Les idées expriment-elles des propriétés d'objets?

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Miam
participe avec force d'âme et générosité
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Messagepar Miam » 02 août 2005, 15:01

Chère louisa,
ceci est ma réponse à votre avant dernier message.

La proposition 37 concerne les seules notions communes universelles exposées en II 38 : les idées de ce qui est commun à toutes choses, et non les notions communes particulières dont traite II 39. Or ce commun particulier constitue bien l’essence d’une chose singulière, à savoir d’une partie individuelle du corps avec lequel nous avons cette chose de commun.

II 37 ne dit pas que ce qui est commun à toutes choses n’est pas commun aux essences de toutes les choses singulières, mais seulement que cela ne constitue pas l’essence d’une chose singulière ni ne lui appartient. Ce qui est fort différent. Car une chose peut être commune à diverses essences sans pour autant constituer ces essences ou leur appartenir.

La distinction repose sur la réciprocité (la commutativité) de la définition de l’essence :

« Je dis que cela appartient à l’essence d’une chose qu’il suffit qu’il soit donné, pour que la chose soit posée nécessairement, et qu’il suffit qui soit ôté, pour que la chose soit ôtée nécessairement ; ou encore (vel id) ce sans quoi la chose ne peut ni être ni être conçue, et qui vice versa ne peut sans la chose être ni être conçu. » (I Déf. 2)

Le Court Traité, qui reprend en substance cette définition de l’essence (CT II, Préface), explique la réciprocité de cette définition en montrant que Dieu ne saurait appartenir à l’essence de la chose. Dieu est bien cause de tout, il est donc commun à tout. Pourtant il n’appartient pas à l’essence de la chose singulière. Dans le cas contraire, comme le déplore Bardamu, tout serait Dieu. Or si toute chose exprime Dieu d’une manière déterminée, elle n’est pas Dieu mais une affection de Dieu. Dieu n’est pas une propriété essentielle des choses. Il est pourtant la condition de leur compréhension : c’est « rapportée à Dieu » qu’une idée se révèlera inadéquate ou non, selon qu’elle se rapporte à Dieu en tant qu’il constitue la nature du Mental seulement ou aussi d’autre chose (II 11, Coroll. : cela suffit d’ailleurs à distinguer l’idée vraie de l’idée adéquate car « toute idée, en tant qu’elle est rapportée à Dieu est vraie » (II 32), tandis qu’une idée est adéquate selon sa double relation à Dieu et à la constitution du Mental ).

Selon la définition de l’essence, comme Dieu est en soi et conçu par soi, il ne saurait appartenir à l’essence d’une chose singulière.

Il en va de même de l’attribut : il est conçu par soi.

Quant aux modes infinis, ils sont conçus soit immédiatement, soit médiatement par l’attribut. Ils suivent de cet attribut « absolument ». Ils en sont les effets, comme tout mode, mais absolument et « se rapportent à Dieu en tant qu’il est infini ».Les modes infinis ne sauraient donc être conçus par les choses singulières.

Pourtant la définition par la cause d’un mode étendu use du terme de « mouvement ». Toutefois il ne s’agit pas du mouvement en général mais de tel rapport déterminé (certis) de mouvement. Ce n’est pas le mouvement en général qui appartient à l’essence de la chose étendue, c’est son rapport particulier de mouvement. C’est là l’une des grandes différences de l’épistémologie spinozienne avec celle des scoliastes et des cartésiens. Partant le mouvement en général, à l’instar des autres modes infinis, est un commun universel, mais n’appartient pourtant à l’essence d’aucune chose singulière.

Il n’y a pas lieu de distinguer ici la chose singulière de son essence : Spinoza ne parle pas de « chose singulière existant en acte » mais seulement de chose singulière. Et ce qui dure dans l’existence, c’est bien l’essence actuelle de la chose, son rapport interne. C’est l’essence qui existe, ou plutôt qui est une manière d’exister de la chose singulière.

Enfin je ne vois pas le rapport avec le fait qu’ en II 38d et II 39 (mais non en II 38), Spinoza parle des seuls corps. A moins que vous confondiez les essences (ou formes) et les idées : ce qui n’est certainement pas spinozien mais scolastique. Qu’une communauté entre corps doive se traduire par une communauté entre idées me paraît évident en vertu du parallélisme. Il n’arrive rien à notre corps qui n’ait son correspondant idéel. Il s’agit bien de « notions communes », c’est à dire non seulement d’idées de ce qu’il y a de commun, mais d’idées elles-mêmes communes, comme le montre par exemple le Corollaire de II 38 : « il y a certaines idées ou notions qui sont communes à tous les hommes ». Il y a pourtant un type qui a cru utile de faire la démonstration de la validité des notions communes entre des idées. Si vous voulez, je retrouverai la référence …

Ceci est la version courte. J’avais commencé par une version longue pour expliquer corrélativement la distinction entre le mouvement comme concept analytique et le mouvement comme rapport synthétique causal. Cela avait l’avantage de répondre simultanément à Bardamu mais diluait peut-être trop ma réponse. Mes versions courtes vous sont-elles plus claires que mes versions longues ? Sinon je préciserai par une version longue. Mais c’est peut être un peu ch…

Miam.


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