Les réductions psychologiques

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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YvesMichaud
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Les réductions psychologiques

Messagepar YvesMichaud » 07 mai 2006, 23:51

Le point de départ de ma pensée du moment est ce passage de «Spinoza et Popper», article du site:

Soit le 2ème axiome de l'Ethique : "ce qui ne peut se concevoir par autre chose doit se concevoir par soi". Ce faisant il énonce le principe selon lequel toute chose doit avoir une cause positive, externe ou interne. En lui-même un tel principe ne peut être démontré et en fait, j'oserai le dire : pour une personne de bonne foi, il n'a pas besoin de l'être, du moins après un peu de réflexion pour bien comprendre ce que ce principe signifie.


Il me semble qu'on risque ici de dériver vers ce que j'appelle des réductions psychologiques.

Quand on discute des fondements d'un système avec quelqu'un, fondements que l'on trouve évidents mais que l'autre conteste, on risque de s'attaquer à la psychologie de l'autre. On peut le trouver de mauvaise foi. On peut dire qu'il a l'esprit gâté. On peut dire qu'il n'a pas toute sa raison. On peut dire que son esprit est obscurci par les préjugés ou les passions. Autant de mécanismes de défense qu'on brandit pour nous rassurer sur la solidité de nos évidences.

Puisque l'article que j'ai lu portait justement sur la falsifiabilité, les réductions psychologiques me paraissent être des énoncés irréfutables. Ce sont des solutions ad hoc que l'on apporte quand les fondements de notre système grandiose de métaphysique sont menacés par le scepticisme étranger. L'autre n'est pas de notre avis? Mais sa raison doit être défectueuse! Il doit y avoir des facteurs psychologiques qui entravent sa réflexion!

Je me méfie donc des formules du genre: «toute personne de bonne foi croit en ceci ou cela». Il faudrait que celui qui dit cela propose un critère indépendant pour discerner qui est de bonne foi. Mais la chose me paraît impossible non seulement de facto, mais aussi de jure. En effet, ce critère devrait apparaître comme évident, mais il faudrait spécifier: «évident aux gens de bonne foi». Donc on serait pris dans une régression à l'infini.

La métaphysique est à la recherche de l'impossible accord de tous les gens raisonnables sur quelques principes. La science réalise cet accord, mais la science n'est que l'extension d'une certaine perspective métaphysique, et ses fondements ne sont pas immunisés contre le scepticisme.

Finalement je pense que celui qui rejette par principe le petit jeu douteux des réductions psychologiques ne peut être que sceptique.

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Messagepar hokousai » 08 mai 2006, 01:21

cher Yves

Vous laisseriez penser qu être de "bonne foi "ou de mauvaise cela n’a aucun sens et ainsi ne correspondrait à rien psychologiquement .C ‘ est une erreur .
La question n’ est pas de savoir si on utilise à bon escient cette distinction mais plutôt d’abord de reconnaître les faits psychologiques .

De plus ,dans ce cas précis , il se peut que quelqu’un de bonne foi refuse l’axiome de Spinoza, le commentateur conteste qu il puisse exister ce genre de personne là . Et pourquoi le conteste t- il ?
Et bien parce que la raison très commune accepte ce genre de axiome .Il est plus naturel de l’accepter que de le refuser,le refuser semble être l’effet de la mauvaise foi .
A quoi d’autres attribuerions- nous ce refus ? Si ce n’est à la mauvaise foi alors ce serait à un disfonctionnement de la raison naturelle .

Désolé , mais pour ce qui ressort de certaines évidences nous n’avons pas d’autres solutions .

hokousai

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Messagepar YvesMichaud » 08 mai 2006, 03:41

Cher Paul Herr Jean-Luc,

Vous opérez un passage illégitime (a priori) de «minoritaire» à «non naturel» donc «défectueux».

Savez-vous qu'avec votre façon de penser on justifie l'homophobie, puisque l'homosexualité serait une sexualité non naturelle, donc «défectueuse»?

En fait il faut commencer par distinguer ce qui est naturel par rapport à une espèce et ce qui est naturel par rapport à un individu.

Ce qui est naturel par rapport à un individu, mais pas par rapport à une espèce peut être (may be) en fait une supériorité.

Les neurosciences peuvent nous dire quelles sont les particularités du cerveau de celui qui doute du spinozisme, mais peuvent-elles nous dire en même temps si ces particularités sont anormales, donc défectueuses?

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Messagepar hokousai » 08 mai 2006, 15:22

cher Yves

Votre façon de penser pourrait justifier l 'irrationalisme débridé , c'est à dire à terme le passionnel et l'intolérance .Si tout est acceptable les idées les plus incongrues le sont et parmi celles ci il en est de très dangereuses .
J évoquait le cas précis lequel concerne une forme logique aussi fondamentale que le principe de non contradiction .
Ce qui ne se conçoit pas par autre chose est-il concevable selon une troisième voie qui ne serait pas se concevoir par soi même .
Vous pouvez contester qu’un quelconque concept puisse se concevoir par soi même mais vous retomberez dans la première et qui me parait la seule solution se concevoir par autre choses ( c’est à dire avoir en son concept des liens avec d' autre concepts ).
On est aux fondements de la logique ( le fondement de notre raisonnement) , on est pas du tout dans les jugements de valeurs portés sur des comportements sociaux .
……………………………………….

Les neurosciences ne peuvent pas nous dire quel est l’état très précis du cerveau de celui qui très précisément doute du spinozisme , vous fantasmez complètement sur les neurosciences .

.Il faudrait au minimum que les neurosciences aient en l’occurrence défini l’objet qui est « avoir un doute « et plus que cela « avoir un doute sur le spinozisme ».
Puis identifier une configuration moléculaires précise et réitérable coexistante de ce doute à supposée qu’il soit réitérable à l’identique .

Le neurologue est bien obligé de tabler sur ce que pense de son doute le patient qui doute au moment où il doute. Or avoir un doute sur le spinozisme cela ne signifie même pas quelque chose de bien précis pour celui qui en a conscience .

De plus Aura -t il deux fois de suite exactement le même doute ? Certainement pas exactement .

Alors selon votre théorie il faudrait que le neurologue reconnaisse une nouvelle configuration moléculaire comme représentant un doute sur le spinozisme ( cela à supposé que le neurologue ait reconnu une première configuration moléculaire lors d’un premier doute ) dans une configuration qui ne sera pas identique à la première . Comment le fera t il avec certitude ?
Il lui faudra s’enquérir auprès de celui qui a conscience , si c’est bien encore d’un doute sur le spinozisme et ce ne seront pas les neurosciences qui informerons mais le sujet conscient .

Je veux dire que dans cette situation qui m’apparaît un peu de la science fiction …mais bref , pourquoi pas … toute idée nouvelles ne peut être décryptées avec une certitude absolue de l’observation de la composition moléculaire , il faut consulter le sujet conscient de son idée .

Il me semble que les idées d’une machine jouant aux échecs sont repérables par la physique , on peut le penser encore que ce soit douteux au niveau de certains comportements dit chaotiques, mais qu ‘en dire de la pensée humaine, je mets en doute les modèles cybernétiques de la pensée humaine )

Bien à vous
hokousai

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Messagepar YvesMichaud » 08 mai 2006, 18:38

Cher Paul Herr Jean-Luc,

Ce que vous dites est sensé. Si je rejette les réductions psychologiques par principe, il semble qu'on puisse dire n'importe quoi sans être limité par quoi que ce soit. La philosophie deviendrait complètement ridicule, une sorte de jeu de la fantaisie. Mais admettre les réductions psychologiques comporte aussi ses problèmes: le dogmatisme.

Le problème est sérieux: on ne dispose d'aucun critère pour discerner qui est de bonne foi. Comme j'ai dit, l'existence d'un tel critère est même impossible, parce qu'on s'engage dans une régression à l'infini.

Alors quoi? Il me semble que la conséquence de tout ça est une perte de crédibilité de la philosophie en tant que quête de la vérité.

C'est vrai que j'ai parlé inconsidérément des neurosciences. Je ne sais pas de quoi elles seront capables. En fait j'ai peur que l'humanité ne soit anéantie avant que les neurosciences soient devenues très sophistiquées.

Mais supposons qu'on connaisse précisément le fonctionnement du cerveau du sceptique et celui du dogmatique: est-ce qu'on saurait en même temps quel est le bon fonctionnement?

Est-ce que les fous ne peuvent pas avoir raison, de temps en temps?

Andrew Newberg, dans son livre «Pourquoi Dieu ne disparaîtra pas» pense que même si on connaît le fonctionnement du cerveau d'un mystique, on peut encore dire que ce qu'il perçoit est objectivement réel.

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Messagepar hokousai » 08 mai 2006, 23:33

cher Yves
Le métaphysicien pense que la métaphysique cherche une vérité supérieure à celle de la physique disons plus essentielle ou plus précisément plus importante pour lui .
Je dis le métaphysicien mais c’est parler du philosophe en général et le sceptique est inclus dans la philosophie . La réponse sceptique est une réponse , il y a en outre dans bien des philosophies que vous diriez dogmatiques ou systématiques encore une bonne part de scepticisme sur les possibilités de l’esprit humain ..
Spinoza lui même ne dit il pas que Dieu ne peut être que très improprement appelé seul et unique .(lettre 50 à Jarig Jelles ).

La bonne foi n’est certes pas un critère suffisant mais la mauvaise foi est rédhibitoire .

Les fous peuvent ils avoir raisons ? Est-ce que cela est votre problème ? Certainement pas tant que vous n’êtes pas fou. Il serait assez ridicule de simuler la folie et si elle vous prenait alors ce serait votre problème , vous philosopheriez en fou .
Car la philosophie à la différence de la science est une démarche subjective . C ‘est vous qui jugerez si vous avez raison .Vous ne pouvez pas perdre votre propre crédibilité celle qui vous concerne, la votre ,celle qui vous donne des certitudes est nécessairement valide .


bien à vous
j luc hokousai

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Messagepar Miam » 09 mai 2006, 15:00

Remarquons que l'accusation de mauvaise foi apparaît déjà chez Aristote contre les sophistes (Métaphysique Gamma, Réfutations sophistiques etc...). Ce n'est pas un argument psychologique. C'est la position d'une "situation de discours" (comme disent les pragmatistes) ou d'"instance de discours" ou d'"instance de l'énonciation" (à "qui" la parole ?) qui exclut toutes les autres (considérés comme non-humain). Il s'agit donc du logos comme propriété (d'un individu, d'une corporation, ou d'une communauté). Le principe des principes, à savoir le principe de non-contradiction (cf Métaphysique gamma) est lui-même fondé sur cette confiscation de l'instance de discours corrélative de l'approche sémantique de l'ontologie par Aristote et, partant de l'apparition de l'ontologie elle-même (puisqu'il n'y a pas de "science de l'étant en tant qu'étant" avant Aristote).

Je suis donc d'accord avec Yves. Mais la justification psychologique n'est que le masque d'une exclusion, d'un coup de force linguistique (et donc social). Il en est de même aujourd'hui avec la notion d'"intention".

Miam

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Messagepar hokousai » 09 mai 2006, 16:33

à Yves et miam

Paradoxalement ( pour répondre dans le fil de ce que miam rappelle d’Aristote ) c’est dans le débat avec des aristotéliciens que j' ai éprouvé ce que pouvait être la mauvaise foi .
Non pas systématique .. quand même pas ....mais parfois … laquelle m’apparaissant je n’ai pas juge utile de procéder à une accusation .

Après tout la mauvaise foi chez autrui est assez difficile à estimer , j’ ai toujours préféré garder le silence sur ce qui me semblait relever de la mauvaise foi .
La mauvaise foi semble un aveu d impuissance, est -il utile ou même courtois d ‘insister ?

Quand je dis que la mauvaise foi est rédhibitoire , j’entends par là que la mauvaise foi ne participe plus de la recherche de la vérité, objectif commun déclaré des philosophes , mais de la rivalité sociale des petits hommes ( voire des grands ).

Le débat révèle alors ce qu’il est peut -être au fond mais qui pouvait être un temps civilisé . Il y a déplacement des objectifs quand on recule devant un aveu de l’échec car il s’ agit alors de ne pas perdre la face .

hokousai

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Messagepar YvesMichaud » 09 mai 2006, 23:32

Cher Paul Herr Jean-Luc,

hokousai a écrit :Car la philosophie à la différence de la science est une démarche subjective . C ‘est vous qui jugerez si vous avez raison .Vous ne pouvez pas perdre votre propre crédibilité celle qui vous concerne, la votre ,celle qui vous donne des certitudes est nécessairement valide .


Oui, mais dans mon idée, la philosophie est une entreprise éminemment sociale. On philosophe avec les autres. On confronte des visions. On écoute des idées divergentes, on les évalue les unes par rapport aux autres et on entre dans l'arène en proposant ses propres idées, se mesurant aux autres. Or, dans cette entreprise sociale, quand on arrive à une impasse sur la certitude ou non d'un principe fondateur, la tentation est forte de réduire l'autre à un déviant.

Pour faire suite à ce que j'ai dit ailleurs, la figure emblématique selon moi de ce qui ne marche pas dans la philosophie est zerioughfe. Celui qui doutait que l'évidence menait à la certitude (il n'a pas insisté là-dessus mais il l'a dit quand même). Un tel doute est impossible à réfuter, car tout ce qu'on peut faire, c'est d'apporter des évidences. On ne peut pas donner à quelqu'un de ce genre la certitude au sens où on lui donne un objet.

Confronté à l'opinion dérangeante de zerioughfe, le mécanisme de défense naturel est de le réduire psychologiquement. Mais mon propre doute à moi est que ces manières de se débarrasser de l'autre sont problématiques et fragiles.

Oui, les réductions psychologiques sont bel et bien un mécanisme de défense mis en place pour réduire l'insécurité engendrée par l'incertitude. Et à ce titre, ils me paraissent suspects.

Mais je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y a des occasions où la mauvaise foi est assez évidente.

Dans la rencontre de l'autre, le philosophe, amateur ou non, se rend compte que son point de vue est un point de vue parmi d'autre. Cela est déjà dérangeant, mais ce qui est plus dérangeant, c'est quand on s'aperçoit que les fondements censément évidents de notre vision du monde ne sont pas partagés. Alors à ce moment, ou bien on devient sceptique et agnostique, ou bien on a recours pour se rassurer à un procédé étranger à la philosophie: les réductions psychologiques.

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Messagepar hokousai » 10 mai 2006, 00:19

cher Yves

Il est évident que pour être en dernière instance une décision subjective la certitude en philosophie se construit en dialogue , tout philosophe est d’une communauté serait-elle celle de humanité en général .Mais alors pas plus que de la psychologie on ne peut faire l’impasse sur l’environnement culturel et c’est alors l ‘anthropologie la sociologie qui seraient convoquées .
Certes vous émietteriez les mêmes critiques .

La contestation du psychologisme ( comme celle du sociologisme ) fait partie du débat philosophique parce que le psychologisme est une mouvance philosophique et je souhaite là dans ce que je vous dis depuis quelques jours , l’en extraire du point de vue un peu réducteur de l’usage polémique . On ne peut par exemple pas rejeter rapidement Nietzsche ou Freud ou Marx sous le prétexte qu’ ils comprennent autrui dans un réseaux de causalités non strictement logiques .

Au delà des divergences et la psychologie traite des divergences ,
une attitude positive serait d'essayer de voir ce qu’il y a de commun et de partageable , ce que la métaphysique a toujours tenté en se plaçant du point de vue de la rationalité partagée , de la raison armée de la logique .

Une attitude positive certes, mais néanmoins toujours une option .
Un choix décisif au départ chez Platon et Aristote qui eut bien des difficultés à assurer sa légitimité face aux sophistes , lesquels sophistes argumentaient . On se retrouve dans une situation similaires face aux sciences sociales (voire aux neurosciences) .

j luc hokousai


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