La constitution européenne

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

Avatar du membre
Louisa
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 1725
Enregistré le : 09 mai 2005, 00:00

Messagepar Louisa » 02 juin 2005, 06:02

Bonjour,

je suis tout à fait d'accord avec ce que vient d'écrire Henrique. Merci beaucoup donc pour le lien vers la pétition!
Louisa

Avatar du membre
DGsu
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 218
Enregistré le : 14 janv. 2004, 00:00
Localisation : Ici
Contact :

Messagepar DGsu » 02 juin 2005, 09:23

http://www.appel-constituante.org

Merci Henrique pour ton précédent message.

A bien considérer une telle action qui est avant tout une réflexion collective de base sur une "autre" constitution, je me demande si le fait qu'elle contrecarre les projets actuels des équipes gouvernantes ne la voue pas malheureusement à l'échec ou à un faible rayonnement.

Il semble évident en lisant dans la presse les réactions au "non" français, que les politiciens partisans du "oui" (ils n'ont pas disparu comme par enchantement), provenant plutôt des partis au pouvoir, n'expriment pas un désir flagrant de réexaminer l'actuelle proposition de constitution. Nous lisons plutôt que le projet européen sera poursuivi (en France en tout cas) comme il avait été engagé avant le referendum, donc tel qu'il est. L'idée générale dans la presse est que le "non" est contre l'Europe et il n'est presque jamais question d'autre chose.

En Belgique nous entendons même fleurir (comme je l'ai écrit plus haut mais "entendre fleurir" est tout de même particulier) des publicités radiophoniques vantant la constitution comme une savonnette (c'est-à-dire dans le style propre à la publicité) et surtout comme si elle avait déjà été instaurée! Il me semble même avoir lu qu'une campagne d'affichage lancée par les autorités fédérales informe qu'en Belgique, la constitution a été plébiscitée par 70% des belges (des sujets puisque nous sommes dans un Royaume!) alors que c'est bien sûr le parlement qui a effectué le vote.

Tout ceci pour souligner que les gouvernants actuels sont prêts à agir concrètement s'il le faut pour entériner malgré tout la constitution désavouée maintenant dans deux des pays fondateurs de l'Europe.

Faudra-t-il attendre de nouvelles élections nationales (à quelque niveau que ce soit) pour constater une rejet massif de ceux qui poursuivent leur chemin sans réellement tenir compte des signes qui leurs sont lancés ? Ceux des politiciens qui ont appelé au "non" auront-ils la force et l'élan nécessaires pour dépasser cette position et engager toutes les forces politiques dans un réexamen nécessaire, voire urgent ?

Oui bien la réflexion se cantonnera-t-elle presqu'exclusivement à des petits cénacles plus concernés comme celui-ci ?

Bonne journée à tous!
DG :wink:
"Ceux qui ne bougent pas ne sentent pas leurs chaînes." Rosa Luxemburg

Avatar du membre
Henrique
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 1184
Enregistré le : 06 juin 2002, 00:00
Localisation : France
Contact :

Messagepar Henrique » 06 juin 2005, 03:53

DGsu a écrit :A bien considérer une telle action qui est avant tout une réflexion collective de base sur une "autre" constitution, je me demande si le fait qu'elle contrecarre les projets actuels des équipes gouvernantes ne la voue pas malheureusement à l'échec ou à un faible rayonnement.


Il ne faut certes pas être naïf et ne pas fonder cette action sur l'espoir exclusif de sa réussite. Comme le pêcheur qui pêche pour le plaisir et qui remet sa prise à l'eau, l'essentiel n'est pas la réussite finale de l'action politique mais l'accord avec soi-même. C'est comme cela que je comprends l'agir politique d'un point de vue spinoziste. Agir de façon désespérée pour ne pas être tributaire de l'espoir comme de la crainte qui en découle, pour ne pas être arrêté par la déception quand elle se présente.

Mais agir de façon désespérée est aussi la meilleure façon de rencontrer l'inespéré. Au début du mois de mai, on pouvait être en droit de douter très sérieusement de la capacité du non de s'imposer dans les urnes devant le déchaînement des médias comme "des équipes gouvernantes" en faveur du oui. Les collectifs pour la lecture du traité ainsi que les multiples débats qui ont eu lieu sur Internet ont réussi à inverser la tendance imposée du haut des institutions médiatico-politiques. Le peuple a démontré qu'il pouvait faire de la politique, c'est-à-dire prendre en main sa destinée collective, sans avoir besoin que ses élites le guident de façon paternaliste et même a contrario s'il le fallait. Un des enseignements de ce referendum aura été que si elles veulent continuer d'être élues, les élites ont intérêt à compter avec l'intelligence de ceux qu'elles sont censées représenter.

Aussi, cette initiative d'un appel à constituante, comme d'autres du même genre, qui sont encore balbutiantes, peut réussir si le citoyen reste conscient qu'il n'est pas juste un sujet de droits accordés, octroyés par le pouvoir en place, mais qu'il est sujet d'un pouvoir politique fondamental s'il sait se réunir et agir de concert.

Il semble évident en lisant dans la presse les réactions au "non" français, que les politiciens partisans du "oui" (ils n'ont pas disparu comme par enchantement), provenant plutôt des partis au pouvoir, n'expriment pas un désir flagrant de réexaminer l'actuelle proposition de constitution.

Ils ne vont pas admettre comme cela qu'ils avaient tort et qu'une autre façon de faire de la politique est possible, en effet. Mais le pouvoir des médias, comme des politiques élus reste relatif au consentement de l'ensemble de la société. En votant oui, 45% des français ont manifesté une volonté d'unité européenne démocratique - en considérant que l'aspect libéral du texte n'y faisait pas obstacle ou en ne le voyant carrément pas. En votant non, 30% des 55% qui ont voté non ont manifesté la même volonté en considérant toutefois que ce n'était pas possible si on continuait dans la ligne exclusivement libérale. Cela fait donc plus de 70% de gens qui veulent une Europe politique et démocratique, les gouvernants ne pourront donc pas indéfiniment faire sans.

Il y a bien sûr ceux comme Chirac et Schroëder qui veulent faire continuer les ratifications pour que les "moutons noirs" se sentent isolés et reviennent au vote par la suite jusqu'à ce qu'ils aient dit oui. Il y a aussi ceux comme Blair qui ne voulant pas risquer un vote négatif chez eux remettant en cause leur légitimité préfèreraient sans doute enterrer le projet nettement. Mais il y a aussi la volonté des peuples. Elle met le temps, elle cherche longtemps la brèche à travers laquelle elle pourra s'exprimer mais elle finit par le faire comme le brin d'herbe arrive à terme à pousser à travers une plaque de béton.

Les anglais ne sont pas si friands de libéralisme que cela. Pour eux, il n'y avait de choix qu'entre les tories thatcheriens, les libéraux démocrates et le parti travailliste qui est censé être le plus à gauche. Certes les libdems sont maintenant plus à gauche en réalité, parce que leur programme centriste à la fois libéral et étatiste n'a guère changé depuis l'après guerre (le génial Keynes était des leurs), et ils ont fait une belle percée aux élections. Mais mal connus, la population s'est tout de même massivement portée sur ce qui lui semblait le mieux connu à savoir les travaillistes. Pourtant quand on regarde certains sondages, ils n'aiment ni la politique atlantiste de Blair ni son libéralisme : par exemple, ils demandent en masse la renationalisation des transports en commun, notamment les trains, dont la privatisation a montré toute la faiblesse (un groupe privé, cela sait faire du profit ; faire arriver les trains à l'heure, c'est autre chose).

Nous lisons plutôt que le projet européen sera poursuivi (en France en tout cas) comme il avait été engagé avant le referendum, donc tel qu'il est. L'idée générale dans la presse est que le "non" est contre l'Europe et il n'est presque jamais question d'autre chose.


Ce sont les perdants qui interprètent le choix des gagnants, il ne fallait pas s'attendre à ce qu'ils soient des plus honnêtes et positifs. Cela montre une fois de plus que les médias de masse ne sont pas indépendants : Lagardère, Dassault et quelques autres sont passés par là. Mais tout ce qu'ils gagnent, c'est que les gens les croient de moins en moins et apprennent de plus en plus à compter sur eux-mêmes ou sur des sources plus libres - Internet, le bar du coin, les collègues, certains journaux indépendants de grands groupes financiers - pour comprendre et commenter l'actualité.

En Belgique nous entendons même fleurir (comme je l'ai écrit plus haut mais "entendre fleurir" est tout de même particulier) des publicités radiophoniques vantant la constitution comme une savonnette (c'est-à-dire dans le style propre à la publicité) et surtout comme si elle avait déjà été instaurée!


En Hollande, ils ont même essayé de faire comme en Espagne : distribuer des boissons tonifiantes aux couleurs de l'Europe, ça marche une fois, ensuite ça ne prend plus. Mais en Hollande, contrairement à l'Espagne, ils avaient la partie III. Bien sûr, on dit que c'est un vote contre l'Europe, comme s'il n'y avait pas de choix entre plusieurs europes possibles : une purement technocratique avec quelques habillages démocratiques, une plus démocratique... Malgré ce qu'on nous a seriné, j'ai bien vu des affiches en Hollande qui disaient "L'Europe oké, ce traité non".

Il me semble même avoir lu qu'une campagne d'affichage lancée par les autorités fédérales informe qu'en Belgique, la constitution a été plébiscitée par 70% des belges (des sujets puisque nous sommes dans un Royaume!) alors que c'est bien sûr le parlement qui a effectué le vote.

En Belgique comme en France, la différence entre la réalité sociale vécue et ce que disent les médias finit aussi par faire son chemin. En France, le parlement a adopté au mois de janvier une révision de notre constitution préalable à l'adoption du traité à 92% ; au mois de février, il y avait plus de 60% d'intentions de vote en faveur du traité, et puis il y a eu le débat et puis beaucoup de gens ont eu le temps de s'informer, de lire le texte et de faire le rapprochement avec bien des problèmes sociaux vécus en France comme ailleurs.

Tout ceci pour souligner que les gouvernants actuels sont prêts à agir concrètement s'il le faut pour entériner malgré tout la constitution désavouée maintenant dans deux des pays fondateurs de l'Europe.

Ce qui montre bien à qui veut croire sans aucun recul au principe de l'adéquation entre la volonté du peuple et sa représentation qu'il y a de fait un hiatus. Ce ne sont pas ces représentants qui feront le cheminement requis pour résoudre ce problème, ils l'ont montré après chaque défaite électorale en prétendant le faire et en ne changeant rien aux habitudes paternalistes des partis. Ma solution est que le citoyen se repolitise, qu'il réinvestisse les partis pour peser sur leur devenir. Je ne dis pas que c'est facile. Moi-même, je ne suis actuellement adhérant à aucun parti, mais tu auras compris que ma perspective est d'évoluer par rapport à cette question.

Faudra-t-il attendre de nouvelles élections nationales (à quelque niveau que ce soit) pour constater une rejet massif de ceux qui poursuivent leur chemin sans réellement tenir compte des signes qui leurs sont lancés ?


En l'état, le PS a l'air bien parti pour cela en France. On exclut de la direction ceux qui ont été en phase avec le vote populaire au nom d'une conception stalinienne de la démocratie et on prépare entre soi, dans l'autisme le plus pitoyable, une présidentielle qui tend autant qu'il est en eux-mêmes de le faire à faire oublier la question cruciale et fondamentale de l'Europe.

Une volonté d'avoir prise sur les décisions européennes s'est manifestée, on y répond dans les grands partis de gouvernement par des remaniements ministeriels et des évctions dans le parti : et ils croient détourner l'attention de beaucoup de monde comme ça...

Mais ce qui peut changer les choses d'ici à novembre où des élections sont prévues au PS, c'est que le peuple de gauche, avec nombre de ces collectifs qui ont su s'organiser pour faire reculer aussi efficacement le rouleau-compresseur néolibéral, réinvestisse un parti composé pour moitié d'élus qui dans la logique de leur conatus d'élus raisonnent plus en termes de sièges électoraux - supposant par un préjugé naturel que l'allégeance à l'idéologie dominante est une condition à respecter - que de choix politiques profonds. Si ce réinvestissement sait s'organiser et s'exprimer, on pourra peut-être revenir à une conception politique de la gauche, plutôt que cette conception moralisatrice et culpabilisatrice qui ne change rien aux causes et se contente de quelques pansements sur le cancer néolibéral.

Ceux des politiciens qui ont appelé au "non" auront-ils la force et l'élan nécessaires pour dépasser cette position et engager toutes les forces politiques dans un réexamen nécessaire, voire urgent ?

Ils ne l'auront pas si le citoyen ne prend pas conscience qu'il a un pouvoir fondamental en démocratie : celui de débattre des choix politiques de ses représentants et de faire pression pour qu'ils tiennent compte de leurs orientations. Je pense que ce referendum a été l'occasion d'un embryon de prise de conscience à cet égard. Il est vrai qu'il faut encore transformer l'essai et que ce n'est pas gagné mais ce n'est certes pas en attendant sans rien faire que les choses changeront d'elle-mêmes : ne soyons pas plus libéraux à cet égard que les libéraux, il ne faut pas laisser faire les représentants en attendant que ça aille mieux, il faut réguler le système de représentation politique en lui opposant un contrepouvoir fort : un militantisme critique et organisé. Le temps où le militant n'était que le bras matériel des chefs de partis n'a plus d'avenir.


Cela m'amène à répondre quelques mots à l'option nationaliste d'Hokousai. D'abord la notion de nation est récente, l'idée même de nation française date de la révolution de la Révolution, à une époque où des dizaines de dialectes étaient parlés, où des frontières existaient entre les régions et où la majeure partie des populations passait le plus clair de son existence dans un rayon de 50 km. L'instauration du français comme langue unique pour les bretons comme pour les Limousins a été un des actes fondateurs de la nation française - mais d'autres nations se sont constituées sans unité linguistique (la Suisse, la Chine, eh oui...). Une nation est "une communauté humaine qui s'est plus ou moins isolée dans des limites géographiques artificiellement fixées par les hasards de l'histoire, et dont le trait commun supposé est la conscience d'une appartenance à un même groupe".

Au départ, on a des gens qui connaissent ceux de leur village et qui n'en demandent pas plus, sont contents tant qu'on les laisse tranquilles. Puis cela prend les proportions d'une région parce qu'il y a des besoins qui ne peuvent être entièrement satisfaits sur place, il y a alors du commerce, des convoitises, de la concurrence, des conflits : l'état de nature. La nation n'est qu'une étape historiquement déterminée de l'effort humain pour surmonter son état de nature. Quand une nation finit par se constituer pour régler les conflits entre différentes régions, l'état de nature demeure entre les nations elles-mêmes.

Moi qui suis Limousin de coeur, Juif d'esprit, Breton de tripes et Brésilien par mon pseudonyme, je me sens aussi très fier d'appartenir à la France, cette lumière qui éclaire le monde. Chronologiquement, c'est le terreau sur lequel j'ai grandi qui est constitutif : mon village, ma région, mon pays. Dans ce sens, je suis amené à me sentir Limousin avant d'être français, français avant d'être européen... Mais logiquement, je n'aurais aucune conscience de ce type si je n'était d'abord humain. Je suis donc "citoyen du monde" avant d'être européen ; de culture européenne (gréco-latino-judéo-chrétienne) avant d'être français ; de langue, de moeurs, d'alimentation française avant d'être Limousin et ainsi de suite.
Chronologiquement, nous allons du petit vers le grand ; logiquement, c'est le tout qui conditionne le mouvement de ses parties.

Alors est-il possible aujourd'hui d'en rester au niveau de la nation ? A l'évidence, les progrès technologiques, économiques et mêmes politiques amènent les nations à coexister de plus en plus étroitement entre elles, si bien que la notion même de communauté de destin finit par s'élargir singulièrement. Pour éviter les conflits et l'insécurité qui suivent de cette proximité, il n'y a pas d'autre option que la recherche de terrains d'ententes qui deviendront l'espace politique même.

Mais cela ne saurait se faire aujourd'hui trop rapidement et certainement pas sans les peuples comme on a tenté de le faire avec cette constitution que les élites politco-médiatiques ont tenté de nous présenter comme un fait accompli face auquel il n'y aurait pas d'autre choix que de se soumettre ou de mourir (par l'étouffement que produirait une situation isolée). Et il faut qu'il y ait quelque chose à gagner par rapport à l'état de nature : instaurer la compétition généralisée entre les peuples et les hommes n'est guère une avancée en ce sens. Hobbes signalait déjà dans le Leviathan que la compétition était la première cause de conflit entre les hommes (chap. 13). Une certaine dose de concurrence entre les hommes d'un pays, ou même entre les régions est acceptable dans la mesure où il existe au préalable un Etat fort capable de garantir l'harmonie des droits sociaux et des devoirs fiscaux, autrement toute concurrence ne peut qu'être déloyale.


J'en viens donc pour finir aux dernières remarques de Bardamu sur la question :
En fait, ce n'est pas comme ça que j'ai compris le texte de July.
...
En fait, il défend un pragmatisme mou en accusant les autres d'excès, ce qui est finalement assez comique pour un personnage qui se présente souvent comme sans concession.

Serge July, ce n'est pas l'homme des concessions, c'est le complice de ses propres fossoyeurs, le libertaire paternaliste, en un mot le journaliste libéral. Diabolique le libéralisme ? Exactement, si on se rapporte au sens du terme grec diabolos : "ce qui divise". Alors que l'Etat unit les puissances individuelles, le libéralisme qui préconnise le moins d'Etat possible contribue à pousser les individus à se refermer sur leur propre puissance en cultivant la concurrence généralisée entre eux, ce qui les referme aussi sur leur quant à soi privé, leur intérêt personnel avant toute considération de l'intérêt général et cela, car les libéraux y croient sincèrement, pour l'intérêt général de toute la nation. C'est ce qu'on appelle la société de consommation.
La notion de France d'en haut ou d'en bas a été lancée par ceux contre qui elle s'est retournée le plus violemment, c'est ironique aussi comme disent les américains. Raffarin réactivateur de la lutte des classes, on finirait par croire à la notion hegelienne de ruse de l'histoire.

Quant au "fédéralisme social" cela ne revient pas à faire de l'Europe un seul pays, ni à considérer que cette Europe serait par essence socialiste. J'ai parlé de fédération de nations : chacune garde ses spécificités et une part de souveraineté pour les questions qui ne regardent qu'elle - autrement dit ce qui se passe déjà mais au lieu que ce soit les gouvernants et la commission qui décident entre eux au conseil et à la commission dans l'opacité la plus grande et sans aucune mandature démocratique (a-t-on élu Chirac sur son programme européen ? A-t-il simplement prononcé le mot durant sa campagne ?), je préconnise que ce soient les parlementaires qui décident des lois sur la base d'un mandat européen, à la suite de débats et d'élections européennes. La seule chose que je demande est la démocratie, après c'est à l'ensemble des peuples de faire le choix - de pouvoir faire le choix - entre libéralisme pur et dur, social-libéralisme, mais aussi étatisme de droite (colbertisme, soutien privilégié aux grosses entreprises) ou étatisme de gauche (keynesiannisme, soutien préférentiel aux salaires et aux petites entreprises).

Si j'ai voté "oui" en dépit de tes arguments c'est que je suis resté d'avis qu'il s'agissait là d'un texte positif, allant dans le bon sens, et que je ne voyais pas de raison de m'y opposer.
Pour moi, le choix était entre un petit mieux tout de suite ou un éventuel grand mieux plus tard.

Si pour toi le libéralisme est le bon sens, tu as eu raison de voter ainsi. Si tu penses que la justice et la sécurité sociales peuvent être obtenues en laissant oeuvrer la concurrence libre et non faussée, il fallait voter oui. Mais si tu penses qu'on doit pouvoir avoir le droit d'opter pour d'autres conceptions des moyens d'obtenir cette justice et cette sécurité, autrement dit si tu es pour la démocratie, je vois mal comment tu n'as pas pu te fourvoyer.
Quant à ton choix que tu résumes aussi par "un tiens vaut mieux que deux tu l'auras", j'y oppose comme je l'ai déjà répondu à Augustin cette citation de Spinoza : "La raison nous fera préférer un plus grand bien à venir à un moindre bien présent, et désirer un moindre mal présent qui est la cause d'un plus grand bien à venir." La seule chose positive de ce traité était une facilitation des prises de décisions à 25, il ne s'y trouvait aucun véritable principe d'unité politique plus grande, pas de garantie de droits nouveaux, et cela au prix d'une constitutionnalisation du néolibéralisme qui nous aurait interdit tout autre choix politique pour des décennies.

Donc je préfère au moindre bien que représente cette facilitation des décisions à 25, le plus grand bien que sera une Europe réellement plus démocratique et que ce traité interdisait. Pour éviter ce plus grand mal que serait la confirmation populaire de la volonté d'une Europe chausse pied de la mondialisation néolibérale et donc aussi permettre ce plus grand bien que serait une Europe réellement plus unie (enfin, faire l'unité sur la base de la concurrence généralisée, tu as vu ça où ?), je n'hésite pas à accepter cette crise passagère que crée le non et qui déjà commence, comme tu le dis et comme j'ai entendu des ouistes belges le dire à la RTBF ce soir (nos ouiistes français, ce sera pour un peu plus tard) à permettre une plus grande appropriation de la question européenne par les peuples concernés.

Avatar du membre
Miam
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 946
Enregistré le : 28 févr. 2004, 00:00

Messagepar Miam » 06 juin 2005, 11:16

:) Henrique, tu es quand même relativement très à gauche pour un "social démocrate" non ?

Je suis heureux qu'il y ait enfin eu un débat populaire et un sursaut populaire. Mais qui va maintenant encadrer le "non" de gauche ? Le parti communiste ? Attac ? Ou devra-t-il rester informel ? Quel outil avons-nous aujourd'hui pour agir sur l'institution européenne ?

Avatar du membre
Henrique
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 1184
Enregistré le : 06 juin 2002, 00:00
Localisation : France
Contact :

Messagepar Henrique » 07 juin 2005, 19:29

Miam a écrit ::) Henrique, tu es quand même relativement très à gauche pour un "social démocrate" non ?


Tu dis ça parce que j'ai dit que le libéralisme était diabolique ? :D
Bien sûr, en tant que facteur d'atomisation sociale, je pense que le libéralisme pur et dur est plus mauvais que bon. D'autre part, si par "diabolique" on entend ce qui fait le mal pour le mal, bien sûr rien ne peut être sérieusement considéré comme diabolique pour un spinoziste, certainement pas le libéralisme. D'ailleurs ce qui me gêne le plus, c'est la rigidité idéologique que le TCE manifestait en voulant constitutionnaliser une politique de déréglementation générale et d'indépendance absolue de la BCE qui a déjà fait ses preuves pourtant en matière d'inefficacité économique et sociale. Ici, je pense au chapitre I du Traité Politique, qui fonde le pragmatisme en politique.

Mais combattre la rigidité ne veut pas dire renoncer à toute rigueur en matière de ligne politique. Le pragmatisme est souvent invoqué pour justifier ce qui n'est en réalité que suivisme et opportunisme. La social-démocratie, dont il faut se souvenir que la IInde Internationale se réclamait, ce n'est pas par nature la trahison du social sous couvert de démocratie.

Et comme tu le dis, cela peut être relativisé. Les libéraux-démocrates - dont Keynes était - en Angleterre étaient historiquement à droite du parti travailliste, aujourd'hui ils sont à gauche et c'est d'ailleurs ce qui leur a valu une remontée historique aux dernières élections.

Je me dis social-démocrate - et je réponds aussi à Bardamu qui me posait cette question - au sens où je suis pour passer par la démocratie plutôt que par la révolution pour réformer progressivement les structures sociales en vue de l'avantage de tous. Je suis donc parfaitement réformiste, dans la lignée de Bernstein. Par ailleurs, je ne crois pas à une économie collectiviste dirigée d'amont en aval par l'Etat mais je pense qu'il faut prendre acte de la réalité humaine telle qu'elle est, y compris sur le plan économique. Je ne suis donc pas d'extrême gauche mais plutôt de centre gauche puisque je pense qu'il faut réformer les structures socio-économiques en tenant compte de ce que les hommes sont, non de ce qu'ils devraient être. En revanche, je suis pour des réformes qui méritent ce nom, des réformes structurelles allant dans le sens d'une meilleure répartition des richesses, ce qui par définition renforce l'ensemble du corps social, là où le libéralisme refuse toute régulation en ce sens.

Et quand je dis "réformisme", il faut de fait entendre réformisme en vue d'une plus grande justice sociale, et non en vue d'une plus grande concentration des pouvoirs économiques, médiatiques et politiques dans les mains de quelques uns. La droite a depuis quelques temps repris le mot de réforme pour qualifier ce qui n'est que régression sociale. Le problème est que dans cette confusion des termes les sociaux-libéraux ne proposent plus que des réformettes conjoncturelles dans le sens de l'intérêt général et en même temps des réformes structurelles dans le sens de l'accroissement des inégalités sociales (déréglementations, libéralisations etc.).

Pour un libéral en effet, toute loi ne peut être conçue que comme privation de liberté à laquelle on ne consent que si elle est absolument nécessaire : on peut se passer de toute réglementation des flux financiers, ceux qui détiennent les finances trouveront toujours quelques fonds de poche pour payer les employés, juste assez pour qu'ils renouvellent leur force de travail ; en revanche, on ne peut se passer d'une police et d'une justice pour défendre la propriété du capital, donc il faut toujours un Etat minimal pour le libéral, un Etat essentiellement policier. Pour un spinoziste, la loi est au contraire cela même qui fonde la liberté civile en tant qu'elle est préférable à la liberté naturelle (qui est la seule que connaisse le libéral) : E4P73.

Je suis heureux qu'il y ait enfin eu un débat populaire et un sursaut populaire. Mais qui va maintenant encadrer le "non" de gauche ? Le parti communiste ? Attac ? Ou devra-t-il rester informel ? Quel outil avons-nous aujourd'hui pour agir sur l'institution européenne ?


Le parti communiste n'est plus assez présent en Europe pour relayer ce sursaut même s'il a un rôle essentiel à jouer (d'ailleurs qui n'a pas remarqué que depuis que le PC est faible en France (86), depuis que les ouvrier sont allés voter au FN, il n'y a presque plus de réformes en faveur des classes les plus défavorisées et presque que des réformes favorables à ceux qui sont déjà le plus favorisés ?). Le simple mot "communisme" est historiquement trop marqué pour pouvoir représenter une assez large adhésion populaire.

Attac est très utile et commence à faire des petits en Europe mais ce n'est pas un parti politique, c'est une "association d'éducation populaire tournée vers l'action". Elle est utile parce qu'elle sert d'instrument de pression sur les partis toutes tendance confondues, mais surtout à gauche bien sûr, pour qu'ils restent cohérents dans leur prétention politique à servir l'intérêt général. Mais seul un parti pourrait relayer politiquement l'aspiration des peuples européens à une plus grande prise démocratique sur les décisions européennes, et sur une ligne qui soit en faveur de l'ensemble de la société, pas toujours des plus favorisés.

C'est donc au sein des partis social-démocrates que les choses se jouent historiquement. Certes les sociaux libéraux les ont conquis depuis les années 90, mais il se trouve un peu partout en Europe des socialistes qui sont restés de vrais réformistes de gauche qui peuvent revenir au pouvoir dans leurs partis. En France, nous avons Emmanuelli, Mélenchon, Montebourg, Dolez etc. En Allemagne, il y a Lafontaine, en Angleterre il y a des travaillistes comme Gipson ou Davidson, en Belgique il y a Dehousse : http://www.appeldes200.net/imprimer.php3?id_article=803

Certes, en France ce n'est pas très bien parti, car les manoeuvres d'appareil vont bon train pour conserver le pouvoir. La direction du PS a renvoyé Fabius - ce traitre à la sociale trahison - pour le mettre dans les pattes des courants de gauche du parti comme Nouveau Monde, Forces Militantes, NPS, ce qui ne va pas faciliter leur unification. La date du prochain congrès pour l'élection de la direction par les militants a été avancée au 18 novembre, ce qui permet d'éviter qu'une vague d'adhésions post 29 mai renverse la tendance puisqu'il faut six mois d'ancienneté comme adhérent pour pouvoir voter. Une telle manoeuvre fait penser à celle de Chirac quand il dissout l'assemblée en 97 à un moment où il pense que c'est encore favorable pour lui. Cela lui avait joué des tours, mais on peut douter que les choses puissent bouger facilement dans un parti de 120.000 adhérents. Il y a cependant des actions à mener pour faire pression sur le PS et ses adhérents en mesure de voter : s'inscrire tout de même permet d'assister aux réunions et de parler et il y a des actions à mener : coordinationnationale@nonsocialiste.fr

Amicalement,
Henrique

Avatar du membre
hokousai
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 4105
Enregistré le : 04 nov. 2003, 00:00
Localisation : Hauts de Seine sud

Messagepar hokousai » 07 juin 2005, 19:50

Sur des préoccupations communes


il y a des possibilités de constitution d’un pôle à gauche du PS social libéral .Je ne vois pas de coexistence sur le long terme entre les socialistes centristes et les socialistes authentiques . Mitterrand avait réussi une improbable union contre nature .Les clivages profonds existent et jouent en profondeurs, ce sont des clivages de classes .

Mais la clé du problème est dans le camp marxiste ( ou revendiqué tel )

1)Les communistes acceptent- il un candidat d'union qui ne soit pas un du parti (ce qui est un vrai problème pour les staliniens qui y existent encore...... .mais on ne sait en quelle proportion . )

2) Les trotskistes peuvent-ils en rabattre un peu de leur théorie révolutionnaire hystérie.

Sur le point 1, je doute un peu .mais j’ai quelques espoirs
2) sur le point 2 je doute beaucoup .

hokousai

Avatar du membre
bardamu
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 1024
Enregistré le : 22 sept. 2002, 00:00

Messagepar bardamu » 07 juin 2005, 21:07

Henrique a écrit :(...) Je ne suis donc pas d'extrême gauche mais plutôt de centre gauche puisque je pense qu'il faut réformer les structures socio-économiques en tenant compte de ce que les hommes sont, non de ce qu'ils devraient être.

Cela signifie-t-il que tu adhères aux bases de notre système socio-économique ou bien que tu penses que même les bases peuvent changer par la réforme ?

Henrique a écrit :Pour un spinoziste, la loi est au contraire cela même qui fonde la liberté civile en tant qu'elle est préférable à la liberté naturelle (qui est la seule que connaisse le libéral) : E4P73.

La loi pour l'homme qui vit sous la conduite de la Raison...
Pour le reste, elle est souvent un moyen de contrôler les passions du vulgaire avec toutes les astuces que cela implique aussi bien dans l'entretien d'une certaine crainte que dans celui d'une vertu.

TP 10
4- En effet, quand règne la paix, les hommes dépouillent toute crainte ; ils deviennent insensiblement, de féroces et de barbares qu’ils étaient, humains et civils ; d’humains, ils deviennent mous et paresseux, et chacun met alors son ambition à surpasser les autres, non pas en vertu, mais en faste et en mollesse. Ils en viennent ainsi à dédaigner les moeurs de leur pays, à imiter les moeurs des nations étrangères, et, pour tout dire, ils se préparent à être esclaves.
(...)
6- Je conclus donc à ce que tous ces vices, communs aux époques de paix dont nous venons de parler, soient réprimés, non pas directement, mais par des voies détournées, c’est-à-dire par l’établissement de principes de gouvernement tels, que la plupart des citoyens, s’ils ne s’appliquent pas à vivre selon les règles de la sagesse (ce qui est impossible), se laissent du moins conduire par les passions qui peuvent être le plus utiles à la république.


Faut-il considérer que les lois sont faites pour des hommes raisonnables (qui n'auraient alors pas besoin de lois...) ou bien pour des hommes qui ne le sont pas et dont il s'agit d'orienter les passions par des passions contraires : baton et carotte ?

P.S. hors-sujet : un lien où chacun peut évaluer l'impact écologique de son mode de vie, calculer son empreinte écologique .
Je pense que leur mode de calcul exagère dans le sens catastrophiste mais ça fait quand même réfléchir.

Avatar du membre
Miam
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 946
Enregistré le : 28 févr. 2004, 00:00

Messagepar Miam » 08 juin 2005, 12:02

Henrique prévoit-il une sission des partis socialistes en Europe ou ai-je mal compris et le mouvement doit être inhérent aux partis sociaux-démocrates (Emmanuelli n'a pas encore été viré non ?) ? Le premier cas est immaginable en France seulement. Et le deuxième cas affaiblirait considérablement la voix du "non" au sein d'appareils politiques où elle demeure minoritaire. Quant au mea culpa des PS, si on l'a en effet entendu en Belgique, il est bien vite recouvert par un discours général catastrophiste et anti communautarien (de cette stupide dichotomie américaine entre les libéraux et les populistes communautariens : nouvel épouvantail qui rappelle les nouveaux philosophes). Bref je suis sceptique quant aux relations des partis sociaux démocrates avec leur base populaire. Je ne vois pas quels appareils pourraient relayer le signal donné par cette base, sinon ceux qui pèsent peu au niveau parlementaire. Et dans ce cas le "non" majoritaire continuera d'être minoritaire au parlement même au sein des partis de gauche. Ce n'est pas seulement d'une contestation du libéralisme qu'il s'agit, mais aussi du manque d'information, de débat, de consultation (au moins), bref de démocratie réelle.

Avatar du membre
AUgustindercrois
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 259
Enregistré le : 06 avr. 2005, 00:00
Contact :

Messagepar AUgustindercrois » 10 juin 2005, 23:42

Cher Miam,

Pour une fois, je suis d'accord avec toi. la réponse à gauche est proprement scandaleuse, et témoigne du mépris pour la démocratie. Ceci dit, il y a schizophrénie au PS; beaucoup qui ont voté oui en tant que militants ont voté non en mai...

Cependant, la crconstance que Hollande remette rapidement son mandat en jeu est un bon signe.

Attendons la suite. Caute...

Avatar du membre
Henrique
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 1184
Enregistré le : 06 juin 2002, 00:00
Localisation : France
Contact :

Messagepar Henrique » 14 juin 2005, 18:10

hokousai a écrit :il y a des possibilités de constitution d’un pôle à gauche du PS social libéral .Je ne vois pas de coexistence sur le long terme entre les socialistes centristes et les socialistes authentiques . Mitterrand avait réussi une improbable union contre nature .Les clivages profonds existent et jouent en profondeurs, ce sont des clivages de classes .


Pour ma part, je ne suis pas marxiste au point de penser que les clivages de classes sont des déterminations irréductibles. Marx lui-même était issu de la classe bourgeoise. Ce qui manque pour refonder la gauche athentiquement réformiste est un projet suffisamment cohérent et diffusé : les travaux de politique économique de Généreux par exemple vont dans ce sens, à mon avis, mais ils ne sont pas encore assez diffusés. Si on regarde en Angleterre, le parti travailliste est sociologiquement composé dans un sens qui devrait l'orienter beaucoup plus à gauche mais c'est la troisième voie blairienne qui a été la mieux théorisée et diffusée, d'où une sorte d'attraction du parti vers ces idées.

Mais la clé du problème est dans le camp marxiste ( ou revendiqué tel )
1)Les communistes acceptent- il un candidat d'union qui ne soit pas un du parti (ce qui est un vrai problème pour les staliniens qui y existent encore...... .mais on ne sait en quelle proportion . )
2) Les trotskistes peuvent-ils en rabattre un peu de leur théorie révolutionnaire hystérie.
Sur le point 1, je doute un peu .mais j’ai quelques espoirs
2) sur le point 2 je doute beaucoup .


Dans l'optique des présidentielles, si nous avons au PS un candidat suffisamment convaincant, c'est-à-dire capable de tenir un discours de gauche réaliste, c'est-à-dire un candidat qui soit en position d'assumer le non français à l'Europe néolibérale mais apte à proposer une alternative de politique économique crédible, il sera apte à rassembler au premier tour, étant entendu que le parti de Chevènement et le MRG devraient soit être sans objet, soit intégré pour les présidentielles au PS.

Pour ce qui est du PC, s'il renonce à une candidature aux présidentielles, ce serait signer son arrêt de mort, ce qui ne risque pas se faire étant donné le capital de sympathie grandissant de MG Buffet et sa victoire au référendum. Mais le PC a pu être beaucoup plus fort électoralement qu'aujourd'hui, comme dans les années 80, sans empêcher la ligne réformiste réputée plus réaliste de passer devant. La différence avec les années 80, c'est un FN qui parvient à séduire de nombreuses couches de la classe ouvrière, les Verts et la LCR. Cette offre politique élargie fait que nous avons un PS qui s'est vidé de ses couches populaires et même de la classe moyenne qui s'est beaucoup retrouvée chez les Verts et la LCR. Il a alors mécaniquement été conduit, pour exister, à se radicaliser dans son réformisme au point de ne plus proposer de véritable alternative socio-économique - la réforme sans orientation claire devenant réforme pour la réforme, capable parfois de détruire certaines avancées sociales passées (privatisations, libéralisations...) : réforme sans grande ambition. Je ne vois guère alors d'alternative qu'un réinvestissement des dites couches sociales de ce parti pour qu'une alternative de poids au néolibéralisme puisse exister en Europe.

Bardamu après avoir rappelé que je me déclare réformiste de gauche a écrit :Cela signifie-t-il que tu adhères aux bases de notre système socio-économique ou bien que tu penses que même les bases peuvent changer par la réforme ?


C'est comme pour la réforme de l'entendement, il ne s'agit pas de prétendre tout pouvoir reprendre à la base du jour au lendemain, comme si avant tout était mauvais et qu'après tout pouvait devenir bon. Face à la méthode qui consiste à s'enfermer dans une cave pour passer de l'état de souffrance et d'ennui à celui de béatitude, le spinozisme préconise une voie médiane qui consiste à renforcer ce qui était déjà présent mais faible (l'intellect et ainsi les affects actifs) pour mieux faire tomber ce qui fait obstacle au but recherché (l'imagination et les passions).

Le but en politique est la liberté de tous - et pas seulement d'une classe privilégiée - et donc la justice. Cela passe par un Etat fort, incarnant l'unité de la puissance de chaque individu, capable donc de rétablir la justice là où elle est bafouée : c'est la démocratie. Celle-ci est présente en partie dans nos libres poulaillers sociaux où les renards sont libres également. Il faut donc la renforcer, notamment par l'éducation, l'information mais aussi une action capable de la conduire vers l'acquiescement intérieur (une utopie sans lendemain ou dont les lendemains sont indéfiniment repoussés ne produit aucune confiance durable).

Il y a donc de quoi faire pour aller vers une démocratie de plus en plus présente socialement, y compris comme tu le disais une fois dans l'entreprise elle-même. Cela ne peut sans doute se faire dans un sens contraire à toute forme d'émulation entre les individus et les groupes, mais la concurrence est justifiée à condition qu'un cadre social suffisant permette d'éviter les dérives logiques de toute concurrence sans frein ni régulation, auxquelles nous assistons dans la mondialisation néolibérale actuelle.

Pour contester mon usage d'E4P73 Bardamu a écrit :La loi pour l'homme qui vit sous la conduite de la Raison...
Pour le reste, elle est souvent un moyen de contrôler les passions du vulgaire avec toutes les astuces que cela implique aussi bien dans l'entretien d'une certaine crainte que dans celui d'une vertu.


Tu opposes ce que justement Spinoza compose car ce que la raison comprend n'est autre que le réalité naturelle. La loi civile à laquelle se soumet l'homme qui vit sous la conduite de la raison est précisément la même que celle qui commande à l'homme conduit par la crainte et l'espoir. C'est la loi qui permet le vivre ensemble : l'homme libre au sens spinoziste comprend qu'elle est un auxiliaire de sa liberté de comprendre et d'agir et non un obstacle, il n'a donc pas besoin de menaces de punitions ou de promesses de récompenses pour s'y soumettre.

Au contraire, pour un libéral héritier d'Adam Smith, une loi civile n'est jamais qu'une privation de liberté car il comprend la liberté non comme autodétermination de la raison ou de l'intellect mais comme simple absence d'obstacle à la satisfaction du vouloir. Dans ce sens, la loi n'est pour le libéral qu'un pis-aller, un obstacle à la liberté qui a cependant une certaine utilité sociale quand elle permet la conservation de bases sociales stables (des classes harmonieusement réparties essentiellement par la protection de la vie et de la propriété par la loi) mais qui devient dangereuse dès lors qu'elle prétend remettre en cause les conditions d'existence d'une société opulente selon elle : la différence entre les classes sociales notamment.

On l'a vu, historiquement le capitalisme libéral n'a pas besoin de la démocratie pour s'épanouir : l'Espagne franquiste était économiquement libérale, la Chine actuelle est libérale. Aussi les beaux passages du TP que tu citais et qui s'appliquent à l'aristocratie - nécessité de guerres régulières pour maintenir l'ordre social ou bien guerre en quelque sorte contre les mauvais penchants des sujets par l'excitation par voie législative de passions contraires - ne prouvent pas que le capitalisme comme fondement de l'ordre social, lui-même fondé sur l'amour de l'argent, soit en quelque sorte congénital à toute démocratie et inversement.

Que la perspective de l'accumulation de capital soit un moteur social, ce n'est pas cela que je conteste. Ce que je dis, c'est que lorsqu'on en fait le fondement de la vie sociale même, nous ne sommes plus dans une démocratie donnant au peuple la "discrétion" de définir ce qui fonde le vivre ensemble, mais dans une ploutocratie, qui est finalement une oligarchie ou une aristocratie si l'on tient compte du fait que la fortune se transmet de génération en génération comme autrefois les titres de noblesse. Ce qu'il nous faut, c'est une démocratie, c'est-à-dire un contrôle effectif par le peuple de ce qui est juste et acceptable en termes d'inégalités sociales et ce qui ne l'est pas.


Faut-il considérer que les lois sont faites pour des hommes raisonnables (qui n'auraient alors pas besoin de lois...) ou bien pour des hommes qui ne le sont pas et dont il s'agit d'orienter les passions par des passions contraires : baton et carotte ?

Comme dans certains domaines il faut certaines conventions (par exemple, quelle vitesse ne pas dépasser en voiture), il faut aussi des lois écrites pour les hommes raisonnables qui les respecteront sans avoir besoin du baton ou de la carotte du gendarme. Mais ce sont justement les mêmes que celles qui s'adressent aux ignorants et permettent la vie commune des uns et des autres. Seules les causes du respect de ces lois diffèrent : ou bien les motifs rationnels, ou bien les mobiles passionnels.

Quant à lui Miam a écrit :Henrique prévoit-il une sission des partis socialistes en Europe ou ai-je mal compris et le mouvement doit être inhérent aux partis sociaux-démocrates (Emmanuelli n'a pas encore été viré non ?) ?


Il me semble que c'était le message de Hokousai qui pouvait être interprété dans ce sens. Pour ma part, je considère que les tenants du oui à gauche ne différaient pas fondamentalement des tenants du non de gauche dans la mesure où les uns comme les autres prétendent travailler à une société plus juste et mieux régulée - contre un capitalisme débridé notamment. La différence était alors purement stratégique : pour les ouiistes, il fallait d'abord faire une Europe politique pour ensuite pouvoir changer la donne au niveau social ; pour les nonistes, l'Europe de ce traité aurait rendu impossible tout véritable changement social allant dans le sens d'une régulation à l'échelle européenne du marché. Pour les uns, il fallait combattre le feu avec le feu - le libéralisme par le libéralisme - pour les autres, le feu est déjà trop avancé, il faut le combattre avec l'eau démocratique.

Puisque le traité Giscard est maintenant quasi-caduque, la sociale démocratie peut se rassembler sur une stratégie réformiste qui n'implique plus des oppositions aussi binaires que celles qu'on a logiquement vu pour le référendum. Reste donc la concurrence entre le modèle blairien, social libéral, qui a pour lui une certaine expérience mais aussi contre lui cette même expérience mettant en évidence ses contradictions ; et un modèle plus ancien - en gros le keynesiannisme - qui doit cependant s'adapter et tenir compte des nouvelles données macro-économiques.

Mais il est vrai que ce n'est pas gagné. Et cela le restera d'autant plus que le peuple de gauche majoritairement noniste continuera d'attendre que les choses s'arrangent d'elles-mêmes vers plus de démocratie réelle, tant qu'il n'ira pas lui-même investir ce parti du progrès social qu'est le PS par vocation. La démocratie pour être vivante a besoin de citoyens qui ont une conscience et une réflexion politique et un engagement cohérent avec cela.

Je répondrais pour finir à Augustin :
D'abord n'oublions pas que le vote de décembre 2004 a été fait alors qu'il n'y avait pas encore eu de débat national. N'oublions pas que les français eux-mêmes étaient à 60% pour ce traité, croyant que c'était juste la question savoir si on était pour l'Europe - tandis que 10% des Français, aussi pour l'Europe avaient déjà commencé à faire certaines prises de conscience - au mois de février. C'est pourquoi il n'est pas étonnant que certains militants qui avaient voté oui en décembre ont voté non en mai.

Maintenant que Hollande ait remis en jeu son mandat de secrétaire plus tôt que prévu est comme je l'avais expliqué plus haut il me semble plus une affaire de manoeuvres d'appareil qu'un signe de prise en compte de la nécessité de plus de démocratie dans ce parti.


Retourner vers « Questions de philosophie »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 38 invités