des philosophies dépassées?

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Henrique
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Messagepar Henrique » 30 mars 2005, 16:16

Yves,
Quand j'avais cité une autre phrase de Serres, c'était pour montrer que lui-même reconnaissait après coup qu'une question comme celle du rapport matière/esprit reste d'actualité. Loin de t'avoir réconforté, cela t'a amené à un autre sujet de desespoir : s'il faut tout connaître des derniers progrès de la physique, bien difficile d'être au point...

Mais je n'avais pas dit qu'il avait entièrement raison. S'il est de bon sens de se tenir au courant des avancées scientifiques dans un domaine comme celui de l'esprit et de la matière, cela ne signifie pas que si l'on n'en maîtrise pas tous les tenants et aboutissants, il n'y ait rien à apporter aux questions de cet ordre. Car la physique ou la biologie ne posent pas la question de la nature de leurs objets. Quoi que dise Serres, le temps, le mouvement, la matière etc. ne sont au mieux que des concepts opératoires en science, ils servent à comprendre comment fonctionnent tel ou tel phénomène, ils ne permettent pas de comprendre ce qu'ils sont. La quoddité est une chose, la quiddité une autre pour parler comme un thomiste ;-) C'est l'ontologie qui reste maîtresse ici.

Il est vrai que si tu en restes à l'empirisme, la conséquence logique est soit le scepticisme, soit le scientisme crassement ignorant de ses limites et conditions de possibilité. Mais regarde s'il n'y a pas d'autres façon d'aborder le réel, notamment le rationalisme, à savoir l'idée que la raison contient en elle-même les instruments d'une connaissance du réel, sans dépendance première et indépassable à l'expérience.

Moi je dis que tu es mûr pour une lecture du Traité de l'amendement de l'Intellect !
Modifié en dernier par Henrique le 31 mars 2005, 01:22, modifié 1 fois.

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Messagepar YvesMichaud » 31 mars 2005, 00:01

Cher Henrique,

La situation de la philosophie de l'esprit et de la matière est désespérante, s'il faut ajuster ses conceptions aux résultats de la physique et des sciences cognitives. Ainsi, dans 100 ans, nos constructions seront «historiques», pour parler comme Serres, puisque la science aura changé.

En ce qui concerne le second point, comme plusieurs philosophes et cyberphilosophes, je suis dualiste en épistémologie. Il y a les concepts d'un côté et la réalité d'un autre côté, et les concepts ne peuvent pas par eux-mêmes rejoindre la réalité. Ils doivent être confrontés impérativement aux informations sensorielles.

Par contre, en vertu du principe que ce qui est contradictoire est faux, on peut réfuter une doctrine contradictoire sans avoir à montrer qu'elle est contraire aux faits.

Cordialement,
Yves M

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Messagepar Henrique » 31 mars 2005, 02:58

YvesMichaud a écrit :La situation de la philosophie de l'esprit et de la matière est désespérante, s'il faut ajuster ses conceptions aux résultats de la physique et des sciences cognitives. Ainsi, dans 100 ans, nos constructions seront «historiques», pour parler comme Serres, puisque la science aura changé.


On pourrait te répondre que c'est aussi ce qui fait l'intérêt de la chose : nous ne nous plairions pas à avoir à répéter mot pour mot tout ce qu'on dit nos ancêtres. La science est historique par nature au sens où elle progresse sans cesse en étant capable de remettre en cause ses fondements. Pourquoi pas la philosophie ? Pour Serres, Descartes a pu être philosophe parce qu'en même temps il connaissait les avancées scientifiques de son temps et pour cause, il en était partie prenante. Il faudrait donc maîtriser les avancées scientifiques d'aujourd'hui pour avoir quelque chose à apporter à un progrès qui n'est pas appelé à cesser ni cette décennie, ni ce siècle... Ceux qui philosopheraient sans cette maîtrise seraient condamnés à faire du sur place.

Mais voilà une vision historicisante que je ne partage pas. Je ne crois pas à la marche nécessaire et glorieuse des lumières vers le progrès fatal. D'abord parce que je ne crois pas à une histoire qui serait ordonnée et orientée vers une finalité transcendante car dans la nature totale rien ne manque, nul besoin donc pour elle de tendre vers un but transcendant.

Ensuite, prenons le cas de Descartes. Ce qu'il a apporté de plus marquant se trouvait déjà de façon plus ou moins claire chez d'anciens philosophes comme Platon (l'exigence d'une connaissance anhypothétique), St Augustin (le cogito), St Anselme (l'argument ontologique) etc. Il n'a fait que reformuler, clarifer et systématiser une matière que d'autres avaient vu, parfois presque par hasard comme le cogito d' Augustin.

En revanche, sur le plan des rapports de la matière et de l'esprit, ses considérations ont été beaucoup plus hasardeuses, justement parce qu'il a voulu intégrer certaines avancées physiques de son temps nécessairement passagères : son traité des passions avec ses esprits animaux, sa glande pinéale etc. est ainsi un de ses écrits les plus datés.

Cela suffit à réfuter la position présomptueuse et élitiste de Serres : on peut faire progresser la philosophie et notamment la philosophie de l'esprit en travaillant avec un matériau très accessible, à savoir son propre esprit, sans avoir à connaître dans son moindre détail la matière qui elle, relève de toute évidence d'un domaine ayant sa propre autonomie également.

En ce qui concerne le second point, comme plusieurs philosophes et cyberphilosophes, je suis dualiste en épistémologie. Il y a les concepts d'un côté et la réalité d'un autre côté, et les concepts ne peuvent pas par eux-mêmes rejoindre la réalité. Ils doivent être confrontés impérativement aux informations sensorielles.


Oui je savais bien que tu étais un empiriste. Mais voilà tu es un empiriste malheureux. Preuve que tu sens que cette doctrine n'est pas satisfaisante même si à bien des égards, elle est très rassurante : trouver le réel en soi, remettre en cause l'opposition absolue entre sujet et objet, voilà bien des repères remis en cause...

Mais considères le concept de pensée. Dès lors que tu te représentes ce concept, peux-tu douter qu'il "rejoigne le réel" ? En fait, il ne s'agit pas de rejoindre quelque chose d'extérieur puisque le concept de pensée en lui-même est réel. Mais auras tu besoin de faire des expériences en laboratoire pour t'assurer de l'existence de ta propre pensée ? Et de les répéter ? N'apporteraient elles pas en fait bien plus de confusion qu'autre chose, comme si on voulait attraper un poisson avec une antenne de télévision ?

Prends maintenant le concept de corps. On ne peut concevoir de corps qui ne soit pas étendu. Tout corps est donc étendu pour la raison. Auras tu besoin d'examiner tous les corps de l'univers pour t'assurer de cela ? Non, parce que tu as ici une idée adéquate. Cette idée ne vient pas de l'expérience puisqu'on n'a pas l'expérience de tous les corps de l'univers. Et pourtant, elle vaut effectivement pour tous les corps. On pourrait bien sûr approfondir cela longuement, mais seulement parce qu'il faudrait répondre au pouvoir de feindre de l'imagination et du langage, en fait je doute que tu puisses prétendre douter de cela.

De même, si tu veux un jugement a priori plus synthétique, le même schéma peut s'appliquer à l'affirmation "tous les corps sont en mouvement ou au repos".

NB : Une idée adéquate n'est pas la connaissance du réel par le biais d'une expérience sensible forcément opaque de celui-ci. Elle est vraie parce qu'elle découvre le réel en elle-même. Comment est-ce possible ? Parce que c'est seulement dans l'idée partielle autrement dit inadéquate d'un objet donné que la distinction entre celle-ci et ce qu'elle représente peut se justifier. S'il ne manque rien à l'idée pour que ce qu'elle affirme puisse être affirmé, si elle est complètement déterminée, la distinction avec ce qui est affirmé, l'idéat, l'objet réel, n'est qu'une distinction abstraite.

Par contre, en vertu du principe que ce qui est contradictoire est faux, on peut réfuter une doctrine contradictoire sans avoir à montrer qu'elle est contraire aux faits.


Cela n'est possible que parce que le réel ne saurait se contrarier lui-même. On ne peut concevoir un cercle carré, cela signifie qu'on sait a priori qu'on n'en trouvera jamais nulle part. On peut feindre de le croire mais ce n'est que pur verbiage. Connaître a priori ce qui ne peut être réel comme tu le dis suppose donc qu'on puisse connaître a priori ce qui doit être réel.

De même, quand il n'existe que deux possibilités logiques et qu'une des deux est réfutée, il y a alors nécessité formelle de l'inverse. C'est ce qu'on appelle une démonstration par l'absurde. Ex. Ou bien l'homme pense ou bien il ne pense pas, comme il est évident qu'un homme qui affirmerait qu'il ne pense pas devrait pour cela penser qu'il ne pense pas, c'est-à-dire penser, on peut prendre l'affirmation "l'homme pense" pour un axiome nécessaire, éternel et universel = non tributaire de l'expérience. Le contraire étant impossible, l'objet est connu dans sa nécessité objective.

Et pourquoi ne serais tu pas prêt à lire le T.I.E ?

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Messagepar YvesMichaud » 31 mars 2005, 04:30

Cher Henrique,

S'il ne manque rien à l'idée pour que ce qu'elle affirme puisse être affirmé, si elle est complètement déterminée, la distinction avec ce qui est affirmé, l'idéat, l'objet réel, n'est qu'une distinction abstraite.


Je ne comprends pas ça. J'ai été élevé dans la culture thomiste qui dit clairement que l'idée, contrairement au jugement, ne nie pas et n'affirme pas, mais représente seulement. L'affirmation ou la négation de l'existence est dans le jugement. Pour cette raison, la vérité ou la fausseté est propre au jugement.

***

Pour le moment, j'ai d'autres priorités que Spinoza. Pour mon anniversaire, cependant, j'ai demandé «basic teachings of the great philosophers», alors là au moins j'aurai un aperçu du spinozisme.

Spinoza m'intéresserait dans la mesure où sa philosophie a des liens avec la philosophie indienne et la philosophie de la religion, deux domaines qui m'intéressent. Par exemple, un auteur anglo-saxon interprète le spinozisme à la lumière de l'advaita (=non-dualité) vedanta de Sankara.

J'aimerais finir mon livre sur l'hindouisme et celui sur l'Évolution. Après je regarderai peut-être ton lien avant de m'engager dans un autre livre.

Cordialement

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Messagepar hokousai » 31 mars 2005, 22:58

à Henrique

""""""""""Cela n'est possible que parce que le réel ne saurait se contrarier lui-même. On ne peut concevoir un cercle carré, cela signifie qu'on sait a priori qu'on n'en trouvera jamais nulle part. On peut feindre de le croire mais ce n'est que pur verbiage. """"""""

On peut aussi et bien plutôt feindre de ne pas le croire . Comment être certain qu ‘il n’y a pas feinte c’est à dire ruse de la raison .
La feinte serait- elle toujours consciente d’ elle même . Je me trompe volontiers( volontairement ) mais inconsciemment .Cette volonté n’est pas mienne mais par son effet elle peut être découverte après coup comme un désir de ruse que j avais à tel ou tel moment ce afin de satisfaire quelque autre désir .
Ainsi des évidences dont -on ne peut feindre de croire qu’ elle ne sont pas des vérités ultimes ( le cercle carré ) quand c’est une autre chose qu on feint de ne pas croire, c’est à dire en l’occurrence qu’une telle géométrie soit possible ,ce qui signifie qu’il soit (absolument ) une géométrie impossible à penser ou plus exactement que les géométries sont possibles en un nombre fini ..
Ce qui signifie que les évidences de ce type sont fondées sur le déni de l’impossibilité pour la pensée d’exister hors de certains principes , ceux canoniques du tiers exclus ou de raison suffisante .Ce qui suffirait alors d ‘ailleurs à définir la pensée en terme de logique formelle .

Ce déni est une feinte momentanée de la pensée dans la mesure où il est pensable à un autre moment de penser que penser hors de ces principes pourraient ne pas être impossible .
Qu’à tout le moins rien ne laisse penser que cela soit impossible à la pensée de Dieu ,vous vous référez ce me semble à un attribut dont les modes sont dit infinis .

Ainsi vous affirmez que le réel ne saurait se contrarier lui même .
Certes la pensée comme événement réel telle qu elle s’apparaît et selon qu'elle même se règle (puisqu' elle établit sa règle )ne peut se contrarier elle même . Cela dans ses formes usuelles . Il est des moments de pensée paradoxaux où la contradiction apparaît comme indispensable et où le réel, alors ,apparaît comme contradictoire .

Hokousai

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Messagepar YvesMichaud » 01 avr. 2005, 02:08

Et voilà, la philosophie rencontre la psychologie.

On prétend que dire ou ne dire pas certaines choses est une fiction de l'esprit. Qu'il serait impossible d'y croire réellement.

Mais vous seriez surpris de tout ce que les cyberphilosophes peuvent prétendre.

Aussi, il y a un site athée qui déclarait que le croyant sait qu'il n'y a pas de vie après la mort.

Comment voulez-vous confirmer ou réfuter pareille affirmation, puisqu'on prétend que ce «savoir» est enfoui au fond de l'esprit?

Quand même le croyant agissait comme s'il croyait qu'il n'y avait pas de vie après la mort, ce ne serait pas une preuve, parce que ce ne sont pas forcément les croyances qui déterminent principalement les comportements.

Il y a peut-être une part d'autisme dans l'affirmation du site athée. Du genre: je ne peux pas concevoir une façon de penser radicalement autre que la mienne.

Mais ce n'était qu'un exemple.

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Messagepar sescho » 02 avr. 2005, 13:14

Je suis de formation scientifique et ai usé il y a quelques années quelques neurones sur les théories « nouvelles » de la Mécanique Quantique et de la Relativité (sur lesquelles je dispose d’une bibliothèque réduite mais des meilleures sources, dont le cours de Feynman). M’étant aperçu d’une insatisfaction certaine liée à cet exercice, elle-même cause d’un manque de concentration, je me suis tourné vers la Psychologie et la Philosophie… et j’y suis encore après dix ans, sans le moindre regret, bien au contraire… (sur le plan professionnel, je suis responsable de Recherche mais dans une optique applicative qui, quoique faisant appel à de nombreux aspects de la Physique, ne manie ni l’une ni l’autre de ces grandes théories ; comme pour l’immense majorité des scientifiques, d’ailleurs) ; peut-être y reviendrai-je un jour, l’esprit apaisé…

Ce préambule pour dire que je ne suis spécialiste – même moyen – ni des grandes théories en question ni de Philosophie… et que je vais quand-même balancer à tout-va mes réflexions, sans égard pour la réputation de tel ou tel… :

- L’Homme ne fera jamais le lien entre Esprit et Matière parce que cela lui est structurellement impossible ; plus : il ne saura jamais précisément ce qu’il entend par « Esprit » et par « Matière ». Celui qui croit pouvoir tout expliquer par la Matière ne sait tout simplement pas de quoi il parle. L’Homme est un sous-ensemble strict de la Nature et il lui est impossible à ce titre de la posséder toute. Même dans l’hypothèse qui lui est la plus favorable et qui est celle de Spinoza, savoir que les idées sont le pur « reflet » des choses (et non des phénomènes peu ou prou indépendants de ces choses), ceci n’est accessible absolument et totalement qu’à Dieu, l’Homme devant partir des idées inadéquates des choses que sont les sensations. La Physique n’est pas la Nature et ne le sera jamais.

- Sauf, comme le coq de Coluche, à se plaire à chanter les pieds dans la m…, comment prétendre connaître la Matière alors que l’unification de la Physique n’est pas réalisée, qu’on trouve autant de particules qu’on en cherche, que toute théorie pratique est truffée de coefficients issus de l’expérience, la Mathématique ne venant qu’interpoler les expérimentations, que les vrais physiciens n’ont plus de place dans la « Physique » théorique, qu’il faudra bientôt des accélérateurs faisant le tour de la Terre et épuisant des budgets colossaux pour vérifier les conjectures (non fixées) des Mathématiciens… ?

- On peut ajouter que, outre que la Physique appliquée a très majoritairement les traits d’une science « molle », la grande majorité des rares à « employer » les théories susdites n’en ont pas compris les implications physiques… Plus simplement, il y a grande différence entre la Mathématique et la Physique…

- Un scientifique de ma connaissance, franchement bon autant que je puisse en juger et très polyvalent dit, comme d’autres avant lui, que la Mathématique n’est pas une science (qui, par définition, selon eux, implique une confrontation avec la Nature extérieure). Lui la rattache à la Philosophie. On peut dire au moins qu’elle est tout entière un développement de la Logique sur la base « arbitraire » de ses axiomes, souvent rattachée à la Philosophie.

- Comment même croire encore, dans ces conditions, au progrès soutenu et sans fin de la Physique ? Ces conjectures à n’en plus finir et, corrélativement, ces instruments pharaoniques ne montrent-ils pas au contraire qu’on est en train d’atteindre exponentiellement nos limites ?

- Mais si on y croit, il convient de la jouer « modeste » : c’est donc une croyance ; pas vraiment le symbole de la vérité pure dont on s’affuble…

- Qui croit une seule seconde, comme je l’ai déjà dit, qu’on déduira un jour l’amour maternel, par exemple, de calculs ab initio de Mécanique Quantique ?

- S’agissant des neuro-sciences, j’ai entendu à la radio un « spécialiste » qui disait que la Psychologie était destinée à entrer dans l’Histoire et que la Physique neuronale allait prendre la place ; vaste fumisterie ! à tout le moins kolossale prétention (un autre avait dit la pire absurdité qui soit possible : « la vie n’existe pas » !!!). Je ne dis pas cela parce que cela viole mon esprit poétique ; j’ai la conviction profonde que cela est irréductiblement faux, et le dire est abrutir les esprits. Je ne suis pas au fait des dernières « découvertes », mais qu’ont fait les neuro-sciences en matière de psychologie ? ; localiser une zone d’activité cérébrale tout en demandant au gars à quoi il pensait ? Belle performance en psychologie ! Je ne dis pas que ceci ne peut rien apporter du tout à la psychologie d’un point de vue épistémologique, mais prétendre remplacer la Psychologie alors que l’on n’en atteint pas la plus élémentaire réalité consciente... !

- Si la « révélation » est qu’il n’y a pas fondamentalement de séparation entre Matière et Esprit, eh bien c’est vrai ; disons-le, c’est tout ! : l’âme fait bouger le corps (pas spinoziste, cela), l’alcool et diverses autres substances chimiques modifient l’état de l’esprit, le cerveau a une activité électrique mesurable, etc. ; pour le reste, mettons « je crois que » et même « je suis habité de la croyance que… »

- Matière et Esprit sont issus d’une réalité unique qui est à la fois Matière et Esprit et ni Matière ni Esprit (cette façon apparemment contradictoire de dire n’étant que l’affirmation du Mystère, c’est-à-dire de nos limites). Comme le quanton n’est ni onde ni particule et à la fois onde et particule… ;-)

- S’agissant de la Philosophie Morale (mon premier intérêt, personnellement), elle n’a pas franchement avancé en termes fondamentaux exprimés, selon moi, depuis le début de notre ère. Elle a simplement à chaque époque ces « génies » qui la replacent à son plus haut niveau dans le contexte de ladite époque. Son développement le plus avancé actuel est selon moi la psychologie scientifique ; non pas ce que les scientistes recouvrent sous ce terme, qu’il s’agisse seulement de soumettre des cobayes à des tests traités par les statistiques, ou carrément des neuro-sciences ; non : la Philosophie Morale Scientifique, celle de Paul Diel (un spinoziste) et d’autres, basée en particulier sur l’introspection méthodique, qui est aussi véritablement scientifique que la Physique, même si la Mathématique ne s’y mêle pas.

- Finalement, je me demande si on a bien digéré le fait que la Mathématique s’applique dans une certaine mesure à la Physique…

- Feynman n’est pas tendre avec les philosophes parce que selon lui, ils font un usage échevelé de concepts de la Physique, comme l’entropie, par exemple (qui, basiquement, est une grandeur thermique quantitative, se calculant simplement au même titre que l’énergie). Même si je pense qu’il fait là preuve, dans ces commentaires, d’un esprit étroit et quelque peu prétentieux (sans mettre en cause pour autant son génie en Physique), il n’a pas forcément complètement tort…

- Un article récent de La Recherche (de Levy-Leblond je crois ; auteur en passant, avec F. Balibar – qui a écrit, elle, sur Einstein et la philosophie, me semble-t-il – d'un excellent livre d’ « introduction » à la Mécanique Quantique) dit que si un nouvel Einstein devait voir le jour, il serait certainement à la fois un grand physicien et un grand philosophe…

- Notons que beaucoup des véritables Grands de la Physique n’ont pas jugé qu’elle suffisait à couvrir toute la Nature, et la leur en particulier, et ont développé des réflexions philosophiques, voire des parcours mystiques.

- Je ne saurais dire ce que la Science Physique peut apporter à la Philosophie en général, mais j’avancerais que cet apport n’a été et n’est que secondaire ; c’est un appui possible, non une nécessité, comme les neuro-sciences à la Psychologie ; évidemment, suivant le domaine de la Philosophie en cause, comme l’ontologie, cela semble plus ou moins proche.

- Je finirai en disant que, selon moi, la séparation de la Physique et de la Philosophie au XVIIème siècle n’est pas celle de la rigueur scientifique d’un côté et de la spéculation métaphysique de l’autre (vanité très récente, en fait) : c’est la scission logique entre la Science de la Matière et la Science de l’Esprit, qui n’est que la traduction de notre incapacité foncière à lier véritablement (unifier) les deux. Le reste est secondaire.

Je crois donc – sans même insister sur l’arbre (théorie pure et dure) qui cache la forêt (théorie mal assimilée et cuisine « molle » de la Physique appliquée) – qu’on peut faire œuvre majeure de Philosophie sans rien connaître à la Science Physique ; et on en est bien plus heureux que l’inverse…


Amicalement


Serge
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Messagepar Miam » 02 avr. 2005, 14:33

Il me semble que, sauf en opposant quelque argument invérifiable, personne ne saurait nier que nous avons accès à la matière à travers la pensée et, vice-versa, que, jusqu'à nouvel ordre, nous n'avons accès à la pensée qu'à travers notre corps matériel. L'argument des idéalistes consiste à montrer que l'on ne saurait expliquer la pensée par la matière. Mais la question n'est pas là. Il n'y a nulle explication à donner. Le fait est que, sauf à supposer tout à fait dogmatiquement une pensée indépendante de la matière, ces deux sont non seulement liées, mais n'apparaissent jamais l'une sans l'autre. Nous sommes là au niveau du phénomène unitaire pensée-matière. C'est un constat. L'explication n'est nécessaire qu'à l'égard de la position contraire. Or, cette position contraire déborde de domaine phénoménal. Et je vois mal pourquoi il faudrait donner l' explication d'un constat phénoménal sous prétexte que l'on suppose arbitrairement un arrière monde qui n'est pas phénoménal. C'est plutôt cet arrière monde qui demande une explication. Dès lors si pensée et matière apparaissent toujours ensemble, comment les séparer ?

Quant au réel qui ne saurait se contrarier lui-même, Hokusai a raison de pousser son scepticisme. Seulement la question n'est pas de savoir si les principes de la raison sont ou non illusoires. Ce qui est en question est ceci : quoi que l'on fasse, la pensée est immanente à elle-même : si je pense que je ne pense pas, je pense quand-même. Si la pensée est immanente à elle-même, l'idée est immanente à elle-même : si j'ai l'idée que je n'ai pas d'idée, j'ai une idée. Le fondement de la raison, c'est l'idée "adéquate", c'est à dire complète et entière. Il n'y a pas de principe qui serve de critère à l'idée adéquate. C'est plutôt l'inverse : c'est l'idée adéquate qui permet de formuler des principes. Aussi bien : cercle-carré n'est pas même une idée mais deux idées: celui du cercle et celui du carré. Ce n'est pas parce que le cercle contredit le carré que le cercle carré est contradictoire. Ce n'est pas parce qu'on pose au préalable un principe de non-contradiction. C'est parce qu'il s'agit de deux idées, d'une "fluctuatio imaginationis" et que, par conséquent, elle ne "fonctionne" pas dans l'immanence a priori de la pensée. De même le doute est une "fluctuatio animi". Peu importe qu'un malin génie nous trompe, peu importe qu'un dieu trompeur nous ait livré une fausse axiomatique puisque : 1) il ne s'agit pas de vérifier si notre pensée est vraie extrinsèquement : la relation idée-corps est établie dès le départ, comme plus haut. L'idée n'a rien à représenter, elle n'a qu'à fonctionner ou non. Dès lors 2) peu importe que Dieu ait créé le monde avec une autre axiomatique. Le fait même que la nôtre fonctionne suffit.
La raison spinoziste n'a pas même besoin du principe du tiers exclu car si j'ai l'idée adéquate d'un paradoxe, cette idée n'en demeure pas moins adéquate et c'est le principe à la base du paradoxe qui sera à revoir.

Enfin quant à l'autisme des athées, il paraît plus humain et logique de projeter une immortalité par crainte de la mort que d'avoir la révélation de son immortalité avant même de se savoir mortel (ce qui est absurde). Dans cette mesure, le croyant sait d'abord qu'il va mourir et dénie ensuite ce savoir. Et en ce sens tout croyant sait ou a su, ou doute (et donc a aussi cette idée) qu'il va mourir pour toujours.

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Messagepar hokousai » 02 avr. 2005, 17:19

à miam

Je comprends « idée adéquate « puisque le fond de la question est là et en même temps je ne comprends pas « idée adéquate « sans quelque inquiétude. Il est aux marges de cette idée une incertitude sur la certitude de son adéquation .
Après tout l’ Idée adéquate pourrait être l’ émergence d'un monde inconscient la partie émergée de l’iceberg par rapport auquel elle ne serait y plus vraiment en adéquation .Ou alors comment estimer cette adéquation ?Cela semble tout à fait impossible et dans ce cas affirmer une adéquation est présomptueux .

Pour prétendre à l ‘adéquation il faudrait théoriquement isoler absolument l’idée de tout contexte et la rendre monadique .

La reconnaissance de l’inconscient en Europe n’ a t elle pas entamé une certitude du rationalisme et du Spinozisme en particulier ?
Pouvons nous prétendre à avoir des idées absolues tel qu’en parle Spinoza .C’est à dire des idées sans inquiétude ou des concepts non divisibles à infini dans leur analycité, ce que j’ évoquais à propos de la substance .
hokousai

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Messagepar Miam » 02 avr. 2005, 18:00

Il me semble que Spinoza allègue cet inconscient lorsqu'il montre que toute connaissance est affective. Adéquation ne veut pas dire autre chose qu'adéquation de l'idée avec elle-même : de la pensée avec elle-même et donc aussi (bien sûr) avec le Corps (sans compter tout l'aspect intersubjectif et communautaire).
Il est bizarre que vous parliez d'une infinie divisibilité analytique parce que le propre de l'analytique, c'est de décomposer en éléments premiers. En disant que la substance est indivisible, Spinoza dépasse cette analycité (bien qu'il l'accepte dans une certaine mesure comme rationnelle). C'est quoi pour vous l'infinie divisibilité d'un concept ?


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