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Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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bardamu
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Messagepar bardamu » 14 mai 2005, 12:51

Suite des échanges qui ont eu lieu en commentaire de l'article "Fondements spinozistes d'un Non au traité constitutionnel Giscard" de Henrique.


Miam a écrit :
Bardamu a écrit :Lorsque tu évoques la politique socialiste en 81-83, n'oublies-tu pas les raisons qui y ont mis fin ? Déficit, inflation, grogne sociale... et derrière, la rigueur.


Bardamu choisit ses coupables, car les mêmes "raisons" régnaient alors sur l'Europe entière en tant que conséquences du changement radical de politique de la banque fédérale américaine fin septembre 1979 (fin officielle du keynesisme)

Bardamu a écrit :Le désir naturel de chacun à vivre en paix dans un environnement correct se transpose spontanément dans la démarche commerciale. Dans ce monde de séduction, c'est le désir du consommateur qui décide. Si ils veulent la paix, ils auront la paix.
Et si ils veulent la paix et du pétrole pour leurs gros 4x4, on tapera sur l'Irak, de manière très rationnelle pas du tout libérale, avec l'Etat, et dans un objectif stratégique pour le bien du peuple. C'est ça la démocratie, la volonté du peuple quel qu'il soit.


Bardamu pense-t-il que le "peuple" a les moyens de s'acheter des 4X4. Ou peut-être ne fréquente-t-il que ce "peuple" là, ... ce qui en dit long sur l'envergure de ses "notions communes".

Bardamu prend "le peuple" pour une bande de con. Bardamu pense-t-il sincèrement que le "peuple" est prêt à agresser un pays souverain pour des motifs strictement économique ? Sais-tu que "le peuple" est fait d'individus qui réfléchissent et pas seulement de statistiques nationales ? D'une manière générale, je déplore le ton insultant des tenants du "oui" pour "le peuple qui n'a rien compris" mais agit toujours bien tant qu'il consomme. Le peuple, pour Bardamu, c'est l'ensemble statistique des consommateurs. Plus le peuple consomme, plus il est le peuple. Bardamu a trouvé une nouvelle forme de démocratie où chaque voix sera proportionnelle à la puissance consumériste de l'individu.

"Dans ce monde de séduction, c'est le désir du consommateur qui décide" est une proposition caractéristique du néo-libéralisme, digne d'une psychlogie que n'aurait pu admettre un feuilletonniste du 19è siècle. Non Bardamu, l'action, la connaissance en acte, ce n'est pas la consommation, c'est la production; et ce n'est pas même la production rétribuable mais la production comme échange matériel avec la nature en fonction des notions communes. Bardamu vit dans les chiffres et les signes d'échange. C'est pourquoi sans doute il ne comprend rien aux notions communes et veut derechef y voir des propriétés cartésiennes. Seulement voilà, entre Descartes et Spinoza, il y a la même différence qu'entre un ingénieur qui ne quitte pas son bureau et un artisan qui produit ce dont il parle.

Bardamu a écrit :Effet thermodynamique de la communication : le chaud et le froid deviennent tièdes. Les pôles idéologiques ont disparu, l'échange se généralise, parfois on tente de sauver un esprit d'effort et de spiritualité (jihad), mais globalement cela tend à un univers démocratico-libéral où la petite maison avec jardin, virtuellement connectée au monde (radio, télé, web...) vaut pour bonheur. Classe moyenne.


Ou comment sous le couvert d'une idéologie de la communication (glânée le plus souvent chez Habermas) Bardamu veut faire de nous des homonculus névrosés et incapables de réfléchir : encore une insulte. Dostoïewski n'écrit-il pas dans "Les possédés" (chapitre expurgé mais on le trouve encore) : "Dieu n'aime pas les tièdes"? Moi non plus. Car dans un monde où, relativement à la population globale, on meurt plus de faim aujourd'hui qu'au 18è siècle (et qui plus est pour des raisons strictement économiques et non naturelles), être un tiède, c'est être un con.

Note : Bardamu ne savait pas que son interlocuteur était Miam
Je crains que vous n'ayez pas senti toute l'ironie de mes propos notamment celle pointant sur la vente de 4x4 aux USA, son lien avec la ré-élection de Bush (ah, la démocratie...) et avec la guerre en Irak.

Concernant la consommation, je vous propose d'aller dans n'importe quel meeting des partis "classiques", de prôner la baisse du taux de croissance, la baisse du pouvoir d'achat, de mettre en avant les valeurs ascétiques et de voir ce qu'il en résulte chez votre auditoire. Et qu'on parle de production ou de consommation, c'est pareil, vu que la surproduction est justement à l'origine du fait qu'il faut absolument qu'il y ait consommation : stimuler les désirs pour écouler la production, quelle qu'elle soit, stimuler la consommation des ménages, c'est le boulot des politiques et des publicitaires.

Je vous invite d'ailleurs à développer sur le forum vos vues sur "la production comme échange matériel avec la nature en fonction des notions communes". Là, je ne vois pas trop ce que vous voulez dire.

Concernant la thermodynamique, c'est une loi physique, plutôt issue de Maxwell (celui du démon, pas celui du café) que d'Habermas que je n'ai jamais lu. Mais je parirais qu'Habermas a piqué l'idée à la thermodynamique...

A part ça, Spinoza est au moins aussi généreux que moi envers la connerie humaine et comme il disait : "La haine n'est jamais bonne" ou encore "Dieu, à parler proprement, n'aime ni ne hait personne" d'où je conclus que vous n'êtes pas Dieu et que vous vous faites du mal.

P.S. : Dostoïevski était aussi un feuilletonniste du 19e

Miam a écrit :Qui parle de valeurs ascétiques? Les préoccupations de la majorité de la population concernent l'angoisse du chômage, des huissiers et de l'expulsion. Puis tu viens dire "Vous voyez, ils ne pensent qu'à leur pouvoir d'achat. Ils ne pensent qu'à consommer. Ils veulent tous un 4x4" Tu es totalement en dehors de la réalité sociale parce que tu n'a pas la moindre idée de la manière dont vit réellement ce "peuple" dont tu prétends connaître la psychologie. Or prétendre connaître des personnes qu'on ne connaît pas et parler en leur nom, c'est insultant pour ces personnes, d'autant que ta soi-disante ironie reflète certainement le fond de ta pensée.

"Et qu'on parle de production ou de consommation, c'est pareil, vu que la surproduction est justement à l'origine du fait qu'il faut absolument qu'il y ait consommation : stimuler les désirs pour écouler la production, quelle qu'elle soit"

Et l'origine de la surproduction, Bardamu, c'est quoi ? Le manque de consommation peut-être ? Vous avez étudié l'économie chez les sous-copistes d'Hayek et Pareto ?

Vous croyez vraiment que vos tirades sur le désir soit très spinoziste ? Quant à "la production comme échange matériel avec la nature en fonction des notions communes", c'est en effet ce que je tente de vous expliquer depuis longtemps, car c'est l'une des clés de la pensée spinoziste. Mais il est certain que vous n'êtes pas spinoziste...


Miam ? C'est vraiment toi ? J'aurais pas cru... (Note : coup de théatre !

Je trouve que tu fais, au minimum, une faute de goût en te basant ainsi sur l'imagination (tu ne sais rien de comment je vis) et l'argumentum ad hominem.

Ceci étant, lorsque je dis "le peuple", je parle d'un être abstrait qui correspond aux résultats d'enquêtes sociologiques ou aux votes aux élections. "Le peuple" n'est personne, et dans la vie de tous les jours, je ne vois que des personnes. Les essences de genre sont des abstractions, n'est-ce pas ?
Chacune est plus ou moins dans "le peuple" à proportion de son adhésion aux comportements majoritaires.

Concernant le goût de mes contemporains pour la consommation, je ne vois pas comment on peut le nier. N'est-ce pas TF1 (en France) qui a le plus d'audience, une chaîne dont le président dit lui-même que son métier consiste à vendre du temps de cerveau à Coca ? Comment se fait-il que cette chaine soit encore regardée ?

Concernant l'origine de la surproduction, ne serait-ce pas la très célèbre baisse tendancielle du taux de profit ?
Innovation -> augmentation de productivité -> baisse des prix -> passage de produits rare à produits de masse -> innovation pour retrouver le taux de profit etc.
Y'a-t-il aujourd'hui, à gauche ou à droite, un seul discours qui ne dise : il faut innover pour être compétitif et créer de la richesse ? Avec une politique keynesienne, Henrique ne parle-t-il pas de stimulation de la consommation ?
Cercle infernal qui peut très bien conduire à la destruction de la planète, ou, peut-être, à la dématérialisation de la richesse. On voit effectivement que la richesse passe dans les services, les médias ou les plus-values d'image (marques et labels) ce qui laisse un petit espoir quand à une possible modération de notre exploitation des ressources naturelles.
Mais les pays pauvres n'en sont pas encore là et on se prépare un bon demi-siècle de tension tant que leurs besoins matériels ne seront pas un minimum assurés. La Russie, la Chine et l'Inde, ça en fait des voitures si ils veulent vivre comme nous...

D'ailleurs, à en croire Greenpeace, notre mode de vie n'est pas applicable à l'ensemble de la planète : il n'y a pas assez de ressources pour 6 milliards de consommateurs au niveau occidental.
Et donc, si ils ont raison, soit on garde notre niveau et on laisse les autres en dehors, soit on perd de nos "acquis". Solidarité dans la modération de nos appétits.

Modération, modération.

Miam (?) a écrit :"Ceci étant, lorsque je dis "le peuple", je parle d'un être abstrait qui correspond aux résultats d'enquêtes sociologiques ou aux votes aux élections"

C'est bien ce que je disais.

"Concernant le goût de mes contemporains pour la consommation, je ne vois pas comment on peut le nier."

Les désirs, cela se fabrique. relisez Spinoza. D'ailleurs comment le nier. Sachez que votre sexe lui-même est totalement investi par le capital-argent. Méditez-cela. Et n'oubliez-pas que les statistiques sociologiques sont aussi des personnes en chair et en os qui réfléchissent bien que tu les méprises. C'est toi qui imagine les français comme une bande de beauf. J'en conclus avec raison que tu es entouré de beaufs.

"Concernant l'origine de la surproduction, ne serait-ce pas la très célèbre baisse tendancielle du taux de profit ?"

On va rechercher les vieux épouvantails Bardamu ? Vous trouvez cela intelligent, ou n'est-ce que du consommable médiatique ?
Vous n'avez jamais entendu parler de l'effet multiplicateur ? Ce n'est pas marxiste cela, c'est keynesien. Du reste la baisse tendancielle du taux de profit n'est qu'indirectement en relation avec la surproduction. En fin de compte, Bardamu, que sais-tu de l'économie et surtout de l'histoire économique ? Car jusqu'à présent tu n'es que la voix de ton maître. Très classe moyenne...

C'est très bien de parler d'innovation. Cela fait moderne et sérieux. On peut citer Schumpeter. Seulement l'innovation ne tombe pas du ciel. C'est aussi un travail. Mais ce n'est pas le travail du soi-disant innovateur. C'est du travail extorqué. et en premier lieu au savoir faire ouvrier (l'histoire Bardamu! N'oubliez-pas l'histoire. Cela vous fera une culture contrairement à ceux qui s'alignent sur un pays très puissant qui en est fort dénué).

"la dématérialisation de la richesse."

Tu es décidément bien atteint par la pensée unique qui sévit depuis les années 80. J'espère que tu as investi dans les nouvelles technologies au bon moment et que tes pertes éventuelles ait été immatérielles. Demandes à celui qui te rend service si celui-ci est immatériel. Tu vis dans un monde de fétiches et de phantasmes. Les médias c'est immatériel ? Il n'y a donc personne qui travaille pour la télévision, ni qui crée les logos ? La télé magique, nouvelle idole du néo-libéralisme. Tu vis dans un monde de fétiches et de phantasmes. La chute sera dure, je te le promets.

"Mais les pays pauvres n'en sont pas encore là et ..."

Quels sont les effets du néo-libéralisme dans les pays pauvres sinon la misère, la famine, l'endettement, la dictature et la guerre ? Aucun néo-libéral n'a intérêt à ce que les pays pauvres deviennent riches. On peut très bien leur faire produire et consommer ce qu'on veut et quand on veut (cela s'appelle, ô cynisme "aide au développement") quitte à créer une "classe moyenne" de toute pièce et laisser les autres crever de faim.

"D'ailleurs, à en croire Greenpeace, notre mode de vie n'est pas applicable à l'ensemble de la planète : il n'y a pas assez de ressources pour 6 milliards de consommateurs au niveau occidental."

Greenpeace voulait parler des retombées sur la planète si l'on continue à produire de cette manière industrielle qui fit le bonheur de l'occident durant trois siècles. Et on sait que rien n'empêche de diminuer ces retombées sans catastrophe économiques, ormis l'influence des groupes de pression que l'on connaît.

"il n'y a pas assez de ressources pour 6 milliards de consommateurs au niveau occidental."

C'est absolument faux, à moins que tu veuilles que chacun ait son 4 X4, sa villa, sa maîtresse, sa bonne, sa femme et son chien (pardon! son chien et sa femme). De fait le mode de vie occidental est totalement inadapté à de nombreux pays. Mais c'est bien le néo-libéralisme qui anihile toutes les cultures qui ne rentrent pas dans son shéma de développement, non ?

Tu veux que je te décrive la situation d'un pays qui subit le néo-libéralisme depuis fort longtemps ? J'en viens : c'est absurde et pitoyable de cynisme plat (Ya même un labo "occidental" qui s'est amusé à "perdre" une mauvaise grippe dans les bidon-villes de Lima : des morts, encore des morts, comme c'est amusant!). Bardamu se donne un genre cynique. C'est à la mode.

Bon. Restons-en là. Rien ne sert d'user du terme spinozien "appétit" dans un usage totalement contraire au sien. Encore un jeu de mot. Encore un coup de pub de votre commentateur souriant. Saches-le : je suis beaucoup plus radical qu'Henrique et cela ne mênera à rien. Pour tout dire, de mon point de vue, chacune de tes paroles est complice d'un crime contre l'humanité. Autrement dit Bardamu, d'après moi ton discours n'est pas plus respectable que celui d'un Le Pen.

Je n'ai donc pas à être modéré. Ce serait être un menteur ou un salaud.


Très cher Miam (c'est toujours toi ?),
l'abus de champignons péruviens est déconseillé pour la santé.

J'avoue que la situation est délicate.
Comme tu ne sais rien de moi et que tu parles à une image qui n'est pas moi, je ne sais pas si je dois répondre...

Pour te donner une autre image, je te demanderais de prendre en considération mon pseudo, Bardamu, le héros de "Voyage au bout de la nuit". Bardamu a fait la guerre, Bardamu a été dans les jungles africaines, Bardamu a été ouvrier dans les usines Ford, ensuite il a été médecin, a vécu dans les bidonvilles de Paris et a affronté avec un mélange de lâcheté et de lucidité les immenses capacités bestiales de l'humanité.
Ceci dit, au bout de la nuit, je préfère voir l'aube que le noir sans fond.

Et il est quand même étrange que tu me critiques quand je me moque de la boulimie américaine, que j'invoque Marx pour analyser le capitalisme et que je cite Greenpeace ( http://www.greenpeace.org/france/campai ... eneralisee ), pour finir par me dire que ce que je dis est à l'égal de LePen et qu'en plus, je suis complice de crime contre l'humanité !
LePen apprécie Marx et Greenpeace ?

Ceci dit, ayant travaillé 18 mois à Madagascar, un des pays les plus pauvre du monde, je n'ai pas senti de goût particulier pour le rôle d'objet de pitié pour vazaha (comme on nous appelle, là-bas). Aujourd'hui, les pays pauvres ne nous demandent pas l'aumône et des jeunes gens en sac à dos venus faire un album photo humanitaro-touristique mais de libéraliser nos marchés agricoles et de cesser de les subventionner.

Un petit aperçu des effets de l'anti-libéralisme appliqué à la conservation de nos intérêts : http://www.latinreporters.com/ecoomc16092003.html

Extrait :
"Une vache européenne reçoit un subside quotidien équivalant à 2,5 dollars, alors que la moitié de la population mondiale survit avec moins de deux dollars par jour. Avec 7,5 dollars, selon la Banque mondiale, la vache japonaise est la plus choyée.

Les nations développées, soulignent les ONG (organisations non gouvernementales) admises parmi les observateurs à la réunion de Cancun, dédient annuellement 300 milliards de dollars à subventionner leur agriculture. C'est six fois plus que le total de leur aide annuelle aux pays pauvres.

Deux semaines à peine de ces subsides à l'agriculture de l'hémisphère nord valent autant qu'une année entière de l'aide au développement que reçoit actuellement l'Afrique.

Ces chiffres rendent dérisoires -pour ne pas dire hypocrites- les campagnes de dons organisées périodiquement par des organisations humanitaires. Cancun leur a presque dit: "Allez tendre vos sébiles à Bruxelles, aux portes de l'Union européenne". Celle-ci consacre 47% de son budget (proportion de 2001) à l'agriculture, qui occupe moins de 5% de la population active de l'Union.

A Bruxelles et aussi à Washington. Car le gouvernement de George W. Bush octroie par exemple dix milliards de dollars chaque année à ses producteurs de maïs. Mais au sud du Rio Grande, 15 millions d'agriculteurs mexicains sont frappés par l'écroulement des prix du maïs depuis l'adhésion du Mexique, en 1994, à l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) signé avec les Etats-Unis et le Canada.

Les subventions des pays riches à leur agriculture provoquent une surproduction. Les excédents, livrés au reste du monde à des prix inférieurs au coût de production (dumping) écrasent la concurrence potentielle des agriculteurs des pays en développement. Or, 70% des habitants des pays les plus pauvres tentent de vivre de leurs récoltes...


Rien n'est simple et ré-équilibrer le monde ne va pas être facile. Je ne crois pas utile de se dédouanner de notre responsabilité collective au nom d'un magique "néo-libéralisme" auquel nous serions étranger et contre lequel il suffirait d'invoquer la divinité "bons sentiments".
Modifié en dernier par bardamu le 14 mai 2005, 22:42, modifié 1 fois.

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Messagepar AUgustindercrois » 14 mai 2005, 13:57

Cher Miam, cher Bardamu,


Vous vous égarez. D'un côté, le modéré Bardamu, supposé être le méchant, et de l'autre côté, le gentil Miam, à l'exaltation frisant parfois la voilence dialectique... :) :) :)

Finalement, je vois dans la discussion une vanité essentielle. car le seul enjeu qui déterminera le tout, c'est le défaut d'énergie. Si nous ne résolvons pas la question énergétique, le modèle de consommation qui est le nôtre, que les uns critiquent et les autres critiquent aussi, quoique d'une autre manière, disparaîtra.

La seule question valable de l'humanité est la suivante: la fusion nucléaire, c'est pour bientôt?

Vanité, vanité, tout n'est que vanité. Vanitas vanitatum. Et l'expérience de Bardamu à Madagascar le rappelle bien.

Bien à vous,

Augustin Dercrois

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Messagepar bardamu » 14 mai 2005, 15:50

AUgustindercrois a écrit :Cher Miam, cher Bardamu,


Vous vous égarez. D'un côté, le modéré Bardamu, supposé être le méchant, et de l'autre côté, le gentil Miam, à l'exaltation frisant parfois la voilence dialectique... :) :) :)

Ce n'est rien. Le jeu des passions...
Augustindercrois a écrit :Finalement, je vois dans la discussion une vanité essentielle. car le seul enjeu qui déterminera le tout, c'est le défaut d'énergie. Si nous ne résolvons pas la question énergétique, le modèle de consommation qui est le nôtre, que les uns critiquent et les autres critiquent aussi, quoique d'une autre manière, disparaîtra.

La seule question valable de l'humanité est la suivante: la fusion nucléaire, c'est pour bientôt?

Vanité, vanité, tout n'est que vanité. Vanitas vanitatum. Et l'expérience de Bardamu à Madagascar le rappelle bien.

Bien à vous,

Augustin Dercrois

Un lien vers une pensée alternative qui me semble intéressante et qui remplace la question de la recherche de ressources infinies par une question de mode de vie : http://www.decroissance.org/

J'ai notamment apprécié l'article A bas le développement durable ! Vive la décroissance conviviale !

Extrait (presque intégral, parce que j'aime bien ce texte...)
Serge Latouche a écrit :Pour les uns, le développement soutenable/durable, c'est un développement respectueux de l'environnement. L'accent est alors mis sur la préservation des écosystèmes. Le développement signifie dans ce cas, bien-être et qualité de vie satisfaisants, et on ne s'interroge pas trop sur la compatibilité des deux objectifs, développement et environnement. Cette attitude est assez bien représentée chez les militants associatifs et chez les intellectuels humanistes. La prise en compte des grands équilibres écologiques, doit aller jusqu'à la remise en cause de certains aspects de notre modèle économique de croissance, voire même de notre mode de vie. Cela peut entraîner la nécessité d'inventer un autre paradigme de développement (encore un ! mais lequel ? On n'en sait rien). Pour les autres, l'important est que le développement tel qu'il est puisse durer indéfiniment. Cette position est celle des industriels, de la plupart des politiques et de la quasi-totalité des économistes.
(...)
Toutefois, la signification historique et pratique du développement, liée au programme de la modernité, est fondamentalement contraire à la durabilité ainsi conçue. On peut définir le développement comme une entreprise visant à transformer les rapports des hommes entre eux et avec la nature en marchandises. Il s'agit d'exploiter, de mettre en valeur, de tirer profit des ressources naturelles et humaines. La main invisible et l'équilibre des intérêts nous garantissent que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possible. Pourquoi se faire du souci ? La plupart des économistes qu'ils soient libéraux ou marxistes sont en faveur d'une conception qui permette au développement économique de perdurer. Ainsi l'économiste marxiste, Gérard d'Estanne de Bernis déclare : «On ne fera pas ici de sémantique, on ne se demandera pas non plus si l'adjectif «durable» (soutenable) apporte quoi que ce soit aux définitions classiques du développement, tenons compte de l'air du temps et parlons comme tout le monde. (...) Bien entendu, durable ne renvoie pas à long, mais à irréversible. En ce sens, quel que soit l'intérêt des expériences passées en revue, le fait est que le processus de développement de pays comme l'Algérie, le Brésil, la Corée du Sud, l'Inde ou le Mexique ne s'est pas avéré «durable»(soutenable) : les contradictions non maîtrisées ont balayé les résultats des efforts accomplis, et conduit à la régression» (10). Effectivement, le développement étant défini par Rostow comme «self-sustaining growth» (croissance auto-soutenable), l'adjonction de l'adjectif durable ou soutenable à développement est inutile et constitue un pléonasme. C'est encore plus flagrant avec la définition de Mesarovic et Pestel (11). Pour eux, c'est la croissance homogène, mécanique et quantitative qui est insoutenable, mais une croissance «organique» définie par l'interaction des éléments sur la totalité est un objectif supportable. Or historiquement, cette définition biologique, est précisément celle du développement ! Les subtilités d'Herman Daly, tentant de définir un développement avec une croissance nulle ne sont tenables, ni en théorie, ni en pratique (12). Comme le note Nicholas Georgescu-Roegen : «Le développement durable ne peut en aucun cas être séparé de la croissance économique.(...) En vérité, qui a jamais pu penser que le développement n'implique pas nécessairement quelque croissance ? « (13).

Finalement, on peut dire qu'en accolant l'adjectif durable au concept de développement, il est clair qu'il ne s'agit pas vraiment de remettre en question le développement réellement existant, celui qui domine la planète depuis deux siècles, tout au plus songe-t-on à lui adjoindre une composante écologique. Il est plus que douteux que cela suffise à résoudre les problèmes.
(...)
Contrairement à l'écologisme réformiste d'un Hermann Daly ou d'un René Passet, l'état stationnaire lui-même et la croissance zéro ne sont ni possibles, (ni souhaitables..). «Nous pouvons recycler les monnaies métalliques usées, mais non les molécules de cuivre dissipées par l'usage» (17). Ce phénomène que Nicholas Georgescu-Roegen a baptisé la «quatrième loi de la thermodynamique», est peut-être discutable en théorie pure, mais pas du point de vue de l'économie concrète. De l'impossibilité qui s'ensuit d'une croissance illimitée ne résulte pas, selon lui, un programme de croissance nulle, mais celui d'une décroissance nécessaire. «Nous ne pouvons, écrit-il, produire des réfrigérateurs, des automobiles ou des avions à réaction «meilleurs et plus grands» sans produire aussi des déchets «meilleurs et plus grands» (18). Bref, le processus économique est de nature entropique.

«Le monde est fini, note Marie-Dominique Perrot, et le traiter, à travers la sacralisation de la croissance, comme indéfiniment exploitable, c'est le condamner à disparaître; on ne peut en effet à la fois invoquer la croissance illimitée et accélérée pour tous et demander à ce que l'on se soucie des générations futures. L'appel à la croissance et la lutte contre la pauvreté sont littéralement parlant des formules magiques tout autant qu'elles sont des mots d'ordre et des mots de passe (partout). C'est l'idée magique du gâteau dont il suffit d'augmenter la taille pour nourrir tout le monde, et qui rend «innommable» la question de la possible réduction des parts de certains» (19).

Notre surcroissance économique dépasse déjà largement la capacité de charge de la terre. Si tous les citoyens du monde consommaient comme les Américains moyens les limites physiques de la planète seraient largement dépassées (20). Si l'on prend comme indice du «poids» environnemental de notre mode de vie «l'empreinte» écologique de celui-ci en superficie terrestre nécessaire on obtient des résultats insoutenables tant du point de vue de l'équité dans les droits de tirage sur la nature que du point de vue de la capacité de régénération de la biosphère. En prenant en comptes, les besoins de matériaux et d'énergie, ceux nécessaires pour absorber déchets et rejets de la production et de la consommation et en y ajoutant l'impact de l'habitat et des infrastructures nécessaires, les chercheurs travaillant pour le World Wide Fund (WWF) ont calculé que l'espace bioproductif par tête de l'humanité était de 1,8 hectare. Un citoyen des Etats-Unis consomme en moyenne 9,6 hectares, un Canadien 7,2, un Européen moyen 4,5. On est donc très loin de l'égalité planétaire et plus encore d'un mode de civilisation durable qui nécessiterait de se limiter à 1,4 hectare, en admettant que la population actuelle reste stable (21).
(...)
Redécouvrir la vraie richesse dans l'épanouissement de relations sociales conviviales dans un monde sain peut se réaliser avec sérénité dans la frugalité, la sobriété voire une certaine austérité dans la consommation matérielle. «Une personne heureuse, note Hervé Martin, ne consomme pas d'antidépresseurs, ne consulte pas de psychiatres, ne tente pas de se suicider, ne casse pas les vitrines des magasins, n'achète pas à longueur de journées des objets aussi coûteux qu'inutiles, bref, ne participe que très faiblement à l'activité économique de la société» (23). Une décroissance voulue et bien pensée n'impose aucune limitation dans la dépense des sentiments et la production d'une vie festive, voire dionysiaque.
On peut conclure avec Kate Soper : «Ceux qui plaident pour une consommation moins matérialiste sont souvent présentés comme des ascètes puritains qui cherchent à donner une orientation plus spirituelle aux besoins et aux plaisirs. Mais cette vision est à différents égards trompeuse. On pourrait dire que la consommation moderne ne s'intéresse pas suffisamment aux plaisirs de la chair, n'est pas assez concernée par l'expérience sensorielle, est trop obsédée par toute une série de produits qui filtrent les gratifications sensorielles et érotiques et nous en éloignent. Une bonne partie des biens qui sont considérés comme essentiels pour un niveau de vie élevé sont plus anesthésiants que favorables à l'expérience sensuelle, plus avares que généreux en matière de convivialité, de relations de bon voisinage, de vie non stressée, de silence, d'odeur et de beauté... Une consommation écologique n'impliquerait ni une réduction du niveau de vie, ni une conversion de masse vers l'extra-mondanité, mais bien plutôt une conception différente du niveau de vie lui-même» (24).


Et ça me fait me rappeler que mes observations sur l'impossibilité d'étendre notre mode de vie à la planète, venait du WWF et pas de Greenpeace.
A ce propos, pour ce que j'en ai vu à Madagascar, il y a parfois au WWF des comportements envers "l'indigène" qui ne sont pas toujours en faveur de sa dignité. La préservation de la "nature" se couple avec une transformation des habitants en figurants chargés d'être à la fois pittoresques et trilingues pour mener nos touristes rougeaux vers la découverte des mignons petits lémuriens.
Et l'inconscient indigène qui viole la vierge nature en creusant sa mine pour grapiller quelques saphirs se doit d'être arrêtés manu militari. Ainsi le veulent les promoteurs de Paradis imaginaires appelés "parcs naturels", vivant dans l'idée que l'homme est un empire dans un empire, spectateur de la nature, et que le loisir de l'homme occidental est bon pour le reste des hommes.

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Messagepar AUgustindercrois » 14 mai 2005, 18:10

Cher Bardamu,


Premièrement, je m'étonne que l'administrateur de notre site admette le jeu des passions... Les passions sont des souffrances, dans la philosophie classique.

Les passions "naissent de l'opinion", raopelle Spin dans CT, chap. III, 1.
Or, on est bien là dans l'opinion (politique au sens philosophique).

Mais je crois qu'il est victime de la force d'âme de Miam, dont la vigueur polémique n'égale que ses connaissances de Foucault.

Secondement, l'alternative que vous évoquez est une alternative à laquelle j'adhère pour ma part. Cependant, l'humanité n'en prend pas le chemin, puisque le modèle économique dominant,se fonde sur l'idée de croissance. Ce qui est absurde en soi, puisqu'elle aboutit à la destruction des emplois (en vertu du principe de progression de la productivité) et, d'autre part, puisqu'elle conduit au postulat de l'infinité des ressources, qui n'existe pas.
Spinoza est un bon modèle, d'ailleurs, puisqu'il mena une vie modeste.

C'est pourquoi, compte tenu du modèle dominant, je ne voyais que cette solution, de manière un peu ironique.

Bien à vous,

Ader

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Messagepar bardamu » 14 mai 2005, 20:50

AUgustindercrois a écrit :(...)
Secondement, l'alternative que vous évoquez est une alternative à laquelle j'adhère pour ma part. Cependant, l'humanité n'en prend pas le chemin, puisque le modèle économique dominant,se fonde sur l'idée de croissance. Ce qui est absurde en soi, puisqu'elle aboutit à la destruction des emplois (en vertu du principe de progression de la productivité) et, d'autre part, puisqu'elle conduit au postulat de l'infinité des ressources, qui n'existe pas.
Spinoza est un bon modèle, d'ailleurs, puisqu'il mena une vie modeste.

C'est pourquoi, compte tenu du modèle dominant, je ne voyais que cette solution, de manière un peu ironique.

Bien à vous,

Ader

Je crois que nous sommes un peu sur la même ligne, notamment en ce qui concerne l'ironie...

En fait, je découvre en ce moment cette pensée qui semble issue de l'économiste, mathématicien et philosophe Nicholas Georgescu-Roegen (1906-1994).
Je suis un peu gêné par le côté "hippie" de certaines actions, d'autres aussi paradoxales que de publier des affiches disant "non aux affiches !" ou un esprit général qui m'a l'air réservé à une population assez privilégiée mais à la base, la pensée me semble intéressante.

Je ne sais pas si l'idée qu'un appauvrissement matériel de l'occident soit souhaitable, peut réellement passer en l'état. Dans ce que je vois, le discours manque de positions sur la nécessité d'une redistribution accompagnant cette réduction de la richesse.

A mon sens, le problème des pays riches est moins la croissance ou le chômage que la répartition des richesses et du travail.
L'idée de "tirer vers le haut" sans que soi-même on ne descende, honorable en soi, devient parfois un slogan qui, pour moi, veut surtout dire "je ne veux pas descendre !". Conatus : effort pour persévérer dans son être.
Certaines justification au nom de l'équité disent : bien que je sois "riche", c'est-à-dire ayant un surplus que je pourrais abandonner, il y a des "plus riches que moi" à qui il faut demander d'abord. Mais, bien sûr, les "plus riches" ne sont généralement pas enclin à la générosité puisqu'il ne faut pas donner pour être "plus riche". Le principe est donc : on ne donnera, nous les "riches", que le jour où les autres égoïstes, les "plus riches", auront été forcés de donner.
La foi dans la croissance est alors pratique notamment pour les politiques qui ne sont pas ainsi obligés de parler de choses désagréables.
On dit donc à ceux qui manque de l'essentiel qu'ils doivent compter sur une augmentation générale de la richesse mais ceci sans garanti aucune que la redistribution s'organise puisque le conflit "riche-plus riche" peut très bien perdurer sans que jamais le pauvre ne voit la couleur de l'argent. Et c'est bien ce qu'il se passe puisque le nombre de ménages payant l'impôt sur la fortune a doublé en 10 ans tandis que le nombre d'allocataires du revenu social minimum (RMI en France) augmentait aussi.

Pour prévenir toute interprétation erronée, je ne veux pas dire que ceux qui refusent de s'appauvrir sont forcément d'ignobles égoïstes. Mais le système est ainsi fait que les luttes sociales peuvent facilement se transformer en lutte d'un prolétariat contre un sous-prolétariat.
J'ai jugé symptomatique les incidents lors de la manifestation des lycéens contre la loi Fillon, où on a vu les "racailles" des cités venir tabasser nos chères têtes blondes de gauche.
Plutôt qu'une France d'en-bas et d'une France d'en-haut, je vois une France à plusieurs étages et un sous-sol. Personnellement, je militerais pour que ceux des étages, même les plus bas, n'attendent pas le bon vouloir de ceux d'au-dessus pour faire monter ceux d'en-dessous.
Seulement, ayant dans mes fréquentations des gens de gauche "classique", je sais d'expérience qu'il est mal venu de leur parler d'effort personnel alors que "ces salauds de riches" profitent d'eux.

A part ça, je suis en train de lire un recueil des textes de Georgescu-Roegen (lien) :

Un petit extrait :
Nicolas Georgescu-roegen a écrit :Ce que nous avons dit plus haut du processus économique, à savoir que, d'un point de vue purement physique, il ne fait que transformer des ressources naturelles de valeur (basse entropie) en déchets (haute entropie) est donc parfaitement établi. Mais, il nous reste à résoudre l'énigme du pourquoi d'un tel processus.
Et l'énigme subsistera tant que nous ne verrons pas que le véritable produit économique du processus économique n'est pas un flux matériel de déchets mais un flux immatériel: la joie de vivre.
Si nous ne reconnaissons pas l'existence de ce flux, nous ne sommes pas dans le monde économique.
Et nous n'avons pas davantage une vue d'ensemble du processus économique si nous ignorons le fait que ce flux - qui en tant que sensation entropique doit caractériser la vie à tous ses niveaux - n'existe qu'aussi longtemps qu'il peut se nourrir de basse entropie puisée dans l'environnement. Et si nous faisons un pas de plus, nous découvrons que tout objet présentant une valeur économique - qu'il s'agisse d'un fruit tout juste cueilli sur un arbre, d'un vêtement ou d'un meuble - comporte une structure hautement ordonnée, donc une basse entropie.

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Messagepar AUgustindercrois » 15 mai 2005, 16:08

Cher Bardamu,


Ce lien est précieux, et je vous en remercie beaucoup. Ce site est merveilleux, et plein de ressources. A part gallica.fr, aucun autre site ne propose des livres en français accessibles, à ma connaissance.

Le passage de Georgescu Rontgen est effectivement intéressant, en ce qu'il constitue une définition théorique de la consommation au sens large.

Notre conatus culturel est-il un véritable conatus? Tel pourrait être la reformulation philosophique de cette problématique.


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