à Bardamu: distinction sujet-objet

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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YvesMichaud
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à Bardamu: distinction sujet-objet

Messagepar YvesMichaud » 30 mars 2005, 16:00

Salut,

Peux-tu m'expliquer en quel sens la physique quantique exclut la distinction sujet-objet? :?

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bardamu
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Re: à Bardamu: distinction sujet-objet

Messagepar bardamu » 09 avr. 2005, 14:33

YvesMichaud a écrit :Salut,

Peux-tu m'expliquer en quel sens la physique quantique exclut la distinction sujet-objet? :?

Salut,
dans son mode opératoire aussi bien que dans son formalisme, la physique quantique part de composantes "sensitives", d'éléments mesurables appelés "observables" et reconstruit ensuite, si nécessaire, les objets.
Au départ, l'expérience étudie la couleur et non pas la couleur de quelque chose.
Ainsi on met en place un système expérimental réactif aux variations de charge électriques, et on étudie l'électrique. On met en place un système optique, un système magnétique, un système mécanique etc. on combine tout ça et par des corrélations on construit ensuite des "objets" à qui on attribuera éventuellement des propriétés hors de l'expérience, par exemple une charge et une masse pour l'électron.
En fait, le formalisme indique que ce qui est susceptible d'identification, de discernabilité, "d'objectivation", ce n'est pas l'électron mais ce sont les états du système : ce ne sont pas les électrons qui sont dans tel ou tel état, ce sont les états qui sont n fois "électroniques".

Or, l'état des systèmes dépend de ce qu'on a construit. C'est notre activité qui détermine ce qu'on observe. Nous ne sommes pas dans la position passive du sujet recevant l'objet ou l'effet de l'objet mais dans un rapport d'activité dans un milieu. On formalise nos actes, on prédit le comportement de systèmes d'action, et on ne décrit plus des objets.

En situation normale, les objets sont construits sur la base d'une conjonction naturelle entre position et couleur par exemple : une tache rouge ici = un boule de billard. Mais du fait des conditions d'expérience, la physique quantique ne peut pas avoir simultanément certaines variables qui définissent ce qu'on appelle couramment un "objet" : on ne peut pas conjoindre spontanément les classes "sensorielles".

On se retrouve donc avec des "qualités" sans objet porteur. J'ai demandé à des physiciens, sur www.futura-sciences.com, ce qu'ils considéraient comme le plus fondamental en quantique, et j'ai eu 2 réponses : "il n'y a rien de fondamental" ou "les champs".
En théorie des champs, les particules sont des excitations du champ, les modes finis d'un mode infini de l'Etendue oserais-je dire.
Mon interprétation des champs, électrique, magnétique, gravitationnel etc. est qu'il s'agit des qualités pures isolées de l'expérience. Le champ est un objet mathématique représentant un continuum qualitatif dans lequel s'exprime localement des variations quantitatives obtenus par nos instruments de mesure.
Et je serais donc d'avis, ce qui semble sans doute évident, que le fondamental en physique c'est l'expérience concrète, par des humains normaux, de leur dimension corporelle. L'a priori analytique comme quoi la partie est plus fondamentale que le tout, ou l'a priori "idéaliste" comme quoi l'abstrait (la Loi de la Nature) est plus fondamental que le concret, me semble inadéquats à cette physique. Le dernier point s'exprime d'ailleurs dans l'interprétation dominante de la quantique qui est très empiriste, très opérationnaliste : la quantique comme système de prédiction de résultats de mesure sur des appareillages donnés.

Nous avons donc le cycle suivant : préparation expérimentale -> mesure -> qualités -> champs -> modes des champs -> expérimentateur + instrument expérimental -> préparation expérimentale
Ce cycle mélange allègrement le corporel et l'idéel du simple fait qu'il a pour base l'activité humaine qui est dans ses deux dimensions. Le champ est un objet mathématique, la préparation expérimentale résulte d'un projet, d'une anticipation idéelle du résultat, et tout ceci est mis en place corporellement.

Pour aller plus loin

Je crois que ma position se retrouve dans celle de Ernst Mach, physicien et philosophe, qu'il faudrait que j'étudie (un de plus...) :
http://dogma.free.fr/txt/OLahbib-Mach.htm
Extrait :
Olivier Lahbib a écrit :Le Moi n'est pas une fonction logique extérieure au temps et à l'espace, dans la mesure où l'identité psychophysique dit bien sa confusion première avec le monde; l'homme n'est qu'une partie de la nature, comme aime à le rappeler E.Mach[6]. “Le Moi est insauvable”[7] , nous dit -il, au sens où le Moi n’est pas une entité existant par soi, indépendamment de ce qu’il ressent et de ce qui est ressenti : le Moi n’est ni une substance, ni une structure transcendantale qu’on pourrait isoler de son contenu; il n’est effectivement que le contenu vécu, le monde est ce qui constitue son unité; Mach se passe, comme on pouvait s’en douter, de la fonction de l’aperception pure. La reconnaissance de mon existence dans sa continuité a pour seule condition le contenu vécu; la sensation assure à elle seule la forme d’unité, l’aperception empirique. Pour le dire autrement, le film de mon “Moi”, de mon existence est le film même des événements hors de moi.Le principe d’une connaissance définie comme connaissance psychophysique, c’est qu’elle n’est pas la synthèse de deux mouvements s’opérant séparément , d’un côté l’opération du corps, de l’autre celle de l’âme. Tout au contraire la conscience vient de la sensation, accompagne les gestes et les postures du corps.
On pourrait même ajouter que l’exploration de l’hypothèse moniste chez Mach permet de voir se résoudre un problème que Kant ne parvient pas lui même à clore, si l’on en croît en tout cas les critiques post-kantiennes, de Fichte ou de Hegel. En effet, le dualisme de Kant établit la connaissance comme l’acte de synthèse de la pensée sur la réalité sensible, plus précisément la mise en oeuvre d’une série de synthèses qui informent le donné sensible, passif, le divers sensible, dont la provenance est extérieure. La pensée ordonne le sensible, et lui impose une intelligibilité. Mais de fait, il faut que le contenu se laisse persuader par la forme, épouse ses limites et reste tranquille en elles. Mais le donné n’est pas en lui même constitué et ordonné, il l’est de façon superficielle, il reste le donné passif que la connaissance contraint à répondre à ses questions. Au contraire l’hypothèse psycho-physique machienne ne dissocie pas évidemment le sujet pensant et le donné sensible: le sentant est senti. La question de l’adaptation des catégories de la pensée humaine à la réalité n’a plus lieu d’être, le solipsisme est une position philosophique insensée[8]. La tâche de connaître est remise à la sensation et à sa fonction moniste. La sensation porte en elle-même son sens.


Spinoza écrit (E2P13 corol.) : (...) le corps humain existe tel que nous le sentons.

C'est pour moi un contre-sens que d'identifier la corporalité spinozienne à la matérialité au sens commun de substance des choses.
Le corps est, comme la pensée, un mode d'auto-affection de la substance, un mode d'action. L'objet et le sujet sont des effets secondaires par conservation d'un certain rapport entre affections de la Substance.
L'individu nait d'un rapport entre éléments de réalité qui perdure malgré le changement permanent, mais sous d'autres rapports, des éléments constituants. La chose, l'essence individuelle est le tout, un rapport particulier et pas l'ensemble des parties.

Le sujet autant que l'objet ne sont que des images séparant abstraitement telle ou telle composante des rapports individualisant. On analyse le rapport en Sujet et Objet pour dire ensuite, parfois, que le rapport (phénomène) est la synthèse du Sujet et de l'Objet. Mais il me semble plus judicieux de laisser le rapport comme constituant essentiel, et de faire dériver Sujet et Objet de rapports secondaires établis avec des sensations spécifiques de distance, de séparation.

Le "Je" existe nécessairement chez l'homme normal mais secondairement et n'est pas fondateur de la réalité. Ce n'est pas le "Je pense" qui fait le monde, ce n'est pas non plus des "particules élémentaires", le monde ne se fait pas mais il est et il est animé, en acte.

E2P13 Scolie :(...) tout ce qui a été exposé jusqu'à ce moment étant d'une application générale et ne se rapportant pas plus à l'homme qu'aux autres individus de la nature ; car tous à des degrés divers sont animés.

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Messagepar YvesMichaud » 11 avr. 2005, 20:59

Salut,

Merci pour la réponse.

Même si l'observateur participe à la création de ses connaissances, on ne peut pas soutenir qu'il est le seul impliqué, car il y a l'objection: je n'ai pas conscience de créer ce que je connais.

Il y a nécessairement une composante objective, c'est-à-dire indépendante de l'observateur, même si elle ne se révèle pas à l'état pur dans des expériences.

De toute façon, il y a un neurophysiologiste qui m'a fait prendre conscience que mes pensées était d'origine inconsciente. Le pouvoir de la conscience consiste, au plus, en un droit de véto.

Ce n'est qu'une opinion d'un cyberphilosophe dépassé par tout ça.

Seconde question: qu'entend-on par «non-séparabilité»?

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Messagepar YvesMichaud » 12 avr. 2005, 05:30

Une de tes affirmations qui m'a troublé, c'est quand tu as dit que tu avais l'impression que les physiciens faisaient de l'ontologie avec leurs équations.

Je veux dire, que veux-tu qu'on fasse, nous, pauvres mortels, si maintenant il faut user d'équations d'universitaires pour faire de l'ontologie qui se respecte.

Comme on est loin des quatre causes, des substances et des accidents, de l'acte et de la puissance, de l'essence et de l'existence!
« Dieu, modifié en Allemands, a tué Dieu, modifié en dix mille Turcs. »
- Bayle

« L'idée, hors de Dieu et hors de nous, est chose; la chose, en nous et en Dieu, est idée. »
- Sertillanges

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Messagepar bardamu » 13 avr. 2005, 00:41

YvesMichaud a écrit :Salut,

Merci pour la réponse.

Même si l'observateur participe à la création de ses connaissances, on ne peut pas soutenir qu'il est le seul impliqué, car il y a l'objection: je n'ai pas conscience de créer ce que je connais.

Il y a nécessairement une composante objective, c'est-à-dire indépendante de l'observateur, même si elle ne se révèle pas à l'état pur dans des expériences.

De toute façon, il y a un neurophysiologiste qui m'a fait prendre conscience que mes pensées était d'origine inconsciente. Le pouvoir de la conscience consiste, au plus, en un droit de véto.

Ce n'est qu'une opinion d'un cyberphilosophe dépassé par tout ça.

Seconde question: qu'entend-on par «non-séparabilité»?

Salut,
le fait que tu parles à nouveau d'observateur et d'observé, me laisse penser que ce que j'ai dit n'était pas assez clair ou pas suffisant.
Je détaille.

On peut décomposer les expériences quantiques en 3 temps :
1- préparation de l'appareillage et représentation mathématique de l'état des "variables" qu'on veut observer
2- calcul des probabilités de mesure après une évolution temporelle
3- mesure et contôle statistique de l'adéquation des résultats

D'après le formalisme, la valeur de la variable n'est pas fixée tant qu'on n'a pas mesuré : à l'étape 2, on n'a que des probabilités et un spectre de valeurs possibles.

Exemple métaphorique : tu prends une guitare les yeux fermés dans l'idée de pincer une corde, tu estimes le son que tu obtiendras et cela te donne un spectre de valeurs possibles, et tant que ton oreille ne l'a pas entendu, tant que tu ne l'auras pas mesuré, tu ne pourras pas dire si la note jouée est un La, un Sol ou autre.

Là où ça devient amusant, c'est que le spectre peut avoir une extension infini et qu'il peut concerner des propriétés telles que la position. Cela signifie que tant que tu n'as pas fait la mesure, le quanton (pour reprendre la terminologie de J.-M. Lévy-Leblond) est considéré comme pouvant être n'importe où dans l'univers, la corde peut jouer n'importe quelle note.

Cela n'a finalement rien de très extraordinaire par rapport à la pensée philosophique : tant qu'on n'a pas vu une chose, on peut considérer qu'elle est n'importe où avec telle ou telle probabilité. Et on se dira qu'il y a des choses qu'on ne connait pas mais qui permettraient de dire où est la chose.
Mais en quantique, on doit considérer qu'elle est n'importe où.
Cela correspond à ta deuxième question : la non-séparabilité.

Non-séparabilité

Je reprends la métaphore de la guitare (électrique, c'est mieux pour la quantique).
Si tu frappes sur 2 cordes à la fois, tu obtiens un son différent de celui obtenu si tu avais pincé l'une ou l'autre. Mais, classiquement, tu peux considérer qu'en combinant virtuellement le son de l'une et de l'autre tu pourrais obtenir le même son. En quantique, on ne peut pas.
En physique classique, un La et un Sol donnent un Sol-La mais en quantique, il faut plutôt considérer qu'on a 2 Sol-La qui donnent un double mélange Sol-La, une interférence.
En d'autres termes, on ne peut pas séparer les cordes lorsqu'on joue sur "plusieurs" à la fois. C'est en cela que l'état est "l'objet" de la quantique, qu'il est son être le plus stable : c'est l'état Sol-La qui est occupé par 2 cordes et non pas 2 cordes qui créent un Sol-La.


En matière de position, cela veut dire que si on considère l'évolution d'un système à 2 électrons, on ne peut pas, formellement, les séparer même si l'un est sur Mars et l'autre ici.

Et "on ne peut pas", signifie que toute théorie qui voudrait correspondre aux résultats observés devrait fonctionner en intégrant ce principe.
Les théories dites "à variables cachées" qui veulent expliquer les choses avec une vision classique c'est-à-dire en disant que les individus, les cordes de la guitare, sont individuellement définies par des variables qu'on ne connait pas, sont en fait contraintes d'avoir un principe qui simule la non-séparabilité : on dira alors qu'il y a quelque chose qui perturbe instantanément une des cordes quand l'autre est pincée.
Outre ce refus d'une non-séparabilité ontologique, il y a plusieurs interprétations possibles.

Interprétations possibles

Le langage commun de présentation de la quantique ne dit pas, comme je l'ai fait, que l'objet de cette physique est l'état. Elle parle de toute une faune de particules, de champs et considère comme un donné ne nécessitant pas d'explication le fait qu'il puisse y avoir des systèmes à 2 électrons s'étendant de Mars à la Terre. Je considère qu'il s'agit d'une ontologie "d'objets bizarres". Et c'est médiatiquement très utile de parler de truc bizarres, étonnants, "inouïs" comme diraient Igor et Grichka Bogdanov.

Mon interprétation actuelle, plus sobre, prend en compte l'analyse de Michel Bitbol qui, en restant au plus près de la réalité concrète de cette physique, va plutôt considérer que l'état est l'objet de cette physique. Et dans ce cas, ce ne sont pas des systèmes d'électrons qui s'étendent de Mars à la Terre, mais seulement un système expérimental dont les états sont corrélés en tout point du système.
La non-séparabilité serait l'expression transcendantale de l'expérience, serait l'expression des conditions de possibilité de telle ou telle mesure.
On irait alors vers une ontologie d'états et d'évolution d'états, ce que j'appellerais une ontologie comportementale... éthique.
Dans ce cadre, la non-séparabilité se dissoudrait dans une pré-corrélation , comme dit Bitbol, une cause commune normale qui ne serait que la machine ou son équivalent naturel.

Quantique et information

Les états se rapportent à des observables, à des variables qu'on a choisi de mesurer avec tel ou tel appareillage. Un spécialiste d'informatique quantique (Anton Zeilinger qui a réalisé les médiatiques "téléportations quantiques"), soutient l'idée qu'on ne recueille que l'information qu'on a mis dans le système : on place la machine dans un état informatif, on laisse évoluer la machine, et on récupère un état informatif modifié.
Dans ce cadre, nombre d'effets quantiques seraient des effets d'information, c'est-à-dire liées à ce qu'on juge significatif. L'idée me semble judicieuse notamment par rapport au rôle des probabilités : on passe d'un état physique à une prédiction de probabilité de mesure par le biais d'une évolution abstraite, virtuelle, puis on retourne au physique par la mesure.

Mais est-ce que ce qu'on appelle "état" est un état physique ou bien un état d'information, un état signifiant, du système ?

Au lieu de faire :
physique -> pensée -> physique ,
je trouverais plus cohérent qu'on fasse :
pensée -> pensée -> pensée
physique -> physique -> physique
,
et ceci en relation avec la distinction des attributs Pensée et Etendue...

Nous éviterions ainsi les tentations du mélange magique entre esprit et matière, tentations qui n'ont pas manqué de toucher aussi les physiciens, certains soutenant que c'était l'esprit humain qui forçait les choses à prendre une valeur précise : concentrez-vous et vous ferez en sorte que le spectre de positions possibles du portefeuille de Bill Gates se réduise à une position dans votre poche !

Il faudrait donc distinguer :
Etendue :
préparation expérimentale globale -> évolution globale de la préparation -> état "mesure" de la préparation globale

Pensée :
vecteur d'état -> fonction d'onde, équation de Schrödinger -> réduction de la fonction d'onde


J'ai soudainement introduit "vecteur d'état", "équation de Schrödinger" et "réduction de la fonction d'onde", mais ce ne sont que les représentants mathématiques des termes correspondant à l'Etendue.

L'objectif de cette distinction serait d'isoler ce qui dépend de notre manière de représenter le monde et ce qui dépend de l'expérience corporelle possible. Par exemple, la non-séparabilité ne permet pas de transporter d'information : il faut connaitre l'état de A et l'état de B pour s'apercevoir que l'un et l'autre sont liés, et donc, il n'est pas question de changer A pour informer un observateur en B, puisque celui-ci devra aller demander l'état de A pour pouvoir faire sa corrélation. Tant qu'à demander l'état de A pour faire la corrélation, autant demander directement l'info...
Et donc, un phénomène qui ne transporte pas d'information, est-il un événement physique ou bien un simple événement intellectuel a posteriori ? Est-ce que quelque chose se passe quand aucune information ne passe ?

YvesMichaud a écrit :Une de tes affirmations qui m'a troublé, c'est quand tu as dit que tu avais l'impression que les physiciens faisaient de l'ontologie avec leurs équations.

Je veux dire, que veux-tu qu'on fasse, nous, pauvres mortels, si maintenant il faut user d'équations d'universitaires pour faire de l'ontologie qui se respecte.

Comme on est loin des quatre causes, des substances et des accidents, de l'acte et de la puissance, de l'essence et de l'existence!

Comme disaient les physiciens London et Bauer, la physique a pour vocation de faire des "découvertes philosophiques négatives", c'est-à-dire de montrer ce qu'il n'est pas légitime de penser concernant son domaine d'expérience.
Par exemple, la physique quantique nous dit, expérience à l'appui, qu'il n'est pas légitime de considérer que la position spatiale est un critère d'individualisation valable en toute circonstance.
Le prendre comme un fait acquis me semble assez stimulant pour la pensée philosophique et il suffit de chercher un peu pour trouver des pensées philosophique qui ont déjà traité de la nature de l'individu selon des critères non spatio-temporels.
Qu'est-ce qu'un individu pour Spinoza : un rapport entre corps simples.

Dans le schéma expérimental présenté plus haut, on peut écrire :
préparation expérimentale -> évolution de la fonction d'onde -> mesure
Soit :
un état actuel -> plusieurs états "potentiels" -> un état actuel
Et là, se pose la question du statut de ces potentiels. Vaste question que la philosophie a largement traité.

Je citerais donc J.-M. Lévy-Leblond, physicien et épistémologue :
"la science me paraît bien présomptueuse à vouloir voler au secours de la philosophie qui affronte la difficulté de penser depuis bien longtemps déjà, et en a acquis une expérience d'une autre ampleur.
- Alors, la physique n'a rien à dire sur le réel ?
- Mais si : elle peut apporter à la philosophie des armes neuves sous la forme des ses "découvertes philosophiques négatives"."


Cela pour dire qu'il ne faut pas faire de complexe face aux physiciens. Je l'ai déjà dis ici, mais, selon moi, la physique doit expliquer le monde normal, le monde de tout le monde. Dès lors qu'elle parle d'un monde anormal, elle doit nous expliquer comment elle explique la normalité.
Autant la physique quantique a fait ses preuves expérimentales, autant ses aspects "bizarres" n'ont pas de valeur ontologique particulière. Ma tendance est plutôt de la ramener à une ontologie qui colle avec notre expérience parce que c'est ainsi qu'on comprend. La non-séparabilité est-elle l'asile de l'ignorance ou l'expression d'une réalité intelligible ?

Je ne sais plus où j'aurais dis que les physiciens font de l'ontologie avec leurs équations, mais ce ne devait pas être un compliment. Dès lors qu'on se met à croire naïvement qu'une chose existe physiquement parce qu'elle est écrite dans l'équation, on fait pas moins que lorsqu'on confond les mots et les choses. Que les mots soient des symboles mathématiques ne changent pas grand chose.

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Messagepar Miam » 15 avr. 2005, 23:48

"Qu'est-ce qu'un individu pour Spinoza : un rapport entre corps simples"

Pour revenir a Galilee and co, considerer des corps simples comme particules determinees, n'est ce pas justement rester en deca de la PQ? En prenant en compte l'aspect ondulatoire, voire la conciliation possible de la physique de Spinoza avec la notion de champs via les pendules de Huygens (et leur aspect veritablement relativiste, j'y reviendrai) ne rapproche-t-on pas plus valablement Spinoza de la physique contemporaine ? Vois-tu les corpora siñplissima comme des parties indivisibles reelles ? S serait vulgairement atomiste ? Evidemment non, comme tu le sais toi-meme: Alors pourquoi refuser l'interpretation ondulatoire des corpora simplissima comme tu le faisais avant mon depart. Cela s'accorde fort bien avec ce que tu viens de montrer, ? non ¿

PS: je reviens dans deux semaines. Avant cela je serai toujours un peu "out" ¡ Adios gringo !

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Messagepar hokousai » 16 avr. 2005, 00:55

à miam et bardamu


Il me semble que la physique de Spinoza peut être comprise à partir du scolie du lemme 7 (partie 2) lemme qui traite de l’individu .

Ce scolie parle d' abord des corps les plus simples ce dont parlera la physique classique ou plus exactement la chimie classique après les avoir isolé, mais cela dans la continuité de la tradition occidentale qui a toujours parlé d éléments simples constituant la nature ..
Puis il parle de maintien de la forme ( sans changement de la forme )
ce qui renvoie à bien plus antérieur qu à la physique classique , c’est à dire à Aristote .

J’ admire les efforts de miam et Bardamu pour réincorporer Spinoza dans le quantique , à lire les textes de Spinoza cela me paraît difficile .

Maintenant qu’un philosophe de l âge du quantique puisse être Spinoziste ne me parait pas contradictoire . Il faut alors à cet effet ne pas réduire Spinoza à sa physique .
A cet effet distinguer une philosophie de la nature d'une ontologie (ou métaphysique ) .

La physique étant évolutive comme toute science ,la physique de Spinoza est datée historiquement, la métaphysique est ,elle, inscrite dans une autre échelle de temporalité .
Ce qu' on fait pour Descartes c’est à dire critiquer certaines de ses positions en physique ou en anatomie , ce qu’on fait pour Kant ou pour Hegel au sujet de leur opinions scientifiques et ce qu’on a fait d’ abord contre Aristote c'est à dire revister critiquement sa physique on se refuse ici à le faire pour Spinoza .

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Messagepar bardamu » 16 avr. 2005, 02:57

Miam a écrit :Posté le: 15/04/2005 23:48 Sujet du message:

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"Qu'est-ce qu'un individu pour Spinoza : un rapport entre corps simples"

Pour revenir a Galilee and co, considerer des corps simples comme particules determinees, n'est ce pas justement rester en deca de la PQ? En prenant en compte l'aspect ondulatoire, voire la conciliation possible de la physique de Spinoza avec la notion de champs via les pendules de Huygens (et leur aspect veritablement relativiste, j'y reviendrai) ne rapproche-t-on pas plus valablement Spinoza de la physique contemporaine ? Vois-tu les corpora siñplissima comme des parties indivisibles reelles ? S serait vulgairement atomiste ? Evidemment non, comme tu le sais toi-meme: Alors pourquoi refuser l'interpretation ondulatoire des corpora simplissima comme tu le faisais avant mon depart. Cela s'accorde fort bien avec ce que tu viens de montrer, ? non ¿

PS: je reviens dans deux semaines. Avant cela je serai toujours un peu "out" ¡ Adios gringo !

Salut,
vu la méprise que semble faire Hokousai, je précise : d'un côté je parle de la physique de Spinoza et je la relie à sa métaphysique, de l'autre côté je parle de quantique et je la relie à des logiques et métaphysiques monistes, dont celle de Spinoza.
De même qu'Heisenberg, un des fondateurs de la quantique, est allé cherché de l'inspiration dans la pensée hindou, je pense intéressant de voir comment Spinoza traite d'une logique mêlant les conceptions esprit-matière ou pensée-étendue. Son articulation des choses comme modes ontologico-épistémiques m'intéresse.
Les points de concordance avec un imaginaire de champ sont peut-être fortuit ou, plus probablement (intuition personnelle...), induits par les principes monistes.

Mais pour ce qui concerne la physique de Spinoza, c'est-à-dire des idées nées d'une certaine expérience en "laboratoire", elle ne peut être que classique puisqu'il n'avait pas accès au domaine d'expérience proprement quantique.

Ceci dit, du fait qu'il définit un corps par son mouvement et son repos, le corps simple ne me semble défini que par une grandeur de mouvement ou de repos. Il n'a alors ni figure, ni étendue propre, ce n'est qu'une essence de mouvement, une impulsion en un point, imposant son mouvement à une certaine étendue.
Ce serait une forme d'atomisme mais modal : "l'atome" n'a pas de forme, ce n'est pas une substance mais une impulsion, l'application en un point d'une force-mouvement élémentaire qui se propage de proche en proche dans un continuum.
Je ne retrouve pas chez Spinoza la relation aux pendules de Huygens parce que nulle part, me semble-t-il, il ne parle de ces pendules. Par contre, il a monté des expériences de "chimie", de mécanique des fluides et d'optique, aussi j'aurai tendance à chercher son imaginaire physique de ce côté.
Ceci dit, il se peut qu'on puisse aussi rapprocher le modèle du pendule de sa physique comme je me permets des rapprochements avec les champs.

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Messagepar hokousai » 16 avr. 2005, 17:31

à Bardamu

Je comprends très bien que "" les corps sont des choses singulières se distinguant entre elles sous le rapport du mouvement et du repos . ""
Mais le concept de corps ( représenté dans le texte par le mot corpus ) est sujet constant des propositions.
De ce corps on en prédique qu’il est plus ou moins en mouvement .
Spinoza distingue un sujet ( le corps) du prédicat( le mouvement) .

S il ne l’avait pas fait ,on aurait alors ce genre de proposition :""De là il suit qu’un mouvement se meut aussi longtemps qu’un autre mouvement ne le détermine pas au repos "" et non :""de là il suit qu’ un corps etc .. ( coroll Lemme 3.partie 2)""

On a
l’ axiome 2 (partie 2) : Quand un corps en mouvement en frappe un autre ….
L’axiome 3 :Plus grandes sont les surfaces suivant lesquelles les parties d’ un individu ou d un corps , s’ appuient les unes sur les autres etc ..

Vous me dîtes que : il n'y a ni figure ni étendue propre !!!!
A quoi donc se réfère ces corps dont les surfaces etc …si ce n’est à une forme propre étendue
Pour moi et il le semble bien pour Spinoza il est impossible de penser le mouvement sans mobile identifiable par sa forme donc non seulement par sa position , ce qui est le propre d’une formalisation mathématique abstraite et universelle laquelle ne rend pas compte des corps particuliers .

Hokousai

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Messagepar bardamu » 16 avr. 2005, 20:43

hokousai a écrit :à Bardamu

Je comprends très bien que "" les corps sont des choses singulières se distinguant entre elles sous le rapport du mouvement et du repos . ""
Mais le concept de corps ( représenté dans le texte par le mot corpus ) est sujet constant des propositions.
De ce corps on en prédique qu’il est plus ou moins en mouvement .
Spinoza distingue un sujet ( le corps) du prédicat( le mouvement) .

S il ne l’avait pas fait ,on aurait alors ce genre de proposition :""De là il suit qu’un mouvement se meut aussi longtemps qu’un autre mouvement ne le détermine pas au repos "" et non :""de là il suit qu’ un corps etc .. ( coroll Lemme 3.partie 2)""
On a
l’ axiome 2 (partie 2) : Quand un corps en mouvement en frappe un autre ….
L’axiome 3 :Plus grandes sont les surfaces suivant lesquelles les parties d’ un individu ou d un corps , s’ appuient les unes sur les autres etc ..

Vous me dîtes que : il n'y a ni figure ni étendue propre !!!!
A quoi donc se réfère ces corps dont les surfaces etc …si ce n’est à une forme propre étendue
Pour moi et il le semble bien pour Spinoza il est impossible de penser le mouvement sans mobile identifiable par sa forme donc non seulement par sa position , ce qui est le propre d’une formalisation mathématique abstraite et universelle laquelle ne rend pas compte des corps particuliers .

Hokousai

Salut,
Lorsque "mouvement" ou "repos" s'appliquent à un mode de l'Etendue, on parle de corps. Mais si la vitesse ou la lenteur sont les critères distinctifs des corps, leur essence n'est pas directement liée à la figure, à la forme. Celle-ci est un effet secondaire.
En ce sens, l'essence d'un corps simple ne tient qu'à un seul trait distinctif : vitesse et lenteur.
Cette essence singulière s'applique ensuite à une part plus ou moins grande de l'étendue mais ce n'est pas le critère distinctif du corps. En d'autres termes, le corps peut être réduit à une extension infiniment petite dès lors qu'il y a variation continue des degrés de vitesse comme c'est le cas dans un fluide circulant entre 2 tuyaux non-concentriques (cf Lettre XII). Et cet exemple montre que pour Spinoza il n'est nul besoin de forme pour identifier un corps.
Les notions de forme propre n'apparaissent qu'avec les Individus, les corps composés ( E2P13 lemme IV).

Ceci dit, et pour revenir au sujet sur quantique, sujet et objet, un lien que je viens de trouver vers un "manifeste" pour un programme de conceptualisation des sciences contemporaine qui évoque tout ceci et entre parfaitement dans l'ordre de mes réflexions : http://www.mcxapc.org/docs/conseilscient/mms1.htm

En est issu un regroupement d'universitaires dont je souhaite que le travail soit plus avancé que leur site : http://mapage.noos.fr/mms/cesef.html


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