l'espoir

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Louisa
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Messagepar Louisa » 07 janv. 2007, 01:52

Salut Henrique,

je viens de lire ton dernier message. Avec ce que tu y écris cc nos différences d'interprétation, je crois qu'effectivement, cela aurait été plus clair si j'avais indiqué dès le début en quoi j'avais plus précisément une impression différente. Donc voilà, c'est noté pour la prochaine fois.

Sinon j'ai toujours des difficultés à concevoir la 'doctrine' spinoziste comme s'opposant aussi violemment à un aspect fondamental de l'être humain (l'imagination et/ou l'Espoir) que tu sembles le décrire (d'autre part, on sait que Spinoza a suscité envers sa pensée les réactions les plus haineuses, donc peut-être que je suis pour l'instant en train de le tirer un peu trop vers une position 'pacifiste' ... à vérifier).
Néanmoins, il me semble que dans tes deux citations tu soulèves tout de même quelques points avec lesquels effectivement je n'avais pas vraiment tenu compte, et qui vont plutôt dans le sens de ton interprétation (voire la confirment par moments littéralement):

1) E3D13 Explication: il semble bel et bien y avoir une Tristesse enveloppée dans le sentiment de l'Espoir lui-même; tandis que jusqu'à présent, je croyais que la Tristesse qui accompagne l'Espoir ne venait qu'après, une fois que l'affect d'Espoir est remplacé par celui de la Crainte. En plus, il y dit bel et bien que la Crainte se produit PENDANT l'affect d'Espoir, et non pas après. Ce qui rend la différence entre la Crainte et l'Espoir également moins grande que ce que je croyais.

2) E4P47: j'avoue que cette proposition (que j'avais clairement oubliée) est vraiment très convaincante pour valider ton interprétation. J'étais légèrement 'choquée' de lire que tu appelais l'Espoir une 'impuissance', mais voici qu'ici, Spinoza lui-même le dit littéralement. Que l'Espoir indique un défaut de la connaissance, ça bon, je n'ai pas vraiment de problème avec. Il y a un défaut de la connaissance dans tout le premier genre de connaissance, mais cela ne dit rien de négatif de celui-ci en tant que tel, donc jusque-là pour moi ça va. Mais bon, il est indéniable, d'une part il l'appelle néanmoins une 'impuissance' de l'Esprit (ce qui m'étonne tout de même; si c'est la puissance qui définit notre essence, comment parler d'une 'impuissance' ... ? ), et d'autre part il répète que l'Espérance n'est jamais sans la Crainte, et donc jamais sans Tristesse. Et il conseille bel et bien de s'efforcer de moins dépendre de l'Espoir ... .
Enfin il y a bien sûr la proposition elle-même: la Crainte et l'Espoir ne peuvent jamais être bons par eux-mêmes. Je crois que tu aies donc bel et bien raison de nuancer mon 'L'Espoir, c'est déjà très bien', car là je voulais tout de même dire 'par lui-même'. Il faudrait peut-être plutôt dire que dans certaines circonstances, l'Espoir peut être un bien, pe pour éviter pire.

Bref, j'avoue que tout cela ne m'arrange pas trop parce que j'avais un Spinoza moins 'négatif' en tête (et dans le coeur, si cela se dit en français). Mais il se fait que l'on ne peut pas se composer un philosophe 'à la carte' ... :-). Je n'ai pas l'impression que ceci m'oblige forcément à abandonner ce que je viens d'écrire cc le statut de l'imagination, mais il est un fait qu'il valorise moins l'Espoir que ce que je croyais.
Donc voilà que tu viens de m'apprendre quelque chose, et comme selon Spinoza comprendre rend libre, et comme être libre rend reconnaissant ... un grand merci de ta réponse :-)!
Louisa

PS: cc l'ami qui avait voulu se suicider: il est certain qu'avoir appris que ce livre existait lui a donné de l'Espoir, mais il est vrai aussi qu'évidemment, cet Espoir est né sur fond d'une Tristesse immense. Si c'est cela ce que Spinoza veut dire, quand il dit que l'Espoir enveloppe toujours une Tristesse, je crois que l'on peut effectivement concevoir sa situation d'une telle façon. Car bien sûr apprendre cela ne l'a pas rendu du coup totalement Joyeuse. Cela l'a juste fait souffrir un tout petit peu moins, juste assez pour risquer la vie. Jusqu'à présent, je voyais surtout l'effet extrêmement impressionant de cet Espoir (le fait d'avoir sauvé sa vie, ce qui n'est tout de même pas rien, mais au contraire précisément ce que tout un bataillon de psy avait essayé d'obtenir en vain). Or effectivement, si à la base elle n'était pas si profondément Triste, apprendre l'existence de ce livre ne lui aurait jamais affecté d'Espoir. Dans ce sens, on pourrait peut-être dire qu'il n'y a pas d'Espoir sans Tristesse. Tout comme l'Espoir de revoir un ami qui retourne de l'Afrique, effectivement, nécessite peut-être qu'il nous manque tout de même, quand il est absent, et que donc ce manque nous rend Triste. J'ai vraiment un problème d'aborder l'Espoir de ce point de vue plutôt 'négatif' (disons que pour moi cela gâche un peu la Joie qu'est malgré tout l'affect de l'Espoir), mais encore une fois, je crains qu'il aille me falloir accepter que c'est tout de même ce que propose Spinoza ... . Crainte qui me motivera peut-être à être très attentive aux passages que je rencontrerai dans mes lectures prochaines et qui pourraient davantage justifier ma première interprétation, donc si je crois avoir trouvé l'un ou l'autre argument intéressant, je te ferai savoir ... :-).

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Messagepar Krishnamurti » 07 janv. 2007, 18:06

Henrique a écrit :
En E4P47, Spinoza a écrit :Scholie : ...De là vient que plus nous faisons effort pour vivre sous la conduite de la raison, plus aussi nous diminuons notre dépendance à l'égard de l'espérance et de la crainte, plus nous arrivons à commander à la fortune, et à diriger nos actions suivant une ligne régulière et raisonnable.



En E2, Déf. 6, Spinoza a écrit : Par réalité et par perfection, j’entends la même chose.

Seule la réalité compte. Pas de place pour l'espoir.

Louisa a écrit :Bref, j'avoue que tout cela ne m'arrange pas trop parce que j'avais un Spinoza moins 'négatif' en tête (et dans le coeur, si cela se dit en français).

Mais que cela ne nous empêche pas de nous réjouir...
En E4, P10, Scol. Spinoza a écrit :...en ordonnant nos pensées et nos images, nous devons toujours prêter attention [...] à ce qu'il y a de bon en chaque chose afin qu'ainsi nous soyons toujours déterminés à agir par un affect de joie.

tout en restant capable de...
En E4, P10, Scol. Spinoza a écrit : ...diriger la plupart de ses actes par le pouvoir de la Raison.


En E4, Chapitre XXXII. Spinoza a écrit :Mais la puissance de l'homme est extrêmement limitée et infiniment surpassée par la puissance des causes extérieures; c'est pourquoi nous n'avons pas le pouvoir absolu d'adapter les choses extérieures à notre usage. [...] ...en tant que nous comprenons, nous ne pouvons poursuivre que ce qui est nécessaire, et, en toute rigueur, nous ne pouvons trouver de satisfaction que dans le vrai...


(Toutes les traductions sont de R. MISRAHI)

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Messagepar Henrique » 08 janv. 2007, 20:38

Louisa a écrit :Sinon j'ai toujours des difficultés à concevoir la 'doctrine' spinoziste comme s'opposant aussi violemment à un aspect fondamental de l'être humain (l'imagination et/ou l'Espoir) que tu sembles le décrire (d'autre part, on sait que Spinoza a suscité envers sa pensée les réactions les plus haineuses, donc peut-être que je suis pour l'instant en train de le tirer un peu trop vers une position 'pacifiste' ... à vérifier).


Spinoza n'est pas tendre avec ce qui nous affaiblit ou nous maintient dans la faiblesse. Or l'espoir est bel et bien l'opium, non seulement du peuple mais de l'humanité entière : c'est ce par quoi les hommes passent à côté de leur vie au lieu de la vivre, trouvant une motivation à vivre qui les éloigne de la vie même qui est liberté alors que le couple espoir/crainte mène à la servitude.

De même, Spinoza semble enlever une puissance à Dieu en disant qu'il ne peut avoir choisi de produire telle réalité plutôt que telle autre car pour le vulgaire, c'est puissance "fondamentale" que d'agir selon son libre arbitre. En réalité, c'est lui enlever une impuissance car prétendre agir par libre arbitre ne peut être qu'ignorance étant donné que rien ne peut venir de rien et par ailleurs concevoir son action avant de l'accomplir, c'est être limité par le temps et une idée finie des corps étendus. La puissance suprême consiste au contraire pour un être absolument infini à agir indépendamment de toute délibération ou hésitation.

Bref, j'avoue que tout cela ne m'arrange pas trop parce que j'avais un Spinoza moins 'négatif' en tête (et dans le coeur, si cela se dit en français).


Au contraire, en voulant maintenir l'espoir comme une vertu - c'est-à-dire une passion voire un affect actif dont nous savons qu'il est très certainement utile à la conservation ou l'augmentation de notre puissance -, tu avais un Spinoza beaucoup plus négatif que tu ne l'imagines.

Car l'espoir est ce qui enserre, étouffe notre puissance d'être affecté par les corps qui nous environnent et nous amène à être aveugles à la puissance infinie qui constitue présentement notre essence, perpétuellement occupés par un bavardage mental dans lequel nous nous racontons ce que nous voudrions vivre et ne pas vivre, faire et ne faire, recevoir et ne pas recevoir... Il est vrai que l'espoir conçu comme vertu est à la racine de notre mentalité, de même que le préjugé du libre-arbitre, car c'est du fonctionnement primitif et spontané de notre imagination qu'il s'agit. Mais ce n'est pas pour autant que c'est la meilleure façon de penser notre vie : notre imagination comme les autres mode de penser qui nous caractérisent ne sont pas produits par la nature pour notre utilité la plus complète.

L'espoir donc, et plus encore sa valorisation, nous limite, nie le déploiement de toute notre puissance d'être affecté. Spinoza ne fait que nier ce qui nie notre puissance d'être affecté, il propose ainsi son affirmation absolue.

Mais il se fait que l'on ne peut pas se composer un philosophe 'à la carte' ... :-).


On le peut mais c'est passer à côté de ce qu'il a réellement d'original à nous apporter. Hegel

Je n'ai pas l'impression que ceci m'oblige forcément à abandonner ce que je viens d'écrire cc le statut de l'imagination, mais il est un fait qu'il valorise moins l'Espoir que ce que je croyais.


L'imagination mais à condition que l'entendement, c'est-à-dire rien d'autre que les idées adéquates, lui tienne la bride.

Pour répondre à une de tes questions sur ce que peut être une imagination encadrée par l'entendement, je faisais référence à E5P10 : quand nous ne sommes pas en pleine période de conflit passionnel, "nous avons la puissance d'enchaîner les affections de notre corps suivant l'ordre de l'entendement", de sorte que l'imagination n'a plus le pouvoir et peut être convoquée comme l'indique le scolie pour nous préparer à ne plus céder aux passions tristes quand elles se présentes.

Quant à ton amie, tes explications ne me font pas voir en quoi c'est un véritable espoir qui apparaît à la connaissance du livre en question, mais j'en parlerai sûrement une autre fois. A bientôt.

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Messagepar hokousai » 08 janv. 2007, 22:52

Spinoza n'est pas tendre

Mais il y a des spinozistes qui le sont .

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Messagepar Henrique » 09 janv. 2007, 00:45

hokousai a écrit :Mais il y a des spinozistes qui le sont .


Vous êtes spinoziste maintenant ? :twisted:

Bien sûr vous avez honteusement tronqué mon propos : Spinoza n'est pas tendre seulement avec ce qui nous affaiblit, il peut en revanche être très tendre avec les faibles, il suffit de voir par exemple la délicate tendresse dont il fait preuve vis-à-vis de son ami Peter Balling quand celui-ci vient de perdre son enfant et se demande si c'est son âme qu'il entend pleurer la nuit.

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Messagepar hokousai » 09 janv. 2007, 12:48

à Henrique

Je n’ai en rien "honteusement" tronqué , tout lecteur voit bien qu il ne s’agit que d’une boutade et aucun intéressé par votre texte ne prêtera attention à cette boutade .

Cette boutade n’est pas sans fondement, très subjectivement si je relève ce « Spinoza n’est pas tendre » c’est qu’effectivement je ne ressens pas de tendresse à la lecture des textes de Spinoza , ce qui n’implique pas que Spinoza ( l’homme ) n’ait pas été affectueux et tendre , parfois ou plus souvent encore .
Sur le Spinozisme je me range à l’avis de Bergson « on pourrait dire que tout philosophe a deux philosophies , la sienne et celle de Spinoza «

Votre référence aux philosophies à la carte me rappelle les propos d' un catholique thomiste "" dans la bible tout est à prendre et rien à rejeter "

notre imagination comme les autres mode de penser qui nous caractérisent ne sont pas produits par la nature pour notre utilité la plus complète.

Vous estimez que la nature joue là contre nous , je n’en suis pas persuadé du tout .

La nature m’ a doté d'une modeste capacité de critique et d'examen , laquelle n’est pas pour votre utilité mais pour la mienne , je suis encore le mieux placé pour en juger .

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Messagepar Henrique » 10 janv. 2007, 01:36

hokousai a écrit :à Henrique

Je n’ai en rien "honteusement" tronqué , tout lecteur voit bien qu il ne s’agit que d’une boutade et aucun intéressé par votre texte ne prêtera attention à cette boutade .


Mais bien sûr Jean-Luc, je continuais moi aussi dans la boutade avec l'emploi de ce terme bien peu spinoziste d'acte honteux.

Cette boutade n’est pas sans fondement, très subjectivement si je relève ce « Spinoza n’est pas tendre » c’est qu’effectivement je ne ressens pas de tendresse à la lecture des textes de Spinoza , ce qui n’implique pas que Spinoza ( l’homme ) n’ait pas été affectueux et tendre , parfois ou plus souvent encore .


:mouais: En même temps, vous pensez à beaucoup de philosophes qui auraient été tendres, non pas seulement dans leur vie d'homme, mais dans leur philosophie même ?


Votre référence aux philosophies à la carte me rappelle les propos d' un catholique thomiste "" dans la bible tout est à prendre et rien à rejeter "

Pour ma part, je jette certaines choses chez Spinoza, pour mon compte propre, mais je ne vais non plus dire que cela n'y existe pas chez cet auteur ! Et mon propos n'était pas celui que vous imaginez : quand je réponds à Louisa sur cette histoire de philosophe à la carte qu'en allant dans ce sens, on passe à côté de ce qu'il a de vraiment original à nous apporter, ce n'est pas du tout dans l'esprit révérencieux que vous semblez vouloir me prêter. Il ne s'agit pas de rendre un culte à Spinoza, mais d'en tirer le maximum, bien plus qu'en y trouvant que ce qu'il me convient d'y trouver à première vue : convenez que ce n'est pas pareil !

Je voulais à ce propos citer ce passage de la préface de la Phénoménologie de l'esprit de Hegel :

Il paraît particulièrement nécessaire de faire de nouveau de la philosophie une affaire sérieuse. Pour toutes les sciences, les arts, les talents, les techniques prévaut la conviction qu'on ne les possède pas sans se donner la peine et sans faire l'effort de les apprendre et de les pratiquer. Si quiconque ayant des yeux et des doigts, à qui on fournit du cuir et un instrument, n'est pas pour cela en mesure de faire des souliers, de nos jours domine le préjugé selon lequel chacun sait immédiatement philosopher et apprécier la philosophie puisqu'il possède l'unité de mesure nécessaire dans sa raison naturelle comme si chacun ne possédait pas aussi dans son pied la mesure d'un soulier . Il semble que l'on fait consister proprement la possession de la philosophie dans le manque de connaissances et d'études, et que celles-ci finissent quand la philosophie commence... Puisque le sens commun fait appel au sentiment, son oracle intérieur, il rompt tout contact avec qui n'est pas de son avis, il est ainsi contraint d'expliquer qu'il n'a rien d'autre à dire à celui qui ne trouve pas et ne sent pas en soi-même la même vérité ; en d'autres termes, il foule aux pieds la racine de l'humanité, car la nature de l'humanité c'est de tendre à l'accord mutuel ; son existence est seulement dans la communauté instituée des consciences. Ce qui est antihumain, c'est ce qui est seulement animal, c'est de s'enfermer dans le sentiment et de ne pouvoir se communiquer que par le sentiment.


Vous estimez que la nature joue là contre nous , je n’en suis pas persuadé du tout .

Je disais que la nature ne fait rien en particulier pour notre utilité, notamment le pouvoir d'imaginer, vous me faites dire que cela revient à dire qu'elle agit pour nous nuire : c'est évidemment tout le contraire, si elle ne fait rien pour nous être utiles en particulier, elle ne fait rien non plus pour nous nuire. Mais voyez donc comme vous avez tendance à surinterpréter ou à déformer les propos des autres ! :enfin:

La nature m’ a doté d'une modeste capacité de critique et d'examen , laquelle n’est pas pour votre utilité mais pour la mienne , je suis encore le mieux placé pour en juger .


Tout ce que j'ai essayé de vous dire parfois est qu'appliquer cette capacité critique à vous-mêmes, à votre méthode de lecture, votre façon de comprendre etc. pourrait aussi vous être utile. Quant à moi si je n'ai pas toujours été tendre avec vous, c'était bien sûr modestement par générosité à votre égard :twisted:

Notez que sur la question de la tendresse de Spinoza, un sujet très proche avait déjà été ouvert : http://www.spinozaetnous.org/ftopict-69.html

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Messagepar hokousai » 10 janv. 2007, 13:57

cher Henrique

Je l’ai dit une fois à bardamu , les écarts d'"hokousai" d 'avec Spinoza , s'ils sont visibles ne doivent pas poser de problèmes .
Si un lecteur est convaincu que je m’écarte, il me le fait savoir et l'affaire pour lui est close .
Si j’insiste en alléguant que mon interprétation vaut pour certaines raisons , personne n’est obligé de suivre .

En gros vous (et Louisa ) ne reprochez
1) de mal comprendre
2) de faite interférer mes idées personnelles avec cette mésinterprétation .
3) de ne pas expérimenter la méthode

Il y a du vrai là dedans probablement.

Ce que je vois est que finalement ça ne nuit à personne .Ca permet à Louisa, miam ou Henrique de s’exprimer sur les confusions de jean -luc , ce à quoi (je le redis ) ils ne sont pas obligés , mais qui quelque part doit sinon leur plaire du moins leur sembler utile .

Je fais le driver , ne tirez pas sur le driver ! ( il n’est pas agressif le driver , il n’est pas impoli , et il vous aime bien ( tous ))
(driver* ou mouche du coche si le terme de driver vous semble trop prétentieux )

Pour ce qu’il en est nos relations ( très épisodiques d’ailleurs )
Vous êtes certainement un spinoziste de tout Spinoza mais plus particulièrement un spinoziste des parties 2 et 3 de l’éthique disons que vous seriez plutôt un moraliste . (comme Montaigne* par ex )
Je suis plutôt des parties 1et 2 ( la 5 étant communes à tous les spinozistes me semble –t-il .)
.


Vous me parlez de ce qu’il y a de spécifique ou de très particulier mais cela est une appréciation subjective , car Spinoza n a pas écrit en plus gros caractères les parties 3 et 4 .

Pour finir , sur le spinozisme .
Un végétarien ce n‘est pas quelqu’un qui mange de tous les végétaux , c’est quelqu'un qui ne mange pas de viande .
Pour certain je n’apparaîtrai pas comme spinoziste (ou pas assez ) parce que je critique ceci ou cela , certes , mais subjectivement (en mon for intérieur ) je sais bien que métaphysiquement ce n’est pas de Platon ou d’Aristote , ou de Kant et encore moins de Hegel dont je me sens le plus proche .

Je ne suis pas l’ homme d’un seul philosophe . Prenez les gens tel qu’ils sont, c’est préférable , les vouloir autrement qu’ils sont , pour le coup , ça , c’est sans espoir .

bien à vous

jean -luc h
* ça cest un compliment , parce que Montaigne j apprécie beaucoup

*je corrige ,en fait je ne pensais pas "driver" je pensais "démy" , mais le mot ne me revenait pas .
Modifié en dernier par hokousai le 10 janv. 2007, 19:46, modifié 1 fois.

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Messagepar Louisa » 10 janv. 2007, 16:01

Cher Hokousai,

Hokousai a écrit :En gros vous (et Louisa ) ne reprochez
1) de mal comprendre
2) de faite interférer mes idées personnelles avec cette mésinterprétation .
3) de ne pas expérimenter la méthode


en ce qui me concerne, je me retrouve effectivement dans les trois points ci-dessus, mais je ne parlerais pas de 'reproche'. C'est plutôt la façon dont moi-même je perçois votre façon d'aborder un texte philosophique, sans plus (et encore; il faudrait plutôt dire 'ma perception de votre façon d'aborder un texte tel que vos messages ici pourraient en témoigner').
Or je dis bien 'un' texte philosophique', c'est-à-dire pour moi le problème n'est pas d'être plus ou moins spinoziste (pour Henrique d'ailleurs non plus je crois, si je l'ai bien compris). Le problème consiste seulement dans le fait qu'une telle méthode de lecture conduit inévitablement à une conception 'affaiblie' de la pensée proposée dans le texte (affaiblie car omettant certaines articulations cruciales, qui sont nécessaires pour reconstruire la solidité et la cohérence de la pensée en question). Une fois que l'on se limite à une telle conception 'affaiblie', votre troisième point s'en suit tout à fait logiquement: impossible d'expérimenter (d'essayer de s'imaginer, en pensée, l'effet sur sa propre vie quotidienne de la façon de voir que propose telle ou telle philosophie) cette pensée.

Hokousai a écrit :
Ce que je vois est que finalement ça ne nuit à personne .Ca permet à Louisa, miam ou Henrique de s’exprimer sur les confusions de jean -luc , ce à quoi (je le redis ) ils ne sont pas obligés , mais qui quelque part doit sinon leur plaire du moins leur sembler utile .


Là-dessus je suis tout à fait d'accord avec vous. Je viens de lire sur un site anglophone consacré à Spinoza, qu'il n'y a pas de meilleure façon de vérifier dans quelle mesure on a bien compris quelque chose en 'l'enseignant' à quelqu'un d'autre, c'est-à-dire qu'en essayant de l'expliquer à quelqu'un de telle sorte qu'il puisse réellement le comprendre. Donc effectivement, il arrive que je suis dans l'idée que c'est vous et pas moi qui avez mal compris un concept ou un passage, et alors cela m'est très utile d'essayer d'expliciter pourquoi je trouve cela, et ce que je trouve plus précisément. Cela permet de mieux comprendre ce qu'on avait déjà compris, de mieux ressentir où se trouvent encore des zones obscures, et de constater où l'on s'était tout de même soi-même trompé. Donc voilà pourquoi effectivement, vos 'objections' me plaisent beaucoup.

En revanche, si je veux rester cohérent avec ce que je viens d'écrire ci-dessus, il me faudrait peut-être y ajouter que si effectivement vos interventions ne nuisent à personne ici (au contraire), votre méthode de lecture peut peut-être parfois tout de même nuire à vous-même. Enfin, 'nuire' est éventuellement un peu trop dit. Disons que cela a comme effet de manquer en partie l'occasion de la rencontre avec une pensée très différente de la sienne, et en général les rencontres manquées ne nuisent pas, mais elles ne peuvent pas nous enrichir autant que si on avait pu saisir l'occasion.

Cette semaine je lisais une partie du chapitre de Moreau concernant Spinoza et le rapport au langage (dans 'Expérience et éternité'), et je tombais sur une note en bas de page qui me faisait autant penser à votre façon de procéder qu'à celle habituelle dans pas mal de facultés anglophones. Je cite Moreau: "Il n'existe pas chez Spinoza de privilège d'un sens habituel ou originel qui serait plus proche de la perception. Dès lors se dégagent deux stratégies différentes: revenir à ce sens premier, pour Hume; remanier la langue pour aboutir autant que possible à une langue propre à l'entendement, pour Spinoza."

J'ai l'impression qu'en ceci votre approche est effectivement beaucoup plus proche de celle de Hume: on suppose un sens premier aux mots (celui que l'on 'ressent' vaguement), et la philosophie est conçue comme étant l'activité qui doit expliciter ce sens originel. C'est ce qui fait que dans les auditoires anglophones, on incite les étudiants à donner leur propre opinion sur ce que c'EST que la volonté, le libre arbitre, etc. Les écrits des philosophes sont là pour leur donner quelques premières pistes de réflection, sans plus. Le but, c'est d'arriver avec une définition originale de ce mot, tout en obtenant au moins du prof, et éventuellement de tout l'auditoire, le jugement crucial qui dit que cette définition est 'vraie', autrement dit, que pour eux aussi, cette définition exprime ce qu'ils ont toujours déjà ressenti en entendant ce mot-là.

Or il y a deux problèmes avec cela. Le premier est le plus grand. C'est que quand on apprend la philosophie d'une telle façon ou quand on lit un philosophe d'une telle façon, le texte n'a plus que le statut d'un 'prétexte', ce qui doit mettre en route la pensée. Du coup, on n'étudie plus vraiment le texte en profondeur. Avec comme risque majeur et très fréquent que la définition que l'on obtient en fin de compte (celle que l'on a inventé soi-même) n'est pas si original que cela. On a simplement l'impression qu'elle est nouvelle parce qu'on n'a jamais bien lu les philosophes, et donc on n'a pas vu que tel ou tel philosophe a déjà thématisé cette définition, et cela beaucoup mieux et de manière beaucoup plus exhaustive. Bref, on risque d'inventer l'eau chaude.

Le deuxième problème, c'est que dans le cas spécifique de Spinoza, il ne prétend pas du tout se prêter à un tel exercice. Il ne prétend pas du tout nous livrer le sens premier et originel du mot, parce que pour lui, cela n'existe pas. Chacun forme une idée d'un mot selon les rencontres fortuites avec la nature, les mots n'étant chez lui rien d'autre que des mouvements corporels. Ils permettent plus ou moins de communiquer des idées entre des hommes (quoique ... cette communication se dégénère souvent très vite à cause d'innombrables malentendus, car on a tendance à ne pas tenir compte du tout du fait que les mouvements corporels et donc les idées déclenchées chez l'autre parfois aient très peu à voir avec les idées que l'on voulait faire passer). Mais ils n'ont aucun lien privilégié avec la vérité.

Pour Spinoza (et pour un tas de philosophes non anglophones, il me semble) la philosophie a pour tâche de CHANGER les sens des mots, de leur donner un sens qui permet à mieux arriver à la vérité. C'est pourquoi pe en sciences on est bien obligé d'inventer pour chaque nouvelle découverte un nouveau mot, ou de donner à un mot existant un nouveau sens, sens très précis et qui n'a plus qu'un lien purement métaphorique avec un de ses sens ordinaires.
Idem cc Spinoza (et sur ce point je suis vraiment entièrement d'accord avec lui, comme vous le savez): pour lui, cet enchaînement fortuit d'idées en fonction de l'ordre de nos rencontres avec la nature ne garantit EN RIEN que ce que nous associons spontanément à un mot nous permet de créer un 'modèle' (exemplar) qui soit le plus apte à nous conduire au bonheur. Ce n'est pas que là la nature joue 'contre nous' (sur ce point j'adhère donc sans réserve à ce que Henrique vient de vous répondre), c'est simplement que la nature s'en fiche de nous, nous lui sommes complètement indifférents. C'est pourquoi au XVIIe la 'Fortuna', la fortune, était une notion si cruciale. La nature ne travaille pas contre nous, elle va constamment dans tous les sens, évoluant parfois de manière favorable à tel homme, pour ensuite produire l'effet exactement inverse, sans que l'on l'ait prévu.

Alors si ce que nous associons spontanément aux mots n'est que le résultat de cette Fortuna, rien ne rend ces associations plus 'vraies' que d'autres. Et rien ne garantit que c'est CET usage des mots qui est le plus apte à nous rendre heureux. Ce qui rend l'exercice d'essayer d'expliciter cet usage courant peu intéressant pour pe remédier aux affects (d'ailleurs, si la psychanalyse travaille autant avec la méthode de la libre association, c'est précisément parce qu'elle suppose que la vérité singulière de la personne se retrouve dans ces associations constituées par le parcours historique de la personne en question, n'ayant rien à voir avec une vérité objective, valable pour tous; seulement souvent elle (la psychanalyse) ne peut s'empêcher de mettre un peu 'd'ordre psychanalytique' dans ces associations, ce qui rend l'affaire à mes yeux déjà beaucoup plus douteuse, mais bon, ceci juste comme 'excursus' (n'y a-t-il pas moyen de travailler avec des 'notes en bas de page ici .. ?)).

Donc: si ce que nous ressentons en évoquant tel ou tel mot n'est que le résultat de la rencontre fortuite avec la nature, alors si l'on veut pe trouver un vrai remède aux affects, il vaut mieux ne pas concentrer toute son attention philosophique dans la tentative de restituer en mots cette expérience 'originale', mais réfléchir un peu consciemment aux choses mêmes, puis créer de nouveaux sens de mots là où notre raison nous dicte que cela semble être nécessaire.
C'est précisément ce que Spinoza prétend avoir fait. C'est donc la deuxième raison pour laquelle à mon avis si l'on veut prendre la lecture de Spinoza au sérieux, il ne faut pas y 'croire' (y attribuer de la vérité avant d'être réellement convaincu par les arguments), mais il faut accepter de changer le sens des mots et non pas y chercher une explicitation de l'un ou l'autre sens original. Et impossible de voir l'effet des idées de Spinoza (non pas des idées que sa lecture évoque en nous, mais ses idées à lui) sur sa vie et sur la vie de la société sans d'abord chercher le sens que lui il a voulu donner aux mots qu'il utilise.

Enfin, voici donc deux désavantages que je vois cc la méthode de lecture que vous semblez appliquer. Pour retourner au début de ce message: oui, essayer de formuler pourquoi je ne peux pas du tout m'y retrouver m'intéresse beaucoup. Mais si l'on veut développer ceci, je commence à comprendre que dans ce cas il nous faut peut-être mieux ouvrir un nouveau sujet, non? Si vous ne le ferez pas, je le ferai peut-être moi-même (mais je vais d'abord essayer de répondre au sujet du libre arbitre).

PS à Henrique: merci pour ton dernier message. Je suis en train d'y réfléchir. Quelques 'résultats' de cette tentative arriveront sous peu.
Louisa

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hokousai
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Messagepar hokousai » 10 janv. 2007, 20:18

chère Louisa


que la définition que l'on obtient en fin de compte (celle que l'on a inventé soi-même) n'est pas si original que cela. »


Mais bien sûr , et c’est tout à fait mon projet que de ramener ( pour moi même) ce qui est dit dans une langue extraordinaire à ce qui pourrait se dire dans une langue plus ordinaire .
Je ne demande pas plus à Aristote qu à Spinoza d’ acquiescer , ils ne sont d’ ailleurs plus là pour donner leur avis . .
Il y a pourtant une méthode que j’ expérimente là , mais effectivement ce n’est pas celle de Spinoza c’est celle de Wittgenstein .

....................................................

(si je peux reparler de moi et brièvement parce que ça suffit un peu ..quand même )

Il est vrai que j’ ai un esprit de contradiction , ou polémique si vous voulez .. En conséquences j ‘ interviens essentiellement sur des forum où je suis minoritaire et en opposition franche ( on m’ y considère d’ ailleurs comme un spinoziste , évidemment !! )

Et puis voyez- vous , il y a ce que je ne comprends pas chez Spinoza et c’est ce que tout le monde ne comprend pas , ce que tout le monde comprend , rassurez- vous sur mon intelligence , je le comprends aussi .

Quand aux méthodes pour être heureux dans la vie ( passons sur la béatitude ….que je ne recherche pas ).. je bricole .

(Parlons du bricolage chez levi -strauss pour avoir l’air encore savants ) http://cde.4.free.fr/fra/respedago/philosophie/2500.htm

Bien à vous
Hokousai


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