l'espoir

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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ndjdeslacs
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Messagepar ndjdeslacs » 04 févr. 2007, 14:02

Ce qu'il me semble avoir compris c'est qu'espérer un avenir meilleur ou se réfugier dans son passé c'est oublier que notre vie est présente, oublier que c'est à nous de nous construire un avenir meilleur. Oui le présent n'est pas toujours agréable et il y a des jours où on se demande à quoi bon tout ça. Mais cela nous construit, il nous faut réagir. Sans doute n'aurais je jamais eu la curiosité d'aller voir Spinoza si mon prof de philo (spinoziste !) ne m'en avait pas donné envie...mais je ne regrette pas. J'ai vécu des années à ressasser tous mes souvenirs, les meilleurs comme les pires, finalement j'étais un grande frustrée de mon présent insatisfaisant. Je ne dis pas que mon présent me contente...toutefois j'ai compris grâce à Henrique que mes beaux espoirs ne me conduiraient nul part. J'ai cru que le futur était le lieu du "tout est possible", mais rien n'est possible si l'on ne vit pas notre présent, si l'on agit pas pour notre futur. L'essentiel de notre vie est dans le présent, c'est là qu'il nous faut vivre. Et peut être qu'alors l'Espoir se justifie : si l'on redonne sa valeur au présent, on redonne un peu de sa valeur à la vie je crois. Je suis là, juste entrain de parler avec vous et ça me fait plaisir ! Le présent c'est aussi tous ces gens autour de nous que l'on ne voit pas forcément et qui pourtant sont là, ce ne sont peut être pas les idéaux de nos espoirs, ni les héros de notre passé, mais je crois qu'ils nous sont aussi important. Et puis vivre au présent c'est aussi s'attacher aux petits bonheurs, au petits moments précieux que l'on ne voit pas non plus. Mais avec ces petits moments (et il y en a dans une journée !) on peut positiver un peu. Alors si l'on sait profiter du présent qui nous est donné, a-t-on vraiment besoin de l'espoir , celui que nous tendons à valoriser à tout prix ?
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Henrique
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Messagepar Henrique » 11 févr. 2007, 18:42

Bonjour Louisa,
Louisa a écrit :A Henrique: pour l'instant le problème que j'ai par rapport à ce que tu proposes (et qui, je le rappelle, me semble bien être spinoziste) est double.

D'une part, j'ai l'impression que si l'on se limite à annuler tout espoir, c'est très bien, mais cela ne revient pas encore à augmenter sa puissance d'agir, autrement dit à être joyeux. Car en abolissant l'espoir, on abolit aussi la Joie par laquelle il était tout de même définie. Du coup, si l'on ne s'en tient qu'à ce qui est certain, on perd la Tristesse liée à la Crainte, mais on perd simultanément la Joie liée à l'Espoir. On pourrait dire qu'alors il s'agit d'une 'opération nulle', mais à quoi bon cela, surtout si on est dans une éthique qui ne valorise qu'une seule chose, l'augmentation de la puissance d'agir? Autrement dit: ne faut-il pas compléter l'abolition radicale de tout Espoir par autre chose, avant d'arriver à produire un effet 'net' positif sur la puissance d'agir, donc avant de pouvoir être cause d'une Joie qui n'est pas contrebalancée par un affect de Tristesse? Si oui, par quoi plus précisément? C'est parce que je n'ai pas trop d'idée de cela que sans doute essayer de ne pas espérer ne me rend pas vraiment plus puissante pour l'instant.

D'abord, je dirais que "l'effet nul" dont tu parles est loin d'être aussi nul que tu le supposes : en cessant d'être ballotté en permanence entre la crainte et l'espoir, i.e. la fluctuatio animi, naît le calme propice à l'enchaînement adéquat, conforme à l'intellect, des affections du corps : E5P10.
Ensuite, il ne s'agit pas "d'abolir" l'espoir, comme ça, par le simple pouvoir de la volonté ! Il s'agirait plutôt de cesser de cultiver l'espoir en tournant ses pensées vers ce qui est nécessaire : qu'il s'agisse du passé, du présent ou de l'avenir (la possibilité de comprendre ce qu'il s'y trouve de nécessaire allant certes en décroissant, du passé à l'avenir). De cette façon, la joie certaine associée à la pensée rationnelle tend à supplanter naturellement la joie incertaine liée à la pensée tronquée de la pensée imaginative.

Par exemple, je me suis un peu illustré en 2005 par ma prise de position en faveur du non au référendum européen. Ayant trouvé dès les premières lignes du Traité proposé l'affirmation dogmatique des principes libéraux dont l'application tout aussi irréfléchie a conduit l'Europe à la faillite économique, sociale et politique autour des années 1930, sachant par ailleurs que les hommes ne peuvent vivre durablement et paisiblement ensemble sans un Etat régulateur des passions humaines (et par voie de conséquence des échanges économiques qui en découlent), j'ai acquis la certitude que c'était un mauvais traité, c'est-à-dire un texte dont la constitutionnalisation ne pouvait qu'être nuisible collectivement. J'ai eu naturellement tendance à espérer, entre octobre 2004 et le 22 mai 2005, que le non passerait et à craindre que ce soit plutôt le oui. Mais plutôt que de me laisser obnubiler par le résultat du vote, j'ai fait en sorte de débattre autour de moi en faveur du non, non pas dans l'espoir que mon argumentation serait entendue et pourrait contribuer à la victoire du non mais parce que c'était dans la logique de mon conatus, telle que j'en comprenais la nécessité : s'appuyer sur les causes connues avec certitude plutôt que sur des effets dont les causes sont trop complexes pour être prévisibles.

D'ailleurs, même si le oui passait le 22 mai, j'étais convaincu que ce serait comme faire tourner le moteur d'une voiture avec de l'air pour tout carburant, on aurait pu avoir l'illusion encore un moment que la voiture européenne avançait socialement - grâce à la poussée keynesienne des trente glorieuses et à ses restes non encore détruits - mais au final, la voiture se serait arrêtée, c'est le le non qui se serait imposé dans les faits.

Après, il se peut aussi que si je n'ai pas tendance à m'exciter en pensant aux dégâts possibles d'un choix politique, c'est-à-dire humain, c'est peut-être d'avoir vécu une mort imminente assez jeune (je ne parle pas de NDE, j'étais juste dans un hopital et le professeur m'avait annoncé que je risquais de mourir dans la nuit) : rien ne vaut la vie, car elle est ce en raison de quoi toute chose a valeur pour nous, mais en même temps, la vie ne vaut rien, puisqu'elle ne peut être le moyen de rien d'autre que de vivre. Tout cela signifie que l'essentiel, c'est-à-dire la vraie joie, n'est pas dans le résultat (de toutes façons, l'espèce humaine est mortelle comme toutes les espèces vivantes), mais dans le combat pour parvenir à ce résultat. Si le résultat compte plus que le cheminement, c'est perdu d'avance, car tout ce qui est modal doit disparaître, il ne reste alors que l'illusion et la mauvaise foi. Si le cheminement, en tant qu'affirmation de notre conatus individuel ou collectif, devient plus important, alors la victoire est certaine !

D'autre part, il y a toujours le problème du déterminisme et de la nécessité éternelle. Est-ce que Spinoza propose d'orienter la pensée vers ce qui est certain, au lieu de fixer ce qui est incertain?


Oui. Cela ne veut pas dire s'interdire de faire des projets, de préparer l'avenir, mais ne pas y mettre de valeur avant de l'avoir vécu. Le désir peut très facilement se porter sur le cheminement, qui se fait au jour le jour, et qui est certain, plutôt que sur le résultat de ce cheminement, qui est encore incertain.

Et est-ce qu'il ne justifie pas ce conseil sur base de l'hypothèse que tout, dans la Nature, est déterminé? Si oui, comme y adhérer quand on lit pe le dossier du dernier numéro de La Recherche (février 2007), qui montre combien la notion d'émergence est en train de bousculer le déterminisme classique de la physique? Autrement dit, si l'on croit qu'il y ait des raisons pour ne pas/plus adhérer à un déterminisme absolu, est-ce que le conseil de Spinoza d'essayer de ne plus espérer tient encore la route, ou est-ce que l'un est indissociablement lié avec l'autre ... ?


Effectivement, Spinoza n'avait sans doute pas prévu qu'en février 2007, il y aurait un jour un magazine scientifique qui nous dirait que vraiment, le déterminisme, c'est plus ça. D'après ce que j'ai auparavant pu voir de la notion d'émergence, il s'agirait d'un modèle pour rendre compte du passage de l'indéterminisme subatomique au déterminisme supra-atomique. Sauf que de même que certains philosophes font de la récupération de concepts scientifiques de façon un peu grossière et inconsidérée (voir l'affaire Sokal), de même certains scientifiques font de la récupération de concepts philosophiques de façon grossière et inconsidérée. En l'occurrence, il faudrait bien comprendre ce que serait philosophiquement un indéterminisme pour en parler correctement à quelque niveau que ce soit. C'est comme le concept "d'antimatière" qui n'implique rien d'immatériel... Voir ma participation à ce sujet dans ce topic distinguant causalité atemporelle et indéterminisme.

Par ailleurs, de toutes façons cela ne change pas grand chose au problème. Non seulement parce que les notions d'indéterminisme ne s'appliqueraient qu'au niveau subatomique, le déterminisme "émergeant" au niveau supra-atomique, comme pour Aristote, certains organismes simples, certains vers notamment, pouvaient "émerger" spontanément à partir d'un peu de boue et de soleil. Notre question de l'espoir se situe en effet au niveau supra-atomique.

D'autre part, quand Spinoza montre que l'espoir est une impuissance, c'est qu'il n'a rien de certain : supposer que tout est indéterminé reviendrait à dire que tout et n'importe quoi peut arriver, on ne pourrait jamais être sûr de rien, et alors il n'y aurait effectivement que l'espoir comme moindre impuissance, puisqu'il s'y trouve un peu de joie, mais ce serait l'impuissance généralisée. Cela voudrait dire que le clavier sur lequel je suis en train de taper, pourrait peut-être se volatiser ou pourquoi pas se transformer en un instant en machine à coudre : dès lors, il n'y aurait pas plus de certitude dans ce que je peux me représenter du présent ou du passé que dans ce que je peux imaginer de l'avenir. Mais dans un tel univers d'impuissance généralisée, rien finalement ne pourrait exister, puisque le néant n'a point de propriété.

Enfin, en substituant la fermeté comme effort de se conserver sous le seul commandement de la raison ("je vis nécessairement parce que je suis un mode la nature") à l'espoir comme effort de se conserver sous le commandement de l'imagination et de ses promesses incertaines ("je vis parce que 'l'espoir fait vivre'"), Spinoza n'appuie pas la certitude rationnelle et la joie qui en découle, à titre d'acquiescement intérieur à soi et à la vie, sur des causes d'ordre temporelles, c'est-à-dire transitives, mais sur une causalité immanente, éternelle.

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Messagepar Miam » 12 févr. 2007, 11:07

Il faut noter que cette notion d'émergence ne contredit pas la physique spinozienne. Il s'agit dans les deux cas d'une structure dynamique à plusieurs niveaux. Et si l'on accepte que l'Individu spinozien recèle une infinité de niveaux (Lemme 7), alors on peut comprendre que les structures émergentes prennent leur source dans l'infini indéterminé au sens d'une "causalité atemporelle" qu'allègue excellemment Henrique.

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Messagepar ndjdeslacs » 02 mars 2007, 14:30

J'ai encore une question... Est ce qu'envisager la vie selon l'hypothèse du déterminisme c'est enlever à l'homme sa liberté ? N'y a t il pas en l'homme quand même qqc d'insondable, de plus profond, d'inexplicable qui le rendrait imprévisible et libre ? J'ai quand même l'impression que le déterminisme a ses limites, non ?
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Messagepar nicoG » 05 mars 2007, 23:59

pfiou ça en fait des pages l espoir....
Difficile de disserter sur sa nature.
Mais s 'il se mesure à l' étalon du désespoir, alors je reprendrai simplement la formule lapidaire de kierkegaard: le désespoir est le péché mortel et seul les plus grand saints , ceux qui ont définitivement fait le deuil du "moi" peuvent à la rigueur le transcender.
Pour ma part je suis sans doute le plus souvent dans l état le plus lamentable du désespoir en cet instant , celui du "vouloir être un autre" quand à ceux qui prétendent ne pas être désespéré attention! le philosophe est on ne peut plus catégorique à ce sujet: le plus souvent ceux là sont des désespérés qui s ignorent et gare à la fatigue d être soi!


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