fragilité de l'entreprise métaphysique

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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YvesMichaud
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Messagepar YvesMichaud » 13 avr. 2006, 00:25

Pej a écrit :Ce double "regard" implique une forme de dualisme, alors qu'en fait il ne s'agit que du même phénomène observé de deux points de vue opposés (mais tout ce que je dis là n'est pas très original).


Ah bon? Et quel est cet «observateur intérieur» dont vous parlez? L'observateur qui perçoit «de l'intérieur» le cerveau et qui en a une connaissance sous forme de «qualias»? Le réductionnisme nie l'existence de l'observateur intérieur, le moi (Susan Blackmore, par exemple, ou Daniel Denett). Mais comment peut-on dire que quelque chose est connu s'il n'y a personne qui connaît? On répondra que c'est une exigence grammaticale qui ne correspond à rien d'objectif, mais je ne peux pas accepter ce point de vue. Il me semble inévitable de penser que JE suis, que J'agis, que JE subis.

Si on accepte l'existence du moi comme entité distincte des phénomènes mentaux dont il est le témoin unique, le défi posé au mécanisme consiste à expliquer ce mystérieux moi qui se trouve caché derrière les phénomènes mentaux.

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Messagepar Pej » 13 avr. 2006, 10:48

A Hokousai

Il me semble dangereux de réduire la science à une affaire de consensus. Nombre de personnes nient l'évolution des espèces. Est-ce un argument recevable contre la réalité d'une telle évolution ?
De plus, les physiciens quantiques n'ont pas le dernier mot sur tout. Il est de tradition dans la "hiérarchie" des sciences que les mathématiciens méprisent les physiciens (quoi, ils s'intéressent à quelque chose d'aussi vulgaire que le réel ?), que les physiciens méprisent les biologistes, dont la science manque de rigueur, etc. (et on pourrait inclure de nombreuses subdivisions, comme par exemple entre physique théorique et expérimentale)... Je crois cependant que le mathématicien a à apprendre du physicien, ou du biologiste, etc. et que par conséquent, la physique quantique devrait apprendre de la biologie moléculaire plutôt que de la critiquer (ce qui est aussi une bonne chose bien entendu).

A Yves Michaud

Pourquoi dire qu'il y a un moi, entité distincte des phénomènes mentaux, un moi caché derrière les phénomènes mentaux ? Ce "moi" est justement le résultat de ces phénomènes mentaux.
Il n'y a pas d'observateur "dans" le cerveau (l'idée d'un "homoncule" a été maintes fois réfutée) ; si l'on veut c'est le cerveau qui est lui-même l'observateur de ce qui se passe en lui.

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Messagepar hokousai » 13 avr. 2006, 11:36

àPej


Lisez moi bien Ce n’est pas du tout la science que je ramène au consensus mais la victoire d' une thèse .Ce que vous appeler l 'emporter .

les explications par la neurobiologie ne sont pas arbitraires. Il y a consensus mais le consensus ne suffit pas à établir des vérités scientifiques .Le consensus est en plus .

Pour ce qui est de l’emporter , c’est de la sociologique qu’il faut faire . Une thèse l’emporte s’ il y a une idéologie dogmatique à l’œuvre, il y a alors consensus non seulement sur le contenu théorique d’une science mais sur la science en général comme devant pouvoir répondre par UNE théorie à toutes les questions sur le sujet . Alors la en question l’ emporterait . On en est pas là en épistémologie actuellement ..

La question est en outre de savoir si les réponses de la sciences vont au delà des questions qu ‘elle se pose . A mon avis elles ne vont pas au delà ou ne devrait pas aller au delà .Or elle outrepasse la seule sphère scientifique pour juger de l’ontologie

(ie de la constitution de l 'être en tant qu être ou de la nature en général ou de l’esprit humain de la conscience de la pensée etc .. voire de la morale , du droit , enfin de tout.. Les médecins ,les biologistes ,les savants en général tiennent le haut du pavé dans les commission d’ éthique et partout on leur demande leur avis tel qu’à des prêtres . )
……………………………

Dans la question du rapport de l ‘âme et du corps , des questions demeurent ou de nouvelle surgissent auxquelles soit :

1) la science ne répondra jamais ( ce n’est pas son domaine de son avis même )

2) les théories ( dans le fil de leur ontologie implicite) ne peuvent répondre autrement que d'une certaine façon .Ce que le questionneur n’est pas obligé d’ admettre .

3) soit ces questions sont évitées
Sur la conscience par exemple ( ce que vous dit Yves )on évacue la question .Ce qui n'est pas l’expliquer .
....................................................

Les physiciens quantiques ne méprisent pas ( ce n’est pas la difficulté ) . La physique quantique explique autrement et ces physiciens ne retrouvent pas leur compte dans la biologie moléculaire.
Ils répondent à la constitution des événements du monde donc aussi des événements mentaux d’une certaine façon , les neurologues dans la chimie moléculaire organique classique .
Les quantique disent c’est comme rien leur explication ,c est de l’à peu près, les neurologues disent c’est suffisant comme focale avec plus de précision on n y voit plus rien .Il y a du pragmatisme derrière tout ça .Ce qui est naturel .On devrait en science en rester à ce pragmatisme là , laisser les épistémologues et les philosophes travailler dans l’espace libre .

amicalement

hokousai

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Messagepar Pej » 13 avr. 2006, 14:13

Dire qu'une thèse l'emporte sur une autre ne signifie pas nécessairement qu'on se place à un niveau idéologique.
On peut dire par exemple que le transformisme l'a emporté sur le créationnisme. Certes on peut analyser les enjeux éthiques, politiques, etc. qui ont pris part à cette victoire. Mais on ne saurait réduire cette victoire à un simple consensus entre scientifiques. C'est parce que le transformisme est vrai, et que le créationnisme est faux, qu'une science qui "fait bien son travail" est parvenue à un consensus sur le sujet. Autrement dit, c'est la vérité qui crée le consensus, et non l'inverse.
Pour ma part, je pense que le réductionnisme en neurobiologie finira par s'imposer (si ce n'est pas déjà le cas) ; mais il s'imposera parce qu'il est "plus vrai" que le dualisme.

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Messagepar hokousai » 13 avr. 2006, 22:28

à Pej

Je veux bien ne pas trop insister sur l emporter mais vous disiez
« « « Mais là encore, je vois mal comment le modèle réductionniste (et donc "moniste") ne pourrait pas à terme l'emporter. » » » Ce qui a une forte conotation polémique .
L emporter à terme mais à quel terme ?Il y a t- il un terme échu pour la science ?

......................................................


Le réductionnisme physico chimique n’est pas particulièrement moniste , il est univoque ( une voix ..una vocce ) il n’admet guère la contestation il est plutôt monoïdéiste que moniste .

Le spinoziste n’est pas moniste quant aux explications, il l’est quant à la substance .
Le spinozisme affirme la dualité des point de vue puisque nous avons accès à deux attributs .

................................

Ce n’est pas encore la seule critique qu’on puisse lui faire .Le réductionnisme par définition réduit et réduisant il élimine les questions . IL élimine la question de la pensée comme distinguable de la matière .

Ce à quoi nous avons accès en première ligne ce sont nos perceptions sensibles et nos idées en aucun cas ce que la physique et la chimie voudrait nous faire passer en sous mains comme constituant entièrement ce qui nous tombe sous les yeux .
Il faudrait donc se détourner de l’évidence laquelle serait une illusion et penser (car il s’a git encore de penser ) que la pensée n’est pas ce que nous entendons ordinairement par pensée mais autre chose .
Autre chose de pensable , certes, mais de beaucoup moins clair et distinct que ce que donne l’expérience de la pensée .

C’est de cette expérience dont nous avons un besoin primordial du sens pour accepter d’ autres explications . Il est évident que réduire la pensée à la matière suppose d’ avoir une idée préalable de ce que c’est que la pensée , une idée moins claire de ce qu’est la matière suffit .
C’est cette expérience de la pensée qu’il faudrait relativiser alors q u’elle est absolue .

Ce serait lâcher la proie pour l’ombre .

hokousai

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Messagepar Pej » 14 avr. 2006, 10:31

Je suis d'accord avec vous quand vous dites que le réductionnisme est réducteur. Il faudrait peut-être distinguer un réductionnisme épistémologique (qui pense qu'on ne peut comprendre un phénomène comme la pensée qu'en s'intéressant aux phénomènes physico-chimiques qui la sous-tendent) et un réductionnisme "réaliste" (le terme n'est peut-être pas très bon) qui considère qu'il n'existe pas de dualisme corps/pensée dans les choses elles-mêmes, mais que pour comprendre le phénomène de la pensée, ce dualisme est intéressant (une solution assez kantienne en fait).
Prenons quelqu'un comme Antonio Damasio, voici ce qu'il écrit :

"Ce n'est pas seulement la séparation entre esprit et cerveau qui est un mythe : la séparation entre esprit et corps est probablement tout aussi inexacte. On peut dire que l'esprit est fondé sur le corps, et pas seulement sur le cerveau".

Antonio R. Damasio, L'erreur de Descartes, p. 166.

Cela n'empêche pas que son dernier livre soit consacré à Spinoza, et qu'il interprète les résultats de la neurobiologie à travers une grille de lecture spinoziste.

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Messagepar hokousai » 14 avr. 2006, 14:05

à Pej

oui heu ! je ne suis pas qualifié pour juger de Damasio .
On a contesté que sa grille soit spinoziste .

Je n’ai pas lu son dernier livre . Cet auteur est pour moi très difficile à lire . (j’ ai essayé et abandonné sur l’erreur de Descartes , disons que je manque d 'empathie ....pour ne pas dire que j'y suis allergique )


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Messagepar Louisa » 14 avr. 2006, 17:16

Pej a écrit :Votre exemple me paraît parfaitement clair. Mais il ne répond pas à ma question. Celle-ci demeure en effet : comment un acte libre isolé est-il possible ? Autrement dit, quel exemple pourrions-nous prendre d'un acte qui serait déterminé uniquement par notre nature, et non par une cause extérieure ?


Dans ce cas, je n'avais en effet pas bien compris la question. Voici une tentative de réponse à ce que vous écrivez ici, telle que je le sens pour l'instant.

D'abord, j'ai l'impression que chez Spinoza, la liberté est une question de PERCEPTION. Si les actes libres sont les actes où, dans un sens spinoziste, nous 'agissons', la liberté est définie par l'action. Et l'action, justement, par la perception:

E3 DEF I:
J'appelle cause adéquate celle dont l'effet peut se percevoir clairement et distinctement par elle.

C'est donc la façon dont nous-mêmes, nous comprenons les causes de nos actes, qui détermine si tel acte est dit libre ou non. La liberté est donc une affaire de 'connaissance'. C'est le type de connaissance que j'ai de mon acte qui détermine si cet acte peut être qualifié de libre ou non. Quand j'ai de mon acte une idée adéquate, mon Esprit agit, je suis libre. Quand j'en ai une idée inadéquate, mon Esprit pâtit, je ne suis pas libre (on peut lire encore une fois la confirmation de ceci en E3,III).

Mais le lien explicite entre l'idée adéquate d'un acte et la liberté n'arrive qu'en la partie 5, pour autant que je sache.

E5,II:
Si nous éloignons une émotion de l'âme, autrement dit un affect, de la pensée d'une cause extérieure, et la joignons à d'autres pensées, alors l'Amour ou la Haine à l'égard de la cause extérieure, ainsi que les flottements de l'âme qui naissent de ces affects, seront détruits.

DEMO:
Ce qui, en effet, constitue la forme de l'Amour ou bien de la Haine, c'est une Joie ou une Tristesse qu'accompagne l'idée d'une cause extérieure, une fois donc supprimée cette idée, se trouve en même temps supprimée la forme de l'Amour ou de la Haine; et par suite ces affects et ceux qui en naissent sont détruits.


A nouveau, ici, détruire une passion, ce qui revient à agir et donc à poser un acte libre, revient à arriver à éloigner un affect de la PENSEE d'une cause extérieure, en le joignant à d'autres pensées (pensées qui dont doivent être des idées qui permettent d'expliquer l'affect par une cause intérieure).

La question n'est donc pas: dans quelle mesure la cause extérieure est elle réellement responsable de mon affect? La question n'est pas là, si on veut définir la liberté spinoziste. La question est: peux-je construire une connaissance de moi-même telle que mon affect s'explique par ma nature même, sans devoir recourrir à une cause extérieure? Si oui, j'agis, je pose un acte libre. Sinon, je pâtis, je ne suis pas libre.

Exemple (tiré d'une autre discussion il y a quelques mois sur ce forum):
j'arrive à la maison après le boulot, fatiguée. Mon ami avait promis de nettoyer la cuisine avant que j'arrivais. Or, le soir la cuisine est toujours dans un état terrible. Je lui demande pourquoi il ne l'a pas fait. Il ne me répond pas clairement, dit qu'il a oublié pe. Je sens la colère monter. Oublié? Moi qui travaille toute la journée et lui qui est à la maison toute la journée et qui avait promis, il me répond qu'il a 'oublié'? C'est comme ça qu'il pense à moi, pendant la journée?! C'est comme ça qu'il tient compte de ma présence dans cette maison? C'est cela ce qu'il appelle aimer, faire ce dont on a envie et se foutre de la gueule de l'autre?

Bref, je pâtis de la Haine. Je ne suis pas libre. Comment poser un acte dans cette situation qui me rend tout de même libre, pas 'Libre' en général, une fois pour toute, mais libre, délibrée de cette passion qui diminue ma puissance? Autrement dit, comment construire un savoir de la situation qui permet d'augmenter ma puissance, au lieu de la laisser baisser par la colère?

En éloignant l'IDEE d'une cause extérieure, dit Spinoza. Ce que je traduis pour l'instant pour moi-même comme suit.

L'idée d'une cause extérieure à mon affect, dans ce cas-ci, c'est des idées dans le genre:

1) mon ami a fait cela PARCE QUE il ne m'aime pas
2) je suis obligée d'habiter avec lui et donc de vivre dans une telle cuisine tandis que je ne le veux pas. Or, c'est lui qui m'oblige à accepter tout cela.

Construire du même affect une idée adéquate, c'est-à-dire une idée qui nous permet d'expliquer l'affect uniquement par notre propre nature et plus par une cause extérieur, c'est commencer à penser à des choses dans le genre:

- mon ami n'aime pas nettoyer, une cuisine sâle ne le dérange pas, une cuisine propre le dérange sérieusement (à cause d'un problème à ce sujet dans sa jeunesse pe), c'est pourquoi lui demander de me promettre de faire cela pendant la journée n'a pas de sens, surtout qu'il veut s'occuper de choses qui l'intéressent bien et qui sont importantes pour lui, dans sa vie.
- mon ami m'aime clairement, déduire d'une cuisine sâle que ce serait le contraire n'est pas correcte
- que ceci suffit pour déclencher chez moi l'idée de ne pas être aimée, montre que moi-même, dans ma tête / mon corps, je crains qu'il ne m'aime pas. D'où vient cette crainte? En quoi est-ce qu'elle me caractérise, MOI?
- si j'ai l'impression que cette crainte n'est pas seulement une crainte, mais qu'il y a plein d'autres choses qui montrent que cela ne va jamais marcher entre nous, alors le problème n'est pas la cuisine ou ses sentiments pour moi, le problème est de savoir ce que je veux: continuer avec lui ou non. Si oui, il faut que je m'attende à une cuisine sâle quand je rentre, et que je sais vivre comme ça. Sinon, se fâcher ne sert à rien, il vaut mieux commencer à organiser ma vie telle que bientôt je vivrai seule.

Tout cela, ce sont des 'raisonnements', mais en les parcourant, la puissance de la colère ne peut que diminuer (comme le dit Spinoza: on a tous déjà expérimenté cela, sauf qu'en règle générale on ne s'y attarde pas, donc on n'utilise pas trop ce mécanisme de façon consciente). J'ai compris clairement et distinctement chez moi comment la colère a pu monter. LA colère, d'abord PERCUE comme déclenchée par mon ami, est devenue MA colère, dans ma perception/compréhension, et cela en y ajoutant un savoir des circonstances et de moi-même.

Evidemment, l'affect a d'abord était déclenché d'une telle façon que partiellement, il y avait aussi une cause extérieure (la cuisine). Un acte libre n'est donc pas un acte où toute cause réelle extérieure serait de facto absente. C'est un acte qui permet de comprendre l'affect (donc le fait que telle cause extérieure peut être capable de faire diminuer ma puissance) par ma nature seule (par ce qui fait que moi, j'ai réagi nécessairement d'une TELLE façon à une telle cause extérieure, et pas autrement), et cela en y ajoutant plein d'autres idées sur moi-même et sur la situation extérieure à mon corps. C'est un acte qui construit un savoir tel que je ne perçois plus mon ami comme agissant de façon non déterminée et dans le seul but de nuire volontairement à ma personne. Je construis un savoir où précisément, je commence à comprendre en quoi lui il était DETERMINE à ne pas nettoyer la cuisine. Je comprends la NECESSITE de son comportement pour lui, et la signification réelle que son acte a pour lui, sans devoir forcément lier tout cela à une intention négative par rapport à moi. Et, via d'autres idées, je comprends également en quoi j'étais nécessairement déterminée moi, tenant compte de ma nature c'est-à-dire de qui je suis (quelqu'un qui n'aime pas les cuisines sâles pe, dans l'exemple ici, quelqu'un qui lie spontanément nettoyer à l'amour que l'autre éprouve par rapport à moi, etc), de pâtir de la Haine en constatant l'état de la cuisine. Mais dès que j'ai compris tout cela, ma perception de la situation change entièrement.

C'était donc en comprenant les nécessités en jeu, mais nécessités intérieures chez moi et chez lui, que j'acquiers la liberté. Liberté par rapport à une passion. Je me libère de la passion. C'est en quoi la liberté n'est pas un état général de l'homme, mais un acte. Il faut d'abord une passion, puis éliminer cette passion-là, pour que, PAR RAPPORT A CETTE PASSION, je deviens libre. Il s'agit d'un acte 'isolé' dans le sens où cette liberté ne peut pas s'exercer en général, car on n'a pas d'affects 'en général'. Un affect est une augmentation ou diminution instantanée de ma puissance. Un acte libre, c'est-à-dire une action, est ce qui fait monter à un moment t ma puissance x à un degré x+1.

Enfin, voici comment non pas je ressens la réponse finale à votre question, mais voici la direction dans laquelle moi je la cherche, pour l'instant, quand il s'agit de comprendre la liberté spinoziste. Du coup, je ne suis plus très sûre de ce que j'ai écrit avant. Est-ce que chez Spinoza, Dieu est libre? Ne faut-il pas d'abord pâtir avant de pouvoir être libre? Or Dieu ne pâtit en rien, je suppose, vu qu'il n'a pas de dehors, il est la substance. Peut-on dire que de toute façon, Dieu EST la cause adéquate de tout ce qui arrive, et donc la question de liberté, se percevoir comme libre ou non, ne se pose pas, à son sujet? Dieu ne se perçoit pas, il est? La question de la liberté ne se pose qu'au niveau des parties de Dieu, pas pour la totalité? Dieu n'a pas à augmenter sa puissance parce qu'elle est déjà infinie. La notion de liberté n'aurait donc pas de sens, par rapport à lui?
Cordialement,
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Messagepar Louisa » 14 avr. 2006, 17:31

PS: c'est pourquoi donc on ne peut pas lier l'expérience de Libet à la notion spinoziste de la liberté, à mes yeux. La notion de liberté spinoziste n'a du sens qu'en tant qu'il s'agit d'éliminer une passion. Le cobaye de Libet était dans une situation où aucune passion ne le dérangeait. Rien ne faisait diminuer sa puissance d'agir. Il est là, il comprend ce que l'autre lui demande, il veut bien collaborer, et collaborer consiste à fermer de temps en temps, de façon assez arbitraire, la main, et pousser sur un bouton quand on est conscient de la décision. Cela n'a rien à voir avec la situation où un cobaye éprouve une passion et essaie de l'éliminer.

Pourtant la seule expérience scientifique qui pourrait corroborer la notion spécifiquement spinoziste de la liberté, serait une expérience qui d'abord crée une situation dans laquelle le cobaye PUISSE éventuellement poser un acte qui correspond à la définition spinoziste de la liberté. Ce qui veut dire qu'il faut, en labo, créer une situation qui met un cobaye dans un état de passion spinoziste, c'est-à-dire que le chercheur doit l'affecter émotionnellement d'une telle façon que le cobaye sent de l'Amour ou de la Haine. Ensuite, il faudrait tester l'effet de raisonnements tels que je viens de les décrire sur ce sentiment d'Amour ou de Haine.

Tout cela n'a rien à voir avec l'expérience de Libet. L'expérience de Libet teste si une activité inconsciente précède la décision consciente d'un acte sans importance, arbitrairement fait à la demande d'un chercheur. Il n'y a dès lors aucun moyen de retraduire les résultats de ce type d'expérience en des termes spinozistes, parce que les conditions pour tester la notion spinoziste n'étaient tout simplement pas celles de l'expérience de Libet. Je ne crois pas, pour continuer ma réponse à Yves Michaud, qu'il faut être scientifique pour pouvoir constater cela. Il faut juste comprendre les conditions nécessaires à la notion spinoziste de la liberté, et les comparer avec les conditions dans lesquelles on a mis le cobaye. Si elles sont différentes, alors l'expérience teste autre chose que la notion spinoziste de liberté. Si le scientifique lui-même en concluait que 'Spinoza avait raison', il ne ferait que montrer qu'il n'a pas encore trop lu Spinoza.
Louisa

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Messagepar Louisa » 14 avr. 2006, 17:55

PS2: on pourrait donc dire que la notion spinoziste de liberté n'a de sens qu'à CONDITION de d'abord supposer un déterminisme ontologique. Il faut supposer que nous sommes tous entièrement et éternellement déterminés, avant que la notion de liberté telle qu'il le propose de la concevoir ait un sens.

Car la liberté consiste à comprendre EN QUOI on est déterminé, à connaître ces déterminations. Un article scientifique pe qui nous apprend quelque chose sur une loi causale dans le monde, qui nous informe d'un déterminisme là où on ne comprenait pas quelle loi régissait un tel phénomène, est apte à nous donner une idée qui puisse nous rendre plus libre, tout en ne changeant en rien que nous sommes et restent entièrement déterminé.

La connaissance des déterminations, voilà en quoi consiste donc la liberté spinoziste, à mon avis.

Son application pratique, c'est-à-dire la liberté en tant que destruction des passions, consiste notamment en l'élimination systématique de l'hypothèse du libre arbitre dans nos explications du comportement de l'autre et de soi-même.

La liberté, c'est oublier de se croire non déterminé, c'est oublier la notion du libre arbitre, et vivre activement d'après cet oubli.
Louisa


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