cesse elle-même, périrait et renaîtrait à chaque instant : comment définir autrement l'inconscience? Quand Leibniz disait de la matière que c'est "un esprit instantané", ne le déclarait-il pas, bon gré, mal gré insensible? Toute conscience est donc mémoire, - conservation et accumulation du passé dans le présent. Mais toute conscience est anticipation de l'avenir. Considérez la direction de votre esprit à n'importe quel moment: vous trouverez qu'il s'occupe de ce qui est, mais en vue surtout de ce qui va être. L'attention est une attente , et il n'y a pas de conscience sans une certaine attention à la vie. L'avenir est la; il nous appelle, ou plutôt il nous tire à lui: cette traction ininterrompue , qui nous fait avancer sur la route du temps, est cause aussi que nous agissons continuellement. Toute action est un empiétement sur l'avenir. Retenir ce qui n'est déjà plus, anticiper sur ce qui n'est pas encore, voilà donc la première fonction de la conscience. Il n'y aurait pas pour elle de présent, si le présent se réduisait à l'instant mathématique. Cet instant n'est que la limite , purement théorique, qui sépare le passé de l'avenir; il peut être à la rigueur conçu , il n'est jamais perçu; quand nous croyons le surprendre, il est déjà loin de nous. Ce que nous percevons en fait, c'est une certaine épaisseur de durée qui se compose de deux parties : notre passé immédiat et notre avenir imminent. Sur ce passé nous sommes appuyés, sur notre avenir nous sommes penchés: s'appuyer et se pencher ainsi est le propre d'un être conscient. Disons donc, si vous voulez, que la conscience est un trait d'union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l'avenir


Ce n'est pas faux (évidemment) mais c'est insuffisant.
Bergson qui est à mes yeux un philosophe de la stature de Descartes , Spinoza, Leibniz ...Kant ou Hegel ou Husserl son contemporain)...mais bref tout le monde se fiche de mon avis :) , Bergson ne cesse de dire NOTRE et c'est là la problème.
Comment se fait- il que je dise MOI et le mien , notre...MON coprs ... MA mémoire .
Modifié en dernier par hokousai le 12 juin 2016, 00:49, modifié 1 fois.

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar aldo » 10 juin 2016, 07:20

J'adore la façon dont ce type emploie les mots. C'est l'anti-jargon philosophique. Peut-être que pour conseiller Deleuze à quelqu'un qui n'a jamais fait de philo, le mieux est de lui dire de lire Bergson. Peut-être pour inciter d'ailleurs quiconque n'a jamais lu de philo à s'y intéresser. Enfin je dis ça je n'ai pas lu un livre de Bergson (j'arrive plus à lire en ce moment, même le Deleuze sur Bergson j'y arrive pas, c'est grave).

Bon, dans l'extrait je ne vois pas où il dirait "nous"... et pas plus pourquoi il devrait dire "je". Qu'est-ce que ça a comme intérêt en philosophie de dire "je" ? (sinon à titre illustratif : j'ai fait l'expérience de ceci cela, des choses comme ça).

"Retenir ce qui n'est plus, anticiper sur ce qui n'est pas encore", ouais, c'est bien vu !
Bah, j'ai rien à dire... c'est pas insuffisant puisqu'il envisage que cela soit la "première fonction de la conscience", c'est donc qu'on peut en dire d'autres choses. Enfin bon...

Mais euh, tu vas compléter alors :wink:

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar hokousai » 12 juin 2016, 00:48

texte de Bergson sur la conscience


« Qui dit esprit dit, avant tout, conscience. Mais, qu'est ce que la conscience ? Vous pensez bien que je ne vais pas définir une chose aussi concrète, aussi constamment présente à l'expérience de chacun de nous. Mais sans donner de la conscience une définition qui serait moins claire qu'elle, je puis la caractériser par son trait le plus apparent: conscience signifie d'abord mémoire. La mémoire peut manquer d'ampleur: elle peut n'embrasser qu'une faible partie du passé; elle peut ne tenir que ce qui vient d'arriver; mais la mémoire est là, ou bien alors la conscience n'y est pas. Une conscience qui ne conserverait rien de son passé, qui s'oublierait sans cesse elle-même, périrait et renaîtrait à chaque instant : comment définir autrement l'inconscience? Quand Leibniz disait de la matière que c'est "un esprit instantané", ne le déclarait-il pas, bon gré, mal gré insensible? Toute conscience est donc mémoire, - conservation et accumulation du passé dans le présent. Mais toute conscience est anticipation de l'avenir. Considérez la direction de votre esprit à n'importe quel moment: vous trouverez qu'il s'occupe de ce qui est, mais en vue surtout de ce qui va être. L'attention est une attente , et il n'y a pas de conscience sans une certaine attention à la vie. L'avenir est la; il nous appelle, ou plutôt il nous tire à lui: cette traction ininterrompue , qui nous fait avancer sur la route du temps, est cause aussi que nous agissons continuellement. Toute action est un empiétement sur l'avenir. Retenir ce qui n'est déjà plus, anticiper sur ce qui n'est pas encore, voilà donc la première fonction de la conscience. Il n'y aurait pas pour elle de présent, si le présent se réduisait à l'instant mathématique. Cet instant n'est que la limite , purement théorique, qui sépare le passé de l'avenir; il peut être à la rigueur conçu , il n'est jamais perçu; quand nous croyons le surprendre, il est déjà loin de nous. Ce que nous percevons en fait, c'est une certaine épaisseur de durée qui se compose de deux parties : notre passé immédiat et notre avenir imminent. Sur ce passé nous sommes appuyés, sur notre avenir nous sommes penchés: s'appuyer et se pencher ainsi est le propre d'un être conscient. Disons donc, si vous voulez, que la conscience est un trait d'union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l'avenir


Bergson dit
Toute conscience est donc mémoire,
mais toute mémoire n'est pas consciente. II n'y a pas identité .
voilà donc la première fonction de la conscience

Il comprend la conscience comme ayant une fonction. Agissant pour autre chose ( l' action) or nous pouvons agir sans en avoir conscience ...il n' y a pas identité.
Il explique une conscience, celle du temps .
Comment peut -on avoir conscience de l'éternité ?
Ou alors éternité n' est qu'un vain mot.

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar aldo » 12 juin 2016, 15:23

hokousai a écrit : Il comprend la conscience comme ayant une fonction. Agissant pour autre chose ( l' action) or nous pouvons agir sans en avoir conscience ...il n' y a pas identité.

Mais c'est toi qui dit qu'il "comprend la conscience comme ayant une fonction". C'est réducteur, alors qu'il fait bien attention à préciser qu'il s'agit d'une fonction... de la conscience (rien d'exhaustif). On pourrait te répondre, en reprenant tes mots, qu'il n'y a pas identité. Ensuite décrire quelque chose via sa fonction, c'est une bonne méthode, non ? Ça va plus loin que de dire sa couleur ou sa forme...


Il explique une conscience, celle du temps .
Comment peut -on avoir conscience de l'éternité ?
Ou alors éternité n' est qu'un vain mot.

Ouais mais dans un sens, je trouve que c'est toi qui embrouilles les choses en parlant de "temps"... pour replacer ton "éternité" derrière (toujours ce découpage de la représentation) : ici un temps morcelé supposé ne pas englober l'intemporel (puisque c'est ainsi que j'ai compris ce que tu dis par éternité).
Si l'on considère chaque moment (durée) d'état de conscience comme forme du temps, chaque état change en passant à un autre, disons soit via une espèce de "flou-enchaîné" soit sous forme de coupure ( en cas de coupure, il est facile de percevoir une discontinuité des états de conscience, facile de manière générale d'être conscient de chacun de ces moments).

Ce sentiment "d'éternité" dont tu parles est-il autre chose qu'une histoire de continuité ?
La conscience est donc témoin et du flou enchaîné et des coupures, elle a donc l'habitude de passer d'un état à un autre. Mais au sein de chaque moment, elle est bien prise dans une durée, et à la façon décrite par Bergson : "appuyée sur le passé penchée vers le futur"... donc chaque durée n'est-il pas vécu comme un moment d'éternité parce qu'on n'a pas plus conscience du début de ce moment (c'est-a-dire des causes, des origines de l'apparition de cet état de conscience) que de l'état de conscience futur susceptible d'advenir : tout ce qu'on peut en retenir, a priori, c'est le flou-enchaîné ou la coupure (sauf en connaître les causes, mais là on est déjà dans la pensée).

Bref on est immergés dans une suite d'états de conscience perçus sur le moment comme n'ayant ni début ni fin (alors qu'il y a plein de "passages" d'un état de conscience à un autre).
C'est pas ça ton sentiment d'éternité ?

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar hokousai » 13 juin 2016, 00:54

Ouais mais dans un sens, je trouve que c'est toi qui embrouilles les choses en parlant de "temps"..


Je n'invente pas que Bergson temporalise. C'est le fond de sa philosophie, la base.
On entre dans Bergson par la durée ...par par le présent.
Pour Bergson c'est la durée pure et pour moi c'est la présence pure.
S' y inclus la présence- de- la durée.

L' accent est porté sur la présence pas sur la durée.
Ce que je trouve dans la conscience (son essence) ce n'est pas la durée c' est la présence .
La présence ne dure pas elle est toujours identique à elle- même, présente.

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar aldo » 13 juin 2016, 08:22

hokousai a écrit : L' accent est porté sur la présence pas sur la durée.
Ce que je trouve dans la conscience (son essence) ce n'est pas la durée c' est la présence .
La présence ne dure pas elle est toujours identique à elle- même, présente.

Elle dure dans la discontinuité, c'est donc (sauf erreur) une durée au sens bergsonien.
Enfin bref, peu importe...

a+

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar hokousai » 14 juin 2016, 00:34

Je comprends bien ce que tu veux me dire ...c' est quand je n'ai pas conscience. Il y a a donc discontinuité.
N y a- t -il donc plus de présence si je n'ai plus conscience?
Je trouve la présence dans la conscience, ce qui ne signifie pas que toute la présence y soit et uniquement là.

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Re: Conscience et conscience de soi

Messagepar aldo » 14 juin 2016, 14:14

C'est pas vraiment ça qui m'embête.
J'essaie de proposer des trucs concrets. Ici la vie psychique décrite comme une succession d'états de conscience, séparés par des fondus-enchaînés ou des coupures (en gros). Il me semble que tout le monde peut s'y reconnaître, et donc qu'on peut essayer d'avancer à partir de là (d'états de conscience plutôt que de conscience).
Alors oui il s'agit de durées, certes, mais au moins on est dans le vécu.

Et toi tu bloques le truc avec une "présence qui serait présente" ou un "accent porté sur la présence", qui restent des images perso, qu'on peut sans doute intuitivement saisir, mais qui n'avancent pas la discussion. En tous cas moi je vois pas comment rebondir à partir de là.
Peut-être que je comprends ce que tu dis, n'empêche que (donc) j'essaie de partir du concret...


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