La constitution européenne

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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bardamu
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Messagepar bardamu » 29 mai 2005, 22:25

Il a gagné ! Il a gagné !
Bon, maintenant, va falloir faire mieux...

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AUgustindercrois
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Messagepar AUgustindercrois » 30 mai 2005, 11:54

Chers tous,

Bardamu dit "Henrique a gagné!" Je l'ignore réellement.

L'avenir nous dira si le non français a permis plus de social, une véritable politique européenne de type keynésien.

Aujourd'hui, le Traité de Nice perdure, c'est-à-dire le Traité le plus néo libéral qui soit :twisted: :twisted: :twisted:


Ceux qui nous disaient que l'on pourrait renégocier sur une base plus sociale, je les attends maintenant... La balle est dans leur camp.

L'Europe est affaiblie.

Les partis politiques français toujours aussi sourds au cri de révolte qui s'est exprimé.

A gauche, la fracture entre ouiisites et noniens peut - elle se réparer? Je le souhaite. J'en doute. Car il va falloir se mettre d'accord sur un programme réalisable. On attend déjà depuis plusieurs mois le programme socialiste, en vain.

J'ai un goût de cendre dans la bouche, et les ruines fument encore...

Bien à vous,

Ader qui désespère.

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Messagepar bardamu » 30 mai 2005, 17:04

Henrique, si le coeur t'en dis, j'aimerais bien que tu nous dises comment tu perçois la lecture qui est faite de la victoire du "Non".
Sans parler de la joie malsaine de De Villiers et de sa récupération des votes de gauche, j'ai entendu beaucoup de gens insister sur l'aspect "Ras le bol" ou l'aspect sanction de politique interne et assez peu des arguments plus profonds que tu évoquais. Peur d'une véritable remise en question des bases de notre système socio-économique ? Peur de devoir parler de révolution désirée ?

Que penses-tu de l'édito de July dans Libé ? http://www.liberation.fr/page.php?Article=300064
J'y retrouve bien les arguments du "Non" :
de gauche
- contre "l'élite" (l'oligarchie)
- contre le libéralisme
- pour un fédéralisme social
de droite :
- contre l'élite
- contre l'élargissement
- pour imposer la volonté française

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Messagepar Krishnamurti » 31 mai 2005, 00:53

bardamu a écrit :Henrique, si le coeur t'en dis, j'aimerais bien que tu nous dises comment tu perçois la lecture qui est faite de la victoire du "Non".

[...]
Que penses-tu de l'édito de July dans Libé ? http://www.liberation.fr/page.php?Article=300064

Et que penses tu de celui de Colombani dans le Monde ?
http://www.lemonde.fr/web/imprimer_elem ... 951,0.html

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Henrique
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Messagepar Henrique » 31 mai 2005, 02:45

Chers amis bonjour !

AUgustindercrois a écrit :L'avenir nous dira si le non français a permis plus de social, une véritable politique européenne de type keynésien.

Avec le oui à la constitution, il est clair que c'était rigoureusement impossible. Je reviendrai j'espère sur ce point avec Bardamu. Le non ne garantit rien en ce sens, mais il a la vertu de laisser les choses ouvertes, notamment pour une constitution authentiquement démocratique, permettant une véritable alternance politique au niveau continental.

Aujourd'hui, le Traité de Nice perdure, c'est-à-dire le Traité le plus néo libéral qui soit :twisted: :twisted: :twisted:


D'abord n'oublions pas qu'adopté ou pas, le Traité de Nice perdure de fait jusqu'en 2009. D'ici là, les choses ont le temps de bouger et d'ailleurs s'il n'y a pas d'accord avant, cela peut durer encore après. Ensuite que reproche-t-on à Nice ? Les tenants politiques du oui, qui avaient eux-mêmes ratifié en période de cohabitation cet horrible traité sans la moindre consultation démocratique, nous disent aujourd'hui que c'est le pire des traités qui soient. C'est déjà suspect, il y a de quoi se poser quelques questions, non ? Etait-il plus libéral que celui de Giscard ? En aucun cas, il suffit de reprendre le lien qu'avait indiqué Bardamu sur le comparatif entre les deux traité pour s'en convaincre. La partie III ne fait que reprendre et refondre tous les traités depuis Rome, on nous l'a pourtant assez répété. Donc il est parfaitement inexact de dire que le traité Giscard est moins libéral.

Oui, mais dans Giscard, il y a de la politique dans la partie I et du social dans la partie II ? Certes mais une politique qui ne remet nullement en cause l'orientation purement libérale de la partie III et au contraire la renforce en affirmant d'emblée le principe de libre concurrence comme une "valeur" fondatrice ; avec l'impuissance politique affirmée par l'interdiction de financements à la hauteur d'une puissance politique continentale (et pourquoi y en aurait-il besoin pour mener une politique libérale qui par essence repose sur un Etat réduit au silence en matière économique et sociale ?). Quant à la partie I, elle n'est que déclaration de bonnes intentions soumises dans la logique de l'ensemble du traité (vous connaissez le principe d'interprétation d'un texte selon Spinoza : lire le contexte) à la mise en oeuvre des politiques de la partie III : pour obtenir le plein emploi, le progrès social et tout ça, la théorie libérale a toujours affirmé être la plus efficace et ce Traité n'est qu'une déclaration d'allégeance à cette idéologie. Donc avoir des objectifs sociaux, quand il s'agit pour les atteindre de laisser au maximum le cours naturel du marché suivre son cours, sans intervention politique, cela ne corrige en rien la dimension libérale, néolibérale et même ultralibérale du traité, au contraire.

Alors qu'avait-il donc de si merveilleux, le traité Giscard par rapport au traité de Nice ? Rocard le dit : "dans la pondération des voix au Conseil des Ministres telle qu`elle résulte du Traité de Nice, la France pèse 9%, et l`Allemagne quelque chose comme 12-13%. Le projet de Constitution porte ce taux à 13,4% pour la France et à 17-18% pour l`Allemagne" Quelle belle avancée contre le libéralisme quand on voit comment malgré leur discours officiel, les libéraux sociaux chiraco-sarkozystes et les sociaux libéraux jospino-hollandais, ont libéralisé les lois françaises comme jamais depuis 10 ans ! Il ne s'agit pas finalement de plus de social ou de démocratie mais de plus d'influence de la France.

Autres apports purement institutionnels du texte : une facilitation de certains choix politiques dans une Europe à 25 par le vote à la majorité qualifiée plutôt qu'à l'unanimité sur certaines questions. Mais ces améliorations purement techniques peuvent très bien être obetnues sans le traité Giscard par un texte qui se contenterait d'amender Nice sur ce point. J'ai entendu d'ailleurs sur la chaîne info européenne que certains pontes de Bruxelles pensaient pouvoir mettre cela en place bien avant la fin de la ratification en 2006.

Enfin, n'oublions pas également que le traité sur la CED rejeté par la France en 54 n'a pas empêché le Traité de Rome, moins de trois ans plus tard instituant la CEE, et l'a même de fait généré.


Ceux qui nous disaient que l'on pourrait renégocier sur une base plus sociale, je les attends maintenant... La balle est dans leur camp.

Mais maintenant, la balle est dans le camps de tout le pays. C'est sûr qu'on peut jouer la division du pays malgré un choix démocratique et massif, et quand on voit comment les médias traitent le résultat depuis dimanche soir, donnant encore de façon largement priviligiée pour ne pas dire monopolistique la parole au ouiistes, développant des éditoriaux culpabilisateurs, catastrophistes, insultants pour l'intelligence du peuple souverain (on nous explique par exemple que le peuple est bien bête le pauvre, on lui avait posé une question sur l'Europe et il a répondu à une autre question sur la nation) dans la lignée de celui de July cité par Bardamu, pour ensuite aussitôt court-circuiter l'enjeu effectivement européen de ce référendum par des questions de politique franco-française, on peut se dire que beaucoup comptent sur ce jeu là. S'il fallait une preuve supplémentaire que nos médias de masse ne relèvent pas d'une logique démocratique et ne travaillent pas pour elle, nous l'avons ! On essaye encore de manipuler l'opinion, en essayant déjà, par une sorte de réflexe pavlovien de bon chiens de garde de la pensée unique, de préparer l'opinion pour revoter ce traité et lui faire revoter jusqu'à ce qu'il ait dit oui : la propagande qu'ils appellent information, ça fonctionne sur la répétition, la pub le démontre - croit-on.

L'Europe est affaiblie.

L'Europe néolibérale et technocratique est affaiblie. La possibilité d'une Europe plus authentiquement démocratique, condition d'une Europe plus sociale, est ouverte, renforcée, légitimée. Ce n'est pas en se laissant aller à l'amertume et en donnant avec les médias de masse et les ouiistes institutionnels dans le mépris tellement "démocratique" de ces imbéciles de français qui étaient trop bêtes pour comprendre ce texte sublime que l'on pourra agir dans le sens d'une Europe démocratique, n'interdisant pas a priori toute autre politique que néolibérale. Admettons que vous aviez raison, que mon analyse du texte n'était pas bonne : maintenant le traité Giscard est démocratiquement rejeté, les démocrates doivent donc se rassembler (bien sûr chacun à son niveau) pour donner l'impulsion de l'Europe démocratique que nous voulons tous ici, plutôt que de donner dans l'amertume. De mon côté, je m'étais préparé (suivant E5P10, scol. ;) ) à la possibilité de la victoire du oui : cela aurait été un autre champ de possibilités, moins facile, ne passant pas uniquement par la pacifique démocratie (j'ai pas dit non plus l'insurrection...), mais il y aurait eu de fait, sur la base de la mobilisation pour le non une impulsion intéressante.

Les partis politiques français toujours aussi sourds au cri de révolte qui s'est exprimé.

ça c'est vrai pour les partis (et parties de partis) dits de gouvernement, la catastrophe annoncée est surtout une catastrophe pour eux, de même également qu'une catastrophe pour les médias qui ont pourtant fait un bourrage de crâne exemplaire et qui n'ont pas réussi à servir les intérêts de la classe dominante dont ils sont les valets.

Mais ne faisons tout de même pas trop dans le pathos : la révolte, le cri, tout ça c'est encore une fois surtout ce que répètent les médias pour faire dans le sensationnel et suggérer qu'il n'y a pas de réflexion rationnelle dans ce vote. Mais l'intelligence, cela consiste à faire des liens entre des notions apparamment différentes. On nous dit que les gens se sont prononcés sur des questions nationales et qu'ils sont bêtes parce que c'était une question européenne. Mais pas si fous, les français se sont dit que la France, elle se situe dans un ensemble plus grand qui s'appelle l'Europe et donc qu'il est logique d'envisager que ce qui ne va pas en France - que ce soit la gauche qui gouverne ou la droite - cela doit avoir un rapport avec l'Europe comme elle va et ce sans consultation démocratique depuis 1992 sur les orientations mêmes de cette Europe (puisque le parlement ne définit pas les orientations). Et de fait 60% des lois votées en France ces derniers temps, notamment les plus impopulaires, sont la transposition de directives européennes.


A gauche, la fracture entre ouiisites et noniens peut - elle se réparer? Je le souhaite.

Il reste un projet commun : l'Europe démocratique, condition d'une politique sociale continentale, elle même condition d'une politique sociale sérieuse au niveau des nations (et pas les quelques friandises sociales que nous promettait Jospin lors de la présidentielle de 2002, sachant qu'effectivement il ne pouvait pas faire mieux dans une Europe interdisant toute tentative de réguler en amont et pas seulement en aval avec des moyens affaiblis les mécanismes économiques déterminants de la société)


J'en doute. Car il va falloir se mettre d'accord sur un programme réalisable. On attend déjà depuis plusieurs mois le programme socialiste, en vain.

Dans la série des travaux interminables de Spinoza et Nous, on pourrait réfléchir à un projet de constitution Européenne susceptible de faire l'accord entre démocrates européens, qu'ils soient libéraux (Ulis), social-libéraux résignés (Augustin), sociaux-démocrates (votre serviteur), communistes (Miam ?), démocrates chrétiens tendance écolo (Bardamu ? :lol: )

J'ai un goût de cendre dans la bouche, et les ruines fument encore...

Mais non mon cher Augustin, goûte bien ta langue et regarde autour de toi, tu ne trouveras pas cela. La terre tourne toujours dans le même sens, les arbres ne se sont pas mis à pousser à l'envers, les oiseaux chantent encore le matin...

Il faisait gris à Paris dimanche matin, paraît-il. Chez moi en dessous de la Loire, il faisait beau.

Ader qui désespère.

Si c'est l'espoir qui te fait vivre, tu te condamnes au désespoir. Celui qui agit en raison de ce qu'il comprend et non de ce qu'il espère échappe à jamais au désespoir :)

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Henrique
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Messagepar Henrique » 31 mai 2005, 04:10

bardamu a écrit :Henrique, si le coeur t'en dis, j'aimerais bien que tu nous dises comment tu perçois la lecture qui est faite de la victoire du "Non".


Je pense y avoir répondu pas mal dans le message précédent à Augustin. Il faut surtout rappeller qui fait cette lecture : les mêmes médias de masse qui avaient fait le forcing pour imposer le oui. Je développe à ce sujet un paragraphe plus haut.

Sans parler de la joie malsaine de De Villiers et de sa récupération des votes de gauche, j'ai entendu beaucoup de gens insister sur l'aspect "Ras le bol" ou l'aspect sanction de politique interne et assez peu des arguments plus profonds que tu évoquais.


Sérieusement tu t'attendais à une mise en avant des raisons profondes du non dans les médias de masse ? Notamment quand on ne fait parler aucun des militants d'Attac, des militants socialistes, communistes, verts, trotskystes qui ont fait le travail de fourmi de base qui a renversé la tendance d'un oui qui était à 65% au mois de février, quand il n'y a avait pas encore eu de débat, il est alors facile de donner l'interprétation qui nous arrange, surtout quand ceux qui donnent cette interprétation sont des libéraux qui ne s'assument pas, des ouiistes qui monopolisent encore et toujours la parole (j'ai pourtant regardé ce qui se disait sur France 2, Canal+, TF1, LCI, I-Info, euronews... Seule LCP m'a paru au moins assez équilibrée alors qu'habituellement, après un vote, sur toutes les chaînes on fait parler presque uniquement les vainqueurs) avec la complicité habituelle des médias.

Peur d'une véritable remise en question des bases de notre système socio-économique ? Peur de devoir parler de révolution désirée ?


Peur de toute véritable remise en question de la part des médias et des ouiistes qui les monopolisent encore, certainement. Mais où as-tu vu s'exprimer la révolution ? Les gens ont été voter, ce n'est pas révolutionnaire en soi. A 70% les français sont pour que la construction européenne se poursuive et ils sont majoritaires aussi chez les nonistes. Ils veulent, ceux qui ont rendu cette large majorité effective, une construction qui offre la possibilité d'une Europe assez puissante pour régler ses problèmes sociaux? Ce n'est pourtant pas bien compliqué, mais je reconnais que les médias rendent cette évidence inaudible.

Que penses-tu de l'édito de July dans Libé ? http://www.liberation.fr/page.php?Article=300064
J'y retrouve bien les arguments du "Non" :
de gauche
- contre "l'élite" (l'oligarchie)
- contre le libéralisme
- pour un fédéralisme social
de droite :
- contre l'élite
- contre l'élargissement
- pour imposer la volonté française


C'est l'article d'un ex-jeune libertaire qui est devenu un vieux libéral aigri par un résultat démocratique. Les libéraux établis, on le voit plus que jamais aujourd'hui, n'aiment pas beaucoup la démocratie. On y retrouve la rhétorique habituelle des prétendus défenseurs de la démocratie opposés au "populisme", terme pratique pour faire peur à la classe moyenne, comme si le mépris de la capacité de penser de l'ouvrier et de l'employé pouvait faire un démocrate. Bien sûr l'ouvrier, le français d'en bas, cible du populisme est nécessairement xénophobe, refermé sur lui-même, égoïste. Il a la peur du plombier polonais, dit-on. Quel horrible égoïste en effet, il ne veut pas partager ses 900 euros mensuels avec le plombier polonais. Quand comme Serge July, on gagne 30 fois plus et que l'on ne risque pas voir ses avantages sociaux remis en cause par le journaliste slovène, il est facile d'être généreux pour les autres.

Qu'y a-t-il à comprendre ici ?
- Qu'il y a une aptitude à comprendre certaines choses même quand on est ouvrier. Quand un traité constitutionnel met la concurrence au rang de "valeur" fondamentale, il ne crée pas particulièrement les conditions d'une grande solidarité internationale, ce n'est pas difficile à comprendre. Quand un texte prône la libre circulation des biens, des services et des personnes (quand elles en ont les moyens ou quand elles y sont contraintes pour travailler), au détriment donc de toute protection sociale, de toute harmonisation législative, c'est plus favorable "aux gros qu'aux petits".
- Que la "France d'en bas" est animée par l'effort de persévérer dans son être, qu'il se trouve qu'il y a déjà peu de démocratie favorable à toutes les couches sociales dans son être français, et qu'elle ne va donc pas renoncer à ce peu de démocratie sociale pour adhérer à une Europe qui l'en prive un peu plus.
- Qu'elle est capable de comprendre qu'on est plus fort avec les autres mais à condition que cela se fasse sur la base d'un pacte qui soit à l'avantage de tous et non pas seulement des gagnants de la mondialisation.

Quant à l'article de Colombani, j'ai décroché au bout de 20 lignes, vu que c'est le même tombereau de mépris à l'encontre des français qui ont voté non - non parce que je me sens atteint, mais parce que je connais déjà ce discours. De toutes façons, ça ne peut pas être de sa faute, c'est comme Hollande, le bouc émissaire c'est Chirac, ce docteur Folamour qui a commis l'erreur historique de consulter les français sur une question qui les engageait historiquement ! Et quand je lis que les Français ont d'abord voté non parce qu'ils étaient contre l'Europe, que voulez-vous que j'apprenne d'un article qui ment aussi effrontément quand tous les sondeurs s'accordent à dire que le vote négatif, majoritairement de gauche, est aussi majoritairement pro-européen ?

Pourquoi tous nos professionnels de la pensée publique si énormément respectueux de la démocratie mais "non populistes" ne veulent-ils pas voir l'évidence factuelle suivante ? Il y a certes en France une base souverainiste et nationaliste qui refusera toujours tout ce qui vient de l'Europe, ce n'est pas une nouveauté mais cela ne représente au mieux que 25% de l'électorat. Il suffit alors de renégocier un traité qui soit acceptable ne serait-ce que par la moitié des 30% du non qui restent : un traité constitutionnel qui soit simplement démocratique, sans définir de ligne politique a priori, ce qui n'interdit donc pas l'accord avec les libéraux démocrates, mais qui rend possible une politique véritablement sociale. On a alors la ratification in the noze. Alors qu'on arrête de dire que ce non est sans signification, qu'on ne peut rien en faire.

Rien n'est objectivement difficile dans une situation où aucun traité ne peut être adopté sans l'unanimité et quand on ne part pas la queue entre les jambes, déjà battu, persuadé qu'on ne pourra rien obtenir de conséquent parce qu'on est affaibli par le fait que les français ont exprimé une volonté forte d'une autre Europe.

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Messagepar Miam » 31 mai 2005, 10:48

Ce qu'on remarque dès aujourd'hui en Belgique, c'est que le "non" français contraint les partis de gauche à se rappprocher de leur base qui les a désavoués. Tous les partis étaient ici partisans du "oui". Quant aux syndicats "socialistes", ils ont suivis tacitement la position de l'union des syndicats européens, sauf deux entités fédérées qui se sont déclarées pour le non. En vérité, il n'y a pas de position syndicale. Quoi de moins étonnant puisqu'avant la "question française" il n'y avait jamais eu de débat ? Il s'agit ici du premier vrai débat populaire sur l'Europe depuis que celle-ci est née. Voilà au moins un grand acquis du "non" français. La balle est maintenant dans le camps des partis de la gauche européenne. Sans quoi ce "non" ne sera pas encadré et demeurera en dehors de l'Europe alors qu'il voulait seulement changer l'Europe.

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Messagepar DGsu » 31 mai 2005, 10:59

Notez qu'en Belgique (où je le rappelle le referendum national est interdit par la consitution) la radio de service public nous a abreuvés ces derniers temps de publicité vantant la nouvelle constitution comme si c'était un nouveau modèle de voiture. :lol:

Mais c'est une bonne question de se demander si les partis de gauche vont changer leur attitude purement gestionnaire en questionnant les fondements d'une société plus solidaire, ce qui préoccupe de plus en plus les "gens". :?:
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Messagepar AUgustindercrois » 31 mai 2005, 20:44

Chers amis,

A henrique. Merci de ce réconfort. J'observe que le triomphe anglais est éloquent. (Voir le Monde de ce jour, article de ferenczi: "Ce repli de la France sur elle-même, marqué à droite par la tentation du nationalisme et à gauche par celle du protectionnisme, va porter un coup au projet européen. Qu'un des six pays fondateurs, qui est aussi l'un des plus importants Etats membres par sa population et sa richesse, exprime ainsi sa défiance à l'égard de l'Europe des traités de Rome et de Maastricht est, à l'évidence, une mauvaise nouvelle pour l'entreprise commune. Le non français affaiblit d'abord les institutions européennes, à commencer par la Commission, devenue le bouc émissaire de tous les ressentiments, le symbole honni de cette Europe contestée.")

Voilà le repli, marqué par la peur et la crainte... des sentiments peu spinozistes!

. Mais où as-tu vu s'exprimer la révolution ? Les gens ont été voter, ce n'est pas révolutionnaire en soi. A 70% les français sont pour que la construction européenne se poursuive et ils sont majoritaires aussi chez les nonistes.


Voilà un paralogisme des noniens: je suis tellement pour l'Europe que je vote contre!! :lol: :lol: :lol:


Lorsque l'on interroge les noniens sur les motivations de leur vote, ils répondent: 1- Le chômage (et le prof' que tu es répondrais"hors - sujet") 2- le ras-le-bol...

Le non est masochiste et suicidaire. Comme le disait le type de Rungis qui votait non:
Joël, 36 ans, attend son tour de décharger. A ses côtés, des camions de toutes provenances. Il a dit non : il en a "ras le bol" . Depuis quinze ans qu'il taille la route, le chauffeur solognot assure que la situation empire. La concurrence étrangère s'exacerbe. "Alors, en disant qu'on en a marre, peut-être que ça ira mieux."


Le ras-le-bol, c'est la colère... Encore un sentiment peu recommandable

Peur et colère.... Sentiments qui n'augurent rien de bon, qui ne présagent que le pire. Le côté obscur de la force a envahi la France.

Ader plein d'humeur

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Messagepar DGsu » 31 mai 2005, 22:02

J'adore cette conversation! C'est peu dire qu'elle me remplit de joie! Mais quelle joie. Joie qui m'est venue aussi en relisant ce matin l'excellente introduction de Bernard Pautrat à sa traduction du Traité de l'amendement de l'intellect, joie de comprendre, joie de la consience.

C'est le moment. Je vous conseille donc la lecture de la Troisième Nuit de Walpurgis de Karl Kraus avec la préface de Jacques Bouveresse, chez Agone. Dans le contexte post référendaire actuel et au vu du délire qui s'étale dans la presse.

En parlant de peur et de colère. Karl Kraus analyse l'arrivée du national-socialisme en 1933. Sa référence: la langage. En particulier, il s'est attaché à une minutieuse description du langage de la presse. Il s'y penche aussi sur la tendance des élites intellectuelles à ne constater que leur situation menacée et à fermer les yeux sur celle de la société entière.

Bonne nuit! DG :D
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