Les idées expriment-elles des propriétés d'objets?

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Louisa
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Messagepar Louisa » 17 mai 2005, 02:30

A Miam,

1) d'accord. Quant à l'identification 'formel' - 'corporel': cela n'est en effet pas justifié (voir ma réponse à Hokusai). Il serait en effet très intéressant d'étudier la signification exacte de formel et objectif dans un sens strictement spinoziste. Et en effet, je n'y avais pas encore pensé, mais apparemment, les notions de forme et d'individu sont très liées. Tout comme celles de forme et de nature. Je crois qu'un bon livre sur l'usage scolastique de ces notions pouvait déjà nous éclairer un peu. Si vous avez par hasard une idée ... ?

2) ici je continue à avoir un problème. Si pe Dieu constitue l'essence de l'Esprit humain (E II prop 11), j'ai quand même l'impression qu'il existe donc une essence de cet Esprit. Ou dans la prop 8 de la même partie, il parle des '... essences formelles des choses singulières, autrement dit des manières, sont contenues dans les attributs de Dieu'. Cela me donne également l'impression qu'il existe donc de différentes essences, une pour chaque chose singulière, et que Dieu les contient toutes. Qu'en pensez-vous?

3) je ne suis pas sûre que je comprends exactement ce que vous écrivez, mais en tout cas, l'idée d'une seule ligne de production correspond très bien à ma façon actuelle d'interpréter Spinoza. Il y a une seule ligne de production ou de causalité (qui produit un effet à partir de la cause). Mais c'est justement pour cette raison que je le trouve quand même toujours très fructueux de lire Spinoza en posant un parallèlisme 'stricte', terme que je définirais peut-être différemment que vous. Il ne s'agit pas alors d'un parallélisme de différentes lignes de production, mais bien d'un parallélisme de lignes d'expressions, c'est-à-dire d'attributs qui expriment cette unique ligne de production. Donc il faut vraiment clairement séparer la production et l'expression, dans le sens où parmi les différentes lignes d'expressions, il n'y a jamais de relation de causalité. Une idée ou quelque chose qui appartient à la réflexivité (c'est-à-dire l'idée d'une idée; je préfère garder le mot 'réfléxivité' pour ce 2e niveau, et ne pas l'utiliser pour la situation où l'on a une idée d'une chose; vous l'utilisez dans les deux sens ou dans le même sens que moi?) ne peut donc jamais créer comme le ferait un sujet cartésien (sujet qui à partir de la substance de la pensée peut provoquer un effet dans la substance de l'étendue, et inversément). Une idée peut causer une autre idée, mais cela vaut également au niveau de l'étendue; tout comme aux affections passives et actives correspondent toujours des idées inadéquates et adéquates. Il n'y a donc pas une ligne qui est caractérisée par seulement l'activité, et une autre qui peut être aussi bien active que passive, en fonction de l'activité précise de la première ligne. Si vous posez cela, vous posez à nouveau une relation de cause à effet entre deux lignes. Or, il n'y a qu'une seule ligne, et la causalité se joue à l'intérieur de cette ligne. Puis, cette même ligne se trouve exprimé tantôt par des idées (qui peuvent être adéquates ou inadéquates, en fonction de l'activité de l'Esprit humain qui les a), tantôt par des affections (qui peuvent être actives ou passives, en fonction du corps qui les a). Mais jamais, l'un sera actif tandis que ce qui y correspond dans la deuxième ligne serait passif. Entre les différentes lignes expressives, il y a identité ontologique. Et c'est à ce niveau ontologique que se joue la causalité. Autrement dit, la causalité est toujours intra-linéaire, jamais inter-linéaire.
Et ce mode de correspondance est, à mon avis, très bien caractérisé, chez Spinoza, par ce que j'appelerais quand même un parallélisme stricte.

Gilles Deleuze, d'une manière qui me paraît pour l'instant assez séduisante, montre en quoi pouvait consister ce parallélisme chez Spinoza, en mettant sa théorie en contraste avec celle de Leibniz. Chez Leibniz, père de la notion, le parallélisme désigne juste une correspondance entre deux lignes sans interaction causale de l'une sur l'autre. Il s'agit donc d'une identité d'ordre. Mais selon Deleuze, Spinoza y ajoute deux nouveaux critères, qui font que l'image des parallèles tient beaucoup mieux que chez Leibniz. Spinoza ajoute une identité de connexion ou de principe, ce que Deleuze appelle une 'isonomie'. Si les principes seraient inégaux, comme pe dans le cas d'une ligne et une asymptote, il y a bien identité d'ordre ou correspondance, mais pas vraiment identité de connexion. Deleuze pg. 96 de son livre sur l'expression: 'Les points d'une courbe ne s'enchaînent pas comme ceux d'une droite. Dans ce cas, on ne pourra parler de parallélisme qu'en un sens très vague.' De vraies parallèles exigent pas seulement une identité d'ordre (après un point suit un autre, correspondance terme à terme), mais aussi une égalité de principes entre deux séries de points correspondants (si un point se met derrière un autre de manière droite, dans la deuxième série il faut avoir le même principe, c'est-à-dire un troisième point ne peut pas dévier de la droite déjà tracée par les deux premiers) . Il faut donc, chez Spinoza, que les principes dont dépendent deux séries autonomes correspondantes, sont aussi égaux. Tandis que chez Leibniz pas, donc chez Leibniz, il s'agit plutôt d'un 'modèle de l'asymptote' au lieu d'avoir un modèle tout à fait 'parallèliste'.

Puis Spinoza ajoute encore une troisième identité: il faut qu'il y ait une identité d'être entre les deux séries, c'est-à-dire les deux lignes sont une seule et même chose, qui se distinguent seulement par l'attribut. Sinon, il faut toujours supposer un Dieu transcendant garant de cette identité d'ordre et de principes (un Dieu qui lie un terme à l'autre, respectant ou non une identité de principe). Le fait que le parallélisme de Spinoza comprend les trois genres d'identité, fait qu'il soit pour Deleuze vraiment un parallélisme stricte, contrairement à celui de Leibniz. Pour moi, dans l'étape où j'en suis dans ma lecture de l'Ethique (première lecture très très lente de 3/4 de chaque partie l'année passée + lecture sélective de quelques commentateurs sur la question de la relation idée - objet cette année-ci), cela me paraît très pertinent. Je ne sais pas ce que vous en pensez?

Bien à vous,
Louisa

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hokousai
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Messagepar hokousai » 17 mai 2005, 16:31

à Louise

Je n’ai pas dit que Spinoza conservait l’aristotélisme mais que forme et matière de la scolastique permette de penser la genèse de la distinction des attributs pensée et étendue chez Spinoza (c’est une thèse dont je ne suis d’ ailleurs pas l’inventeur )


"""""""""""""Conclusion: j'ai des difficultés à concevoir l'être formel des choses comme ce qui relève de l'attribut Pensée, chez Spinoza """""""""""""

Bien sûr parce qu’il y a monisme il y a unité et ce qui est forme dans la pensée est forme dans l’étendue .C’est pourquoi une bonne définition est celle d’une chose qui existe .Une forme dans la pensée correspond une forme dans l’étendue .C’est bien pourquoi le problème du parallélisme est essentiel .
Et qu’il me pose à moi un problème .Fut un temps j’ai avancé que le parallélisme c’était parfois et pas toujours ,ce qui a provoqué une levée de boucliers .Evidemment ,j ‘attaquais une thèse essentiel (non par plaisir d’ ailleurs )

Par exemple si vous avez une tumeur au cerveau vous n’en avez pas l’idée claire et distincte ni même confuse mais elle existe bel et bien .
En revanche vous pouvez avoir la certitude obsessionnelle d’ avoir une tumeur et en avoir une idée claire et ne pas avoir de tumeur du tout .

Je sais bien que Spinoza parle dans les généralités et qu’une idée claire et distincte devra connaître les causes et les causes conférant une certitude d existence , car la chose sera fondée dans une série de causes .Mais il y a bien des idées assez claires dont l'existence de l’objet s’est vue invalidée ( les atomes par exemple , la rotations de planètes autour de la terre .....que sais- je )
Tombe t -on pour cela dans le dualisme ?

bien à vous


Hokousai

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Messagepar Louisa » 17 mai 2005, 20:03

Bonjour Hokusai,

d'abord une question. Si vous dites:

*******Je n’ai pas dit que Spinoza conservait l’aristotélisme mais que forme et matière de la scolastique permette de penser la genèse de la distinction des attributs pensée et étendue chez Spinoza (c’est une thèse dont je ne suis d’ ailleurs pas l’inventeur ) ********

je n'ai pas vraiment une idée de quelle thèse vous parlez. Serait-il possible de l'expliquer un peu?

En ce qui concerne la suite de votre réponse: je ne peux m'empêcher d'avoir l'impression que vous confondez 'objet d'une idée' et la notion de 'chose'. L'exemple que vous donnez de la tumeur utilise, dans ma perception, le même raisonnement que celui de la bataille de Waterloo.
J'essayerai donc encore une fois d'expliquer mon point de vue, ou plutôt ma lecture actuelle de l'Ethique.

Je m'appuie sur ce que Bernard Rousset dit quant à l'usage scolastique, cartésienne et spinoziste du terme 'objectif'. Pour tous, à son avis, 'objectif' renvoie d'abord à 'être l'objet d'une idée'. Pour Descartes, l'idée est représentative, pour Spinoza non. Pour les scolastiques, les idées sont en Dieu, pour Descartes elles sont dans l'homme, et pour Spinoza, c'est les deux. La façon d'interpréter ce que c'est qu'une idée diffère donc fort de l'un à l'autre, mais ce qui reste constant, c'est le fait que l'être objectif d'une chose, c'est la chose en tant qu'elle est objet d'une idée. Et évidemment, une seule et même chose peut donner lieu à mille idées différentes, même dans un seul et même corps.

Prenons alors le cas où j'ai une tumeur. A un certain niveau, j'en ai une idée confuse. Cela veut dire: je ne connais pas toutes les causes qui ont provoqué cette tumeur, donc j'en ai une idée tronquée, je n'ai l'idée que de l'effet et pas de ses prémisses, comme le dit Spinoza. Mais, à un deuxième niveau, j'en ai également une idée adéquate. Là, il faut prendre l'idée que j'ai de la tumeur comme une idée qui me caractérise moi, en tant que homme/femme singulière. Comme Dieu contient toutes les idées que nous avons, et toutes les idées que nous sommes, l'idée de la tumeur que nous sommes correspond exactement à celle qui est en Dieu, et dans ce sens, elle est adéquate.

Autrement dit: l'idée de la tumeur sera, à ce niveau-ci, toujours confuse car elle ne comprendra jamais toute la chaîne causale qui l'a mise dans mon cerveau. Mais cela n'empêche qu'il y ait toujours quelque chose dans l'état de mon cerveau qui correspond non pas à cette tumeur elle-même, mais à l'idée que je m'en fais.

Autrement dit: dans votre exemple, il y a DEUX CHOSES différentes, et c'est là où se trouve la divergence:

1) première chose A : la tumeur. L'idée que vous en avez sera toujours confuse, faute de connaissance. La relation entre l'idée et son objet (la tumeur) ne sera jamais une relation de correspondance parfaite.

2) deuxième chose B : l'affection de votre corps qui correspond à l'idée confuse que vous vous formez de cette tumeur. Cette affection n'est pas du tout la tumeur elle-même, mais est composée de diverses perceptions (les diagnostiques des médecins, les photos des scans, l'intonation du médecin quand il l'a annoncé la première fois, la réaction de votre entourage, votre souvenir d'autres cas de tumeurs dans la familles, les films que vous avez vus sur ce sujet, etc). A cette affection correspond une idée, qui n'a que cette affection comme objet, et pas la tumeur en tant que telle. Et ici, il est possible d'avoir un sens très clair de cette affection. Cela est même toujours le cas si on regarde cette chose (idée de l'affection + l'affection elle-même, unies comme un seul individu, qui figure parmi le nombre infini d'individus qui me composent) du point de vue de Dieu.

Dire que le parallélisme ne tient pas dans ce cas-ci, à nouveau, ne me semble donc pas du tout nécessaire. Il faudrait montrer en quoi il y aurait divergence entre une des deux choses et l'idée qui correspond à cette chose (donc entre la chose A et l'idée A, ou entre la chose B et l'idée B), au lieu de montrer qu'il y a divergence entre l'idée A d'une chose A, d'une part (l'idée de la tumeur) et la chose B d'autre part (l'idée de l'affection de mon corps reprenant mon vécu de ce que c'est qu'une tumeur pour moi).

Donc: l'objet de l'idée peut être une idée (l'idée que je me fais de la tumeur), ou l'objet de l'idée peut être une affection du corps (l'affection causée par la situation d'avoir une tumeur). Mais comme dans les deux cas, ces objets sont fort différents, les idées doivent l'être aussi. Nier un parallélisme demande, à mon avis, une explication au niveau de la relation d'un seul objet à son idée, et pas au niveau de la relation d'une idée à l'objet d'une autre idée, si vous comprenez ce que je veux dire?

En ce qui concerne les idées des choses qui n'existent pas: là aussi, je ne vois pas du tout en quoi cela contredirait le parallèlisme. Voir le scolie de la prop 17. Des idées de choses non-existantes mais qui nous présentent la chose comme existante, c'est-à-dire présente à notre corps, réflètent bel et bien une affection réelle de notre corps! C'est cela qui forme la base de toute connaissance, que Spinoza appelle des 'imagination' (1e genre de connaissance). Là, on est tout à fait dans le premier niveau, c'est-à-dire dans le cas où l'objet de l'idée n'est principalement qu'une affection correspondante du corps. L'objet de cette idée a ici très peu à faire (le moins de toutes les formes possibles de connaissance) avec la chose réelle à laquelle nous pensons (la tumeur), mais dit surtout quelque chose de l'état de notre propre corps (état qui nous fait croire qu'il existe une tumeur en nous). Aussi longtemps que pe notre corps n'est pas affecté d'une autre affection qui nie l'existence de cette tumeur (pe un scan qui montre qu'il n'y en a rien), le corps qui a pris l'habitude de penser qu'il a une tumeur, est bien obligé de continuer de penser qu'il y en a une, et l'Esprit formera donc cette idée.
Mais, à nouveau, cette idée est très différente que celle qui correspond à la même idée, présente au même moment, qui est celle de l'absence de toute tumeur réelle (idée qui alors n'est pas consciente).

Dans le cas où ceci vous semble encore toujours très confus: je viens de découvrir sur ce site une citation qui résume assez bien ce que je veux dire. La voilà pour terminer :

CT2C20(4) note 3 : « […]. 10. Entre l’Idée et son objet il doit y avoir nécessairement union parce qu’aucun des deux ne peut exister sans l’autre ; car il n’y a aucune chose dont l’Idée ne soit dans la chose pensante et aucune Idée ne peut être sans que la chose soit aussi. De plus, l’objet ne peut éprouver de changement que l’Idée n’en éprouve un et vice versa, de sorte qu’il n’est besoin d’aucun tiers pour produire l’union de l’âme et du corps. Mais il est à observer que nous parlons des Idées qui naissent nécessairement en Dieu de l’existence des choses conjointe à leur essence, et non des Idées que les choses, actuellement existantes, font apparaître et produisent en nous ; ces dernières diffèrent beaucoup des précédentes, car en Dieu les Idées ne naissent pas comme en nous d’un sens ou de plusieurs [ce qui fait que par les affections éprouvées nous avons des choses, le plus souvent, une connaissance tout à fait incomplète et que mon idée et la vôtre diffèrent, bien qu’elles soient des effets d’une seule et même chose] mais de l’essence et de l’existence, en conformité avec tout ce que sont les choses. »

Donc: une chose est mon corps existant croyant que j'ai une tumeur, et l'idée qui correspond à cette partie de l'état de mon corps. Autre chose est la tumeur elle-même, existante ou non dans mon corps, et l'idée qui prend nécessairement cette tumeur réelle comme objet.

Dans l'espoir que j'ai réussi à faire comprendre où se trouve, à mon avis, le problème dans votre façon de parler de parallélisme ... ?
Cordialement,
Louisa

PS: en écrivant j'ai par hasard touché le bouton 'envoyer' ... :roll:
il est donc possible que le début de ce message soit déjà affiché deux fois ... . Si c'est le cas: excusez-moi ...

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Messagepar hokousai » 17 mai 2005, 22:20

à Louisa

""""""""""""Mais ce qui reste constant, c'est le fait que l'être objectif d'une chose, c'est la chose en tant qu'elle est objet d'une idée. """"""""""""

Cette proposition est ambiguë

Si l’objet d’une idée est une idée alors l’être objectif de la chose est une idée on ne retrouve pas la chose à tout le moins pas son être objectif ailleurs . Conclusion la chose n’a d’être objectif que subjectif c’est à dire dans l’idée de tel ou tel homme .

Si l’objet d’une idée n’est pas une idée on n’est dans le réalisme où les idées sont distinctes des choses mais sont une représentation .Les choses sont indépendantes des idées .

On peut avoir une troisième solution où les choses et les idées sont deux faces dune même réalité sans relation de causalité entre les deux la chose ne cause pas l’idée laquelle n’est donc pas une présentation sous une certaine forme ( c’est à dire une représentation ) la chose n’est pas non plus une construction de l’idée .
C’est bien cette solution qui me semble difficile à admettre .

Chez Aristote chaque chose a une matière et une forme inséparable .Chez lui et chez les scolastiques la forme des choses, leur essence est dans les choses, inséparable ( objective ) et ainsi après travail de l’intellect les idées ont la forme des choses elles sont conformes aux choses (réalisme ).L’intellect accède à une connaissance des choses objectives lesquelles lui pré-existent.

Chez Spinoza cela semble se passer en Dieu .En Dieu les choses s’ enchaînent dans le même ordre dans les attributs .Ce qui est une structure ontologique ( forme de l’ être ) qui ne nous concerne pas et dont nous n’avons pas ainsi l’idée claire et distincte .Il ne me semble vraiment pas que nous ayons une idée claire et distincte du parallélisme .
……………………………………………………………………………
.
Je vous parlais d’une tumeur dont vous ignoriez l’existence , bref, vous me parlez d'une dont vous auriez une idée confuse .
Où je vous dis qu’il y aurait forme dans la matière, c’est là où à chaque idée circonscrite correspondrait une chose circonscrite .les idées sont l équivalent des formes (des circonscriptions ). C’est de la connaissance des idées comme formes ( cernables même confuses ) qu ‘on infère une infinité de formes correspondant aux idées dans l’ Etendue .
Mais cela je ne l’admet pas .C’est une conception réaliste et intellectualiste du réel .Je veux dire que c’est un mode ou une manière de la pensée .Partagée par les lecteurs de Spinoza mais dont je ne suis pas certain qu il la pensait .
………………………………………………………………

"""""""au lieu de montrer qu'il y a divergence entre l'idée A d'une chose A, d'une part (l'idée de la tumeur) et la chose B d'autre part (l'idée de l'affection de mon corps reprenant mon vécu de ce que c'est qu'une tumeur pour moi)."""""""""""

Parlons d’autre chose que des tumeurs ..
Je sais compter jusqu à dix , j’en ai l’idée claire et distincte . Je compte sur mes doigts cela est une activité du corps . Un hypnotiseur me suggère d’oublier le quatre . Je vais compter sur les doigts jusqu à dix en oubliant le quatre . Interrogé j’aurai toujours la même idée claire de savoir compter et d’avoir correctement compté .
Vous me direz que ce n’est pas la même idée claire peu importe pour moi c’est la même ,comme mon idée de triangle est toujours la même .
A une idée claire et distincte correspondent deux activité différentes .

Bien à vous
Hokousai@aol.com

Difficile de reprendre l’intégralité de votre texte ( fort intéressant), je vais le relire ..

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Messagepar Louisa » 18 mai 2005, 01:08

Bonsoir Hokusai,

d'abord excusez-moi de la longueur de mes réponses ... comme le français n'est pas ma langue maternelle :cry: je n'arrive pas encore à m'exprimer de manière succincte ... .

En vous lisant, je continue à avoir l'impression que vous utilisez les notions d'objet, d'idée et de forme dans un sens qui est peu spinoziste (peut-être plus aristotélicien, mais encore une fois, je connais trop peu d'Aristote pour pouvoir le dire).

Allons directement à votre exemple de l'hypnotiseur. Il s'y agit toujours de la même confusion entre l'objet et la chose, il me semble. Mais c'est une bonne idée de multiplier les exemples ... peut-être que je trouverai de cette manière-ci une façon d'expliquer ce que je ressens telle que cela devienne plus claire.

Donc: je compte jusqu'à 10. Je le fais en utilisant mes doigts. Il y a l'activité corporelle de mes doigts (affection A du corps), et l'idée de cette activité dans mon esprit (idée A; objet de cette idée: l'affection A). Puis, je suis consciente du fait de compter. Il y a donc une idée B de l'idée A (objet de l'idée B = idée A). Puis vous dites que vous avez également une idée de ce que c'est que savoir compter correctement. Cette idée est donc une nouvelle idée, idée C. Forcément, il doit y correspondre une affection du corps ou une autre idée comme objet (car chaque idée à toujours un objet, c'est-à-dire pense toujours quelque chose). On a donc également une affection C.

2e étape: je compte jusqu'à 10 en sautant le 4, et, pour une raison ou une autre, je continue à avoir l'impression que compter de cette manière correspond à ce que c'est que savoir compter correctement et que mon idée de ce que cela veut dire n'a pas changé. Donc : de toute manière l'idée C reste la même, et donc, forcément, son objet aussi.
Mais attention : ici on compte une deuxième fois. Le mouvement corporel est différent (vous sautez un doigt), donc on a une affection D du corps, et forcément une idée D qui a cette affection du corps comme objet. Puis à nouveau, vous êtes conscient du fait que vous venez de compter. Cette conscience = une idée E qui a l'idée D comme objet.

3 étape: vous dites que dans toutes ces opérations, l'idée C est restée la même. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais si vous acceptez la prop 12 de l'E II:

"Tout ce qui arrive dans l'objet de l'idée constituant l'Esprit humain doit être perçu par l'Esprit humain, autrement dit, il y en aura nécessairement une idée dans l'Esprit: C'est-à-dire, si l'objet de l'idée constituant l'Esprit humain est un corps, il ne pourra rien arriver dans ce corps qui ne soit perçu par l'Esprit"

(dans le scolie, il réfère même à la fameuse prop 7, fondement de l'idée du parallélisme)

donc: si vous acceptez cette proposition, je ne vois pas comment ne pas accepter que chaque mouvement corporel a une idée qui lui correspond. Si vous faites un autre mouvement, d'office, une autre idée se crée. Mais Spinoza ne prétend nulle part qu'il y ait d'office une correspondance entre cette nouvelle idée, et un mouvement du corps antérieur!

Autrement dit: le parallélisme ne dit pas du tout que si votre idée C ne change pas pendant que vous effectuez de différents mouvements, l'affection C (ou le mouvement corporel C ou l'idée X qui était l'objet de cette idée C) devrait quand même changer à cause du fait que d'autres mouvements se font! Le parallélisme dit juste que quand le corps est affecté, de cette affection Y l'esprit humain forme directement l'idée Y.

Essayons avec un autre exemple : quelqu'un vous présente un bon verre de vin (supposez que vous appréciez le vin). Directement, il y aura un changement dans la production de salive. Vous ne savez pas du tout si cette salive a changé de composition chimique ou non, mais les médecins pourraient vous en informer. Dans votre conscience, rien ne change donc perceptiblement, au niveau physique, aussi longtemps que vous ne buvez pas. MAIS: pour Spinoza, votre Esprit a entre-temps formé une petite idée qui correspond à ce changement chimique. Il faudrait montrer en quoi cette correspondance est impensable (et donc en quoi cette prop 12 est absurde) pour nier le parallélisme, il me semble.

Autrement dit: dans les exemples, vous semblez tout le temps ne pas accepter cette proposition 12 (car vous liez l'affection D à l'idée C, et ne supposez pas une idée D). Or, elle est nécessaire pour comprendre le parallélisme, donc il faut la prendre en compte, je crains. Si on la jette, c'est très bien, mais ce qui reste n'est plus Spinoza.

De même quant à votre notion de 'forme' et d'objet. Prop 21 de l'E II, scolie :

"... l'idée de l'Esprit, c'est-à-dire l'idée de l'idée, n'est rien d'autre que la forme de l'idée, en tant qu'on considère celle-ci comme une manière de penser, SANS RELATION À L'OBJET ..." (c'est moi qui souligne)

Je vous cite d'abord:

********Si l’objet d’une idée est une idée alors l’être objectif de la chose est une idée on ne retrouve pas la chose à tout le moins pas son être objectif ailleurs . Conclusion la chose n’a d’être objectif que subjectif c’est à dire dans l’idée de tel ou tel homme . ***********

Il me semble qu'en langage spinoziste, il faudrait dire: si l'objet d'une idée A est une idée B, alors l'être objectif de la chose 'idée B' est l'idée A. J'ai l'impression que vous prenez une toute autre signification de 'être objectif', dans le sens où cela signifierait : exister en dehors d'un esprit humain, ou au moins indépendamment d'un esprit humain. Or, l'existence, la réalité, la perfection etc, aussi bien chez Descartes que chez Spinoza, se trouve du côté 'formel'. Puis, c'est Descartes qui a opposé 'objectif' à 'subjectif'. Il me semble tout à fait absurde de parler de cette distinction chez Spinoza. Chez lui, une chose n'a jamais de l'être que subjectif, vu que toute chose est en Dieu, aussi bien si on la considère du point de vue de l'Etendue que de la Pensée.

Evidemment qu'il y ait des choses qui n'existent qu'en l'homme, mais cela ne veut pas du tout dire que ces choses perdent du coup leur 'être objectif'! Il suffit que quelqu'un (Dieu, l'homme en question, un autre homme, ...) prend ces choses comme objet d'une idée pour que, en langage spinoziste, ces choses soient de facto considérées dans leur être objectif.

Vous dites alors:

*******Si l’objet d’une idée n’est pas une idée on n’est dans le réalisme où les idées sont distinctes des choses mais sont une représentation .Les choses sont indépendantes des idées . *******

Je crois que Spinoza est vraiment très clair là-dessus: si l'objet d'une idée n'est pas une idée, alors c'est forcément une affection de mon corps. Et la relation entre une idée et l'affection qui est son objet, n'est jamais une relation de représentation, vu que chez Spinoza, l'idée et l'affection sont les deux faces de la même chose ('res'). Ce que vous écrivez, à mon avis, est donc à nouveau plutôt du langage cartésien, où la représentation à un sens.

Finalement:

**********On peut avoir une troisième solution où les choses et les idées sont deux faces dune même réalité sans relation de causalité entre les deux la chose ne cause pas l’idée laquelle n’est donc pas une présentation sous une certaine forme ( c’est à dire une représentation ) la chose n’est pas non plus une construction de l’idée .
C’est bien cette solution qui me semble difficile à admettre .

Chez Aristote chaque chose a une matière et une forme inséparable .Chez lui et chez les scolastiques la forme des choses, leur essence est dans les choses, inséparable ( objective ) et ainsi après travail de l’intellect les idées ont la forme des choses elles sont conformes aux choses (réalisme ).L’intellect accède à une connaissance des choses objectives lesquelles lui pré-existent.

Chez Spinoza cela semble se passer en Dieu .************

Je ne crois pas que Spinoza dirais que la chose et l'idée sont deux faces d'une même réalité. La chose (res), c'EST la réalité. Si on la considère sous l'attribut de la pensée, on considère son être objectif, c'est-à-dire sa capacité d'être pris en tant qu'objet d'une idée. Cette idée peut être l'idée de la chose en Dieu. Dans ce cas, il s'agit de l'idée qui est l'essence de la chose. Tout comme la chose en tant que corps dans la nature peut être considéré sous l'attribut de l'Etendue, et là aussi, si c'est Dieu qui la contemple, il la regarde alors en tant qu'essence corporelle.

A côté de cela (voir prop 12!!) il existe aussi plein d'idées créées par les esprits humains. Si la chose est pe un arbre, chaque homme qui est affecté par cet arbre (qui le voit, pe), aura en lui-même une idée de cet arbre. Mais cette idée sera toujours confuse, dans le sens où elle enveloppera toujours la nature de l'arbre autant que la nature du corps humain. Il ne s'agit pas du tout de se demander si la chose existe indépendamment de l'idée ou non (c'est-à-dire, évidemment qu'elle existe indépendamment de l'idée qu'un homme peut s'en faire ... mais elle n'existe jamais indépendamment de l'idée qu'elle EST, c'est-à-dire l'idée qui exprime son essence comme faisant partie de l'essence de Dieu).

Je crois que chez Spinoza aussi, l'essence et/ou la forme de la chose sont dans la chose elle-même, mais justement, chez lui cela n'a plus rien à voir avec le fait d'être objectivement ou non. Si on parle de la forme de la chose, on parle de la chose SANS RELATION A l'OBJET, donc pas de la chose comme objet (toujours d'une idée), ni (si la chose est une idée) de la chose en tant qu'elle a un objet.

Une idée qui est conforme à la chose (Spinoza utilise 'convenire') est en effet, comme vous le dites, seulement une l'idée que Dieu a de la chose en tant qu'il EST l'essence et la forme de la chose. Spinoza ne parle de cette signification de vérité que quand il parle de Dieu. Quand il parle de l'Esprit humain, il ne parle plus que de l'idée adéquate, ce qui n'a plus rien à voir avec la relation de l'idée à son objet, mais justement, cela a à voir avec les propriétés intrinsèques de l'idée, c'est-à-dire de l'idée considérée en tant que manière de penser, c'est-à-dire : l'idée adéquate a quelque chose à voir avec la forme de l'idée, et pas avec sa relation avec l'objet, ni avec la forme de cet objet.
Le travail de l'intellect, chez Spinoza, ne consiste plus en l'extraction des formes des choses existant hors du corps/esprit humain. C'est une activité essentiellement intra-spirituelle: il ne s'agit que de COMPARER des idées, et de voir en quoi elles se composent ou s'opposent. C'est une activité de recherche de rapports entre idées, ou, si on a la chance d'accéder à la connaissance du 3e genre, de recherche d'essences.

Mais : tout cela n'est pas nécessaire pour accéder à l'être objectif des choses! Il suffit de penser une chose, pour qu'elle devienne objet d'une idée humaine. La penser (même si l'idée est tout à fait erronnée) suffit déjà pour avoir accès à son être objectif. Mais à nouveau, cela ne devient compréhensible que si vous acceptez les définitions spinozistes de l'objet, de l'idée et de la forme. Sinon, vous risquez de chercher des solutions spinozistes pour des problèmes cartésiens, aristotéliciens ou autres, et à mon avis il est peu problable que vous les trouverez, vu que les problèmes que Spinoza pose, et donc les solutions qu'il propose, répondent à de toutes autres préoccupations, et partent de toutes autres définitions.

Donc : je crains que pour ressentir quelque chose au niveau de la notion 'parallélisme', il faut vraiment d'abord accepter les définitions et axiomes de Spinoza. Sinon, on reste pe dans un dualisme, et on demande à Spinoza de résoudre la question dualiste (comment mon idée peut-elle être conforme à la chose extérieure à moi-même?), tandis qu'il a déjà écarté d'office cette possibilité, et qu'il s'occupe d'autre chose.

Enfin ... voici qu'à nouveau je n'ai pas réussi à m'exprimer en deux mots ... désolée de prendre tellement de votre temps ... !! :oops:

Je crois que vous touchez en tout cas à un problème crucial dans l'interprétation de Spinoza, et que ce que vous faites est pratiqué très souvent par les commentateurs (comme pe aussi Chantal Jaquet, qui utilise dans son analyse de la prop 47 de l'E II également la notion d'objet tantôt pour désigner l'objet d'une idée (donc l'affection), tantôt pour y voir ce qui devrait être représenté par l'idée, c'est-à-dire un corps extérieur). Pour l'instant, pour moi ce parallélisme tient très bien la route SI on accepte les définitions spinozistes. Mais c'est avec beaucoup d'intérêt et de joie que je lirai toutes vos remarques à cet égard, si cela vous intéresse toujours de réfléchir sur ce sujet.

Cordialement,
Louisa

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Messagepar Louisa » 18 mai 2005, 02:03

PS: tentative de résumer mon message précédent ... :

pour évaluer la pertinence de la notion d'un parallélisme chez Spinoza, il me semble crucial de d'abord bien situer le niveau auquel se joue ce parallélisme.

A mon avis, le parallélisme chez Spinoza ne se joue PAS:

- au niveau de la relation d'une idée qu'a l'Esprit humain et le corps extérieur qui a affecté le corps humain d'une telle manière qu'il en a formé une idée. Là, Spinoza me semble être très clair: cette idée sera toujours confuse, et enveloppe toujours un mélange de la nature du corps humain et celle du corps extérieur. Elle ne sera donc jamais une 'copie' ou représentation fidèle de ce corps extérieur. L'idée que nous avons de la bataille de Waterloo sera toujours différente de l'idée qui est en Dieu et qui est l'essence même de cette bataille.

- au niveau de la relation d'une idée qu'A l'Esprit humain d'une activité précise du corps, et l'idée qui EST dans l'Esprit humain et qui est cette activité elle-même conçue sous l'attribut de la Pensée. Nous pouvons avoir une idée consciente de ce que c'est que compter, mais cela est autre chose que l'idée qui se crée en nous dès que nous comptons.

Par contre, le parallélisme se joue bel et bien au niveau des deux (ou plus) attributs d'une seule et même chose. Autrement dit: à chaque chose existante correspond un aspect 'Etendue' (son corps) et un aspect 'Pensée' (l'idée de l'essence de la chose qui est en Dieu).

Le parallélisme ne dit donc rien sur la relation entre mon idée de cet arbre et l'essence de cet arbre. Il se joue au niveau de mon idée de cet arbre, et l'affection correspondante créée par cet arbre dans mon corps, puis également au niveau de l'essence corporelle qu'est cet arbre, et l'idée de cette essence qui est en Dieu.

Evidemment qu'on ne peut pas 'prouver' la vérité de ce parallélisme. Il s'agit d'une supposition de base, faite par Spinoza parce que cela lui semble le plus logique et le plus utile, comme point de départ, pour essayer d'expliquer la réalité humaine. Il en a besoin pour créer pe sa science des corps et des affects, puis sa science de la béatitude.

Mais on peut, à mon avis, très bien dire: non, moi je n'accepte pas ce genre de parallélisme. Je veux une correspondance entre mes idées et les choses existant hors de moi. Ou je veux qu'il soit impensable qu' une telle connaissance soit possible. Et cela peut donner lieu à des systèmes métaphysiques également très intéressants (le système kantien, pe). Mais alors on quitte le spinozisme. On se crée une autre idée de ce que c'est que l'homme, la nature, Dieu, les affects, la communauté politique, etc.

Pour ma part, cela m'attire pour l'instant beaucoup d'essayer d'expérimenter et de pratiquer un parallélisme spinoziste (pour autant que je l'ai compris), et cela parce que j'ai l'impression que cela ouvre des perspectives thérapeutiques et politiques inouïes, qui, en Occident, n'ont encore jamais été pleinement explorées, et qui me paraissent très prometteur.

Bonne nuit,
Louisa

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Messagepar Miam » 18 mai 2005, 14:04

1) Je n’ai pas d’ouvrage à conseiller qui traite spécialement de la notion scolastique de forme. On peut s’en faire une idée claire en consultant des ouvrages généraux sur l’aristotélisme. De même je ne connais la notion cartésienne de forme qu’en lisant Descartes.

Pour résumer excessivement, parce que la question est essentielle, on pourrait dire ceci :

Sans entrer dans les détails de l’évolution entre le Court Traité et l’Ethique, on remarque que, à partir de cette dernière, l’identité scolastico-cartésienne nature = essence = forme est chez Spinoza toute entière rapportée à la notion (et à la problématique) de l’individu. Or l’individu est lui-même composé d’innombrable individus, et ainsi de suite à l’infini : ce que j’ai nommé jusqu’ici la « constitution infinitaire ». De plus cet individu est dynamique, comme le montre l’exemple du Corps : bien qu’en perpétuelle régénérescence, ou plutôt grâce à celle-ci, l’individu demeure un individu, i..e. une forme, mais définie comme un rapport de mouvement intrinsèque et une communication de ces mouvements dans les limites d’une amplitude de variation générale. Autrement dit la forme demeure dans la mesure où les formes dont elle est elle-même composée s’interpénètrent l’une l’autres et sont affectées par les corps extérieurs. L’individu n’est ni un morceau de matière, ni une figure, ni un objet. C’est précisément cette distinction là entre forme et objet qui est capitale.

Chez Descartes, la notion d’individu est totalement équivoque car elle est liée aussi bien à la figure, alors identifiée à la forme, qu’à la quantité de matière (ou volume) dans la mesure où un corps physique ne s’identifie que par son transport ou mouvement extrinsèque par rapport aux corps ambiants supposés au repos. C’est ce que j’ai nommé la « fausse relativité cartésienne. Ce n’est pas étranger à la conception cartésienne de l’étendue comme divisible parce que réellement divisée (on ne peut diviser réellement que ce qui a été déjà divisé par Dieu). Dès lors toute forme, i.e. tout corps est le même morceau de matière idem numero : la distinction réelle est numérique et le corps est équivoquement une substance. Pour tout dire c’est un objet (face à un sujet) défini comme forme, c’est-à-dire figure (nature simple) et même morceau de matière (substance et mouvement : autres natures simples) ce qui permet de le désigner par une signification immédiate (ce qui veut dire la même chose selon la sémantique augustino-cartésienne) qui témoigne de son statut d’individu. C'est pourquoi c'est en fin de compte l'âme qui détermine réflexivement l'identité du Corps. Chez Descartes comme chez les scolastiques, l'âme est la forme du Corps. Chez Spinoza, elle n'en est non pas la forme mais l'idée (ce que ne distinguent pas précisément ni Descartes, ni les scolastiques).

Chez les scolastiques, la forme est forme d’une matière. La matière et la forme constituent la chose même et le rôle de l’intellect est de dégager la forme pure de la matière. C’est la matière qui est principe d’individuation numérique. Mais c’est la forme qui octroie l’identité spécifique de la chose. C’est bien de par sa forme que la chose peut devenir un objet pour l’intellect. Et c’est par le dégagement de cette même forme que l’intellect lui-même s’épanouit en fonction, précisément, du degré de « réalité objective » de son idée. Comme la première des catégories est la substance, la plus haute connaissance, hormis celle de Dieu, est celle des formes substantielles. Il demeure que c’est la forme spécifique qui détermine la matière. La chose même peut bien apparaître en plusieurs exemplaires, c’est en tant qu’elle s’efforce vers une forme qu’elle est notre objet. Ce qui détermine l’individualité de l’objet, c’est sa forme spécifique, tandis que chez Descartes il s’agit de sa figure/quantité de matière. Toutefois d’une certaine manière on peut dire que dans les deux cas c’est l’objet, la réalité objective – contenu représentatif chez Descartes, objet contenu dans l’idée chez les scolastiques – a priori conçu comme l’objet de l’idée-forme et donc comme individu, qui permet (de façon différente toutefois) de garantir la validité extrinsèque des formes. Aucune de ces deux écoles ne nous fournit de critère d’individuation. C’est un peu comme chez Fege, l’individualité des objets renvoie à la détermination des concepts et vice-versa, si bien qu’il n’y a plus que les signes (et la logique employée) qui puisse déterminer ce qu’est un objet. Chez Descartes comme chez les scolastiques, l’individu n’est tel que parce qu’il est l’objet d’un intellect, ce qui suffit à le ramener aux natures simples chez Descartes et à sa forme spécifique chez Aristote. Il n’en va pas de même chez Spinoza car chez lui la notion d’individu engendre une problématique, celle de l’individuation, qui est toute l’Ethique elle-même.

Si vous voulez je préciserai ce qu’il en est chez Spinoza plus tard, sinon ça va faire long.

2) Si si. Bien sûr. C’est que vous parliez d’ « essence spécifique ». Ce qui veut dire pour moi « essence d’espèce ». En ce sens je disais qu’il n’y a pas d’ « essence d’espèce » chez Spinoza. Tout au plus des « natures », ce qui est fort différent. Quant au « certam essentiam » qu’exprime « chaque attribut », on a beaucoup discuté de la traduction et cela n’est toujours pas clair pour moi. Mais Spinoza identifie l’essence de la substance à sa puissance. Et évidemment on ne peut dire que chaque attribut exprime soit la puissance d’agir, soit la puissance de penser. Il semble alors qu’il n’y ait qu’une essence de la substance, qui est sa puissance. En tout cas il n’y a pas d’ « essence spécifique » comme si chaque attribut renvoyait à une essence dont les modes seraient comme l’extension numérique sous forme d’individus.

3) Tout à fait d’accord. Si c’est cela que vous nommez un « parallélisme strict ». Comme c’est Leibniz qui a conçu le mot et comme Hokusaï semblait le comprendre, je le voyais plutôt correspondre à l’expression leibnizienne qui est comme une projection ou un développement discursif sous une certaine perspective. L’individu ou la forme n’est alors plus que le reflet de ces différentes expressions partielles qui convergent vers elles. L’ontologie devient alors un calcul de l’infini et une combinatoire, c’est-à-dire une connaissance expressément réflexive et signitive. S’il y avait des « paralléles » chez Leibniz, elles convergeraient à l’infini (là où, grâce à la réflexion, l’intellect peut « sauter » un degré ou un niveau logique de discours). Tel n’est pas le cas, selon moi, chez Spinoza.

Je voudrais préciser que par « parallélisme strict » il ne faut alors pas entendre que la manière dont les formes de l’attribut pensée (i.e . les idées) entrent en relation est la même que celle des formes de l’attribut étendue (i.e. les corps). Le même ordre, certes, la même connexion aussi, mais non le même fonctionnement. Une idée d’idée n’est pas une idée de corps. Il est vain de chercher l’équivalent du rapport de mouvement et de repos pour l’attribut pensée et de rabattre celui-ci sur ce modèle. Le « fonctionnement » de l’attribut pensée est dépendant, précisément, de la distinction spinozienne du formel et de l’objectif que j’ai commencé à expliquer (négativement certes) plus haut. C’est pourquoi y a une science des formes du penser qui est différente de la science physique des corps. Et cette science est, elle-aussi, toute l’Ethique, où aussi bien elle ne se distingue pourtant pas des expressions affectives puisque nous n’avons à notre disposition que des idées et par suite des idées d’idées d’affections, c’est-à-dire des idées d’affects.

Bien à vous.
Miam.

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Messagepar hokousai » 18 mai 2005, 16:13

à Louisa

""""""""""""Il faudrait montrer en quoi cette correspondance est impensable (et donc en quoi cette prop 12 est absurde) pour nier le parallélisme, il me semble"""""""""""

c’est à dire qu’il y a correspondance entre quoi ? une idée certes ( ça je la tiens ) et quoi ?
Je ne conteste pas qu ‘ à chaque idée soit associable un mouvement du corps mais que les mouvements du corps soient de la même forme que les idées .
En fait une idée ressemble à une idée et n’est pas comparable à rien d’ autre qui ne soit une idée , une sensation brute est comparable à une sensation brute d 'un organe des sens et pas de deux (une couleur est comparable à une couleur et pas à un son ou un goût )

C’est le savoir des mouvements du corps dont je conteste que nous ayons une connaissance autre qu’une connaissance dans la pensée . C’est pour cela que je donne un exemple de pensée non discernable mais qui correspond à des mouvements du corps que je peux supposer distincts .
Et cela parce que je sais par notions communes que le corps est en mouvement et que la pensée est en mouvements ce sont des notions communes (prop 38 partie 2).Donc que quand je pense stable le coprs bouge .

En dieu tout apparaît ou est de toute éternité (c’est comme on veut ce n’est pas là la question ) dans le même ordre, car tel événements est un seul événement exprimé d’une infinité de manières dans une infinité d’attribut ,tel événement n’est pas lui et un autre .et de cette différence d’identité naît un ordre .
Sans cette différence pas d’ ordre .
Dans le temps un état de la nature a une nécessité (est nécessaire ) un autre l’est qui le précède ou le suit .Il y a un ordre et les événements étant uniques exprimés de diverses manières dans tous les attributs sont dans le même ordre qui est l’ordre des événements infinis .Mais la temporalité est sujette à examen dans le Spinozisme donc l’enchaînement est un savoir de la raison mais pas un savoir à mes yeux du troisième genre de connaissance .
Ce qui n’est pas un savoir du troisième genre ,l’enchaînement des chose est enrevanche un savoir de l’enchaînement des idées .

Je ne dis pas qu’il n’y ait pas un quelque chose de possible du savoir des corps et de leur enchaînement mais que hors les notions communes nous sommes pour une bonne part dans l’imaginaire .

Que les notions communes sont attribuables au mouvements du corps montre que nous avons un accès au langage du corps .Nous sommes une unité corps- esprit mais cela avec un séjournant largement excédentaire dans l’esprit quand nous pensons et quand nous pensons le et les corps évidemment .(une asymétrie dirait Sescho )


......................................................................................................
prop 12
"""tout ce qui arrive dans l’objet de l’idée constituant l’Esprit humain (c’est à dire le corps )doit être perçu par l’esprit humain """""

Mais il faut alors que le corps humain existe tel que nous le sentons .
Ah bon !!phénoménisme que n’aurait pas désavoué Berkeley « être c’est être perçu « … mais mon exemple de tumeur tombe à l’eau . Car je ne perçois pas la tumeur ou bien cette tumeur ( Dieu m’en préserve ) n'existe pas tout en existant me semble t-il .…
............................................................................................

« « « , il la regarde alors en tant qu'essence corporelle. » » » » »

Alors là qu’il y ai autant d ‘essences que d’attribut ??? Regardons l’essence de l homme (prop démons 11 part 2) , elle est constituée par des manières précises des attributs de Dieu à savoir par des manières de penser ..
............................................................................................

Votre Français est excellent

Je vous remercie pour vos réponses ...

Hokousai


PS Votre résumé était bienvenu .
Vous avez pris le parti d’ écrire longuement (mes textes ne sont pas si courts non plus ) cela ne me gène pas ,mais je ne peux répondre ligne à ligne je sélectionne certaines idées qui me paraissent importante chez vous
Au besoin , s'il vous semble que je n’ai pas vu quelque chose d’ essentiel ,revenez -y , ne craignez pas les redîtes ,elles sont fatales voire nécessaires dans ce genre d ‘exercice in-vivo .

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Messagepar hokousai » 18 mai 2005, 16:30

A miam



Texte intéressant où vous indiquez votre pôle d'intérêt : l'individuation .
Problème capital s’il en est .Capital et à ma connaissance sans expression qui ne conduisent à un certain scepticisme sur la puissance de l’intelligence humaine . J’ai assez bien lu les textes de Simondon que vous connaissez peut-être, reconnu comme important dans ce siècle sur le sujet, et qui m'ont laissé sur ma faim, à tout le moins circonspect .
j'admire l 'effort .Celui de Whitehead également quand il tente de penser la particularité de l’événement comme individué .Ce problème de l’individuation touche évidemment à la physique .Je perçois un peu mieux votre sphère d intérêt .
Il me semble que la connaissance du troisième genre ,projet de l’Ethique , conduit hors de l'individuation .

hokousai

PS Sur le parallélisme tel que vous en parlez nous pourrions être d 'accord

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Messagepar hokousai » 18 mai 2005, 19:43

Chère Louisa
(suite et résumé des faits et explication du mobile du débat )

"""""""""""""Mais attention : ici on compte une deuxième fois. Le mouvement corporel est différent (vous sautez un doigt), donc on a une affection D du corps, et forcément une idée D qui a cette affection du corps comme objet. """""""""""""""

Je prétends que c’est la même idée qui est l’idée de ce que c’est que compter qui s ‘exprime en je viens de compter ou je copte jusqu à dix .
mais qui e ce n’est pas la même action du tout .A deux idées identiques correspondent deux affects du corps différents .
Vous allez me dire que ce ne sont pas des idées identiques puisque l’une a eu lieu hier quand je comptais hier et l’autre existe aujourd’ hui quand je compte aujourd’ hui .

.Mais parce qu’ on à la théorie du corps esprit unique et uni on ne voit ( peut être )plus que ce que sont des idées que nous identifions comme identiques des idées qui sont les mêmes formellement comme lest liée du triangle .

exemple
Si un jour on inverse l’ordre de priorité des feux de circulation , j’aurai la même idée de passage autorisé mais sur des impressions sensorielles contraire à celle d’ hier .
Ce que je vise c’est une théorie de la correspondance stricte entre un affect et une idée .Et non le fait que toutes les idées soient coexistantes d’ un affect .
Parce que je vise c’est une certaine conception neuro physiologiste de la pensée qui à tel et tel processus moléculaire du cerveau associerait une pensée, ce qui n’est pas si étranger aux neuro-science et aux théories de l’intelligence artificielle .Je ne voudrait pas que Spinoza soit embarqué dans cette galère . Je n’ai pas lu le livre de Damasio où il prétend que Spinoza avait raison .Qu’en est- il ? Qu’en dit- il ? Si quelqu'un peut me renseigner je n’ai pas le livre ce n’est de plus pas vraiment un auteur que j aime lire .

Jai lu en revanche ce texte de jean Zin

http://perso.wanadoo.fr/marxiens/sciences/damasio.htm

bien à vous

Hokousai


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