La constitution européenne

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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DGsu
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Messagepar DGsu » 26 mai 2005, 22:35

...les conséquences d'un non français : affaiblissement de la France et du couple franco-allemand, victoire de la conception libérale, "réduisant l'Union à une zone de libre-échange".

Une victoire du non au référendum du 29 mai sur la Constitution européenne "ouvrirait une période de divisions, de doutes, d'incertitudes" en Europe, qui alors "serait en panne" . Pour lui, "C'est une illusion de penser que l'Europe repartirait de plus belle avec un autre projet", car "Il n'y a pas d'autre projet". "Le rejet du traité serait vécu par les Européens comme un non à l'Europe", a-t-il prévenu.

Ceci étant l'argument massue des tenants du oui. "Il n'y a pas d'autre projet" n'est vraiment pas une raison pour adopter celui-ci s'il ne satisfait pas certaines conditions. Je ne vais pas répéter tout ce qui a été écrit.

Voilà donc selon M. Chirac. Qu'en pensez-vous ? La suite dans Le Monde.

Lorsque je lis
Article I-3
Les objectifs de l'Union

1. L'Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples.
2. L'Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée.


j'interprète le "bien-être de ses peuples" comme le pouvoir d'achat et la capacité à s'abêtir en consommant et "un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée" comme l'instauration officielle et généralisée d'un espace où les lois n'auront plus aucune actions sur le Dieu-marché.

Salut à tous,
DG :wink:
"Ceux qui ne bougent pas ne sentent pas leurs chaînes." Rosa Luxemburg

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AUgustindercrois
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Messagepar AUgustindercrois » 26 mai 2005, 22:40

Cher Bardamu,

Si on veut de l'emploi, payons-nous du service public, des emplois jeunes et des infirmières mais avec des impôts. Prenons "brutalement" aux riches, et évitons de nous mettre à la merci des prêteurs. Pour moi, une politique sociale, ce n'est pas vivre avec de l'argent qu'on n'a pas, c'est répartir équitablement ce qu'on a.


Tu penses franchement que ça peut marcher? En l'état actuel des choses, ça ne marche pas. On a une marge de prélèvements sociaux de 1à 2% du PIB, peut - être 5% en étant très optimiste, pas plus. L'Etat est super endetté...

Au - delà, les patrons se cassent... ( Exactement comme on a fait avec l'ISF... La plupart des patrimoines de + de 15 millions de FRF se sont délocalisés aujourd'hui...) Je pourrais t'expliquer pourquoi et comment, j'ai vécu ça dans une vie antérieure...

Le seul moyen de s'en sortir, c'est de promouvoir des politiques européennes... En créant de nouveaux impôts européens ( taxe sur les capitaux au niveau européen, par exemple). Il faut se battre au niveau européen, pas au niveau national. Et le paradoxe, c'est que ce traité nous le permettrait, avec un pouvoir plus fort du parlement, le référendum d'initiative populaire...

Qu'en oenses - tu?

Amicalement,

Ader

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Louisa
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Messagepar Louisa » 27 mai 2005, 02:51

Bonsoir à tous,

sans avoir lu tous les messages sur ce sujet (désolée donc pour les répétitions éventuelles!), j'ai l'impression que les deux derniers réflètent assez bien où j'en suis pour le moment.

Un des principaux arguments pour le OUI me semblent résumé par ceci:

Une victoire du non au référendum du 29 mai sur la Constitution européenne "ouvrirait une période de divisions, de doutes, d'incertitudes" en Europe, qui alors "serait en panne" . Pour lui, "C'est une illusion de penser que l'Europe repartirait de plus belle avec un autre projet", car "Il n'y a pas d'autre projet". "Le rejet du traité serait vécu par les Européens comme un non à l'Europe", a-t-il prévenu.


Et cela me semble, mais vraiment, complètement absurde. Evidemment qu'il n'y a pas d'autre projet, dans le sens où il n'existe, pour autant que je sache, pas d'autre Constitution élaborée de manière si achevée (parfaite) que celle qui nous est soumise. Mais cela ne veut quand même pas dire que ceux qui sont contre cette version-ci, sont contre l'idée d'une Constitution tout court, et ne voudraient pas qu'on se remette autour de la table pour écrire quelque chose de mieux, c'est-à-dire, disons-le franchement, quelque chose de plus de 'gauche'?
Et pourquoi notre chère Europe, qui a vécu des décennies sans aucune Constitution, tomberait elle du coup en panne si la première Constitution qu'elle élabore ne rencontrait pas directement l'approbation de la majorité de ses membres, et qu'il faudrait un peu plus de consultation des populations avant d'y réussir? Qu'est-ce qu'on perdrait en nous donnant encore quelques années pour écrire quelque chose de mieux?
Puis il y a cette phrase tout à fait bizarre:

Le rejet du traité serait vécu par les Européens comme un non à l'Europe", a-t-il prévenu


C'est qui, ce prophète qui croit pouvoir parler au 'des Européens'? Si 'les Européens' seraient majoritairement pour le NON, quel sens donner à cette phrase?
Puis : pourquoi supposer que 'les Européens' sont si bêtes que si on leur demande s'ils sont d'accord avec cette Constitution-ci, ils vont interpréter eux-mêmes les réponses à cette question comme correspondant à une toute autre question, celle de savoir si on veut une 'Europe' comme entité politique en soi, ou non ???

Enfin, je crains que tout cela ne peut qu'augmenter ma tristesse, car je n'y comprends rien, pire même, je trouve ce genre d'arguments assez révoltants :evil: :evil: :evil: :evil:

Bon. Ceci étant dit, il y a une chose qui me fait hésiter. Ader y réfère quand il écrit:

Le seul moyen de s'en sortir, c'est de promouvoir des politiques européennes... En créant de nouveaux impôts européens ( taxe sur les capitaux au niveau européen, par exemple). Il faut se battre au niveau européen, pas au niveau national. Et le paradoxe, c'est que ce traité nous le permettrait, avec un pouvoir plus fort du parlement, le référendum d'initiative populaire...


Je crois en effet que, dans cette époque de mondialisation, il faut d'urgence pouvoir gérer des situations à un niveau plus large que l'Etat-Nation. Je suis donc 'europhile' (voire 'cosmophile', tant qu'on y est). J'ai donc bel et bien envie que l'Europe construise sa propre Constitution. J'ai encore plus envie qu'il y ait un parlement plus fort, et qu'il y ait plus d'implication 'd'en bas'. Si c'est vrai que cette Constitution renforce considérablement le pouvoir du parlement (est-ce vrai? Qu'en pensez-vous?), pourrait-elle être un bon début? Un début qui se donnerait lui-même suffisamment de moyens de se transformer pour le mieux en cours de route? Et cela se ferait-il plus vite qu'en obligeant nos politiciens à refaire leur travail? Hélas, je n'en sais rien. J'aurais donc tendance de croire les 'experts', c'est-à-dire le parti politique qui reflète le plus ce que j'espère voir se réaliser en tant que projet de société. Mais bon, cela n'est pas très satisfaisante, si j'essaie d'exercer mon droit et mon obligation à la participation au débat démocratique ... .

Donc: les arguments des OUI me font fort penser à ce que Philippe Pignarre et Isabelle Stengers appellent dans leur livre 'La sorcellerie capitaliste. Pratiques de désenvoûtement' des 'alternatives infernales'. Ils écrivent :

Lorsqu'on suit la production des alternatives infernales dont la multiplication tue systématiquement ce qui était de l'ordre du choix politique


en effet, il me semble que c'est de cela qu'il s'agit: les OUI essaient souvent de nous imposer un choix entre ce qui ne sont que des alternatives infernales. 'Il faut bien' accepter une Constitution néoliberale, car l'alternative est le chaos total, et qui survivra cela?
Mais justement, cela est en effet l'assassinat du politique! Créer un projet de société néolibéral OU pe écologiste/socialiste/communiste, n'est-ce pas ça la question politique par excellence, aujourd'hui? Qui 'prouvera' que ce projet néolibéraliste est le seul pensable (pour déjà y répondre: il ne l'est tout simplement pas!)? Sur base de quelle preuve 'ultime' déjà trancher ce débat?
D'ailleurs, n'était-ce pas Spinoza qui a dit que le politique, c'est une affaire de CREATION du commun? S'il apparaîtrait, pe, qu'une majorité des européens ne se retrouve pas dans cette Constitution, l'activité politique par excellence ne serait-elle pas, dans ce cas, d'en créer une nouvelle, qui peut être approuvée par une majorité? Proposer cette alternative d'office comme impossible, me semble être rien de moins qu'un assassinat de ce que c'est que la politique, et, partant, la démocratie.

Une dernière remarque: il me semble que bien de gens de 'gauche' se situent actuellement dans le camp des 'OUI' parce qu'ils adoptent instinctivement cette théorie des alternatives infernales, et craignent que rien ne puisse nous sauver sauf une Constitution néolibérale. Ils sont donc pro, mais quasiment malgré eux. MAIS: s'il y avait un référendum populaire dans les 25 pays membres, est-on sûr que le NON gagnerait? Moi-même je n'en suis pas convaincu. Certes, il y avait récemment un virement à gauche en Espagne et au Portugal, mais beaucoup de pays de l'Est, ces pays pro-américains, savent très bien qu'ils vont profiter d'un programme néolibéral imposé à toute l'Europe (comment, en tant qu'habitant de l'Europe de l'Est, être contre Bolkestein, si chaque humain est avant tout mû par le désir de perséverer dans son être?).
Donc: que faire si une majorité des européens était actuellement bel et bien pour le néolibéralisme? Être contre l'Europe tout court? Partager le 'repli sur soi' prôné par les partis d'extrême-droite?

En fait, j'ai l'impression que la théorie politique de Spinoza, qui essaie de penser une politique non pas contre mais AVEC la multitude (comme l'écrit Laurent Bove), couplant l'augmentation de puissance d'une communauté à celle de chaque membre de cette communauté, pourrait nous aider à clarifier à nouveaux frais ce que pourrait vouloir dire, au XXIe siècle, 'politique' et 'démocratie'. Mais hélas, je ne m'y connais pas encore assez pour me lancer dans cette piste. Si quelqu'un se sent plus compétent ... ? :unsure:

Louisa

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bardamu
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Messagepar bardamu » 28 mai 2005, 02:34

AUgustindercrois a écrit :Cher Bardamu,

Si on veut de l'emploi, payons-nous du service public, des emplois jeunes et des infirmières mais avec des impôts. Prenons "brutalement" aux riches, et évitons de nous mettre à la merci des prêteurs. Pour moi, une politique sociale, ce n'est pas vivre avec de l'argent qu'on n'a pas, c'est répartir équitablement ce qu'on a.


Tu penses franchement que ça peut marcher? En l'état actuel des choses, ça ne marche pas. On a une marge de prélèvements sociaux de 1à 2% du PIB, peut - être 5% en étant très optimiste, pas plus. L'Etat est super endetté...

Au - delà, les patrons se cassent... ( Exactement comme on a fait avec l'ISF... La plupart des patrimoines de + de 15 millions de FRF se sont délocalisés aujourd'hui...) Je pourrais t'expliquer pourquoi et comment, j'ai vécu ça dans une vie antérieure...

Le seul moyen de s'en sortir, c'est de promouvoir des politiques européennes... En créant de nouveaux impôts européens ( taxe sur les capitaux au niveau européen, par exemple). Il faut se battre au niveau européen, pas au niveau national. Et le paradoxe, c'est que ce traité nous le permettrait, avec un pouvoir plus fort du parlement, le référendum d'initiative populaire...

Qu'en oenses - tu?

Amicalement,

Ader

Salut,
faut voir où sont les richesse et comment on prélève.
Pour l'ISF, comme c'est un impôt patrimonial, ça peut poser des problèmes ( http://www.lesechos.fr/patrimoine/impot ... 187451.htm ).
C'est sûr que dépouiller papi de sa maison parce que les prix de l'immobilier ont augmenté, c'est pas génial...
Mais bon, faut ce qu'il faut.

Au niveau des entreprises, je verrais bien un impôt sur dividendes, c'est-à-dire non pas un impôt sur les bénéfices mais seulement sur les bénéfices qu'on voudrait verser en dividendes.
Les actionnaires penseraient peut-être un peu plus à la valorisation de l'entreprise sur le long terme plutôt qu'aux revenus de l'année.
J'ai cru comprendre qu'il y avait déjà un peu de ça dans les exonérations de l'ISF.

Concernant la part du PIB, je ne connais pas trop la logique en jeu.
Si on crée des emplois publics avec des impôts, qu'est-ce que ça change à la balance générale ? Au lieu de payer des chômeurs, on paye des fonctionnaires...
Pour une comparaison entre les pays : http://www.senat.fr/rap/r03-055/r03-0551.html
Pour les impôts sur les bénéfices et revenus, on est en dessous du Royaume-Uni. Qui l'eut cru ?
Sinon, le modèle américain est sur un faible taux de prélèvement mais je me demande dans quelle mesure cela demande un fort déficit.

Pour la dette, ça ne fait rien de plus puisque, justement, on n'emprunte pas.
Après, on peut effectivement remplacer les impôts nationaux par des impôts européens mais ça risque d'être pire vu les accusations de non-représentativité et d'oppression technocratique qui pèsent sur les fonctionnaires européens.

Donc, pour moi, on peut y aller. Faut augmenter les impôts, les augmenter de manière claire, avec un accord populaire, et pas à coup de mesures passées en douce du genre changement du taux CSG/RDS (en janvier, c'est passé du taux 95% du brut à un taux de 97%...), décentralisation ou lundi de Pentecôte.

Si on veut faire une augmentation ciblée, eh bien allons-y gaiement et attaquons aussi les revenus des déciles 50 à 99+ tels qu'ils sont indiqués dans le dernier tableau ici : http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/IP916.pdf
Il vaut mieux y aller largement vu le peu que rapporte l'impôt sur le revenu, à peine 18% des recettes de l'Etat, je crois.
Et puis il faut fortement augmenter les taxes sur l'essence. Ca stimulera la recherche d'énergies renouvelables et les économies d'énergies du particulier.

Bon, ça suffira pour ce soir.
Demain je crée une lourde taxe sur le deuxième poste de télévision des ménages pour financer les recherches sur le cerveau et expliquer comment il se fait que TF1 soit leader des chaines françaises.

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Henrique
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Objectifs de l'union

Messagepar Henrique » 28 mai 2005, 03:52

bardamu citant la constitution pour mettre Henrique en difficulté a écrit :Non ?


Bien joué en ce qui concerne la lettre même du texte :). ça m'apprendra à faire des concessions ! Remarque que quand je suis mis en difficulté, je le reconnais et je ne le passe pas sous silence en m'attaquant à autre chose, comme certains :twisted: (Vengeance ! Vengeance !) :twisted:

Mais pourquoi dans les faits la BCE qui avec Maastricht et Nice avait les mêmes sous-objectifs ne fait-elle que travailler à la stabilité des prix au point que l'OCDE elle-même en est venue récemment à presser Trichet de baisser les taux d'intérêts ?

Tout est une question de hiérarchie des valeurs et des principes. C'est comme un restaurant ou n'importe quelle PME qui a le choix entre favoriser d'abord le profit maximum ou bien la satisfaction du client. S'il vise d'abord à satisfaire le client, il peut ensuite faire du profit pour cette raison même - mais sa hiérarchie des valeurs fera qu'il pourra renoncer au profit maximum (vendre à prix d'or de la nourriture de médiocre qualité) pour satisfaire en fait le client. Notre restaurateur pourra considérer que c'est sans doute un meilleur calcul à long terme pour lui. Mais il pourra faire l'autre choix, faire de l'argent rapide plutôt que satisfaire le client, se disant qu'une fois que les clients se seront rendus compte de la faible qualité du service rendu, il pourra revendre son restaurant et ouvrir autre chose de plus grand avec toujours la même logique prédatrice. Dans les faits nous aurons donc un restaurateur qui ne dira jamais qu'il ne cherche pas la satisfaction du client : après tout on peut bien se satisfaire d'une omelette avec un coulis de framboise vendue à 200 euros, c'est tellement subjectif la satisfaction ! Mais de fait, puisque son objectif principal est financier, accumuler des moyens d'accumuler toujours plus de moyens, les autres prétendus objectifs ne seront que déclarations verbeuses de bonnes intentions.

Avec une BCE qui se donne la stabilité des prix comme principal objectif, au nom du dogme monétaire friedmanien, nous avons de fait une relégation de tous les autres objectifs à une position subordonnée qui fait non seulement que s’ils entrent un tant soit peu en contradiction avec ce principe, c’est en faveur de l’objectif principal qu’on tranchera et d’autre part qu’il conditionnera toute autre action. C’est alors exactement comme le restaurateur qui a pour objectif principal le profit : il est mécaniquement conduit à faire de la daube même s’il développe tout un discours pour vanter la succulence de ses plats. Le bon sens serait pourtant de reconnaître que la stabilité des prix n’est qu’un moyen au service de la stabilité de la société qui ne peut être érigé en principe indépassable, car un moyen n’est pas une valeur en soi. Un moyen peut donc valoir dans certains cas, pas dans d’autres, notamment quand il s’applique à une réalité aussi changeante que la réalité sociale et économique. Parfois il faut savoir se couvrir pour sortir dehors, à d’autres moments il faut laisser le duffle coat à la maison. De même la stabilité des prix peut être un moyen mais certainement pas une fin en soi.

J’ajoute que dans les articles que tu citais, il y a le rappel lancinant de la libre concurrence à laquelle se subordonnent tous les autres objectifs (l'existence même de la BCE et de son objectif principal étant logiquement de faciliter et généraliser la libre concurrence). Cela revient à dire que lorsqu’elle prétend oeuvrer pour l’emploi, ce n’est jamais par une politique quelconque de régulation du marché à l’échelle européenne, au contraire c’est interdit entre autres par l’article III-210-2 qui explique qu’on a le droit de se rencontrer pour « échanger des informations », pour bavarder donc, mais en aucun cas de chercher à harmoniser les lois et règlements des Etats membres ! Comment cette constitution suggère-t-elle qu’on arrivera au plein emploi, à la sécurité sociale pour tous etc. ? C’est dans le texte, il suffit de le lire : uniquement par la concurrence généralisée, c'est-à-dire la déréglementation des marchés de biens et de services, la libre circulation des capitaux et la libéralisation financière, et enfin la monnaie unique stable. C’est donc du néolibéralisme pur sucre (puisque le libéralisme classique accordait encore à l'Etat certaines vertus sur le plan économique).

On a le droit d’être libéral et même ultralibéral. Je n’y crois pas, je ne crois pas que laisser en roue libre le cours naturel du marché soit une garantie pour l’emploi, l’égalité, la solidarité etc. Mais je suis démocrate, j’admet donc que les peuples puissent choisir explicitement une telle option comme toute option politique tant qu’elle ne revient pas à supprimer au peuple le droit de se prononcer en faveur d’une politique ou non. Je serais donc contre un fascisme qui s’il conquérait le pouvoir démocratiquement ne pourrait que le confisquer au peuple par la suite. De même, je ne comprends pas comment un démocrate peut accepter une telle confiscation de la démocratie : si une majorité de gauche démocratique était élue et présidait demain sur la base de cette constitution au conseil et au parlement européens, elle ne pourrait mener d’autre politique que résiduelle : soigner superficiellement les bobos de la mondialisation mais ne rien faire pour réguler ses causes qui sont précisément selon une analyse de gauche la déréglementation des marchés, la libre circulation des capitaux etc. Je n’ai pas encore trouvé de réponse franche de ta part à ce point précis : comment un démocrate peut-il accepter que des choix politiques (car renoncer à toute action législative du politique sur l’économique est encore un choix politique), fussent les siens, soient constitutionnalisés, interdisant donc a priori toute véritable alternative politique ?

Bardamu a écrit :
Henrique a écrit :Seulement je suis en tant que social démocrate pour que l'Etat démocratique puisse encadrer et réguler le marché afin d'éviter ses excès naturels, contraires aux attentes de la société civile (ces excès étant le chômage endémique et structurel, le déracinement social, la soumission à la seule logique concurrentielle - travailler plus et gagner moins pour être "compétitifs" - au détriment d'autres sphères de la vie humaine comme la famille etc.)

Cf plus haut, les objectifs de l'Union.
Ne sont-ce pas les mêmes que les tiens ?


Tu veux rire ? Bien sûr que les objectifs affichés de cette constitution sont le plein emploi, le progrès social, la qualité de l’environnement etc. Qui pourrait explicitement prétendre agir dans le sens contraire ? Afficher de tels objectifs ne mange pas de pain et il y a certainement des libéraux sincères comme toi qui croient que la dérégulation de tous les marchés et que la libre concurrence vont nous permettre d’obtenir ces objectifs (je pense qu’il y a aussi tout de même beaucoup de cyniques expérimentés qui savent bien que le libéralisme pur sucre ne marche pas, mais qu’il faut cependant pour leurs intérêts personnels continuer de défendre cette idéologie qui dans les faits produit un chômage structurel permettant de maintenir les travailleurs dans la crainte et donc la soumission, une régression sociale progressive et généralisée, un épuisement dramatique des ressources naturelles non renouvelables etc.).

Relis ce que j’avais écrit : je suis pour que l’Etat européen (c’est-à-dire ce qui unit et exprime par la loi civile la puissance de tous les humains qui la constituent) puisse réguler le marché (car les Etats nations ne sont clairement pas l’échelle qui convient pour cela) afin d’équilibrer ses excès naturels en faveur des intérêts de la société civile. C’est une option politique portant donc sur les moyens les mieux adaptés aux objectifs sociaux et environnementaux que tu as parfaitement le droit de ne pas partager, mais tu sais bien qu’avec ce traité établissant une constitution pour l’Europe, il n’y aurait pas d’autre option politique que le néolibéralisme version UMP tendance Sarkozy qui accélérera juste un peu plus les dérégulations ou le néolibéralisme version PS tendance Hollande qui fera juste un peu plus tarder les dérégulations et se contentera de quelques pansements sur les couches sociales les plus défavorisées.


Henrique a écrit :"Justice et force", ça a un petit côté Empire Romain qui ne déplairait pas à Bush...
A choisir, j'aurais promu la devise française : "Liberté, Egalité, Fraternité".

Bien sûr, hommage du vice à la vertu, l’hypocrisie n’a jamais été en reste pour se parer des plus grandes vertus. Mais Bush n’a qu’un concept vague de la justice quand il supprime chez lui par exemple tout droit de succession, interdisant donc la moindre redistribution sociale là où celui qui s’est enrichi l’a pourtant fait grâce à la société, et impose en Irak sa vision néoévangéliste d’une démocratie au service des intérêts pétroliers américains…

On peut faire preuve de cynisme ou d’ironie, mais il reste que la justice en tant qu’action favorable à l’avantage de tous n’a pas de sens sans puissance publique pour être imposée : « la justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique. » Cette constitution Giscard apporte beaucoup d’instruments pour conforter la puissance des déjà plus puissants d’Europe, mais elle n’indique pas d’autre voie pour la « justice sociale » que la pleine et entière soumission du citoyen au marché et à ceux qui le pilotent, qui ne sont pas des politiques.

Quant à la devise française, elle est toute contenue dans la notion même de justice que je viens de définir. Seulement définir une valeur générale comme fin unique relève de l'angélisme tant qu'on oublie de chercher la force qui permet de l'exprimer (sachant qu'une force injuste est en dernière analyse une force faible).

Bardamu a écrit :Il y a des communautés qui savent aussi s'enrichir de leur diversité.
Si on regarde les 2 derniers siècles, ce sont plus les Etats-Nation que les communautés qui ont provoqué la ruine du monde.


Tu détournes mon propos. Je ne m’en prenais pas aux communautés mais au communautarisme qui consiste non pas à se contenter de reconnaître, respecter et éventuellement s’enrichir d’une différence extérieure, simplement apparente, mais à ériger cette dernière en essence universelle séparée et absolutisée en se fondant le plus souvent sur un mythe identitaire : il y a nous et les infidèles, nous et les hétéros, nous et les gadgés, nous et les goyims, nous et les PCistes, nous et les « textiles », etc. On peut certes être musulman, homo, gitan, juif, MACistes ou naturiste et être parfaitement républicain mais alors on ne fait pas de sa différence apparente, extérieure, un principe d’humanité antérieur à la raison, au coeur, à l’intersubjectivité universelle, on ne fait pas dans le communautarisme. Mais si quand tu entends le mot « universel », tu penses à Vivendi, confondant propagande unanimiste et consensuelle et valeurs universelles, quel charme peux tu donc trouver à la philosophie rationaliste d’un Spinoza ?


Note : j'ai l'impression que sous les mêmes mots, on ne met pas vraiment les mêmes choses, par exemple pour "Etat". Pour moi, "Etat" devrait représenter une organisation communautaire sans définition a priori de la communauté : de sol, de cité, de coeur, d'argent, de sang, d'esprit...


Ta définition de l’Etat semble justement revenir à la négation du communautarisme tel qu’il se met en œuvre concrètement aux USA, en GB et plus récemment en France. S’il n’y a pas de définition a priori de ce qui est commun à tous, alors il n’y a pas à réclamer quelque droit à la différence que ce soit : la différence étant commune à tous, personne ne peut se l’approprier dans un sens particulier. Seulement, j’ai bien peur que s’il n’y a rien de commun a priori, pas d’essence commune définissable, il n’y a plus de communauté globale, c’est-à-dire plus de société et donc d’Etat (méthode anarchiste pour supprimer l’Etat : supprimer la société en tant que communauté d’intérêts ?). Pour ma part je pense que tous les hommes ont en commun le désir d’exister et ses dérivés les plus immédiats : le désir de sécurité, le désir de justice, le désir de liberté etc.

Qu'est-ce que l'Etat pour toi ?


Sur la base de la susdite communauté, la société civile unit la puissance de chacun et fonde l’Etat comme moyen de concrétiser les intérêts fondant cette communauté même. En d’autres termes, l’Etat c’est l’union de toutes les puissances particulières en une puissance globale capable de donner corps aux intérêts communs de ces puissances particulières, bien plus efficacement que ne le pourraient chacune de ces puissances prises à part.

L’Etat bien compris a essentiellement deux excès : 1) le totalitarisme politique qui consiste par une inflation de l’Etat à ériger une idéologie politique particulière en idéologie unique, faisant office de totalité, représentée par un parti unique (ou faussement pluriel), à absorber la société civile et à tenter de contrôler politiquement tout ce qui pourtant ne relève pas uniquement de la politique (l'économie, la religion, la science, l’art etc.) ? Et il y a en 2) le libéralisme, qu’on pourrait appeler aussi totalitarisme économique dans la mesure où par une déflation de l’Etat, rendu incapable de contrôler la vie économique, c’est la puissance économique qui érige en définition unique de l’homme son simple statut de producteur-consommateur, absorbe l’ensemble de la société civile ainsi que l’Etat dans sa logique propre et tente de contrôler économiquement tout ce qui pourtant échappe par nature à l’économique (la politique, la religion, la science, l’art etc.).

Parce qu'il émane de la puissance collective, l'Etat ne saurait être la source unique de légitimité et de puissance. En tant qu'expression de toutes les puissances particulières, son pouvoir absolu ne consiste pas à annuler ces dernières mais au contraire à les renforcer en coexistant avec elles et en leur donnant les moyens de s'unir et de s'organiser. Il laisse donc une autonomie propre aux domaines qu'il encadre : l'économie, les sciences, la religion et toutes les autres formes d'associations non politiques. Mais il ne saurait être non plus un simple artifice visant uniquement à imposer et conserver d'en haut l'ordre social existant et ne se donnant aucune autre forme de puissance pour réaliser l'intérêt commun, contrairement à ce que veut le néolibéralisme.

Bardamu a écrit :Quelle vertu magique pourrait bien avoir le déficit ? Va-t-il créer des emplois privés alors qu'on ne sait pas quels seront les métiers d'actualité dans 15 ans ?


Je ne vais pas rentrer dans un débat économique de fond avec toi. Je te renvoies au besoi à http://econon.free.fr/ . Mais si tu as le droit de penser que mes choix en matière de politique économique sont discutables, pourquoi veux-tu m’interdire de les défendre politiquement pendant 20 ans au bas mot (40 ans selon Giscard) en votant oui à cette constitution ?

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Ulis
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Messagepar Ulis » 28 mai 2005, 17:02

Henrique à dit
C'est comme un restaurant ou n'importe quelle PME qui a le choix entre favoriser d'abord le profit maximum ou bien la satisfaction du client. S'il vise d'abord à satisfaire le client, il peut ensuite faire du profit pour cette raison même - mais sa hiérarchie des valeurs fera qu'il pourra renoncer au profit maximum (vendre à prix d'or de la nourriture de médiocre qualité) pour satisfaire en fait le client. Notre restaurateur pourra considérer que c'est sans doute un meilleur calcul à long terme pour lui. Mais il pourra faire l'autre choix, faire de l'argent rapide plutôt que satisfaire le client, se disant qu'une fois que les clients se seront rendus compte de la faible qualité du service rendu, il pourra revendre son restaurant et ouvrir autre chose de plus grand avec toujours la même logique prédatrice. Dans les faits nous aurons donc un restaurateur qui ne dira jamais qu'il ne cherche pas la satisfaction du client : après tout on peut bien se satisfaire d'une omelette avec un coulis de framboise vendue à 200 euros, c'est tellement subjectif la satisfaction ! Mais de fait, puisque son objectif principal est financier, accumuler des moyens d'accumuler toujours plus de moyens, les autres prétendus objectifs ne seront que déclarations verbeuses de bonnes intentions.


L’allégorie du restaurant d’Henrique est incomplète, il n’a pas envisagé l’hypothèse du restaurateur vendant à prix d’or une nourriture d’extrême qualité. (Ça existe les 3 étoiles)

Le but de la BCE est l’inverse de celui de son faisant de restaurateur : ne pas tricher sur la marchandise, faire de l’€uro une monnaie stable, durablement, dont la valeur n’est pas décrétée par des gouvernements au gré de leurs intérêts, (divergents ou contradictoires) mais établie sur des fondamentaux : n’autoriser la dilatation de la masse monétaire que proportionnellement à la masse des biens et services qu’elle représente.
Dire que cette politique contrevienne aux intérêts de la société comme le prétend Henrique, c'est dire que la raison est contraire aux intérêts de la société.

Les intérêts monétaires de l’Europe sont clairs : s’affranchir de la tutelle du dollar et y substituer l’Euro (dans le but, entre autres, de promouvoir nos valeurs humanistes). Comment procéder sinon par la voie ardue de la qualité, qualité durable si on veut en convaincre les autres ?

Quel espoir Henrique fonde-t-il dans une politique inflationniste ?
La baisse autoritaire des taux d’intérêts ? ils sont aujourd’hui d’un niveau si bas que son impact serait nul sur l’investissement.
Celui de décourager l’épargne pour encourager l’investissement ? L’expérience nous a appris le réflexe de l’épargnant français ! Il est probable que même un intérêt négatif ne dissuaderait pas son besoin viscéral d’épargner.
Notre pays est immensément riche, les épargnants y sont légions. Des millions de Français disposent d’une épargne bancaire supérieure à 100.000 € et il n’y a peut-être pas un village de 1000 habitants en France où au moins quelques uns d’entre eux disposent d’un capital de 1 million d’euros.

Bardamu à raison, notre problème, c’est la répartition, c'est sur cette redistribution des cartes qu'il convient de plancher.
Je crains que la BCE n’y puisse rien.
Ulis

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Messagepar Henrique » 28 mai 2005, 17:42

Ulis a écrit :Quel espoir Henrique fonde-t-il dans une politique inflationniste ?
La baisse autoritaire des taux d’intérêts ? ils sont aujourd’hui d’un niveau si bas que son impact serait nul sur l’investissement.


Encore une fois, je ne vais pas rentrer dans une discussion de politique économique fondamentale. Je dirais seulement que ton argument du trois étoiles tombe exactement dans ce que j'appelais "satisfaire le client avant tout" : il peut en effet y avoir des clients plus ou moins fortunés ou plus ou moins prêts à dépenser beaucoup pour manger. La question qui se pose préalablement au restaurateur est celle de la clientèle qu'il vise mais une fois cela établi, l'alternative binaire que j'avais décrit s'impose à nouveau. Et par ailleurs, pour convaincre des vertus de la politique technocratique de Bruxelles, il serait tout de même plus facile d'avoir derrière soi autre chose qu'une croissance toussoteuse, un chômage endémique et un recul généralisé des avantages sociaux pour le plus grand nombre.

Quoiqu'il en soit, tu as le droit d'adhérer aux thèses de Friedman, de croire qu'elles ont si tu veux une "valeur scientifique", d'autant plus que je ne préconnise pas une politique qui serait inflationniste par nature. Mais si tu es un tant soit peu démocrate, tu dois admettre que d'autres analyses économiques que la tienne existent et qu'elles ont autant droit de cité, autrement on tombe ipso facto dans le totalitarisme, qui précisément a toujours prétendu se fonder sur une connaissance scientifique des moyens et finalités de l'intérêt général pour les imposer du haut de l'Etat et rendre apparamment impossible tout autre choix de société possible. En conséquence, comment peux-tu vouloir interdire a priori tout autre choix politique, soumis à la volonté générale, en voulant constitutionnaliser avec les libéraux votre analyse économique ? Un démocrate, qu'il soit libéral ou socialiste, ne doit-il pas accepter que la possibilité que le peuple ne lui donne pas toujours raison a priori ?

Il ne s'agit pas ici d'un débat pour savoir quelle politique est souhaitable dans les 5 ou 7 ans à venir. Il s'agit de savoir sur quoi nous devons nous engager pour fonder la politique pour une durée sans limite déterminée. Il s'agit aussi de savoir ce qui peut fonder le pacte social entre les différents tenants des opinions politiques compatibles avec la démocratie. Constitutionnaliser une seule conception au détriment de toutes les autres, fût-elle présentée comme scientifique, c'est chercher les lendemains qui brûlent. Ici les lecteurs du TTP voient à quoi je fais référence.

Henrique

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Re: Objectifs de l'union

Messagepar bardamu » 29 mai 2005, 15:08

Henrique a écrit :[(...)Avec une BCE qui se donne la stabilité des prix comme principal objectif, au nom du dogme monétaire friedmanien, nous avons de fait une relégation de tous les autres objectifs à une position subordonnée qui fait non seulement que s’ils entrent un tant soit peu en contradiction avec ce principe, c’est en faveur de l’objectif principal qu’on tranchera et d’autre part qu’il conditionnera toute autre action.

Et selon toi, quel objectif principal peut-on donner à une banque ?
Je ne pense pas que la banque puisse avoir un objectif principal qui soit politique, ne serait-ce que pour des questions concrètes : comment le banquier saurait-il ce qu'il doit faire pour favoriser l'emploi ou autre, alors que les ministres des finances ont des avis contraires selon les pays ?
J'ai eu la flemme de recherche le détail, mais Simone Veil disait que la BCE était en relation avec le conseil des ministres des finances pour les choix de sa politique. Même si l'objectif qui lui est structurellement assigné est purement monétaire (normal pour une banque...), ses décisions doivent prendre en compte la politique européenne.
Henrique a écrit :Comment cette constitution suggère-t-elle qu’on arrivera au plein emploi, à la sécurité sociale pour tous etc. ? C’est dans le texte, il suffit de le lire : uniquement par la concurrence généralisée, c'est-à-dire la déréglementation des marchés de biens et de services, la libre circulation des capitaux et la libéralisation financière, et enfin la monnaie unique stable. C’est donc du néolibéralisme pur sucre (puisque le libéralisme classique accordait encore à l'Etat certaines vertus sur le plan économique).

C'est l'organisation d'un marché intérieur.
En France, on a un seul marché avec les mêmes règles en Bretagne et à Paris, et je trouve normal qu'on ait la même chose en Europe dès lors qu'on veut une union réelle et pas seulement symbolique.

Henrique a écrit : Je n’ai pas encore trouvé de réponse franche de ta part à ce point précis : comment un démocrate peut-il accepter que des choix politiques (car renoncer à toute action législative du politique sur l’économique est encore un choix politique), fussent les siens, soient constitutionnalisés, interdisant donc a priori toute véritable alternative politique ?

1- je ne considère pas que ce texte interdise toute alternative politique
2- je considère que tous nos Etats sont capitalistes et déjà dans une pensée unique qui définit le cadre de l'alternative politique jugée acceptable (de la social-démocratie à la démocratie américaine)
3- je considère que la vraie démocratie ne peut pas aller plus loin que la place du village, le quartier ou la tribu, et que la démocratie représentative est une oligarchie de fait, ayant pour dirigeant les experts en communication, en séduction et en penser-comme-tout-le-monde. L'oligarchie européenne est une forme administrative dérivée de la première et pas plus délétère que celle-ci.

D'ailleurs, si on regarde comment Spinoza évoque le choix des dirigeants en démocratie, cela comprend entre autre la possibilité de ne choisir que parmi les vieux, les riches ou autre. L'important est qu'ils soient représentatif mais pas forcément meilleurs que les autres. Dans cette idée, on devrait peut-être utiliser les panels des instituts de sondage pour diriger les pays.
Henrique a écrit :Tu veux rire ? Bien sûr que les objectifs affichés de cette constitution sont le plein emploi, le progrès social, la qualité de l’environnement etc. Qui pourrait explicitement prétendre agir dans le sens contraire ?

Il est rusé ce Giscard... On nous aurait menti ?
Henrique a écrit : ce traité établissant une constitution pour l’Europe,

Je crois que tu as toi-même admis que ce texte n'était pas une constitution au sens de constitution d'Etat. Il faudrait donc ne pas souligner constitution mais insister sur traité, qui est le terme lui convenant le mieux.
Henrique a écrit :(...) Mais Bush n’a qu’un concept vague de la justice

C'était juste pour le plaisir de la polémique, désolé...
Sinon, ça aurait de la gueule "Justice et Force", mais ça amuserait les américains qu'on parle de Force pour l'Europe au vu de notre potentiel militaire. Mais bon, Yoda est de notre côté, c'est sûr.
Henrique a écrit :Tu détournes mon propos.

Comme tu semblais identifier "Unis dans la diversité" à "tiraillé par les communautarismes", je me suis effectivement permis d'exagérer.
"Unis dans la diversité" ne me semble pas une devise négative et j'irais même jusqu'à lui trouver un petit côté spinoziste : de la Substance unique découle une infinité de choses infiniment variées. Unis dans la diversité.
Henrique a écrit :Ta définition de l’Etat

Je vais reprendre le sujet ailleurs notamment pour voir à quoi ressemble l'Etat chez Spinoza. Dans le TP, il le distingue de la sociabilité spontanée des groupes humains, et il faut sans doute avoir une définition plus restrictive que celle d'organisation communautaire pour que la notion ait un intérêt.
Henrique a écrit :
Bardamu a écrit :Quelle vertu magique pourrait bien avoir le déficit ? Va-t-il créer des emplois privés alors qu'on ne sait pas quels seront les métiers d'actualité dans 15 ans ?


Je ne vais pas rentrer dans un débat économique de fond avec toi. Je te renvoies au besoi à http://econon.free.fr/ . Mais si tu as le droit de penser que mes choix en matière de politique économique sont discutables, pourquoi veux-tu m’interdire de les défendre politiquement pendant 20 ans au bas mot (40 ans selon Giscard) en votant oui à cette constitution ?

Je t'interdis formellement de militer pour la création de dettes qui enrichiront d'anonymes financiers à qui je n'ai pas envie de donner le fruit de mon activité ! :D
Au final, défendre le droit au déficit, c'est défendre le droit d'enrichir les marchés financiers. C'est trop néo-libéral pour moi :twisted: .
Par contre, je l'ai déjà dit, je ne suis pas du tout dérangé par une augmentation des impôts pour faire du social.

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Re: Objectifs de l'union

Messagepar Henrique » 29 mai 2005, 17:43

bardamu a écrit :Et selon toi, quel objectif principal peut-on donner à une banque ?
Je ne pense pas que la banque puisse avoir un objectif principal qui soit politique, ne serait-ce que pour des questions concrètes : comment le banquier saurait-il ce qu'il doit faire pour favoriser l'emploi ou autre, alors que les ministres des finances ont des avis contraires selon les pays ?
J'ai eu la flemme de recherche le détail, mais Simone Veil disait que la BCE était en relation avec le conseil des ministres des finances pour les choix de sa politique. Même si l'objectif qui lui est structurellement assigné est purement monétaire (normal pour une banque...), ses décisions doivent prendre en compte la politique européenne.


D'accord, une banque ne peut fonctionner que dans une logique bancaire, de même que l'objectif d'une religion ne peut qu'être religieux. Mais c'est bien pour cela que la rendre totalement indépendante du pouvoir politique revient à constituer un Etat dans l'Etat contre lequel Spinoza met en garde à propos de la religion. Selon lui, le meilleur Etat est celui qui dispose d'un pouvoir absolu à dire le droit et ce pouvoir sera d'autant plus absolu qu'il laisse la plus grande lattitude possible à chaque individu ou groupe d'individus. Ainsi l'Etat ne peut tolérer en lui un pouvoir religieux propre à le concurrencer sur le plan du Droit. Il doit donc pouvoir contrôler ce que dit la Religion en se fondant sur des notions communes comme l'amour du prochain et la justice : ainsi un pouvoir religieux qui appellerait à la violence contre tel autre partie de la société doit être interdit tandis que toutes les opinions qui ne touchent pas à l'autorité de l'Etat en tant que principe d'organisation de la société sont acceptées et mêmes protégées (par ex., la trinité, la vierge Marie etc.).

Je vois avec l'indépendance affirmée du pouvoir économique de la société, que ce soit la Banque Européenne, Nationale ou les décisions mêmes de l'entreprise qui doit pouvoir licencier, délocaliser, accroître les inégalités entre travail et capital, quelque chose qui est du même ordre.


Bardamu a écrit :
C'est l'organisation d'un marché intérieur.
En France, on a un seul marché avec les mêmes règles en Bretagne et à Paris, et je trouve normal qu'on ait la même chose en Europe dès lors qu'on veut une union réelle et pas seulement symbolique.

Oui mais c'est un marché selon la conception néolibérale, alors que contrairement à la constitutionnalisation de ce principe, la démocratie exige que l'Etat, tel que je l'avais défini, puisse alterner sur les principes d'organisation de ce marché. D'autre part, entre la Bretagne et Paris, il y a à très peu de choses près les mêmes conditions fiscales et sociales (certes la décentralisation a en ceci fait certains dégâts mais il y a un socle national qui maintient l'unité). Cela permet une concurrence loyale mais tout aussi bien une coopération entre ces régions. Or avec l'Europe actuelle, il y a des écarts extrêmes entre les nations. Comme rien n'est prévu pour harmoniser par le haut, c'est-à-dire par des dispositions législatives et un investissement de l'Europe en ce sens (pas d'emprunt, pas de marges budgétaires et monétaires) et même que c'est interdit par le TCE, alors la seule harmonisation possible se fera par la concurrence sauvage du moins disant social et fiscal.


Bardamu a écrit :1- je ne considère pas que ce texte interdise toute alternative politique


Les couleurs peuvent changer, mais dès lors que la politique économique est affirmée dans la partie III et fondée sur un socle néolibéral, comment pourra-t-il y avoir d'autre choix que le libéralisme ? Explique moi comment une politique keynesienne de relance par la consommation pour soutenir l'emploi et la croissance pourrait être possible au niveau européen ?

Bardamu a écrit :2- je considère que tous nos Etats sont capitalistes et déjà dans une pensée unique qui définit le cadre de l'alternative politique jugée acceptable (de la social-démocratie à la démocratie américaine)

Donc l'alternance politique selon toi, c'est le choix entre le capitalisme pur et dur et le capitalisme un peu moins pur et dur éventuellement. Et les sociaux démocrates qui préconnisent comme moi un contrôle de l'Etat sur les conditions de production du capital, cela n'existe pas, c'est du vent ?

3- je considère que la vraie démocratie ne peut pas aller plus loin que la place du village, le quartier ou la tribu, et que la démocratie représentative est une oligarchie de fait, ayant pour dirigeant les experts en communication, en séduction et en penser-comme-tout-le-monde. L'oligarchie européenne est une forme administrative dérivée de la première et pas plus délétère que celle-ci.

Je le savais, tu es en matière d'Europe oligarque, ploutocrate et technocrate ! :twisted: Mais donc dans notre vie de tous les jours, notamment au travail où les déterminations nationales, continentales voire mondiales ont une incidence de fait, il n'y a aucun contrôle démocratique possible selon toi ? Si je peux élire mes représentants et en changer au bout d'une période déterminée, n'y a-t-il pas contrôle de fait par la souveraineté populaire non seulement de ceux qui les gouvernent mais aussi des idées au nom desquelles ils les gouvernent, en faisant donc par le fait même, des serviteurs, non de leurs intérêts personnels, mais de l'intérêt général ? Certes si nous sommes dans une situation nationale où les instruments d'une mise en oeuvre politique de certaines idées ne sont pas à la bonne échelle et si au niveau continental, ces instruments sont interdits, nous n'aurons que des changements politiques possibles de façade.

Or, pour reprendre le parallèle que j'avais fait entre le pouvoir économique et le pouvoir religieux, on pourrait reprendre Spinoza ici en substituant le théologique à l'économique, Dieu à l'intérêt général et "criminel" à illégal et interdit : "Les hommes pour la plupart sont ainsi faits qu'ils ne suppportent rien plus impatiemment que de voir les opinions qu'ils croient vraies tenues pour criminelles, et réprimé ce qui les pousse à la piété envers Dieu et les hommes ; par où il arrive qu'ils en viennent à détester les lois, à juger non pas immoral mais vertueux de tout oser contre les magistrats, donc à tenter des mouvements séditieux et des violences. Puis donc que la nature humaine s'avère ainsi faite, il en résulte que les lois concernant les opinions menacent non les criminels mais les hommes libres, qu'elles sont faites moins pour contenir les méchants que pour irriter les honnêtes gens, et qu'elles ne peuvent être maintenues sans grand danger pour le pouvoir de l'Etat".

D'ailleurs, si on regarde comment Spinoza évoque le choix des dirigeants en démocratie, cela comprend entre autre la possibilité de ne choisir que parmi les vieux, les riches ou autre. L'important est qu'ils soient représentatif mais pas forcément meilleurs que les autres. Dans cette idée, on devrait peut-être utiliser les panels des instituts de sondage pour diriger les pays.


Tu es bien réducteur vis-à-vis de la pensée politique de Spinoza. Indique moi donc les passages auxquels tu penses.

Bardamu a écrit :Je crois que tu as toi-même admis que ce texte n'était pas une constitution au sens de constitution d'Etat. Il faudrait donc ne pas souligner constitution mais insister sur traité, qui est le terme lui convenant le mieux.


J'admet que ce n'est pas une vraie constitution, mais le mot étant présent, il est juridiquement constitutionnel, c'est-à-dire contraignant pour les choix politiques à venir au niveau européen. Je ne me souviens pas que tu m'aies répondu sur ce que j'avais argumenté en ce sens. Mon objection reste donc entière.

J
Henrique a écrit :C'était juste pour le plaisir de la polémique, désolé...
Sinon, ça aurait de la gueule "Justice et Force", mais ça amuserait les américains qu'on parle de Force pour l'Europe au vu de notre potentiel militaire. Mais bon, Yoda est de notre côté, c'est sûr.


Mais la force forte étant celle qui est juste, nous pourrions aussi bien rire du néo-impérialisme américain.

Henrique a écrit :
Comme tu semblais identifier "Unis dans la diversité" à "tiraillé par les communautarismes", je me suis effectivement permis d'exagérer.
"Unis dans la diversité" ne me semble pas une devise négative et j'irais même jusqu'à lui trouver un petit côté spinoziste : de la Substance unique découle une infinité de choses infiniment variées. Unis dans la diversité.


Oui mais justement, la politique spinoziste est tout sauf une affirmation qu'il faudrait se contenter du modèle naturel spontané pour agir. L'état de nature n'est pas viable tel quel, l'homme doit en sortir pour construire culturellement une unité politique apte à affirmer toute sa puissance. Ainsi toute la question est "unis par quoi ?" dès lors qu'on se contente d'attendre que le cours naturel du marché produise la justice sociale.

Bardamu a écrit :Je t'interdis formellement de militer pour la création de dettes qui enrichiront d'anonymes financiers à qui je n'ai pas envie de donner le fruit de mon activité ! :D
Au final, défendre le droit au déficit, c'est défendre le droit d'enrichir les marchés financiers. C'est trop néo-libéral pour moi :twisted: .


Comme le dit Tocqueville, le législateur est semblable au capitaine d'un vaisseau, il peut choisir la direction et contourner les vents et les flots mais il ne peut décider de l'état de la mer et des vents. C'est ce que j'essaye d'expliquer en disant que l'Etat doit pouvoir réguler sans prétendre tout diriger. Dès lors que c'est l'Etat qui a la main, c'est en droit l'intérêt général qui y gagne. Si tu interdis à l'Etat d'emprunter, tu le condamnes à l'impuissance et donc il n'y a même plus de possibilité qu'il fasse quoi que ce soit de concret pour l'intérêt général. Le libéralisme, c'est confier la direction du navire aux vents et aux vagues.

Par contre, je l'ai déjà dit, je ne suis pas du tout dérangé par une augmentation des impôts pour faire du social.

C'est bien joli, je suis aussi certes pour l'impôt préférentiellement, mais le problème, c'est qu'au niveau national, dans un marché continental dérégulé et en l'absence d'harmonisation législative possible, il faut pour rester compétitifs vis-à-vis des autres Etats, réduire toujours plus les impôts comme le veut justement la logique néolibérale de ce traité. Certes un Etat a en droit la possibilité de mettre de l'impôt chez lui mais toute la logique de ce traité revient à le lui interdire en fait.

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Re: Objectifs de l'union

Messagepar bardamu » 29 mai 2005, 19:10

Henrique a écrit :Oui mais c'est un marché selon la conception néolibérale,

C'est le point principal sur lequel nous ne sommes pas d'accord. Une conception néolibérale n'aurait pas donné des objectifs sociaux au Traité.
Henrique a écrit : Or avec l'Europe actuelle, il y a des écarts extrêmes entre les nations. Comme rien n'est prévu pour harmoniser par le haut, c'est-à-dire par des dispositions législatives et un investissement de l'Europe en ce sens (pas d'emprunt, pas de marges budgétaires et monétaires) et même que c'est interdit par le TCE, alors la seule harmonisation possible se fera par la concurrence sauvage du moins disant social et fiscal.

Si tu enlèves tout traité et que tu laisses les Etats chacun dans son coin, là tu es sûr d'avoir une concurrence sauvage.
Avec ce traité, il y a un accord sur les objectifs et donc un engagement sur un développement à peu près civilisé.
Avec un autre traité, on pourrait peut-être avoir des engagements plus forts pour financer les pays les plus pauvres. Mais on pourrait aussi avoir moins d'engagement. Là, ça a été négocié, ça avance, et cela me semble aller dans le bon sens même si on peut toujours dire que ça pourrait aller plus loin parce qu'on a imaginé que ça pouvait aller plus loin.
Henrique a écrit :Les couleurs peuvent changer, mais dès lors que la politique économique est affirmée dans la partie III et fondée sur un socle néolibéral, comment pourra-t-il y avoir d'autre choix que le libéralisme ? Explique moi comment une politique keynesienne de relance par la consommation pour soutenir l'emploi et la croissance pourrait être possible au niveau européen ?

Je prends comme base qu'une politique keynesienne c'est :
- baisse du taux de l'intérêt, destinée à rendre attrayants les investissements privés
- acroissement des investissements publics,
- augmentation de la propension à consommer par redistribution des revenus au profit des classes aux ressources les moins élevées.
- protectionnisme douanier apparaît comme un moyen légitime de relever le niveau de l'emploi
(source http://www.ac-bordeaux.fr/Etablissement ... nesien.htm )

Je ne vois pas ce qui est empêché par le traité. L'accroissement des investissements public peut se faire par augmentation de l'impôt et la redistribution n'est qu'une question de volonté politique et le protectionnisme douanier est une responsabilité de l'ensemble de l'Europe qu'elle ne se gêne pas de mettre en oeuvre. Pour la baisse des taux d'intérêts, je ne sais pas trop quels en sont les mécanismes et les enjeux, donc je ne me prononcerais pas.

Henrique a écrit :Donc l'alternance politique selon toi, c'est le choix entre le capitalisme pur et dur et le capitalisme un peu moins pur et dur éventuellement. Et les sociaux démocrates qui préconnisent comme moi un contrôle de l'Etat sur les conditions de production du capital, cela n'existe pas, c'est du vent ?

Quand tu dis "social démocrate", c'est dans un sens littéral à savoir que tu as un souci du social et de la démocratie ou dans le sens du courant politique qu'on appelle généralement "social-démocrate" en Europe ?
Pour ce qui est du courant "social-démocrate", il est pour moi, capitaliste et social-démocrate. Il n'y a pas de remise en cause du bénéfice purement financier, de la propriété privé ou de la possession de l'outil de travail par d'autres que les travailleurs.
Mais je ne vois pas trop ce que tu entends par un contrôle de l'Etat sur les conditions de production du capital. Tu peux détailler ?
Henrique a écrit :(...)Je le savais, tu es en matière d'Europe oligarque, ploutocrate et technocrate ! :twisted: Mais donc dans notre vie de tous les jours, notamment au travail où les déterminations nationales, continentales voire mondiales ont une incidence de fait, il n'y a aucun contrôle démocratique possible selon toi ?
Si je peux élire mes représentants et en changer au bout d'une période déterminée, n'y a-t-il pas contrôle de fait par la souveraineté populaire non seulement de ceux qui les gouvernent mais aussi des idées au nom desquelles ils les gouvernent, en faisant donc par le fait même, des serviteurs, non de leurs intérêts personnels, mais de l'intérêt général ? Certes si nous sommes dans une situation nationale où les instruments d'une mise en oeuvre politique de certaines idées ne sont pas à la bonne échelle et si au niveau continental, ces instruments sont interdits, nous n'aurons que des changements politiques possibles de façade.

Même si je ne vois pas de démocratie pure, cela ne signifie pas que j'adhère à l'oligarchie actuelle et que je suis contre le développement d'une démocratie participative. Au contraire.
Ce que je constate, c'est que les citoyens votent pour des programmes faits par des partis qui tentent tant bien que mal de percevoir les désirs de monsieur et madame tout-le-monde. La force propositionnelle citoyenne est quasi-nulle, le niveau d'éducation politique et socio-économique est proche du néant (et je m'inclus dans ce constat), et au final les élus le sont par habitude moutonnière ou parce qu'ils passent bien à la télé.
Et ayant eu à participer professionnellement à la réalisation de supports de communication pour des politiques, pour ce que j'en ai vu, c'est de la publicité standard avec les mêmes questions que pour un paquet de lessive : cible, message, image. D'ailleurs, cela se passait en agence de pub...

J'espère donc une démocratie participative, où les gens sachent vraiment pour quoi ils votent, qu'ils ne semblent pas tomber des nues si on leur dit, par exemple, que le préambule à la Constitution de 1946 qui sert de référence à la Constitution de la Ve république, considère que le travail est un devoir autant qu'un droit, ce qui sous-entend que ces fainéants de chômeurs sont de mauvais citoyens.

Henrique a écrit :Tu es bien réducteur vis-à-vis de la pensée politique de Spinoza. Indique moi donc les passages auxquels tu penses.

TP, De la démocratie, chap. 9, 2
Si donc il est réglé par une loi que les anciens seulement qui auront atteint un âge déterminé, – ou les seuls aînés, dès que leur âge le permet, – ou ceux qui payent à la république une somme d’argent déterminée, – possèdent le droit de suffrage dans le conseil suprême et le droit de participer aux affaires publiques, bien qu’il puisse arriver, par cette raison, que le conseil suprême y soit composé d’un plus petit nombre de citoyens que dans le gouvernement aristocratique, il faut cependant appeler démocratiques des gouvernements de cette sorte, parce que les citoyens qui doivent gouverner la république n’y sont pas choisis comme les plus dignes par le conseil suprême, mais sont désignés par la loi. Et quoique par cette raison des gouvernements de cette sorte, – c’est-à-dire ceux où l’on ne voit pas les meilleurs citoyens gouverner, mais des individus que le hasard a faits riches, ou les aînés, – paraissent inférieurs au gouvernement aristocratique, cependant, si nous considérons la pratique ou la nature commune des hommes, la chose reviendra au même.

Henrique a écrit :J'admet que ce n'est pas une vraie constitution, mais le mot étant présent, il est juridiquement constitutionnel, c'est-à-dire contraignant pour les choix politiques à venir au niveau européen. Je ne me souviens pas que tu m'aies répondu sur ce que j'avais argumenté en ce sens. Mon objection reste donc entière.

Je croyais acquis que si ce n'était pas une vraie constitution, cela n'avait pas de valeur juridique pleinement constitutionnelle. La France garde sa Constitution et peut quitter l'Union a tout moment si elle n'est pas d'accord avec le Traité.
Henrique a écrit :Oui mais justement, la politique spinoziste est tout sauf une affirmation qu'il faudrait se contenter du modèle naturel spontané pour agir. L'état de nature n'est pas viable tel quel, l'homme doit en sortir pour construire culturellement une unité politique apte à affirmer toute sa puissance. Ainsi toute la question est "unis par quoi ?" dès lors qu'on se contente d'attendre que le cours naturel du marché produise la justice sociale.

Mais Spinoza reconnait que l'humain génère naturellement du social. L'état de nature est aussi un état social :
TP, Chap 1-7
Enfin, comme les hommes, barbares ou civilisés, s’unissent partout entre eux et forment une certaine société civile, il s’ensuit que ce n’est point aux maximes de la raison qu’il faut demander les principes et les fondements naturels de l’État, mais qu’il faut les déduire de la nature et de la condition commune de l’humanité; et c’est ce que j’ai entrepris de faire au chapitre suivant.

A y réfléchir, ne serait-ce pas le système capitaliste, qui constitue un artifice culturel ne tenant qu'à proportion du soutien culturel qu'on lui apporte ? Le marché est-il naturel ? Est-ce que le modèle naturel de l'homme est la guerre de tous contre tous ?
Si on cessait de considérer que le travail et l'épargne étaient de bonnes valeurs, que resterait-il du système capitaliste ? Que signifie cette volonté de "plein emploi" ou de "pouvoir d'achat" ? Comment nous apprend-on à désirer un contrat de travail qui est en même temps un contrat de subordination ?
Comment nous mêne-t-on à voter pour quelqu'un, à désigner un tel ou une telle comme incarnant notre volonté ?
Henrique a écrit :Si tu interdis à l'Etat d'emprunter, tu le condamnes à l'impuissance et donc il n'y a même plus de possibilité qu'il fasse quoi que ce soit de concret pour l'intérêt général. Le libéralisme, c'est confier la direction du navire aux vents et aux vagues.

Je considère simplement que l'emprunt est le pire moyen de financement puisqu'il donne des armes à ceux contre qui on est censé agir.
Comment veux-tu contrôler les flux financiers alors que tu leur donnes toi-même leur puissance ? Il faut tarir la source.
Henrique a écrit :C'est bien joli, je suis aussi certes pour l'impôt préférentiellement, mais le problème, c'est qu'au niveau national, dans un marché continental dérégulé et en l'absence d'harmonisation législative possible, il faut pour rester compétitifs vis-à-vis des autres Etats, réduire toujours plus les impôts comme le veut justement la logique néolibérale de ce traité. Certes un Etat a en droit la possibilité de mettre de l'impôt chez lui mais toute la logique de ce traité revient à le lui interdire en fait.

Ces impôts seraient pour une redistribution. Ils ne toucheraient en rien à la compétitivité des entreprises mais feraient passer du riche vers le pauvre. Imposer les dividendes ne toucherait que le pouvoir financier et demanderait simplement que nous financions par nos propres forces productives et pas par la capitalisation qui partirait sans doute vers des paradis plus fiscaux. C'est un choix politique qui demande évidemment l'adhésion populaire à cet effort.
En tout cas, pour ce qui est de la gauche nouvelle , ça a plutôt l'air de s'orienter vers la cible (pour parler marketing) de ceux qui financent et dont ils veulent prendre en compte les plaintes, et donc, je ne m'attends pas à ce qu'on leur demande un effort supplémentaire.

Si l’on considère les salariés qui se situent entre les 30% les moins bien lotis et les 30% les plus aisés, on dénombre 10 millions de ménages. Leurs revenus s’établissent entre 1 200 et 2 400 euros. Pas de quoi espérer des lendemains qui chantent. (...)
La question du consentement à l’impôt de cette catégorie de la population risque donc bel et bien de se poser à brève échéance avec une acuité particulière. (...)
Le parti socialiste doit donc refonder son analyse socio-économique de la société en faisant de ces oubliés des politiques de croissance et de redistribution la pierre angulaire de son assise électorale.

Diagnostic du Nouveau Parti Socialiste, p.54-57 : http://nouveau-ps.net/spip/IMG/pdf/Diag ... .03.05.pdf

J'en connais que ça ferait rêver un revenu entre 1200 et 2400 euros...


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