Réforme de l'enseignement de la philosophie en France

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Henrique
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Messagepar Henrique » 21 janv. 2008, 12:35

Enegoid a écrit :Pas compétent pour intervenir dans votre débat (intéressant), je tiens à mentionner un désaccord, ou au moins un doute profond sur cette assertion :
henrique a écrit : Et autant deux personnes de nations différentes qui ont également étudié la trigonométrie ou la théorie de la gravitation peuvent se faire la guerre sans problème, parce que n'ayant que des idées de rapports de grandeurs ou d'objets extérieurs en commun, ils n'ont pas l'essentiel de ce qui les anime en tant qu'êtres humains, autant il est plus difficile de s'égorger mutuellement pour deux personnes qui ont étudié Platon, Descartes ou Kant et même Smith ou Marx (étant entendu qu'une lecture idolâtrique de ces auteurs, toujours possible mais non nécessaire, n'est pas philosophique) parce que ces gens là nous parlent de nous et nous pouvons les comprendre, quels que soient nos langues, religions, engagements politiques.



Ces phrases me paraissent typiques de ce que je perçois, moi le non philosophe intéressé par la philosophie, comme l'illusion philosophique par excellence.

(Pour un éventuel débat ultérieur)


Il faudrait dire quelle est cette illusion. Si c'est croire que l'étude de la philosophie peut à elle seule empêcher des nations de se faire la guerre, je n'ai pas dit cela. J'ai seulement dit qu'il était plus difficile de se faire la guerre quand on a des références culturelles communes, relatives au sens de l'existence humaine et pas seulement aux moyens (ou le plus souvent perçus comme tels comme c'est le cas des sciences de la quantité). La religion donne lieu à des discours sur le sens de l'existence humaine (adorer Dieu tel qu'on se le représente) mais leur dogmatisme fondé sur la foi seule contribue en général plutôt à l'antagonisme qu'à la concorde. La philosophie au contraire, en s'appuyant sur la raison uniquement et développant explicitement ou en creux un discours sur le sens de la vie humaine (développer sa capacité de raisonner pour vivre plus pleinement), évite cet écueil des religions sans pour autant être de cette façon contraires à celles-ci tant qu'elles n'interdisent pas de raisonner (on peut voir le développement de la raison comme une façon d'adorer Dieu...) tout en développant, au moyen même de la confrontation des idées, une culture de l'ouverture d'esprit à l'opposé de tous les sectarismes.

Donc je ne dis pas que la philosophie suffit mais qu'elle apporte quelque chose de non négligeable. La philosophie fournit les moyens de ne pas avoir peur des désaccords. Quand on ne sait plus discuter ni argumenter, on quand on ne le peut puisqu'on n'a aucune référence commune, on se tape dessus.

Voilà pourquoi ce qui justifie fondamentalement l'unification européenne, la paix (une paix humaniste, de l'expansion des puissances humaines, et pas celle des cimetières, de la crainte), ne conduit pas à remettre en cause l'enseignement de la philosophie, au contraire.

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Henrique
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Messagepar Henrique » 21 janv. 2008, 14:03

KORTO a écrit :Merci de me permettre de revenir sur ce dossier de l'enseignement de la philosophie en France car mon sentiment a sensiblement évolué sur ce sujet que j'ai continué à examiner, depuis quelques semaines, seul et avec des élèves et parents.

Dans l'état actuel des choses, vu la pratique des enseignants, vu le contenu des enseignements, vu les acquis des lycéens, je ne pense vraiment pas qu'il faille continuer ainsi et gaspiller des moyens importants pour des heures d'enseignement qui, au mieux, ne servent à rien, au pire, déforment et démolissent quelque chose. Et l'on n'est pas loin du "... quod corrumperet juventutem".



Vous semblez réagir essentiellement par rapport à des faits particuliers. A ne voir que le particulier, au nom du pragmatisme, on tourne vite en rond. Vous aviez manifestement plus de recul auparavant. D'autant plus que vous semblez généraliser abusivement à partir de ces faits que vous avez "vus" et qui mériteraient, étant donnée la gravité de votre propos, au moins d'être explicités et soumis à l'épreuve de la critique. A moins que vous ne fassiez allusion à des "faits" évoqués et déjà critiqués sans répondre quoique ce soit à ces critiques.

Pas de ciguë cependant pour nos 6000 enseignants de philo mais une réorientation, une exploitation plus profitable de leur réel potentiel, en lettres par exemple. Quand on constate l'infini de l'ignorance de jeune lycéen Nepart, par exemple, en orthographe, en lecture, en culture générale, on ne peut qu'être confondu et convaincu de l'utilité d'une telle réforme. Même si l'infinité de ces lacunes peut lui laisser entrevoir la notion d'infini qui le travaille tellement, il vaudrait peut-être mieux commencer par le commencement et s'occuper d'abord des bases et des connaissances "des premiers genres" !


Et pourquoi pas, en suivant votre logique, supprimer l'histoire, les lettres voire même la lecture et/ou toute écriture à propos de choses un peu plus abstraite que remplir un formulaire administratif, quand on voit comment tant de nos élèves ne savent pas se concentrer plus d'un quart d'heure sur une question un peu abstraite et ne connaissent pas les bases mêmes de vie en société (à commencer par la politesse) ? Il serait plus profitable de leur faire faire des exercices où ils apprendraient à se discipliner ! Et après tout, la société n'a pas besoin de gens qui sachent raisonner, que l'on fasse étudier un peu de philosophie à ceux qui ont vocation de la conduire - car nous savons bien que la démocratie n'est qu'un leurre pour faire croire au peuple qu'il s'autodétermine - soit, mais ce qu'il nous faut en masse, ce sont des fonctionnaires qui fonctionnent et des employés "employables", c'est-à-dire malléables et corvéables !

Si au contraire, vous faites de la "civilisation" avec notre cher président (civilisation renvoyant à culture, ce qui en français signifie essentiellement le développement de la puissance humaine de comprendre et d'être affecté), à la fois le moyen principal et au moins un des buts de la vie en société, alors ne faites pas porter à la philosophie des fautes qui ne sont pas les siennes. Ce n'est pas de la faute de la philosophie si dans une société de consommation et de spectacle, le développement de l'intelligence et des moyens d'échanger autre chose que des intérêts sensibles, est si peu valorisé. Ce n'est pas de la faute de la philosophie si depuis une trentaine d'années, on a ajouté en primaire des cours d'anglais, d'informatique, d'écologie en trouvant même le moyen, merci MM. Fillon et Darcos, de supprimer une demi-journée d'enseignement à partir de l'année prochaine, réduisant ainsi à peau de chagrin le temps qui était imparti et de fait nécessaire à l'orthographe et à l'apprentissage de la lecture dans cette langue belle et difficile qu'est le français.

Ce n'est pas de la faute de la philosophie si, au nom du concret, on n'apprend presque plus à démontrer en mathématiques, se contentant de demander aux élèves d'appliquer des formules toutes faites à des cas particuliers. Ce n'est pas de la faute de la philosophie si l'enseignement des lettres a de fait abandonné tout objectif de formation du jugement critique, se contentant d'exiger des élèves, pour avoir la moyenne, d'appliquer mécaniquement des techniques d'analyse de texte ou d'écriture qui dispensent de la compréhension et de l'interrogation du sens.

Certes, une année de philosophie en fin de parcours secondaire ne peut guère suffire à remédier à l'étendue des difficultés mais la supprimer ne fera que conduire à s'aveugler un peu plus sur les solutions qui consistent à baisser toujours un peu plus le niveau. Seule la philosophie a résisté aux injonctions politiques conduisant à réduire le niveau de réflexion pour augmenter les chiffres au bac. On ne guérit pas d'une fièvre en cassant le thermomètre.

Quant à Nepart, son niveau en orthographe et sa culture générale ne sont pas catastrophiques, même s'il y aurait des améliorations importantes à souhaiter, pas catastrophiques et loin de là pour un élève de Terminale scientifique, qui pour avoir le bac avec mention, peut très bien vivre en faisant plus d'une faute d'orthographe à chaque phrase ! Et en plus il témoigne d'un sens du questionnement et il fait preuve d'une suite dans les idées rare à une époque où même les politiques cèdent à l'autozapping permanent pour complaire à une foule décébrée par la télé "réalité".


Appelons un chat un chat, même si je dois encore me faire traiter d'amuseur, de bouffon, d'âne... par de doctes forumeurs sans doute un peu piqués au vif dans leur béatitude spinozienne.


Un chat est un chat et un bouffon est un bouffon. Celui qui sur un fil de discussion cherche systématiquement à faire de la provocation pour changer de sujet, parlant des intervenants pour les ridiculiser plutôt que du sujet abordé, c'est un bouffon. Les bouffons publics ont une utilité, comme les fous du roi autrefois, ils nous permettent de ne pas nous prendre trop au sérieux mais de temps en temps les bouffons se prennent des coups de pieds au cul, notamment quand ils finissent eux-mêmes par se prendre un peu trop au sérieux dans leur tâche de désacralisation systématique. Ne pas se prendre au sérieux sur une question est une chose, la traiter systématiquement sur le ton de la plaisanterie, ne rien faire de sérieux sur ce sujet, en est une autre, qui est encore une façon de se prendre au sérieux, quoiqu'à l'envers.

Les heures de philo en lycée sont inutiles et souvent nuisibles : bien-pensance-pensée unique, freudo-marxisme obligatoire aujourd'hui recyclé en Spinozisme à tous les étages, discrédit des valeurs culturelles et morales et du patrimoine occidental et national, culpabilisation, imitation de Vincennes-Paris VIII, parades philosophiques et happenings des profs en mal de séduction, discours abscons et autistes de profs barrés dans leur trip perso dont on voit les traces sur ce forum, désintérêt des syndicalistes, carriéristes, dépressifs...
Autant d'attributs des cours de philo pas forcément exclusifs les uns des autres.


Reprendre quasiment mot pour mot des arguments, déjà réfutés et pourtant sans procès d'intention, en se contentant seulement de les radicaliser, d'en expliciter un peu les intentions, cela ne prouve strictement rien. J'ajouterai, au cas où je l'aurais pas déjà dit que si vous connaissiez un peu mieux la sociologie des 6000 dont vous parlez, vous sauriez que Kant, Hegel, Heidegger et les idéalistes plutôt conservateurs y sont une référence beaucoup plus majoritaire que Spinoza, Marx et Freud.

Enfin il est amusant de vous voir citer les propos d'un hypokhâgneux qui se plaît manifestement plus à faire des phrases stylées qu'à comprendre ce qu'il écrit lui-même - sans doute par nécessité de délassement - élève donc qui parle des discours incompréhensibles de son prof spinoziste. C'est amusant car après nous avoir dit que le spinozisme serait le cheval de Troie du marxo-freudisme, vous citez l'exemple d'un enseignant faisant manifestement beaucoup référence à Spinoza dans ses cours mais qui ne nous a justement pas fait mystère il y a peu que politiquement il était pour une droite décomplexée tout comme vous et même pour un certain élitisme (les hypokhâgneux étant triés sur le volet) sur le plan intellectuel, sans doute favorable donc à une philosophie réservée aux élites de la nation.

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Korto
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Messagepar Korto » 21 janv. 2008, 16:23

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Pej
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Messagepar Pej » 21 janv. 2008, 17:37

Décidément, je n'arrive absolument pas à faire le lien entre vos descriptions et la part de réalité que je suis à même d'observer. Ni Marx, ni Freud, ni Spinoza ne font partie des références adulées par la dizaine de profs de philo dont je connais assez précisément le travail. De même, vous semblez voir derrière le professeur de philosophie un anti-clérical viscéral. Je ne nie pas que ce puisse être le cas, mais je doute que dans le cadre de la classe il puisse donner lieu à l'athéisme virulent que vous semblez condamner.
Pour ma part, les réflexions des élèves dans mes classes sont plutôt du genre : "Mais enfin monsieur, une femme vierge qui a un enfant, c'est n'importe quoi !" ou bien "Dieu c'est pour les bouffons", réflexions qui m'obligent à prendre la défense d'une foi qui, n'en déplaise à certains, doit être respectée (bref faire du Sarko quoi, ce qui est un comble).
Quant au cours sur le travail, là encore nul besoin de fustiger les grands patrons voyous et l'exploitation du capital, les élèves s'en chargeant eux-mêmes et de façon souvent virulente. Le prof de philo, qui sait toujours faire du juste milieu son credo, se fait alors le défenseur des positions de Smith et Hayek, comme quoi...
Par ailleurs, j'ai appris la semaine dernière à mes élèves ce que signifiait le mot "pragmatique", ainsi que le mot "conjoncture", ou encore "insurrection". Certes, ce n'est pas réellement ce que l'on pourrait appeler "faire de la philosophie", mais bon, cela les aidera certainement à mieux penser, et en tout cas à, enfin, comprendre quelque chose aux discours de notre chez Président.

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Louisa
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Messagepar Louisa » 21 janv. 2008, 18:02

Pej a écrit :Un des problèmes essentiels de l'enseignement de la philosophie en France, c'est qu'un élève n'aura suivi (sauf redoublement) qu'un seul cours de philosophie, avec un(e) seul(e) professeur. Et il est vrai que si l'enseignant n'est pas à la hauteur, il laissera une trace indélibile et parfois dévastatrice pour la discipline. Assurément, la description que donne Korto de l'enseignement de la philosophie prouve qu'il n'a pas eu de chance pour sa part (heureusement, ce type de préjugés reste encore minoritaire, du moins si j'en crois l'avis des élèves que je côtoie).


KORTO a écrit :Personnellement, je n'ai pas eu une malchance excessive avec ma prof de philo. Elle était belle, classe, consciencieuse, intelligente, parisienne, un peu mystérieuse et pas trop gauchiste autant qu'il m'en souvienne. J'ai encore, là, à l'intérieur d'un Rabaudy et Roland, les reprographies à l'alcool de passages de l'Éthique et du TTP, qui ont fait le tour du monde, le tour du temps...
Non, pas de traumatisme de ce côté-là. Mais du Freud, du Marx, du Spino, que ça, que ça. Pas d'apprentissage réel de la philo, des enjeux, du questionnement, de l'histoire, de la structuration de l'analyse, de l'argumentation, de la construction de la réponse. Et il ne m'est rien resté de ce drôle de monsieur Freudmarxspino et de cette année. Rien. Et pourtant j'étais pas trop con ni branleur. Toutes mes découvertes en philo, je les ai faites seul, un peu plus tard.
Je ne crois pas être très injuste. Je ne la hais point la belle Sophie ! Ses cheveux blonds et son calme spinozien rayonnent encore un peu, là-bas, tout au loin...


tel que tu le décris, Korto, il faudrait en effet dire que tu n'as pas eu une "malchance excessive", au sens où si je me base sur ce que j'ai moi-même eu comme cours de philosophie (pas en France, néanmoins), je peux dire exactement la même chose: souvent profs assez sympas, mais aussi TRES souvent une lacune énorme quand il s'agit de l'apprentissage de la philosophie en tant que pratique.

Dans beaucoup de cas, on se limite, en tant que prof, à donner cours sur les auteurs qu'on aime soi-même, et hélas assez souvent on part du préjugé que les aimer suffit pour en faire non plus des philosophies mais des vérités absolues sur le monde. Cela implique non seulement que l'on ne lit plus les autres philosophes (d'autre part, on ne peut pas et avoir une lecture approfondie de la philosophie et voir sur une année tous les grands philosophes), mais surtout que l'élève n'est confronté qu'avec un DOGMATISME (qui souvent va de pair, comme tu le dis, avec une tendance à ridiculiser tout ce qui pense autrement), qui n'a plus RIEN à voir (comme vient de le dire ici Henrique) avec la pratique philosophique.

Ce dogmatisme est d'autant plus révoltant si le prof en question défend une vision du monde à laquelle de prime abord on n'adhère pas (ce qui s'est souvent produit dans mon cas également). Car non seulement on n'y apprend pas à argumenter et donc à défendre son propre point de vue (ce qui te laisse assez désarmé devant un prof, tout en sentant que ce qu'il dit ne peut être la vérité ultime des choses), on n'apprend pas non plus à "entrer" dans la philosophie elle-même, et donc à comprendre l'intérêt proprement philosophique des philosophes avec qui au début on semble avoir peu en commun. Bref, on n'apprend pas du tout à considérer la pensée en tant que pensée. Donc en ce sens: oui, 200% d'accord avec toi Korto ... .

Quant aux solutions à ce problème (problème qui à mon sens semble se poser vraiment partout, et donc est propre aux cours de philosophie en tant que tel, au sens où il s'agit d'un risque que l'on retrouve peut-être moins dans les autres cours ... . La cause en est peut-être que l'on peut assez facilement devenir "diplômé en philosophie" SANS avoir appris à philosopher, chose qui est plus difficile à faire en maths, français etc ... ):

Pej a écrit :C'est pourquoi l'introduction de la philosophie en classe de Première, à commencer par la Première Littéraire, enseignement couplé pourquoi pas avec le Français (je me rappelle qu'en cours de français, on réfléchissait déjà sur des sujets de société et que s'effectuait un apprentissage de l'argumentation) devient à mon avis de plus en plus indispensable.


KORTO a écrit :Alors, les gamins que ça gave d'apprendre la philo, les profs que ça gave d'enseigner honnêtement et rigoureusement la philo, stop. On arrête. C'est pas dur !
Option philo pour les volontaires, les motivés. Redéfinition des contenus et des évaluations. Allongement du cursus.
Moi j'ai un gamin qui va arriver au lycée. Honnêtement, sincèrement, j'aime autant qu'il fasse pas de philo dans le cadre actuel, avec un zigoto qui lui serinera que Dieu, les patrons, le travail, les valeurs, la nation, la droite, Sarko ... c'est des passions tristes, des superstitions et des conneries pour les cons, pour son con de père.


j'avoue que je ne crois ni entièrement à la solution proprosée par Pej, ni vraiment à celle proposée par Korto non plus. Je crois qu'effectivement, comme le dit Pej, limiter les cours de philo à une seule année a comme grand désavantage que l'élève dépend excessivement de la qualité d'une seule personne pour avoir ne fût-ce qu'une idée de ce que c'est que la philo. Puis, quoi qu'on en dise, une pratique philosophique est une chose DIFFICILE. On ne saurait jamais l'apprendre sur une année seule. Si donc l'on trouve que l'activité philosophique est hautement importante (ce qui est mon cas), alors il faudrait d'abord déjà en faciliter l'accès, en donnant de la philo de façon obligatoire à toutes les années du secondaire.

D'autre part, je crains qu'aussi longtemps qu'on confond philosophie et "argumentation sur des questions de société", le problème que dénonce Korto ne peut jamais être résolu. C'est confondre la philosophie et le débat d'opinions. Ce dernier est bien sûr tout à fait crucial dans une démocratie, et donc doit s'apprendre à l'école. Mais en effet, comme le dit Pej, on peut faire cela dans beaucoup de cours, notamment dans le cours de Français. On n'a point besoin de quelqu'un qui maîtrise réellement la pratique philosophique pour mener ces débats d'opinion. Il faut simplement quelqu'un qui a l'honnêteté de reconnaître la contingence de sa propre opinion et de ne pas l'imposer à l'ensemble de la classe comme étant l'un ou l'autre "savoir acquis" que les élèves doit apprendre à restituer tel quel, puis qui sait modérer un tel débat d'une façon "juste" (droit de parole égal à tous, respect d'opinions différentes, ...).

Si en revanche on trouve que la philosophie consiste essentiellement à faire bouger la pensée, à apprendre à concevoir le monde autrement que ce que l'on fait spontanément/d'habitude, voir à créer soi-même une toute nouvelle façon de concevoir certains problèmes conceptuels (liés à des problèmes de société, bien sûr) - bref, tout ce qu'on trouve déjà chez le fondateur de cette discipline, Platon - alors il faut vraiment faire des études prolongées pour d'abord soi-même apprendre à pratiquer cette discipline avant de pouvoir accompagner d'autres sur ce chemin. La première chose à apprendre en faisant ces études, c'est de pouvoir prendre du RECUL par rapport à ses propres opinions (après il y a effectivement toute la "technique" propre à la pratique philosophique, au "maniement" et à la fabrication des concepts).

Or débiter la doctrine d'un philosophe comme s'il s'agit d'une vérité absolue parce que celle-ci semble superficiellement correspondre à sa propre opinion ... quoi de moins philosophique ... ? Du coup, cela ne peut que provoquer une Haine chez l'élève qui par hasard pense différemment, a d'autres habitudes de pensée, voire a fait d'autres choix "argumentés" par rapport à des problèmes sociaux concrets. Haine pour les auteurs qui ont été utilisé par le prof pour donner du "poids" à ses propres opinions, ou, dans le pire des cas, Haine de la philosophie tout court.

Mais donc je crains que l'essentiel du problème se trouve bel et bien à l'université - car on voit exactement le même phénomène chez certains professeurs d'université (qui ne défendent que leur propre opinion, et n'introduisent pas du tout à la pratique philosophique). C'est pourquoi je disais qu'il est peut-être simplement le risque propre à la philosophie en tant que telle. C'est ce qu'à mon sens Schopenhauer a très bien expliqué dans son Au-delà de la philosophie universitaire:

Schopenhauer a écrit :En tant que science, elle [= la philosophie] n'a nullement à s'occuper de ce qui peut ou doit être cru: elle n'a qu'à s'occuper de ce que l'on peut savoir. Même si ce savoir différait du tout au tout de ce qu'il faut croire, la foi n'en subirait aucun préjudice; elle est foi précisément parce qu'elle renferme ce que l'on ne peut pas savoir. Si l'on pouvait savoir même cela, la foi serait quelque chose de tout à fait inutile et même ridicule, à peu près comme si l'on plaquait sur les questions mathématiques une doctrine religieuse. Si l'on a la conviction que la vérité pleine et entière est contenue et exprimée dans la religion du pays, il faut s'y tenir et s'abstenir de toute philosophie.


Si donc on craint que la philosophie donnée en secondaire ne peut que se réduire à ce que Schopenhauer appelle ici une "religion" (où l'on croit, en tant qu'enseignant, que la vérité "pleine et entière" est contenue dans un courant philosophique spécifique ET que c'est cette croyance elle-même et non pas la compréhension de ce qu'il y a de philosophique dans ce courant qu'il faut essayer de faire passer), alors en effet, comme tu le dis, Korto, il vaut mieux dire qu'il ne s'agit plus de philosophie là, et donc abolir les cours de philo ou les rendre optionnels. Or je ne crois pas que nous en sommes déjà là. Il y a également de TRES bons enseignants de la philo (j'en ai eu, heureusement), des gens qui savent réellement apprendre aux élèves ce que c'est que la philo, et qui n'en font pas du tout une religion, alors il me semble qu'il faut absolument essayer d'augmenter l'accès à ce type de pratique, au lieu d'en restreindre l'enseignement partout.
Bien à vous tous,
louisa

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Messagepar Korto » 22 janv. 2008, 01:24

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Messagepar Henrique » 22 janv. 2008, 01:30

Combien je me reconnais dans ce que raconte Pej, je saurais à peine le dire. Car ce qui m'intéresse dans mon enseignement, ce n'est certainement pas de former des petits perroquets spinozistes. Il faudrait vraiment n'avoir rien compris à Spinoza pour désirer un tel résultat. Je préfère 1000 fois un idéaliste ou un empiriste qui raisonnent à un pseudo-spinoziste qui répète sans comprendre. Mais contribuer à la formation de gens capables de jugement critique, d'abord vis-à-vis de leurs propres opinions non-interrogées, ce qui est la base de tout jugement critique, voilà qui m'intéresse. C'est ce qui m'amène régulièrement comme Pej à combattre le relativisme absolu, la tolérance athée méprisante vis-à-vis des croyances et cultures différentes, le matérialisme spiritualiste et autres opinions confuses qu'on trouve majoritairement chez nos élèves.

Ce que j'essaye de faire passer, bon an mal an, c'est essentiellement 4-5 choses, qui reviennent à prendre le contrepied des habitudes mentales des élèves auxquels je peux avoir à faire, histoire de susciter un peu d'éveil intellectuel :
1) Penser par soi-même, ce n'est pas penser n'importe quoi, n'importe comment pourvu qu'on dise "moi je" toutes les 5 minutes : cours de logique, comment faire un syllogisme correct, apprendre à reconnaître les sophismes et paralogismes.
2) En conséquence, vérité et opinion sont deux choses différentes, qu'il est difficile de toujours bien distinguer, d'où la nécessité du jugement critique plutôt que la solution de facilité qui consiste à les confondre dans une pseudo-tolérance revenant en fait à une ignorance de la pensée de l'autre, ignorance dangereuse pour toute vie démocratique authentique.
3) Les choses relevant de la culture, ce ne sont pas des valeurs relevant du simple goût personnel de chacun, qu'au contraire chacun peut apprendre quelque chose sur lui-même dans tous les grands domaines de la culture, à commencer par la religion.
4) La liberté ce n'est pas juste faire ce qui me plaît quand ça me passe par la tête, cela suppose au contraire savoir se donner des règles et s'y tenir.
5) Si quelqu'un veut critiquer les idées précédentes, en jouant le jeu d'une argumentation travaillant autant que possible sur la définition de ce dont on parle, il y est tout à fait encouragé.

Ces idées forment un tout qui dépasse de loin telle ou telle querelle idéologique sans pour autant les ignorer ou les mépriser, car elles font partie de l'humanité. Ce n'est pas de la haute philosophie et ce n'est peut-être même pas vraiment de la philosophie mais c'est ce que ma formation philosophique me permet d'apporter de mieux à mes élèves à ma connaissance en si peu de temps. Et je trouve cela assez difficile pour trouver un intérêt renouvelé à cette tâche chaque année. En gros il s'agit d'apprendre à se méfier des jugements précipités, à commencer par ceux qui nous paraissent évidents parce que personne ne les a jamais discutés. Et moi aussi, sur les quelques profs que je peux connaître, je n'en ai pas vu qui pensent autrement sur ces questions de fond, au delà des divergences liées à telle ou telle école philosophique. Je veux bien qu'on trouve cela inutile, voire nuisible pour nos chères têtes blondes, mais il faudrait me prouver en quoi. Après, quoiqu'on dise avec Pej ou Louisa, nous savons bien que qui veut tuer son chien dira qu'il a la rage.

Il y peut toujours y avoir des profs moins bons que d'autres, ce qui est le cas dans n'importe quelle discipline. Mais comme il s'agit ici d'apprendre quelque chose, il y a d'abord des élèves moins bons que d'autres : certains qui veulent apprendre - parce qu'ils ont eu la chance d'être encouragés dans ce sens - et d'autres qui n'ont pas eu cette chance. A un élève qui veut apprendre, s'il a eu notamment la chance qu'on ne lui répète pas à la maison que toutes ses difficultés viennent de ses salauds de profs fonctionnaires donc fainéants, gauchistes et ignorants, à cet élève, même un prof cassant, peu pédagogue et pas toujours très clair dans ses cours pourra apprendre quelque chose. Je le sais pour en avoir fait l'expérience au cours de ma scolarité.

Ensuite, il faut se méfier de ce que racontent les jeunes à propos de l'école en général. Aller demander à un élève ce qu'il pense de l'enseignement qu'il reçoit, c'est encore vouloir mettre l'élève "au centre du système éducatif" comme s'il était en mesure d'avoir le recul nécessaire pour en juger. Quand je demande à ma fille en petite section de maternelle ce qu'elle a appris aujourd'hui, elle me répond "oh rien". Eh oui, ce n'est pas évident d'avoir le recul permettant de verbaliser un apprentissage radicalement nouveau, et ce n'est pas en allant pester contre la prof d'école que ça va l'aider. J'ai déjà parlé précédemment de ces élèves qui paraissaient surtout buller en cours de philo et qui 5 ans après, au détour d'une rue, vous ressortent des idées vues dans ce même cours qui ont germées ensuite dans leur tête, peut-être deux ou trois ans plus tard... Enfin, je ne reviens pas sur tout ce que j'ai pu dire précédemment sur les causes et les solutions possibles du problème évoqué dont je ne vois pas le commencement de la moindre objection de fond.

Enfin, il semblerait bien Korto, que je doive me sentir visé par vos plaintes sur les "insultes haineuses" dont vous seriez la victime et contre lesquelles vous ne pourriez vous défendre, vu qu'on vous empêche manifestement ici de vous exprimer librement. Si vous avez été blessé par quelconque de mes propos, je vous prie d'accepter mes excuses. Mais je crains qu'il n'y ait ici surtout un malentendu. Parlons-en en privé si vous le souhaitez et si vous voulez aborder la question de façon plus personnelle ou sur un nouveau sujet qui pourrait s'appeler "questions aux modérateurs" dans "fonctionnement du site" si vous préférez une discussion portant plutôt sur les principes.

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Messagepar Korto » 22 janv. 2008, 02:21

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les enfants s'ennuient le dimanche (Charles Trénet)

Messagepar clopez » 23 janv. 2008, 15:03

Je souhaite apporter ma modeste contribution à ce débat sur l’enseignement de la philosophie et je le fais de manière volontairement provocante. En espérant que les exégètes de Spinoza et les philosophes patentés de l’éducation nationale me pardonneront de cette audace !

Je crois savoir pourquoi les lycéens s’ennuient en cours de philosophie. Je n’ai qu’à me souvenir de mes anciens condisciples en fac de philo. Les plus sérieux, les plus travailleurs, ceux qui ont réussi à obtenir ensuite le Capes ou l’agrég étaient aussi les plus ennuyeux, les plus verbeux et les plus vaniteux ! Ils avaient à peine 20 ans mais observaient le monde avec l’arrogance de ceux qui croient être bien nés. Ils péroraient sur tout, sans rien connaître à rien, sans être jamais sorti des bancs de leurs école ni des jupes de leurs mamans. Ils mettaient un point d’honneur à parler un verbiage alambiqué, car ils pensaient ainsi faire preuve d’intelligence. Ils ne rigolaient jamais, ou alors seulement si c’était sérieux et si cet humour avait été consacré par les sommités intellectuelles du moment. Ils trouvaient Buster Keaton suprêmement marrant, mais méprisait De Funès. Ils avaient bien d’autres particularités sur lesquels je pourrais continuer à déblatérer ! Mais vous aurez compris l’essentiel. Ces jeunes gens faisaient de la philo comme s’il s’agissait d’un pur exercice intellectuel et ils s’en servaient moins pour tenter comprendre le monde que pour s’y affirmer !
Chaque fois que je pense à eux, je me dis qu’effectivement, ils n’ont pu devenir que des prof de philo ennuyeux et rébarbatifs !

elfiremi
a déjà pris quelques habitudes ici
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Messagepar elfiremi » 23 janv. 2008, 15:09

le moins que l'on puisse dire, c'est que le débat est houleux...
Il y a bien des années, avant que je me destine à l'enseignement, je remettais en question la notion de progrès historique, qu'elle soit kantienne ou hégelienne. Je m'étais approché de mon professeur de philo, et je lui avais fais partagé mon pessimisme quant à l'époque ou nous vivons. Il m'a souri et m'a répondu: vous savez, nous avons retrouvé des papyrus datant de 3000 ans avant J-C, et qui contenaient déjà l'idée: rien ne va, tout fout le camps, y a plus de valeurs...
Je crois qu'il faut accepter cette tendance psychologique à déprécier ce qui peut changer et boulverser ce qui nous a vu naître et grandir.
Biensur, nos têtes blondes ne sont pas des puits de sciences, mais somme toute, je ne peux pas dire qu'il n'y a aucun intérêt à enseigner la philosophie en terminal, bien au contraire. Les élèves d'aujourd'hui ont certes bien des lacunes en littérature, mais soyez sûr, si vous en prenez le temps, qque vous serez surpris par la manière dont ils ouvrent les dossiers à leur manière. Sans compter leur compétences dans d'autres domaines, qui pour leur part ne sont pas évalués.
Je ne prêche pas un optimisme,, mais comme je vous le disez Korto dans mon dernier message, j'adopte une posture digne de Machiavel: il s'agit de s'adapter à la seule chose qui mérite notre plus grand respect (au sens d'une adéquation): le réel. On ne peut comparer sans cesse ce qui se passe avec des grands modèles, qu'ils viennent du passé, ou de notre esprit fatigué parfois, je le conçois, de cette béance culturelle et expansive... Il faut accepter ce qu'on a fasse à soi: des éléves bientôt adultes. IL en restera ce qu'il en restera, mais il en reste toujours un peu, peut être même parfois un peu beaucoup.
Mon directeur de recherche, qui a 70 ans, m'a dit un jour cela: acceptez que ce qui vous parait essentiel leur semblera peut être inintéressant, et apprenez à ménager en vous une certaine réception pour laisser place à l'étonnement. Il avait tellement raison...


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